Licenciement pour motif économique

voir également l'étude détaillée au mot "salarié" et le mot PSE plan de sauvegarde de l'emploi

Quelques points de la définition

Généralités

Le signataire de la lettre de licenciement et la date du licenciement

Licenciement en sauvegarde ou redressement judiciaire (période d'observation)

Licenciement dans le cadre d'une cession d'entreprise

Licenciement en liquidation sans poursuite d'activité

Licenciement en liquidation avec poursuite d'activité

Les suites du licenciement

Licenciement pour motif économique et fautes de gestion ayant provoqué les difficultés

Généralités sur le licenciement pour motif économique

L'article L1233-3 du code du travail applicable à compter du 1er décembre 2016 tel qu'il découle de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 67 prévoit 4 causes de licenciement pour motif économique, et dispose:

"Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :

1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.

Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :

a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;

b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;

c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;

d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;

2° A des mutations technologiques ;

3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;

4° A la cessation d'activité de l'entreprise.

La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.

Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants, résultant de l'une des causes énoncées au présent article."

Le signataire de la lettre de licenciement et la date du licenciement 

L'employeur peut déléguer la signature de la lettre de licenciement, y compris après l'entretien préalable, et le licenciement reste valable si le courrier de convocation était signé par une personne non habilitée Cass soc 8 juillet 2020 n°19-15213

Le licenciement prend effet au jour de l'envoi du courrier Cass soc 11 mai 2005 n°03-40650 et Cass soc 26 septembre 2006 n°05-43841, Cass soc 9 janvier 2008 n°06-44897

En sauvegarde et en redressement judiciaire (période d'observation)

Le licenciement de certains salariés peut s'avérer nécessaire en phase de poursuite d'activité, pour permettre le maintien de l'entreprise et des autres emplois.

Que ce soit en sauvegarde ou en redressement judiciaire, la loi permet donc d'effectuer les licenciements qui seront nécessaires pour le succès de la procédure, qui peut passer par une diminution de la masse salariales et donc de l'effectif.

En sauvegarde ces licenciements sont effectués librement, c'est le seul droit du travail qui va s'appliquer. Le licenciement est prononcé par l'employeur

En redressement judiciaire outre l'application du droit du travail, les licenciements  devront être autorisés par une ordonnance du juge commissaire au visa de l'article L631-17 du code de commerce - licenciement pour motif économique urgent, inévitable et indispensable - (il s'agit ici des licenciement pour motif économique, les licenciements pour d'autres motifs ne nécessitant pas d'ordonnance du juge commissaire).

L'ordonnance du juge commissaire, devenue définitive, a autorité sur le caractère urgent inévitable et indispensable des licenciements autorisés, mais ne s'étend pas à la situation personnelle d'un salarié déterminé au regard de l'ordre des licenciements Cass soc 16 septembre 2020 n°19-14078

En présence d'un administrateur judiciaire, c'est lui qui présente requête au juge commissaire (il doit viser l'ordonnance du juge commissaire dans la lettre de licenciement Cass soc 27 mai 2020 n°18-20153 18-20158 ) L631-17 du code de commerce et en l'absence d'administrateur c'est le débiteur L631-21 qui exerce les prérogatives de l'administrateur.

L'ordonnance du juge commissaire ne prive pas le salarié de contester la réalité du motif économique s'il s'avère que l'autorisation a été obtenue par fraude (débiteur qui a transféré l'activité à une autre société ... ) Cass soc 4 juillet 2018 n°16-27922

( sur l'enchainement des délais Vu les articles L. 1233-39 et L. 3253-8 2° du code du travail et l'article L. 631-17 du code de commerce :

9. Aux termes du premier de ces textes, applicable aux licenciements de dix salariés ou plus dans une même période de trente jours, dans les entreprises de moins de cinquante salariés, l'employeur notifie au salarié le licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception. La lettre de notification ne peut être adressée avant l'expiration d'un délai courant à compter de la notification du projet de licenciement à l'autorité administrative. Ce délai ne peut être inférieur à trente jours.

