Paiement provisionnel

Le processus de paiement des créanciers est long : les créances doivent être vérifiées, les actifs doivent être réalisés et les frais de justice doivent être liquidées.

Il est évidemment de l'intérêt du créancier d'être payé rapidement, à partir du moment où, nonobstant les tâches administratives à mener dans le cadre de la procédure collective, il est certain ou très probable qu'il sera payé. C'est parfois aussi l'intérêt du débiteur que certains créanciers soient payés rapidement, par exemple quand les intérêts continuent à courir ou que le paiement dégage un tout ou partie les obligations d'une caution.

Les textes prévoient donc plusieurs stades de la procédure où des paiements provisionnels sont possibles

En période d'observation de sauvegarde ou de redressement judiciaire

En cas d'acte de disposition en période d'observation portant sur un bien grevé de sûretés spéciales, l'article L622-8 alinéa 2 dispose : "Le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien. Sauf décision spécialement motivée du juge-commissaire ou lorsqu'il intervient au bénéfice du Trésor ou des organismes sociaux ou organismes assimilés, ce paiement provisionnel est subordonné à la présentation par son bénéficiaire d'une garantie émanant d'un établissement de crédit ou d'une société de financement. "
 

Ce texte est complété par l'article R622- 7 alinéas 2 et 3 "Toutefois, des paiements provisionnels peuvent être effectués dans les conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 622-8. Sur avis du débiteur et de l'administrateur s'il en a été désigné ou, à défaut, du mandataire judiciaire, le juge-commissaire saisi d'une demande d'un des créanciers statue au vu de la déclaration de créance, des documents justificatifs de la déclaration de créance et, le cas échéant, de la garantie prévue au même article. La provision est allouée à hauteur d'un montant non sérieusement contestable en fonction de ces éléments et du rang de collocation de la créance. Sur ordonnance du juge-commissaire, les fonds indûment versés sont restitués sur première demande du mandataire de justice habilité."

On tire de ces texte qu'il ne bénéficient qu'aux créanciers titulaires de sûretés spéciales sur le bien vendu en période d'observation. Il ne semble pas nécessaire que le créancier soit admis, puisque le juge statue au vu de la déclaration de créance.

La motivation spéciale pour dispenser le créancier de présenter une garantie sera à l'appréciation du juge commissaire, mais en pratique est souvent retenue pour les établissements financiers.

Concrètement le juge devra s'assurer que la somme allouée est plausible au regard du rang de la créance et des sommes à répartir, mais par sécurité un éventuel trop versé devra être reversé sur simple ordonnance du juge commissaire (mais il faudra quand même qu'il soit établi que des créanciers de meilleur rang priment le créancier payé par provision).

Ces textes de la procédure de sauvegarde sont rendus applicables au redressement judiciaire par l'article L631-14

Le juge commissaire statue par ordonnance, et pour éviter qu'un paiement soit effectué avant que la décision soit définitive, par exception avec le droit commun, l'ordonnance n'est pas exécutoire par provision   R661-1

Il n'est pas prévu de notification particulière, ni de voie de recours, et c'est donc le droit commun des voies de recours en procédure collective qui s'appliquera (notification par le greffe et recours devant le Tribunal dans les 10 jours), encore que le débiteur serait mal fondé à exercer des recours contre un paiement provisionnel qu'il aurait accepté.

En liquidation judiciaire

L'article L643-3 dispose "Le juge-commissaire peut, d'office ou à la demande du liquidateur ou d'un créancier, ordonner le paiement à titre provisionnel d'une quote-part d'une créance définitivement admise.

Ce paiement provisionnel peut être subordonné à la présentation par son bénéficiaire d'une garantie émanant d'un établissement de crédit ou d'une société de financement.

Dans le cas où la demande de provision porte sur une créance privilégiée des administrations financières, des organismes de sécurité sociale, des institutions gérant le régime d'assurance chômage prévu par les articles L. 351-3 et suivants du code du travail et des institutions régies par le livre IX du code de la sécurité sociale, la garantie prévue au deuxième alinéa n'est pas due."

Ce texte est complété par l'article R643-2 qui dispose "Le juge-commissaire, saisi de la demande d'un créancier sur le fondement de l'article L. 643-3, statue après avis du liquidateur au vu des documents justificatifs de l'admission définitive de la créance dont il est demandé un paiement provisionnel et, le cas échéant, de la garantie prévue au second alinéa de l'article susmentionné. La provision est allouée à hauteur d'un montant déterminé en fonction de l'existence, du montant et du rang des autres créances, dues ou susceptibles d'être ultérieurement dues.

Sur ordonnance du juge-commissaire, les fonds indûment versés sont restitués sur première demande du liquidateur."

Le paiement provisionnel autorisé par le juge commissaire porte donc sur une créance admise (ce qui est une différence par rapport au paiement provisionnel en période d'observation) mais qui n'est pas nécessairement une créance garantie par un privilège ou une sûreté spéciale (ce qui est une seconde différence par rapport au paiement provisionnel en période d'observation). Concernant les voies de recours le droit commun des voies de recours en procédure collective s'applique (notification et délais de recours de 10 jours devant le Tribunal, mais à la différence du paiement provisionnel en période d'observation l'ordonnance est exécutoire par provision (ce qui est logique puisque le créancier est admis, alors qu'en période d'observation il ne l'est pas) 

En pratique les liquidateurs opèrent des paiements provisionnels, notamment à l'AGS sur sa créance super-privilégiée et parfois aux titulaires d'hypothèques, et prennent parfois la responsabilité d'y procéder de leur propre initiative.