Ordonnance sur requête

Quelques points de la définition

Présentation

Les ordonnances sur requête dans les cas spécifiés par la loi

les ordonnances sur requête non contradictoires : circonstances procédure et décision

la nature de la décision rendue: provisoire

les conditions légales

les recours

la communication de la décision et l'obligatoire basculement vers le contradictoire dans le cadre d'un recours

les effets de la rétractation sur la décision: anéantissement

les effets e la rétractation sur les actes subséquents: anéantissement

Présentation

Les ordonnances sur requête sont de deux nature différentes: dans les cas spécifiés par la loi, et dans les cas où le contradictoire est éludé.

Elles relèvent en principe du Président de la juridiction, mais certains textes attribuent compétence à un autre magistrat.

Les ordonnances sur requête dans les cas spécifiés par la loi

C'est le cas par exemple de l'autorisation d'assigner à jour fixe.

Les ordonnances sur requête "non contradictoires" la décision et la procédure

"L'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse." (article 493 du CPC)

Autrement dit, dans certaines circonstances le juge est saisi par une partie et rend une décision sans débat contradictoire avec une personne à laquelle sa décision sera ensuite opposée.

L'article 494 du CPC précise "La requête est présentée en double exemplaire. Elle doit être motivée. Elle doit comporter l'indication précise des pièces invoquées. Si elle est présentée à l'occasion d'une instance, elle doit indiquer la juridiction saisie. 

En cas d'urgence, la requête peut être présentée au domicile du juge."

(la Cour de Cassation considère parfois que l'existence d'un contentieux est de nature à exclure le recours à l'ordonnance sur requête Cass civ 1ère 15 mai 2013 et encore faut-il qu'il soit expliqué en quoi le requérant n'est pas fondé à appeler la partie adverse Cass civ 2ème 23 septembre 2013 n°12-23387

La nature de la décision rendue: une décision provisioire qui n'a pas autorité

L'ordonnance sur requête dans les cas où elle est rendue "non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse" est une décision privisoire (cf article 493 du CPC) prise à l'insue de celui à laquelle elle sera ensuite opposée. Cette décision ne dessaisit pas le juge qui l'a prononcée, qui peut toujours la rétracter, et n'a pas autorité de chose jugée au principal (Cass civ 2ème 10 décembre 1998 n°95-22146 (et d'ailleurs le juge du fond pourra se prononcer sur la régularité des actes effectés en application de l'ordonnance, même si elle n'a pas fait l'objet de recours (et le juge du fond peut notamment annuler un acte au motif que l'ordonnance n'a pas été communiquée dans les formes de l'article 495 du CPC : Cass Civ 1ère 14 novembre 2012 n°11-18045

Les conditions légales spécifiques à la matière doivent être retenues

Par exemple le décret du 17 mars 1967 relatif aux syndicats de copropriété organise, dans le cas où la copropriété est dépourvue de syndic, la désignation par ordonnance sur requête d'un administrateur provisioire chargé de convoquer une assemblée en vue de la désignation d'un syndic: il n'y a pas lieu à ordonnance s'il n'est pas démontré qu'il n'y a pas de syndic en place (Cass civ 3ème 18 septembre 2012 n°11-20363)

Les recours

L'article 496 du CPC organise les voies de recours contre l'ordonnance:

appel dans 15 jours s'il n'est pas fait droit à la demande (donc par le requérant)

et référé (dénommé dans la pratique référé rétractation) par tout intéressé s'il est fait droit à la requête (mais dans ce cas il n'y a pas de délai Cass civ 2ème 26 novembre 1990 n°89-18207, Cass civ 2ème 5 juin 1996 n°94-12291 Cass civ 2ème 17 octobre 2002 n°01-11536

Le "référé" instauré par l'article 496 du CPC est la consécration de la pratique qu'avaient les magistrats antérieurement, à une époque où le recours n'était pas spécifié par la loi, et qui consistait à préciser dans leur ordonnance qu'elle était rendue "sous réserve qu'il leur en soit référé" : cette pratique était souvent dénommée "réserve de référé" ou "clause de réserve de référé" et ouvrait expressément la voie de recours pour éviter tout débat sur le fait que la loi ne le prévoyait pas.

La procédure est celle du référé - et pas de la requête - 

La communication de la décision et l'obligatoire "basculement" vers le contradictoire et sa sanction

Pour préserver le respect du contradictoire a postériori, l'article 495 du CPC dispose "L'ordonnance sur requête est motivée. Elle est exécutoire au seul vu de la minute. Copie de la requête et de l'ordonnance est laissée à la personne à laquelle elle est opposée."