10. Selon le troisième, lorsque des licenciements pour motif économique présentent un caractère urgent, inévitable et indispensable pendant la période d'observation, l'administrateur peut être autorisé par le juge commissaire à procéder à ces licenciements.

11. Selon le deuxième, l'assurance des salariés contre le risque de non-paiement, en cas de procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, des sommes qui leur sont dues en exécution du contrat de travail, garantit les créances résultant de la rupture des contrats de travail intervenant pendant la période d'observation, dans le mois suivant le jugement qui arrête le plan de redressement, dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation et pendant le maintien provisoire de l'activité autorisé par le jugement de liquidation judiciaire, en sorte que, pour que les droits des salariés à garantie de leurs créances nées de la rupture du contrat de travail soient préservés, le licenciement doit être notifié au cours de l'une des périodes fixées par ce texte.

12. Il en résulte que les délais prévus à l'article L. 1233-39 du code du travail pour l'envoi des lettres de licenciement prononcé pour un motif économique ne sont pas applicables en cas de redressement ou de liquidation judiciaire.

13. Pour condamner la société à payer une somme à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, l'arrêt retient qu'il n'est pas discuté que la salariée a été licenciée pendant la période d'observation, au cours de laquelle seuls peuvent être prononcés les licenciements présentant un caractère urgent, inévitable et indispensable, que néanmoins, les dispositions de l'article L. 631-17 du code du commerce, qui prévoient cette hypothèse, ne dispensent pas le mandataire judiciaire et l'employeur de respecter les règles de notification des licenciements autorisés par le juge commissaire, étant précisé que l'article L. 1233-59 du code du travail invoqué par l'employeur ne saurait trouver à s'appliquer en l'espèce dans la mesure où il vise les délais de l'article L. 1233-15 du même code relatifs au licenciement de moins de dix salariés dans une même période de trente jours.

14. Il en conclut que la méconnaissance par le mandataire judiciaire et l'employeur du délai de notification du licenciement économique de la salariée est avérée et constitue une irrégularité de forme de nature à causer un préjudice à l'intéressée qui peut en demander réparation.

15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
) Cass soc 17 mai 2023 n°21-21041

En conséquence d'une cession d'entreprise

Dans le cadre d'une cession d'entreprise, (pour plus de précisions voir ce mot) le cessionnaire pourra concevoir un projet dans lequel l'ensemble du personnel n'est pas repris par lui.

Le processus est alors le suivant :

- Article R642-3 "Les personnes appelées à l'audience au cours de laquelle il est débattu de l'arrêté du plan de cession sont convoquées selon les modalités prévues à l'article R. 626-17. Lorsque le plan de cession prévoit des licenciements pour motif économique, le liquidateur, ou l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, produit à l'audience les documents mentionnés à l'article R. 631-36. Le jugement arrêtant le plan indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées"

L'article R631-36 pour sa part prévoit " 1° Le procès-verbal des délibérations du comité d'entreprise ou des délégués du personnel consultés en application de l'article L. 321-9 du code du travail ; 2° La copie de la lettre informant l'autorité administrative, en application de l'article L. 321-8 du code du travail, du projet de licenciement.. Le jugement arrêtant le plan indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées."

L642-5 "Lorsque le plan prévoit des licenciements pour motif économique, il ne peut être arrêté par le tribunal qu'après que la procédure prévue au I de l'article L. 1233-58 du code du travail a été mise en œuvre. L'avis du comité d'entreprise et, le cas échéant, l'avis du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail et de l'instance de coordination sont rendus au plus tard le jour ouvré avant l'audience du tribunal qui statue sur le plan. L'absence de remise du rapport de l'expert mentionné aux articles L. 1233-34, L. 1233-35, L. 2325-35 ou L. 4614-12-1 du code du travail ne peut avoir pour effet de reporter ce délai. Le plan précise notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement sur simple notification du liquidateur ou de l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, sous réserve des droits de préavis prévus par la loi, les conventions ou les accords collectifs du travail. Lorsqu'un plan de sauvegarde de l'emploi doit être élaboré, le liquidateur ou l'administrateur met en œuvre la procédure prévue au II de l'article L. 1233-58 du même code dans le délai d'un mois après le jugement. Le délai de quatre jours mentionné au II du même article court à compter de la date de la réception de la demande, qui est postérieure au jugement arrêtant le plan. (ce texte est applicable au redressement judiciaire au visa de L631-22)

Lorsque le licenciement concerne un salarié bénéficiant d'une protection particulière en matière de licenciement, ce délai d'un mois après le jugement est celui dans lequel l'intention de rompre le contrat de travail doit être manifestée."

