Cessions différents modes qui peut être candidat ? Qui peut faire une offre ?

COVID 19

Nous vous proposons deux rédactions distinctes sur l'impact du COVID 19 en l'espèce qui détaillent l'incidence des textes spécifiques sur la matière objet de la présente définition

Synthèse rapide spécial procédures collectives

Analyse détaillée et textes généraux

Généralités

Même si les failles sont toujours possibles, et même si le fait d’avoir été en liquidation n’interdit pas au débiteur d’exercer par la suite la même activité, la loi de 2005 a voulu moraliser les opérations.

Précisons qu'antérieurement à la loi de 2005 il n'existait aucune interdiction pour le débiteur ou ses proches de se porter acquéreur des biens sous l'emprise de la liquidation vendus dans les formes de la liquidation (ventes d'immeubles ou vente des autres biens), la seule interdiction concernant les cessions d'unités de production (article 155 de la loi du 25 janvier 1985) pour lesquelles le débiteur, les dirigeants de droit ou de fait et leurs parents et alliés jusqu'au second degré étaient exclus de la possibilité de se porter acquéreurs.

En outre les textes issus de la loi de 2005 ne sont pas applicables aux procédures ouvertes antérieurement.

Evidemment le rachat du débiteur de ses propres bien est sans intérêt puisqu'il ne ferait pas sortir le bien de l'emprise de la procédure (sans évoquer les questions de dessaisissement).

Par contre le rachat par ses proches (sauf unité de production, c'est à dire cession d'entreprise en liquidation) était possible faute d'exclusion légale (voir notamment Cass com 6 juin 1995 n°93-10273)

Le droit est là pour éviter les situations où, directement ou pas, le même chef d’entreprise reprend ouvertement la même entreprise au mépris des droits des créanciers.

"Ni le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d'acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement, ainsi que d'acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société."

Des restrictions identiques sont posées par les textes en cession d'entreprise (que ce soit en redressement ou en liquidation judiciaire) par l'article L642-3 et à la cession de biens du débiteur en liquidation .

C'est ce que précise l'article L642-20 

Par principe, l’offre ne peut émaner directement ou indirectement du débiteur, des dirigeants, des parents jusqu’au 2ème degré, des contrôleurs, et ces personnes ont interdiction d’acquérir pendant 5 ans tout ou partie des biens cédés.

La sanction est lourde : l’acte contraire est annulé par le Tribunal, à la demande de tout intéressé dans les trois ans de l'acte nul ( ou de sa publication s'il est soumis à cette formalité - article L642-3 du code de commerce)

Concrètement il faudra annexer à l’offre une déclaration d’indépendance. (ce processus de restriction des candidats possibles a été déclaré conforme à la constitution dans un but de moralisation des cessions Cass com 7 juillet 2016 n°14-50066)

L’article L642-3 pose donc un principe et des exceptions. 

-         en matière agricole le tribunal peut déroger à ces interdictions

-         dans les autres cas le tribunal peut y déroger sur demande du Procureur de la République.

Le principe  (applicable depuis la loi de sauvegarde, pour les procédures ouvertes à compter du 01.01.2006)

Le texte (article L642-3 du code de commerce) pose un principe d'interdiction a priori, et la possibilité d'annulation a posteriori, en ces termes :

Ni le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ni les dirigeants de droit ou de fait de la personne morale en liquidation judiciaire, ni les parents ou alliés jusqu'au deuxième degré inclusivement de ces dirigeants ou du débiteur personne physique, ni les personnes ayant ou ayant eu la qualité de contrôleur au cours de la procédure ne sont admis, directement ou par personne interposée, à présenter une offre. De même, il est fait interdiction à ces personnes d'acquérir, dans les cinq années suivant la cession, tout ou partie des biens compris dans cette cession, directement ou indirectement, ainsi que d'acquérir des parts ou titres de capital de toute société ayant dans son patrimoine, directement ou indirectement, tout ou partie de ces biens, ainsi que des valeurs mobilières donnant accès, dans le même délai, au capital de cette société.