Le respect de cette obligation (c'est à dire en réalité la signification, car le fait de "laisser" de manière incontestable est une signification) doit être total (Cass civ 2ème 10 janvier 2008 n°06-21816, Cass Civ 2ème 18 novembre 2004 n°02-20713 Cass civ 2ème 13 juillet 2006 n°05-13976 ) et l'acte de signification qui ne mentionnerait pas qu'une copie de l'ordonnance et de la requête a été laissée est affecté de nullité Cass civ 2ème 26 juin 2014 n°13-10370. C'est la minute de l'ordonnance qui doit être communiquée par l'huissier (Cass Civ 2ème 28 mars 1996 n°94-11460) ou une copie exécutoire (Cass civ 2ème 17 mars 2016 n°14-29152 ) et pas une simple copie (Cass Civ 2ème 1er Juillet 1992 n°91-11434. Cette obligation doit être respectée même si la requête a été confirmée par la Cour d'appel et si l'arrêt a lui même été signifié (cass civ 2ème 18 novembre 2004 n°02-20713)

La communication de la seule ordonnance est insuffisante (Cass civ 2ème 1er Septembre 2016 n°15-23326), et même la liste des pièces annexées à la requête doit être communiquées (Cass civ 2ème 6 mai 1999 n°95-21430)

L'absence de "communication" de la requête et de l'ordonnance est sanctionnée par la rétractation de l'ordonnance - évidemment si celui à qui elle est opposée exerce le recours prévu par l'article 496 du CPC - (notamment Cass civ 2ème 9 avril 2009 n°08-12503, Cass civ 2ème 27 février 2014 n°13-10012 , 13-10011 et 13-10010 identiques, Cass civ 2ème 9 avril 2009 n°08-12503, Cass civ 2ème 13 juillet 2006 n°05-13976) mais à condition que le demandeur à la rétractation soit la personne qui se plaint de l'absence de communication: le demandeur ne peut valablement invoquer le défaut de communication à une autre partie qui ne l'invoque pas elle même (Cass Civ 2ème 14 novembre 2013 n°12-26930

De plus le défaut de communication de la requête et de l'ordonnance entraîne également la nullité des actes qui en découlent (voir également le mot nullité) cf Cass civ 2ème 6 décembre 2001 n°99-19894 , Cass civ 2ème 12 octobre 2006 n°05-11301 Cass civ 2ème 4 juin 2015 n°14-17699  Cass civ 2ème 1er septembre 2016 n°15-23326 et Cass civ 2ème 23 février 2017 n°15-27954, y compris si la communication bien qu'effectuée n'est pas préalable à ces actes (Cass civ 2ème 7 juin 2012 n°11-15490 Cass civ 2ème 10 février 2011 n°10-13894)

L'administrateur provisoire ne peut se prévaloir d'aucune qualité pour accomplir un acte de procédure (Cass civ 2ème 24 septembre 2015 n°14-22625 dans un cas de remplacement de l'administrateur provisoire par ordonnance sur requête non communiquée: c'est l'ancien administrateur provisoire qui a qualité) 

L'absence d'effet de l'ordonnance rétractée: anéantissement rétroactif

La Cour de Cassation a déjà affirmé depuis fort longtemps qu'un jugement rétracté ne laissait aucun effet et entraînait annulation par voie de conséquence des décisions qui en sont la suite Cass Civ 2ème 27 juin 1984 n°83-12050. Voir également le mot nullité et la nullité par voie de conséquence.

En conséquence du caractère provisoire de l'ordonnance sur requête, l'ordonnance rétractée après le débat contradictoire qui avait été éludé en raison du recours à la procédure d'ordonnance sur requête, est censée ne pas avoir existé, et ne laisse subsister aucun de ses effets.

Cass Soc 23 octobre 2012 n°11-24609 "la décision ordonnant la rétractation de la désignation par ordonnance sur requête d'un administrateur provisoire a un effet rétroactif de sorte que cette désignation est censée n'être jamais intervenue "

Cass civ 1ère 28 Mars 2013 n°11-11320 "la rétractation de la désignation de M. X... en qualité de mandataire ad hoc de la société ... pour la représenter dans la procédure d'arbitrage emportant anéantissement rétroactif des actes faits par celui-ci en cette qualité"

Cass com 6 décembre 2016 n°15-18088 "les attestations établies en exécution d'une mission confiée à un huissier de justice par une ordonnance de référé qui a été rétractée doivent, faute d'avoir été loyalement obtenues, être écartées des débats": ainsi des actes effectués régulièrement au moment où ils ont été accomplis ne perdurent pas après rétractation de l'ordonnance

Cass civ 2ème 4 juin 2015 n°14-17699 qui approuve une Cour d'appel d'avoir annulé un rapport d'expertise, l'ordonnance sur le fondement de laquelle ce rapport avait été établi ayant été rétracté, "ce dont il résultait que le rapport du technicien établi en exécution de ces décisions ne pouvait produire aucun effet"

Cass civ 2ème 9 Avril 2009 n°08-12503 qui approuve une Cour d'appel "d'annuler le procès-verbal de l'huissier de justice et d'enjoindre à ce dernier de procéder à la destruction des supports contenant les courriels "