Les salariés dont les postes de travail ne sont pas repris pour lesquels l’article L1224-1 ne jouera pas,. seront donc licenciés pour motif économique par l'administrateur judiciaire

Même si, en conséquence de la cession, le tribunal prononce immédiatement la liquidation judiciaire, c'est bien à l'administrateur judiciaire qu'il incombe de licencier les salariés Cass soc 12 janvier 2016 n°14-13414

L'irrégularité du licenciement expose le cessionnaire a reprendre le salarié Cass soc 28 mai 2015 n°14-14508

En liquidation judiciaire sans poursuite d'activité

La cessation complète d'activité, avérée ou irrémédiable est en soi une cause de licenciement pour motif économique Cass soc 20 septembre 2023 n°22-13485 22-13486 et suivants

En liquidation judiciaire, le liquidateur procèdera au licenciement de la totalité de l'effectif et dispose d'un délai de 15 jours pour l'achèvement de la procédure de licenciement (au delà de ce délai, l'AGS ne prend pas en charge les sommes dues aux salariés article L3253-8 du code du travail , Cass soc 9 novembre 2016 n°15-22767, Cass soc 26 octobre 2017 n°16-22468 Cass soc 3 avril 2002, no 99-43163, Cass. soc 3 avril. 2002, no 99-43492; Cass soc.3 avril. 2002, no 99-44288Cass. soc.20 mars 2007, no 05-41219 ).

L'autorisation du juge commissaire n'est pas prévue par la loi en liquidation judiciaire dès lors qu'en tout état la liquidation judiciaire implique la cessation de l'activité. Le salarié est mal fondé à contester le caractère économique de son licenciement au prétendu motif que le dirigeant aurait géré l'entreprise avec une légèreté blâmable qui aurait conduit à la liquidation judiciaire Cass soc 6 mars 2019 n°17-31149

Pour les salariés "protégés" (représentant des salarié, délégués du personnel ...), le délai de 15 jours est prolongé le temps matériel que les autorisations administratives soient obtenues: pour les salariés protégés, le délai de 15 jours est celui de la manifestation de l'intention de licencier, puisque les formalités administratives sont nécessairement plus longues (cf article L3253-9 du code du travail) (mais encore faut-il que le mandat du salarié, s'il est extérieur à l'entreprise, ait été porté à la connaissance du liquidateur Cass soc 1er juin 2017 n°16-12221 et CE 24 juillet 2019 n°411058 pour un mandat de conseiller prud'hommal) (mais encore faut-il que le liquidateur soit informé du mandat social Cass soc 7 novembre 2018 n°16-24089

En principe les salariés seront dispensés d'exécution du préavis.

En pratique dans les jours qui suivent le jugement de liquidation judiciaire, le liquidateur rencontrera le débiteur pour collecter les informations nécessaires au traitement de l'aspect social. Il pourra également interroger le comptable de l'entreprise, le représentant des salariés s'il en existe un, les délégués du personnel.

Il est impératif que le liquidateur dispose en urgence absolue de l'ensemble des contrats de travail, des fiches de paye, des statuts de la société si l'employeur est une personne morale, du détail des sommes dues aux salariés.

Les cas particuliers doivent absolument être signalés (accident du travail, maladie, maternité, congé parental, apprenti ..) pour être traités dans le respect du droit applicable.

