Condition suspensive / condition résolutoire

Généralités

La condition est un évènement futur et incertain, dont les parties à une convention peuvent décider qu'il est susceptible d'affecter les obligations contractées.

Ainsi dans le cadre d'une convention, une partie peut s'engager à diverses obligations:

- sous une condition suspensive de survenance d'un évènement: tant que l'évènement n'est pas survenu, l'engagement est suspendu, s'il survient la partie sera engagée sans pouvoir se dégager de son obligation et s'il ne survient pas l'engagement est réputé n'avoir jamais existé (article 1304-6 du code civil).

C'est par exemple le cas de la condition suspensive d'obtention d'un prêt dans une proposition d'acquisition.

Dès lors que le bénéficiaire de la promesse de vente justifie du refus des banques sollicitées, d’accorder le financement prévu au contrat, la condition est « défaillie » Cass civ 3ème 24 juin 2014 n°13-17998

Le contractant sous condition suspensive non survenue est donc dégagé de ses obligations et le dépôt de garantie versé doit lui être restitué (Cass Civ 3ème 6 octobre 2010 n°09-69914) dès lors qu’il justifie ne pas avoir obtenu un prêt dans les conditions prévues.

Sauf pour le promettant à démontrer que la défaillance de la condition est du fait de son contractant, il doit lui restituer l’indemnité d’immobilisation qui avait été versée Cass civ 3ème 26 mai 2010 n°09-15317.

Evidemment si la banque propose un prêt pour le montant envisagé, mais à un taux supérieur, la condition suspensive n’est pas réalisée (par exemple pour un taux accepté à 4,95 % alors que la condition visait un taux maximum de 4,6% Cass civ 3ème 11 mars 2014 n°12-28734).

A l’inverse si le bénéficiaire de la promesse sollicite un prête à un taux inférieur à celui mentionné dans la condition, il est fautif et la condition est réputée être réalisée (par exemple prêt demandé à un taux de 4,20 % alors que la condition évoquait un taux maximum de 4,47 % Cass civ 3ème 20 novembre 2013 n°12-29021)

Pour être valable la condition ne doit pas être "potestative" c'est à dire ne pas dépendre de la volonté de la partie qui s'engage, car évidemment cela serait alors lui permettre de ne conforter son engagement que si elle le veut.

- sous condition résolutoire de survenance d'un évènement: la partie est engagée, mais si l'évènement survient, elle sera dégagée et rétroactivement l'engagement sera remis en cause (résolu).

Par exemple une partie achète un immeuble sous condition résolutoire que le voisin de l'immeuble acheté ne lui vende pas son propre terrain: si effectivement le voisin refuse de vendre, la première vente sera résolue (mais d'ailleurs le même effet final peut être obtenu avec une condition suspensive)

Condition suspensive et cessions de biens en procédure collective

La pratique est hostile à présenter aux juges commissaires des offres assorties de condition, car cela a pour effet d'immobiliser un bien, et parfois en cas de jeu d'une condition suspensive, de faire repartir au début le processus de réalisation.

En réalité il faut distinguer à notre avis l'offre de la décision : l'offre peut parfaitement être sous condition  alors qu'il nous semble que la décision judiciaire ne peut être sous condition. (c'est tout autant inconcevable pour les ventes en liquidation que  pour les cessions d'entreprise, au stade de la décision du Tribunal, même si, là encore, au stade de l'offre le maintien d'une condition est concevable, dans certains cas rare des agréments administratifs doivent être données ( par exemple DGAC pour une compagnie aérienne, municipalité pour une concession ...), à condition qu'elle soit levée au moment où le Tribunal statue)

Il semble possible que le candidat indique que son offre est conditionnée par telle ou tel évènement. Par exemple un agrément administratif, un engagement de non concurrence ou tout autre.