Toutefois, lorsqu'il s'agit d'une exploitation agricole, le tribunal peut déroger à ces interdictions et autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinéa, à l'exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l'un quelconque de ses patrimoines. Dans les autres cas et sous réserve des mêmes exceptions, le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinéa par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l'avis des contrôleurs.

Tout acte passé en violation du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci.

Interdiction a priori d'acquérir et de revendre.

"Et attendu, d'autre part, que les interdictions en cause n'ont ni pour objet ni pour effet d'entraîner une privation de propriété au sens de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ; qu'elles écartent les offres d'acquisition de personnes ayant des liens étroits avec le débiteur ou exerçant les fonctions de contrôleur à la liquidation judiciaire en vue d'éviter les fraudes et de garantir une vente au meilleur prix ; que le but ainsi recherché, d'intérêt général, conserve sa pertinence en présence de biens étrangers à l'activité professionnelle du débiteur ; que les dispositions contestées qui, en elles-mêmes, n'affectent pas le droit de propriété du conjoint commun en biens du débiteur, autorisent le tribunal ou le juge-commissaire à décider la levée de toutes les interdictions qu'elles prévoient, sauf en faveur des contrôleurs, de sorte qu'elles ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété du débiteur ou de son conjoint au regard de l'objectif poursuivi" Cass com 18 février 2014 n°13-40071 sur une demande de QPC

Le texte s'applique :

- aux cessions d'entreprise en liquidation (L642-3)

- aux cessions d'entreprise en redressement judiciaire (renvoi par l'article L631-13)

- aux cessions de biens en liquidation qu'il s'agisse de ventes de meubles ou d'immeubles. C'est l'article L642-20 du code de commerce qui renvoi à L642-3 qui pose le principe en liquidation.

( pour les actes de disposition en période d'observation voir le mot)

Une offre ne peut émaner directement ou indirectement du débiteur, des dirigeants (de droit ou de fait Cass com 8 janvier 2020 n°18-20270), des parents jusqu’au 2ème degré, des contrôleurs, et ces personnes ont interdiction d’acquérir pendant 5 ans tout ou partie des biens cédés.

Les mêmes personnes ne peuvent pas se porter adjudicataires d'un immeuble du débiteur vendu aux enchères, ni procéder par voie de surenchère Cass com 3 février 2021 n°19-20616

( les avis sur la question étaient partagés car l'article L322-7 du code des procédures civiles d'exécution (ex article 2205 du code civil) dispose (pour les adjudications d'immeubles) que toute personne peut se porter enchérisseur si elle justifie de garanties de paiement.)

La question reste entière pour les ventes mobilières aux enchères, mais a priori la solution est identique et les proches du débiteur ne devraient pas pouvoir porter les enchères devant les commissaires priseurs

Les restrictions légales sont en effet, a priori, applicables aux cessions effectuées dans les règles de la liquidation, c'est à dire sans qu'il y ait lieu de distinguer entre vente de gré à gré ou vente aux enchères : autrement dit les restrictions pourraient s'appliquer aux ventes aux enchères mobilières et immobilières.

L'alternative est entre la recherche du meilleur prix, et les objectifs de moralité voulus par le législateur.

A priori, si le proche du débiteur est écarté des ventes de gré à gré même s'il est le meilleur candidat, il n'y a pas de raison de le retenir dans une vente aux enchères même s'il est le meilleur enchérisseur : l'objectif de moralité devrait, à notre avis l'emporter.

Les mêmes personnes ne peuvent acquérir les biens dans les 5 ans qui suivent, ce qui a vocation à éviter le recours à des prête-noms, également sous la même sanction de la nullité.

En outre le texte précise que les mêmes personnes ne peuvent acquérir dans les 5 ans des parts de la société qui détiendrait les actifs qu'il leur était interdit d'acquérir.

Un vide juridique existe donc si, dès l'origine, une personne morale est constituée pour la reprise des actifs du débiteur, et si, toujours dès l'origine, le dirigeant détient des parts (surtout minoritaire) de capital de cette personne morale : à la lettre du texte la société ne contrevient pas aux dispositions légales, puisque le dirigeant ne peut se porter acquéreur de parts de la société dans les 5 ans, ce qui ne lui interdit pas d'en souscrire avant la cession.