Dans les jours qui suivent, et en tout état avant l'expiration du délai de 15 jours qui suivent la liquidation judiciaire, le liquidateur convoquera les salariés à un entretien préalable de licenciement pour motif économique (un délai de 5 jours ouvrables doit exister entre la première présentation de la convocation (courrier RAR ou remise en mains propres contre décharge)

Plus exactement le délai de 5 jours commence à courir le lendemain de la première présentation du courrier de licenciement Cass soc 10 juillet 2019 n°18-11528 Cass soc 6 septembre 2023 n°21-25001 Cass soc 6 septembre 2023 n°22-11661) et doit être écoulé avant la date de l'entretien, au visa de l'article L1232-2 du code du travail, de sorte que l'entretien a lieu a minima le 6ème jour. Le licenciement sera ensuite notifié (le jour même de l'entretien le cas échéant).

Cependant s'il y a des institutions représentatives des salariés - représentants des salariés ou comité d'entreprise - il n'y a pas d'entretien individuel.

Cet entretien sera également l'occasion pour le liquidateur de faire le point sur la situation individuelle de chaque salarié, mais le salarié n'est pas obligé de s'y présenter.

A l'issue de l'entretien, le liquidateur adresse au salarié sa lettre de licenciement.

Le processus de droit commun doit être respecté, mis à part le délai de droit commun de 7 jours ouvrables entre l'entretien préalable de licenciement (L1233-15 du code du travail) et l'envoi de la lettre de licenciement, qui n'est pas applicable (L1233-59 du code du travail) (ni évidemment le délai de 2 jours prévu pour l'envoi de la lettre de licenciement en cas de licenciement pour motif personnel par l'article L1232-6 Cass Soc 24 janvier 2018 n°16-25998)

En parallèle, le liquidateur calculera les droits des salariés, notamment leur indemnité de licenciement (le cas échéant), leur préavis et leurs indemnités compensatrices de congés payés, qui dépendent de leur date effective de licenciement.

( Il a été jugé que l'annulation par la Cour d'un jugement de liquidation, et l'arrêt qui prononce à nouveau la liquidation en raison de l'effet dévolutif, n'affecte pas la validité des licenciements opérés en application de la première décision de liquidation (annulée) Cass soc 23 novembre 2023 n°20-23640 et 21-13945 )

En liquidation judiciaire avec poursuite d'activité

Durant la poursuite d'activité autorisée les licenciements sont régies par les textes applicables aux licenciements en période d'observation: l'autorisation du juge commissaire est donc nécessaire (l'article L641-10 alinéa 3 renvoie à l'article L631-17 du code de commerce) sur requête de l'administrateur judiciaire.

Si un administrateur judiciaire est désigné, les licenciements lui incombent donc, au visa de l'article L641-10 du code de commerce

Il convient que le jugement de poursuite d'activité précise expressément que l'administrateur reste en fonction, cette précision ne pouvant intervenir a postériori pour valider un licenciement effectué Cass soc 15 novembre 2011 n°10-17015

Les suites du licenciement

Ces licenciement sont des licenciement pour motif économique, les salariés bénéficieront de tous les droits attachés à ce type de licenciement, et la procédure sera très exactement la procédure de droit commun (entretien préalable ...)

L'AGS (voir ce mot) est susceptible, sous certaines conditions et certains plafonds, d'avancer au mandataire judiciaire les sommes nécessaires au règlement des créances salariales.

Voir également priorité de réembauche

Licenciement pour motif économique et faute de gestion ayant provoqué les difficultés

Le conseil d'Etat a été amené à juger :

"que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement présentée par l'employeur est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié ; qu'à ce titre, lorsque la demande est fondée sur la cessation d'activité de l'entreprise, celle-ci n'a pas à être justifiée par l'existence de mutations technologiques, de difficultés économiques ou de menaces pesant sur la compétitivité de l'entreprise ; qu'il appartient alors à l'autorité administrative de contrôler, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que la cessation d'activité de l'entreprise est totale et définitive, que l'employeur a satisfait, le cas échéant, à l'obligation de reclassement prévue par le code du travail et que la demande ne présente pas de caractère discriminatoire ; qu'il ne lui appartient pas, en revanche, de rechercher si cette cessation d'activité est due à la faute ou à la légèreté blâmable de l'employeur, sans que sa décision fasse obstacle à ce que le salarié, s'il s'y estime fondé, mette en cause devant les juridictions compétentes la responsabilité de l'employeur en demandant réparation des préjudices que lui auraient causé cette faute ou légèreté blâmable dans l'exécution du contrat de travail" CE 8 avril 2013 n°348559

Autrement dit, il n'appartient pas à l'autorité administrative de se positionner sur une éventuelle faute de l'employeur.

