Prise à partie d'un juge

Généralités

La responsabilité des magistrats est régie par des règles très particulières.

L'article L141-1 du code de l'organisation judiciaire fait une distinction entre

- les magistrats professionnels, dont la responsabilité est régie par le statut de la magistrature (c'est à dire concrètement que le justiciable peut engager la responsabilité de l'état en raison du mauvais fonctionnement du service de la justice, et que le magistrat peut être sanctionné disciplinairement dans le respect des règles de son statut. Dans ce cas le justiciable n'a pas d'action directe contre le magistrat qui tendrait à son indemnisation, mais peut saisir le conseil supérieur de la magistrature d'une faute disciplinaire.

- les magistrats non professionnels (par exemple tribunal de commerce ou conseil des prud'hommes dont la responsabilité est régie par les textes spécifiques et en tout état par ce qu'on appelle la prise à partie, qui tend à rechercher la responsabilité civile personnelle du magistrat concerné, mais étant précisé que les dommages et intérêts éventuellement alloués au justiciable sont à la charge de l'Etat, qui a une action récursoire contre le magistrat.

La prise à partie

Le code de l'organisation judiciaire (article L141-3) prévoit que le juge peut être pris à parti (c'est à dire contesté) dans les cas de déni de justice (c'est à dire s'il ne rend pas de décision) ou "S'il y a dol, fraude, concussion ou faute lourde, commis soit dans le cours de l'instruction, soit lors des jugements

(La concussion est ainsi définie par l'article 432-10 du code pénal "Le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu'elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d'emprisonnement et d'une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l'infraction.

Est puni des mêmes peines le fait, par les mêmes personnes, d'accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires. La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines.")

La procédure de prise à partie est organisée par les articles 366-1 et suivants du code de procédure civile : en deux phases: une première phase consiste à autoriser ou pas la procédure, et la seconde, si la procédure est autorisée, est l'examen de la prise à partie

Phase de décision sur l'autorisation de la procédure de prise à partie

Une requête aux fins d'autorisation de la procédure de prise à partie est présentée, par avocat (article 366-2) au premier président de la Cour d'appel dans le ressort de laquelle siège le juge concerné (article 366-1) qui contient les faits reprochés au juge et les justificatifs correspondants (366-2) . Le président après avis du Procureur Général, vérifie si la demande est fondée et rend sa décision d'autorisation ou de refus de la procédure de prise à partie

Si la procédure est refusée, la décision est susceptible de recours devant la Cour de Cassation dans les 15 jours de son prononcé (article 366-5)

Phase de décision sur la procédure de prise à partie

Si la procédure de prise à partie est autorisée, l'affaire est examinée par deux chambres réunies de la Cour et la décision est portée par le greffe à la connaissance du juge concerné et du président de la juridiction dans laquelle il exerce (article 366-4) et dans ce cas le juge s'abstient de tout acte jusqu'à ce qu'il soit statué

Le requérant assigne le juge à jour fixe, avec copie de la requête, de la décision du Premier président et les pièces. Une copie de l'assignation est adressée au ministère public par l'huissier qui délivre l'assignation (article 366-7)

Il convient également de mettre en cause l'agent du Trésor Public dès lors que l'indemnisation éventuellement prononcée sera à la charge de l'Etat

L'audience est tenue et les parties se défendent elles mêmes et peuvent se faire assister ou représenter selon les règles applicables à la juridiction qui a rendu le jugement à l'origine de la procédure (article 931 du CPC) et la Cour statue après avis du ministère public (article 366-8) à charge de pourvoi en cassation dans les délais et conditions de droit commun

L'état est civilement responsable des condamnations en dommages et intérêts prononcés à raison des faits contre les juges (avec recours contre eux), au visa de l'article L141-3 du code de l'organisation judiciaire