Effets de commerce (dont chèque)

Quelques points de la définition

Généralités

Effets de commerce et procédures collectives

Effet émis avant le jugement d'ouverture de la procédure collective et payé avant

Effet émis avant le jugement d'ouverture de la procédure collective et pas encore payé

L'opposition au paiement en raison de la procédure collective

Pour les virements et paiements par carte bancaire

Pour les chèques

Pour les lettres de change

Pour les billets à ordre

Généralités

L'effet de commerce est un titre qui constate l'existence d'une créance d'une somme d'argent au profit de son "bénéficiaire" (le terme n'est pas juridique) et permet son paiement, le cas échéant à un terme convenu.

Il existe trois grandes catégories d'effet de commerce: le chèque la lettre de change (autrement appelée traite) et le billet à ordre.

Le chèque qui n'est plus réservé aux échanges commerciaux depuis longtemps, a suivi une évolution spécifique: dès lors qu'il est payable "à vue" c'est à dire sans délai ni échéance, il n'est plus possible par principe de le faire "circuler" : antérieurement le chèque pouvait être remis par son porteur (c'est à dire le créancier) à son propre créancier en paiement ... et le chèque pouvait donc circuler .. sauf le cas où il était "barré" ce qui interdisait son utilisation autrement que pour une remise en banque. Désormais le chèque est barré par principe et ne peut plus circuler. Cependant il reste possible de tracer un chèque sur papier libre s'il remplit les conditions et mentions prévues par la loi : c'est ce qu'on appelle parfois un "chèque de casino" qui permet le paiement d'une dette de jeu par un joueur qui n'aurait pas de chéquier sur lui.

Les lettres de change ou billets à ordre peut quand à eux circuler, c'est à dire être "endossés" (signature au dos par celui qui le remet à son propre créancier) au profit d'un tiers qui pourra se faire payer à la place du "bénéficiaire".

 Globalement et de manière très schématique et imagée, la lettre de change est rédigée (on dit tracée) par le créancier (à la différence du chèque qui est rédigé par le débiteur qui donne ordre à sa banque de payer le créancier) dénommé le tireur, qui y indique que le "débiteur" (on dit le tiré) lui doit une somme, payable  à une date convenue. Le tiré peut accepter la lettre de chance, c'est à dire s'en reconnaitre débiteur, et des tiers peuvent l'avaliser (ce qui revient à s'en porter caution). La lettre de change est ensuite remise par le tireur à son banquier, soit à bonne date et il fera les diligences d'encaissement auprès du banquier du tiré, soit dès son "tirage" et dans ce cas on appelle le mécanisme l'escompte: le banque "se porte acquéreur" de la créance à terme matérialisée par la lettre de change et se chargera de l'encaisser pour son compte, et évidemment la banque qui assume l'échéancier va payer cette créance au tireur pour une somme inférieure à sa valeur nominale, fixée en fonction de l'éloignement de l'échéance.

Le billet à ordre pourrait être décrit comme un chèque à terme, là encore de manière très simplifiée.

Les effets de commerce obéissent à des règles très strictes.

Effets de commerce et procédures collectives

Dès lors que l'effet de commerce est représentatif d'une créance d'argent, plusieurs situations peuvent se présenter en cas de procédure collective du tiré (c'est à dire du débiteur) :

- si l'effet est payé avant le jugement, le paiement n'est pas remis en cause : par principe le jeu de les nullités de la période suspecte sont écartés pour le paiement des effets de commerce par l'article L632-3 du code de commerce pour le paiement d'effets échus et en outre l'article L632-1 du code de commerce qui permet de rechercher la nullité de paiements faits autrement que par ... " effets de commerce, virements ..."

Cette validité de principe n'empèche pas des actions en rapport, notamment si, au visa de l'article L632-2 du code de commerce le bénéficiaire avait connaissance de l'état de cessation des paiements Cass com 5 mai 2004 n°00-20089

- si l'effet est émis avant le jugement d'ouverture mais pas encore payé à cette date, la question sera de savoir si le tiré (le créancier ou le banquier escompteur ou encore l'endossataire) peut exiger le paiement malgré l'interdiction de paiement qui découle du jugement (article L622-7 du code de commerce)

En effet le propre de l'effet de commerce est de contenir ordre irrévocable de payer, avec parfois une échéance lointaine, et en tout état un processus qui se déroule dans le temps entre l'émission de l'ordre et sa réalisation effective: c'est en l'espèce le droit "cambiaire" qui va primer et le débat va donc se reporter sur le moment à partir duquel l'ordre est irrévocable (et évidemment sous réserve de la provision), ce qui n'est donc pas la date du paiement (nécessairement postérieur dans notre hypothèse) mais la date de mise en circulation du titre. En effet à partir du moment où l'ordre est jugé irrévocable, sous certaines conditions, le paiement doit être fait même si un jugement d'ouverture d'une procédure collective intervient.

