Jugement non avenu

Définition

Qui peut l'invoquer ?

Comment l'invoquer ?

L'invoquer dans le cadre d'un recours : totalement à éviter

Cas d'Interruption d'instance : le juge n'est pas dessaisi

Décision non avenue et péremption

Les suites de la décision non avenue

1 Cas d'interruption d'instance

2 Cas de défaut de signification

Définition

Dans certains cas une décision de justice est "non avenue" c'est à dire réputée inexistante.

Par exemple 

- Le jugement rendu par défaut ou le jugement réputé contradictoire au seul motif qu'il est susceptible d'appel est non avenu s'il n'a pas été notifié dans les six mois de sa date (article 478 du CPC) (la notification au représentant d'une partie ne suffit pas Cass civ 2ème 14 avril 1988 n°86-18183, cette décision permettant de relever que la juridiction saisie du caractère non avenu est à même de se prononcer sur la validité de la signification invoquée).

A la lettre du texte, un arrêt de Cour d'appel ne peut pas être réputé contradictoire Cass civ 2ème 26 janvier 2017 n°15-28173, ni un arrêt de la Cour de Cassation Cass civ 3ème 13 octobre 2004 n°02-21444

L'article 478 du CPC ne s'applique pas non plus aux jugements qui ne dessaisissent pas le juge Cass civ 2ème 6 janvier 2005 n°02-19506 pour un sursis à statuer

Le "seul" motif vise donc le seul cas où le défendeur n'a pas comparu et où la décision est susceptible d'appel et ne vise pas le cumul de circonstances défendeur cité à personne bien que n'ayant pas comparu, et jugement susceptible d'appel. Autrement dit, le caractère non avenu est réservé au défendeur qui n'a pas été cité à personne et n'a pas comparu, et ne protège pas le défendeur qui était informé de la procédure par une citation à personne et s'est abstenu de comparaitre. Cass civ 3ème 11 juillet 2019 n°18-13967 Cass civ 2ème 1er juin 1988 n°87-14032 Cass civ 2ème 27 mars 2007 n°06-10020 Cass civ 2ème 23 septembre 2004 n°02-14200 (dans un cas d'indivisibilité du litige)

Il sera précisé que si une partie non défaillante relève appel dans les 6 mois, cela n'empêche pas la partie défaillante d'invoquer le caractère non avenu Cass civ 2ème 27 mars 1996 n°94-14578

- Le jugement rendu nonobstant une interruption de l'instance est non avenu (article 372 du CPC) ainsi que tous les actes effectués Voir par exemple instance en cours et mandataires changement de qualité

Qui peut invoquer le caractère non avenu ?

Dans ce dernier cas, le caractère « non avenu » d'une décision et cette possibilité de confirmation sont expressément prévus par l’article 372 du CPC.

Le caractère non avenue est une mesure de protection de la partie non citée à personne, qui n'a pas comparu, et à laquelle la décision n'a pas été signifiée dans le délai de 6 mois, ce qui peut la priver de la possibilité, par la suite, de la possibilité de réunir des moyens de défense. Seule cette partie peut l'invoquer Cass civ 2ème 28 novembre 1984 n°82-15281 Cass com 20 février 2001 n°97-18491

De sorte que le juge ne peut relever d'office ce caractère (ces décisions précisent également que seul le défaillant peut s'en prévaloir) Cass civ 2ème 17 mai 2018 n°17-17409 Cass civ 2ème 13 janvier 1988 n°86-16636 Cass civ 2ème 12 avril 2018 n°17-16273 ni les parties comparantes Cass com 20 février 2001 n°97-18491, Cass civ 3ème 20 juin 2007 n°06-12569 (Et Cass civ 2ème 14 avril 1988 n°86-17274 en matière divisible  en cas de pluralité de parties)

Par exemple pour l'interruption de l'instance visée à l'article 369 du CPC qui provoque le caractère non avenu Cass com 13 décembre 2017 n°16-21375 Cass civ 2ème 15 avril 2010 n°08-12357 Cass civ 1ère 24 juin 2015 n°14-13436

Et évidemment celui qui l'invoque doit y avoir intérêt Cass civ 2ème 28 juin 2006 n°04-16316 pour un représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan qui a invoqué la péremption d'instance alors que l'instance était interrompue, ce dont évidemment, il ne s'est pas prévalu et que son adversaire ne pouvait invoquer pour éviter ladite péremption. Voir également Cass civ 2ème 27 juin 2013 n°11-23256

Comment faire constater le caractère non avenu ?