A priori la morale commande d'exclure ces sociétés de la possibilité de présenter une offre.

Ceci étant? la notion de "personne interposée" visée à l'article L642-3 est appréciée assez sévèrement par la Cour de Cassation, qui considère par exemple qu'une société dont l'ancien dirigeant du débiteur est par ailleurs dirigeant est une personne interposée ... ce qui n'est pas évident à notre avis Cass com 14 décembre 2022 n°20-17782

(relevons qu'une clause de priorité consentie avant le jugement d'ouverture, au profit d'un candidat qui contreviendrait aux dispositions légales, serait sans doute admissible si ses conditions étaient levées avant le jugement Cass com 5 février 2013 n°11-28389 pris a contrario, dans l'esprit de la solution retenue pour les promesses)

Il ne faut donc pas demander à être contrôleur si on envisage ensuite de déposer une offre

Traduction procédurale de l'offre qui émane d'un dirigeant ou d'une personne exclue par la loi

L'offre est irrecevable.

Et si le tribunal passe outre, il commet un excès de pouvoir Cass com 4 octobre 2005 n°04-15060 (ce qui ouvre la voie de l'appel nullité à l'encontre du jugement)

Nullité a posteriori

La sanction est lourde : l’acte contraire est annulé par le Tribunal, à la demande de tout intéressé dans les trois ans de l'acte nul ( ou de sa publication s'il est soumis à cette formalité - article L642-3 du code de commerce)

La juridiction (tribunal ou juge commissaire suivant les cas) peut disposer dès l'origine d'informations justifiant que le candidat soit écarté, s'il est établi qu'il intervient aux fins de permettre in fine à l'ancien dirigeant de se porter acquéreur du bien : dans ce cas, l'offre n'est pas retenu, et la décision doit être motivée pour exposer les raisons de l'éviction du candidat. A ce stade à notre avis le candidat ne peut être écarté sur des suspicions, mais exclusivement s'il est établi et démontré qu'il porte une proposition pour le dirigeant.

Si l'interposition ou la fraude est révélée après que la décision soit rendue, ce recours à l'interposition de personne pour contourner le texte est sanctionné par la nullité Cass com 8 Mars 2017 n°15-22987 pour le cas d'une SCI censée faire écran pour les personnes physiques incompatibles)

Ainsi le tiers (réel) dont il est démontré qu'il a un accord de portage avec le dirigeant, c'est à dire un accord de revente, pour les besoins d'une offre de cession, s'expose à la nullité de la cession. C'est par exemple le cas du dirigeant qui prête des fonds à ses salariés pour qu'ils présentent une offre de cession au nom d'une société dont il bénéficie d'ores et déjà d'une cession de parts : l'interposition est manifeste ainsi que la volonté frauduleuse de contourner les textes Cass com 25 septembre 2012 n°11-23667.

La notion de dirigeant

La notion de dirigeant, qui recoupe toutes les formes sociales (gérant, président du conseil d'administration, administrateurs, membres du directoire, directeur général) s'étend à l'administrateur provisoire (Cass Com 13 novembre 2002 n°99-10631, Cass com 4 octobre 2005 n°04-15060) mais pas à l'associé ou à la filiale. Il n'y a pas de raison de droit d'exclure les associés majoritaires ou la holding (au prétendu motif qu'elle serait dirigeant de fait) même si certaines décisions se sont livrées à ces libertés prises avec le texte.

En effet les restrictions prévues par les textes sont d'interprétation strictes, et par exemple l'ancien dirigeant n'est pas écarté, sauf évidemment cas de fraude (Cass com 23 septembre 2014 n°13-19713). On peut à ce titre imaginer que le dirigeant qui démissionne à la veille de la déclaration de cessation des paiements avec l'intention de déposer une offre, agit frauduleusement, mais encore fait-il démontrer l'intention frauduleuse.

De même les associés ne sont pas écartés par les textes et peuvent se porter acquéreur des actifs du débiteur

Les exceptions :

Il y en a deux de principe en matière de cession d'entreprise:

1 Secteur agricole : sauf les contrôleurs et le débiteur lui-même par un patrimoine en EIRL, les autres personnes visées par le texte peuvent se porter acquéreur. Il s’agit d’éviter des démembrements qui sont souvent la fin des propriétés agricoles. On peut ajouter que l'article L411-35 du code rural interdit dans certaines circonstances la cession du bail rural hors le cercle familial, ce qui s'impose au liquidateur Cass civ 3ème 6 juin 2019 n°18-12667 , sous peine de résiliation.