Cependant, par un très singulier arrêt (Cass soc 24 mai 2018 n°17-12560) la Cour de Cassation considéré que le licenciement pour motif économique fondé sur des difficultés économiques avérées mais dont l'employeur était responsable par ses agissements fautifs était sans cause réelle et sérieuse.

Cet arrêt décale l'appréciation de la notion de cause réelle et sérieuse, en l'espèce existante, mais qui serait invalidée sur l'employeur est responsable de la situation économique qui impose le licenciement.

On veut espérer qu'il ne s'agit que d'un arrêt de circonstance, l'employeur ayant en l'espèce manifestement prélevé des sommes importantes à destination de la holding.

Ce genre de décision n'est absolument pas souhaitable et même l'employeur fautif subi les conséquences de ses erreurs, qui peuvent conduire à une situation au regard de laquelle le motif économique du licenciement est parfaitement réel. D'autres arrêts dans le même esprit ont été rendus le même jour (notamment Cass soc 24 mai 2018 n°16-22881 et suivants) en suite de décisions qui avaient considéré que la liquidation judiciaire de l'employeur ne privait pas le salarié de la possibilité d'invoquer une faute de l'employeur, à l'origine des difficultés Cass soc 14 mars 2012 n°10-28413 et Cass soc 10 mai 2005 n°03-40620 Cass soc 16 décembre 2020 n°19-11125

Un autre arrêt a également été rendu en ce sens (pour en l'espèce refuser la demande du salarié) Cass soc 8 juillet 2020 n°18-26140 ainsi que Cass soc 4 novembre 2020 n°18-23029 qui retient que le licenciement est injustifié si une faute de l'employeur est à l'origine de la menace sur la compétitivité de l'entreprise.

Voir également

- Cass soc 17 mars 2021 n°19-10237 "7. Si la faute de l'employeur à l'origine des difficultés économiques de l'entreprise est de nature à priver de cause réelle et sérieuse les licenciements consécutifs à ces difficultés, l'erreur éventuellement commise dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion ne caractérise pas à elle seule une telle faute.

8. Pour condamner la société Keyria à verser à la salariée une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt relève que, par courriel du 14 avril 2008, le directeur financier de la société Keyria a demandé aux entités de la division Keyria d'inclure dans les résolutions à venir de leurs assemblées et conseils d'administration, des propositions de distribution de dividendes de plusieurs millions d'euros afin de procéder au remboursement des crédits vendeurs et dettes senior de Keyria et, que, si les différents rapports des administrateurs, mandataires et liquidateurs judiciaires versés au dossier expliquent les difficultés des sociétés de la division Keyria par la crise de 2008, force est de constater que les remontées de dividendes des filiales vers la société mère ont fortement diminué les fonds propres de ces sociétés, réduit considérablement leur capacité d'autofinancement et fragilisé ces entreprises exerçant dans un domaine dont l'activité par nature est soumise à des cycles. Il en conclut que ces remontées importantes de dividendes opérées par l'actionnaire ont ainsi provoqué les difficultés financières des filiales et par voie de conséquence celles de la société Keyria dont l'activité était exclusivement orientée vers les filiales et qu'ainsi les difficultés économiques invoquées à l'appui du licenciement résultaient d'agissements fautifs de l'employeur allant au-delà des seules erreurs de gestion.

9. En se déterminant ainsi, sans rechercher le caractère disproportionné et anormal des remontées de dividendes effectuée par l'employeur au regard de la situation économique et financière des filiales et partant la faute à l'origine des difficultés économiques, la cour d'appel a privé de base légale sa décision."