Sur le mode de constat du caractère non avenu, ce qui semble acquis est que si dans le cadre d'une instance dans laquelle on lui oppose la décision litigieuse, le bénéficiaire de l'interruption d'instance n'invoque pas le caractère non avenu de ladite décision, il sera réputé avoir confirmé la décision au sens de l'article 372 du CPC (Cass Civ 2ème 28 juin 1989 n°88-15877  Cass civ 2ème 22 novembre 2001 n°99-17875 ).

Il faut donc invoquer le caractère non avenu in limine litis 

Au delà de ces considérations le caractère non avenu peut être invoquée :

- à l'occasion de litiges annexes (Cass civ 2ème 9 juin 1982 n°80-14353 Cass civ 2ème 29 juin 1988 n°87-15171, Cass soc 29 février 2000 n°97-45669,  Cass soc 7 janvier 1992 n°89-15819 

- sans qu'il soit besoin de la faire constater Cass com 29 octobre 1991 n°90-11297

- au stade de l'exécution de la décision en saisissant le juge de l'exécution (a priori du domicile du débiteur cf R232-7 du code des procédures civiles d'exécution) au visa de l'article L213-6 alinéa 1 du code de l'organisation judiciaire. Cass civ 2ème 11 octobre 1995 n°93-14326 Cass civ 2ème 31 janvier 2019 n°17-28369.

- par une demande principale au juge de l'exécution Cass civ 2ème 16 mai 2013 n°12-15101 Cass civ 2ème 10 juillet 2003 n°99-15914 dès lors en effet que la demande tend à faire perdre au jugement son caractère exécutoire. Le juge de l'exécution est en effet manifestement compétent y compris en dehors de toute voie d'exécution Cass civ 2ème 11 octobre 1995 n°93-14326. A priori l'article R121-2 doit recevoir application et "A moins qu'il n'en soit disposé autrement, le juge de l'exécution territorialement compétent, au choix du demandeur, est celui du lieu où demeure le débiteur ou celui du lieu d'exécution de la mesure. Lorsqu'une demande a été portée devant l'un de ces juges, elle ne peut l'être devant l'autre. Si le débiteur demeure à l'étranger ou si le lieu où il demeure est inconnu, le juge compétent est celui du lieu d'exécution de la mesure.".

Le juge de l'exécution saisi d'une demande de constat de la caducité d'un jugement (en l'espèce de liquidation judiciaire) est compétent pour apprécier la validité de sa signification, et l'article 478 du CPC doit recevoir application, non seulement en l'absence de signification mais également en cas de signification nulle (ce que le juge de l'exécution peut constater Cass civ 2ème 11 décembre 2008 n°07-15783 ) Il sera rappelé qu'au visa de l'article 503 du CPP, les jugements ne peuvent être exécutés que s'ils ont été régulièrement notifiés Cass civ 2ème 29 janvier 2004 n°02-15219 

- parfois devant la juridiction qui a statué, après que la nullité ait été constatée dans le cadre d'un recours (il nous semble par contre exclu que la partie "responsable" de la décision non avenue puisse s'en prévaloir pour saisir "directement" la même juridiction pour qu'elle statue à nouveau), encore que comme indiqué ci dessous il faut être prudent en matière de recours.

Ceci étant c'est en principe par voie d'exception que le caractère non avenu est constaté. Il s'agit d'une exception de procédure et non d'une fin de non recevoir. Cass civ 2ème 22 novembre 2001 n°99-17875

C'est cette dernière solution qui semble la plus logique : il n'est pas utile de former de recours contre une décision pour se prévaloir de son caractère non avenu, dès lors qu'elle est inexistante.

Et ce d'autant plus que le caractère non avenu a remplacé la nullité de l'ancien code de procédure civile (ancien article 344 du CPC) qui devait pour sa part être invoquée dans le cadre d'une voie de recours.