2 Dans tous les cas, sur requête du Parquet « le tribunal, sur requête du ministère public, peut autoriser la cession à l'une des personnes visées au premier alinéa par un jugement spécialement motivé, après avoir demandé l'avis des contrôleurs »

(voir également les principes de vente)

En matière de cession de biens du débiteur en liquidation judiciaire, les exceptions sont les mêmes, mais la procédure est légèrement différente:

En l'espèce l'article L642-20 procède par renvoi et précise que c'est le juge commissaire qui reste compétent pour accorder les dérogations prévues à l'article L642-3 mais dans tous les cas "Le juge-commissaire statue par ordonnance spécialement motivée après avoir recueilli l'avis du ministère public lorsque celui-ci n'est pas l'auteur de la requête."

Deux cas sont prévus par le texte :

- alinéas 2 et 3 relatif aux biens de faible valeur et aux biens faisant partie d'une exploitation agricole, ou biens qui seront vendus aux enchères pour lesquels toute personne, y compris proche du débiteur pourront porter les enchères

"Le juge-commissaire peut être saisi, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, aux fins d'accorder la même dérogation pour les cessions d'actifs mobiliers de faible valeur nécessaires aux besoins de la vie courante et de biens faisant partie d'une exploitation agricole ainsi que pour la vente aux enchères publiques ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers"

Dans ce cas l'article R642-39 dispose que le juge commissaire est saisi par le ministère public, le débiteur ou le liquidateur, et, à la différence de la cession d'entreprise, le ministère public n'a donc pas le monopole de cette saisine.

Ce même texte prévoit que la vente de gré à gré au profit d'une même personne porte sur un ou plusieurs biens, pour un prix hors taxe, supérieur au taux de compétence en dernier ressort, du Tribunal judiciaire ex TGI, le liquidateur établit un rapport sur ses diligences effectuées pour rechercher des acquéreurs

La question peut évidemment se poser de savoir ce qu'il convient de comprendre par "biens faisant partie d'une exploitation agricole" : on peut considérer qu'il s'agit des biens d'exploitation (matériel) et/ou également des terres et plantations (immeubles). La question n'est pas tranchée mais il semble qu'il n'y ait pas lieu de distinguer, l'esprit du texte étant de faciliter la transmission des bien agricoles dans la famille de l'exploitant.

Si ce raisonnement est suivi, le juge commissaire pourrait être saisi non seulement par le ministère public, mais également par le débiteur ou le liquidateur. Dans la mesure où, en tout état, le ministère public donne un avis, cette procédure reste protectrice des intérêts en présence. 

Enfin la formulation "ainsi que pour la vente aux enchères publiques ou par adjudication amiable des autres actifs mobiliers" est assez obscure, dès lors que le juge commissaire est, par ailleurs et sur le fondement de l'article L642-19 du code de commerce, saisi en tout état pour statuer sur la vente aux enchères de biens meubles. Ceci étant, la formulation est associée à la faculté pour le juge commissaire "d'accorder la même dérogation" et on doit donc comprendre que le juge commissaire pourrait préciser qu'en cas de vente aux enchères ou d'adjudication amiable de meubles, il pourrait autoriser les proches du débiteur à se porter acquéreur.

- alinéa 1 autres cessions, c'est à dire ventes de gré à gré à des proches pour des biens non agricoles qui ne sont pas de faible valeur 

"Les cessions d'actifs réalisées en application des articles L. 642-18 et L. 642-19 sont soumises aux interdictions prévues au premier alinéa de l'article L. 642-3. Toutefois, le juge-commissaire peut, sur requête du ministère public, y déroger et autoriser la cession à l'une des personnes visées à ce texte à l'exception des contrôleurs et du débiteur au titre de l'un quelconque de ses patrimoines."

Dans ce cas le juge commissaire est saisi par le ministère public

 

Voir cession différents modes