Opposition au paiement en raison de l'ouverture d'une procédure collective

Le code monétaire et financier prévoit la possibilité d'opposition au paiement d'un chèque (article L131-35) ou par carte bancaire (article L133-17 qui toutefois n'évoque pas la sauvegarde) en cas de procédure collective du porteur, ce qui sécurise les opérations sur le fait que le contractant délivrera la contrepartie pour être payé. L'article L511-31 prévoit l'opposition au paiement en cas de procédure collective du porteur

Pour les virements et paiements par carte bancaire

Depuis l'ordonnance de 2009 qui a modifié le code monétaire et financier, c'est le moment à partir duquel la banque a reçu l'ordre de payer qui commande son traitement: l'ordre reçu avant le jugement d'ouverture doit être exécuté après (article L133-8)

Pour les chèques

Pour les chèques, la concrétisation de cet ordre est ce qu'on appelle le transfert de la provision: dès que le chèque est émis (plus exactement dès sa mise en circulation -et plus exactement encore son envoi au créancier Cass com 3 décembre 1991 n°90-13356 Cass com 18 octobre 1994 n°92-20086 - , c'est à dire dès sa remise au créancier), et même s'il n'est pas encore présenté au paiement, la provision est considérée comme étant transférée au bénéficiaire: le jugement d'ouverture de la procédure, intervenu entre l'émission du chèque et son paiement effectif, ne remet pas en cause le transfert de la provision et ne peut donc faire échec au paiement Cass com 18 décembre 1990 n°89-12532  Cass com 16 juin 1992 n°90-19533

Ainsi si la provision existe sur le compte bancaire au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective Cass com 12 janvier 2010 n°08-20241, la banque devra payer le chèque qui se présente après le jugement et les mandataires de justice ne pourront remettre en cause le paiement Cass com 16 juin 1992 n°90-19533.

Le contentieux qui peut exister est donc uniquement relatif à la date d'émission du chèque, pour éviter des chéques antidatés qui viendraient avantager le créancier par rapport aux autres. Il appartient au porteur du chèque d'établir la date d'émission, la date mentionné sur le chèque n'étant qu'une indication et pas une présomption Cass com 17 octobre 1995 n°93-14707 Cass com 31 janvier 2006 n°04-15315 et Cass com 16 juin 1992 n°90-19533 pour un chèque post daté.

Si par contre le chèque est impayé, le créancier n'a d'autre solution que de déclarer créance au passif.

Pour les lettres de change (traites)

La lettre de change repose sur le principe du transfert de la provision: dès que la lettre de change est remise au porteur (en principe), celui-ci a un droit sur la provision qui en réalité est "suspendu" jusqu'à l'échéance (et qui en réalité doit exister à l'échéance et pas avant)

Concernant la lettre de change, tant qu'elle n'est pas acceptée (par le tiré, c'est à dire le créancier) seul le tireur est garant de la provision vis à vis des endossataires ou escompteurs: autrement dit si le tireur a escompté la traite à son banquier, si elle n'est pas acceptée, il en est débiteur et devra payer la banque si le tiré refuse de payer. Le tiré n'est pas engagé cambiairement, c'est à dire au regard du droit des effets de commerce. Seul le tireur est engagé, avec le cas échéant la déchéance du terme s'il est en liquidation judiciaire

A l'inverse si la traite est acceptée (par le tiré c'est à dire le débiteur), comme pour le chèque l'acceptation emporte transfert de la provision et droit exclusif sur celle-ci constituée par le tiré: cependant en cas de procédure collective du tiré, le porteur a certes un droit sur la provision, mais dès lors que l'échéance de la traite et la constitution de la provision est postérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective il subit le concours des autres créanciers. C'est à notre avis là que la notion de transfert de la provision se heurte avec l'impossibilité de revendiquer une somme d'argent sauf affectation spéciale sur un compte spécifique, qui en l'espèce n'existe pas.

Ce n'est donc finalement que dans le cas très marginal où l'échéance et la constitution de la provision sont antérieures au jugement que le paiement devra intervenir après les jugement (s'il n'est pas intervenu avant) sans concours avec les créanciers. Par exemple Cass com 4 janvier 2005 n°01-16827

Si la lettre de change est impayée, le banquier escompteur peut la contrepasser sur le compte du tireur qui la lui a remise à l'escompte, tout en conservant la propriété de l'effet de commerce pour exercer lui même les recours cambiaires Cass com 17 mars 1998 n°95-21435

Le billet à ordre fonctionne comme le chèque.