Cass soc 17 mars 2021 n°19-12025 19-12026 et 19-12027 "12. Il ressort en outre de la jurisprudence de la Cour de cassation, que si les juges du fond doivent contrôler le caractère réel et sérieux du motif économique de licenciement au regard des critères posés par l'article L. 1233-3 du code du travail pour autant ils ne peuvent pas se substituer à l'employeur quant aux choix qu'il effectue pour faire face à la situation économique de l'entreprise. La Cour de cassation veille ainsi à ce que dans le cadre de ce contrôle de la réalité et du sérieux du motif économique, les juges du fond ne procèdent pas à une appréciation des choix de gestion de l'employeur (Ass. plén. 8 décembre 2000, pourvoi n° 97-44.219, Bull civ Ass plén n° 11 ; Soc., 8 juillet 2009, pourvoi n° 08-40.046, Bull V, n° 173).

13. Il ressort de cette jurisprudence que dès lors que l'employeur justifie de difficultés économiques réelles et sérieuses, de mutations technologiques, d'une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou d'une cessation d'activité totale et définitive, il ne peut pas être sanctionné pour ses choix de gestion, même lorsqu'ils résultent d'une erreur d'appréciation (Soc., 14 décembre 2005, pourvoi n° 03-44.380, Bull. V, n° 365). Seuls certains comportements fautifs de l'employeur, ne constituant pas une simple erreur dans l'appréciation du risque inhérent à tout choix de gestion, peuvent priver de cause réelle et sérieuse un licenciement de nature économique (Soc., 16 janvier 2001, pourvoi n° 98-44.647, Bull. V, n° 10 ; Soc., 4 novembre 2020, pourvoi n° 18-23.029, publication en cours).

14. Les difficultés économiques ne sauraient être ainsi issues d'une situation volontaire dans laquelle l'employeur « s'était laissé dépouiller par pure complaisance d'une partie importante de son patrimoine et avait ainsi contribué en connaissance de cause à la création de la mauvaise situation financière apparue à l'époque du licenciement » (Soc., 9 octobre 1991, pourvoi n° 89-41.705, Bull. V, n° 402), ou d'une fraude lorsque les difficultés ont été « intentionnellement et artificiellement créées » (Soc., 12 janvier 1994, pourvoi n° 92-43.191).

15. Dans l'arrêt rendu le 10 septembre 2019 (Soc., 10 septembre 2019, pourvois n° 19-12.025, 19-12.026, 19-12.027) refusant de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par la société Keyria, la Cour de cassation a en outre rappelé qu'il n'existait pas de jurisprudence constante selon laquelle un licenciement pour motif économique pourrait être privé de cause réelle et sérieuse en présence d'une quelconque faute de gestion, alors même que celle-ci serait dépourvue de lien de causalité direct et certain avec les difficultés économiques.

16. Il en résulte que la jurisprudence critiquée de la Cour de cassation qui admet, dans le cadre d'un contrôle « a posteriori », qu'un licenciement économique puisse être dénué de cause réelle et sérieuse lorsque l'employeur a commis une faute à l'origine du motif économique invoqué, repose sur des critères suffisamment précis. Elle n'est pas de nature à faire obstacle au droit de l'employeur de licencier et partant à l'effet utile de la directive 98/59.

17. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation de la directive 98/59 du Conseil du 20 juillet 1998, il n'y a pas lieu en conséquence de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle."

A notre avis c'est plus une action en responsabilité qui devrait être menée, mais il n'y a aucune raison d'invalider le licenciement

Ajoutons que l'éventuelle erreur de l'employeur dans l'appréciation d'un risque économique ne prive pas le licenciement de cause Cass soc 24 novembre 2021 n°20-10007 et Cass soc 24 novembre 2021 n°20-12326

Dans le cas où les salariés licenciés sont des salariés protégés, le juge judiciaire (conseil des prud'hommes) n'est évidemment pas compétent pour apprécier l'autorisation administrative de licencier, mais peut statuer sur des dommages-intérêts découlant du licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de la légereté blamable de l'employeur dans la restructuration Cass soc 20 septembre 2023 n°22-13494 22-13495 22-13496 22-13500 22-13501