Cass civ 1ère 16 mars 2004 n°02-15011 "qu'en annulant (en réalité rétractant) l'ordonnance sur requête du ... et en ordonnant la restitution des documents saisis en son exécution, la cour d'appel, qui n'était saisie que de la validité de cette ordonnance et des opérations subséquentes, a épuisé sa saisine ; que c'est donc sans encourir le grief qui lui est reproché qu'elle n'a pas procédé à l'examen des éléments de preuve obtenus au cours d'opérations de saisie-contrefaçon que l'annulation de la décision les ayant autorisées rendaient nulles "

Cass civ 1ère 6 juillet 1999 n°97-15005 qui casse un arrêt qui avait refusé de prononcer la rétractation d'une ordonnance sur requête et la main levée de l'inscription d'hypothèque prise en verti de cette ordonnance

La conséquence de la rétractation de l'ordonnance sur requête sur les actes effectués en application de l'ordonnance : un anéantissement rétroactif qui s'impose au juge

L'article 495 du CPC dispose que l'ordonnance est exécutoire au seul vu de la minute. (l'article 498 du CPC prévoit que le greffe conserve un double de l'ordonnance)  Autrement dit des actes d'exécution et des actes qui découlent de l'ordonnance peuvent être immédiatement accomplis, alors même que par sa nature l'ordonnance est une décision provisioire.

Aussi, que ce soit en raison de l'absence de respect de l'article 495 du CPC (voir ci dessus) ou pour d'autres motifs, la rétractation de l'ordonnance sur requête n'est pas sans conséquence sur les actes qui ont été effectués sur le fondement de l'ordonnance anéantie.

La Cour de Cassation a pris fermement position pour l'anéantissement - plus précisément la nullité - de ces actes qui n'auraient pas existé sans l'ordonnance rétractée, et sur le fait que la rétractation de l'ordonnance a pour effet l'effacement de la décision et de ses suites

- Cass civ 2ème 9 avril 2009 n°08-12503 pour un procès verbal d'huissier

- Cass civ 2ème 4 juin 2015 n°14-17699 qui annule rapport d'expertise et fait défense de le produire dans toute instance, en précisant qu'en conséquence de la rétractation cet acte "ne pouvait produire aucun effet"

- Cass civ 2ème 26 septembre 2013 n°12-23387 qui approuve la Cour d'appel qui, rétractant une ordonnance, a déclaré nulles les opérations qui en découlent

- Cass civ 2ème 23 février 2017 n°15-27954 (précité) qui se prononce sur la compétence du juge de la rétractation pour statuer sur la nullité des actes exécutés sur le fondement de l'ordonnance, nonobstant l'argumentation invoquée qui soutenait d'une part que ce juge n'est pas compétent et d'autre part que l'annulation d'un acte pour vice de forme suppose un grief au détriment de celui qui l'invoque, non démontré en l'espèce. L'arrêt écarte cette argumentation et juge expressément "Mais attendu que saisi d'une demande de nullité des mesures d'instruction exécutées sur le fondement de l'ordonnance sur requête dont il prononce la rétractation, le juge doit constater la perte de fondement juridique de ces mesures et la nullité qui en découle"

- La même formulation que dans l'arrêt du 23 février 2017 est reproduite dans l'arrêt Cass civ 2ème 5 janvier 2017 n°15-25035, ce qui permet de constater que le juge de la rétractation est compétent pour constater la nullité des actes accomplis sur le fondement de l'ordonnance rétractée, est qu'il est tenu de le faire (en ce sens Jurisclasseur Procédure Fasc 1300-20 ordonnances sur requête n°65 qui précise "Une fois l’ordonnance rétractée, rien ne justifie plus que le requérant puisse tirer un quelconque bénéfice d’un acte obtenu illégalement. Le résultat de la mesure ne pourra pas être utilisé dans une procédure au fond, ni même être pris en considération par un juge, qui se trouve privé de tout pouvoir d’en apprécier la valeur probante. Le résultat de la mesure ne pourra donc, notamment, pas être traité comme un rapport officieux ou amiable (qui, eux, ont été valablement établis par les parties avec leurs seuls moyens, alors que la mesure obtenue sur le fondement d’une ordonnance rétractée n’a pu être mise en oeuvre que par l’exercice d’un pouvoir du juge que la loi lui refusait").

- Cass Soc 23 octobre 2012 n°11-24609 "la décision ordonnant la rétractation de la désignation par ordonnance sur requête d'un administrateur provisoire a un effet rétroactif de sorte que cette désignation est censée n'être jamais intervenue "

- Cass civ 2ème 5 Janvier 2017 n°15-25035 "saisi de la demande de nullité des mesures d'instruction exécutées sur le fondement de l'ordonnance sur requête dont il prononce la rétractation, le juge doit constater la perte de fondement juridique de ces mesures et la nullité qui en découle" . Le juge n'a donc pas de pouvoir d'appréciation et doit prononcer la nullité.