Cass com 25 mai 1993 n°91-12773 pour les conditions d'un bail (ordonnance du juge commissaire mais transposable à la cession), Cass com 24 octobre 1995 n°92-17066 (condition d'inventaire et de précision sur la situation douanière), Cass com 14 mai 1996 n°93-18453 pour une autorisation d'exploiter des lits de clinique présentée comme une "condition préalable à la réalisation du plan"

Ainsi, au stade de l'offre le candidat peut soumettre son engagement à l'obtention d'un prêt, d'un permis de construire, d'un agrément, d'un engagement de non concurrence.

La frontière entre la condition admissible et celle qui ne l'est pas tient au caractère sérieux de l'offre : certaines juridictions considèrent qu'une offre sous condition de financement n'est pas sérieuse et la rejettent ainsi, non pas au motif qu'elle est sous condition, mais au motif qu'elle n'est pas "sérieuse".

Enfin la condition qui consiste à contourner la loi ne semble pas applicable : par exemple une condition de maintien d'un salarié, alors que l'ordre des licenciements n'est pas respecté, engage la procédure collective à payer des dommages intérets au salarié injustement licencié, même si la cession a fait droit à l'offre qui comportait ladite condition Cass soc 29 janvier 2008 n°06-42712

Au stade de la décision, le maintien de la condition semble totalement impossible : "Les tribunaux ne retiennent une offre que si elle est pûre et simple. Une offre conditionnelle ou comportant des clauses suspensives ou résolutoires ne peut être admise. Il ne faut pas que la solution arrêtée soit remise en cause par le jeu d'une stipulation qui, le plan à peine arrêté, l'anéantirait"  Lamy Droit commercial n°4207. 

Un jugement sous condition serait contraire au principe de l'autorité de la chose jugée attachée à une décision de justice, qui doit pouvoir être exécutée. Autrement dit le Tribunal statue définitivement, et si la cession qu'il a ordonnée n'est pas exécutée elle donne lieu à résolution

Le tribunal ou le juge commissaire ne pourra donc pas statuer sur une offre qui comporterait des conditions non levées, ni évidemment statuer sous condition. Un jugement est définitif et n'est pas soumis à des conditions (et le juge n'a évidemment aucune qualité pour lever lui même les conditions - par exemple un engagement de non concurrence - Cass Com 17 mars 1998 n°95-21179

N'oublions pas que le plan adopté devrait être résolu.

De même le candidat peut s'estimer délié de son offre et la retirer si les conditions ne sont pas levées Cass com 25 mai 1993 n°91-12773

Cependant on peut rencontrer des situations dans lesquelles par exemple un candidat ne déposera une demande de prêt ou un permis de construire (qui va nécessiter les formalités et des études) que s'il est retenu par le juge commissaire, Parfois d'ailleurs les banques ne reçoivent les demandes de prêts que pour des projets d'acquisition déjà validés par le juge commissaire, ce sur quoi elles ont tendance à inverser le processus. 

Les juges devraient être vigilants pour écarter ces pratiques.

Si le juge a statué alors qu'une condition n'est pas levée ( ce qu'à notre avis il ne devrait pas faire) la Cour de Cassation considère que les conditions mentionnées dans l'offre, même non reproduites dans la décision du juge commissaire, s'imposent: la vente ne pourra se réaliser que si les conditions sont levées, et le liquidateur ne pourra les ignorer pour exiger la signature de l'acte ou solliciter le paiement de dommages et intêrets (Cass com 27 septembre 2016 n°14-22372): ainsi une vente sous condition suspensive en procédure collective est possible, au moins pour les cessions de biens du débiteur en liquidation.

Condition suspensive réalisée avant le jugement d'ouverture et réïtération

Si le débiteur avait par exemple consenti une promesse de vente sous des conditions suspensives qui se sont réalisées avant son jugement d'ouverture d'une procédure collective, la vente est parfaite avant que la procédure collective soit ouverte. Dans ce cas, si l'acte n'a pas été régularisé, le liquidateur n'a d'autre solution que le valider, et évidemment aucune autorisation du juge commissaire n'est nécessaire puisque les conditions de la vente sont déjà arrêtées irévocablement.

Voir les cessions et plus particulièrement les cessions des biens du débiteur