Le débiteur opposera - in limine litis Cass civ 2ème 22 novembre 2001 n°99-17875 - ,le caractère non avenu de la décision si on la lui oppose, devant le juge saisi (par exemple le juge de l'exécution) , et la juridiction saisie constatera simplement ce caractère (par exemple Cass civ 1ère 16 janvier 2019 n°18-10279

S'il advient que dans le cadre du litige en cours, la créance est fixée, alors que par ailleurs la demande de relevé de forclusion du créancier est rejetée par le juge commissaire, les deux décisions inconciliables sont annulées au visa de l'article 618 du CPC (pourvoi "La contrariété de jugements peut aussi, par dérogation aux dispositions de l'article 605, être invoquée lorsque deux décisions, même non rendues en dernier ressort, sont inconciliables et qu'aucune d'elles n'est susceptible d'un recours ordinaire ; le pourvoi en cassation est alors recevable, même si l'une des décisions avait déjà été frappée d'un pourvoi en cassation et que celui-ci avait été rejeté. En ce cas, le pourvoi peut être formé même après l'expiration du délai prévu à l'article 612. Il doit être dirigé contre les deux décisions ; lorsque la contrariété est constatée, la Cour de cassation annule l'une des décisions ou, s'il y a lieu, les deux.), faute de recours ordinaire ouverts  Cass com 13 juin 2006 n°04-20400

Constat du caractère non avenu dans le cadre d'un recours : totalement à éviter

Le constat du caractère non avenu dans le cadre de l'exercice d'une voie de recours est assez piégeux et fortement déconseillé.

Il est exact que parfois, dans le cadre du recours (typiquement un pourvoi dans le cas d'interruption d'instance dès lors que l'article 372 du CPC part de l'hypothèse que les voies de recours (ordinaires) sont fermées et la décision est passée en force de chose jugée Cass civ 2ème 6 avril 2004 n°02-17322) la décision est déclarée non avenue.

Cependant l'appel est une voie de réformation ou de nullité, et ne saurait permettre de constater le caractère non avenu. De la même manière l'opposition remet en question la chose jugée par défaut.

De sorte que, a priori l'appel est irrecevable Cass com 20 mars 1978 n°76-12874, Cass civ 2ème 9 juin 1994 n°92-17843, Cass civ 2ème 11 octobre 1995 n°93-14326  et la Cour est incompétente Cass civ 2ème 10 juillet 2003 n°99-15914

Au contraire même, le fait pour le défendeur bénéficiaire du caractère non avenu de relever appel est considéré comme emportant renonciation à se prévaloir de ce caractère non avenu Cass civ 2ème 24 septembre 2015 n°14-20456 Cass civ 2ème 10 juillet 2003 n°99-15914, Cass com 7 janvier 2003 n°99-20846, Cass civ 2ème 24 juin 2010 n°08-20151 Cass civ 2ème 23 septembre 2004 n°02-17882 et il en est de même de l'opposition (Cass civ 2ème 23 juin 2011 n°10-20564 même si l'appel est suivi d'un désistement (qui vaut acceptation de la décision) Cass civ 2ème 15 février 1984.

De même le fait pour le défendeur de signifier le jugement vaut renonciation au caractère non avenu Cass civ 3ème 19 juillet 1995 n°93-19858, Cass civ 2ème 26 juin 2008 n°07-14688

Reste que si l'appel tend à la fois au constat du caractère non avenu (principal) et à la réformation (subsidiaire) il sera recevable de ce second chef Cass civ 2ème 24 septembre 2015 n°14-20456

Ce n'est que si le défendeur non comparant est intimé qu'il peut sans risque invoquer en cause d'appel le caractère non avenu. Cass civ 2ème 26 octobre 2006 n°05-11824

Certains arrêts ont pourtant constaté le caractère non avenu dans le cadre d'appel du défendeur non comparant .

Par exemple un arrêt Cass civ 2ème 10 juillet 2003 n°99-15914 a rejeté le pourvoi contre un arrêt d'appel dans une espèce où la Cour d'appel, saisie de l'appel du défendeur défaillant en première instance, a constaté le caractère non avenu. Le motif du rejet est que le défendeur n'avait pas soulevé ladite incompétence (qui n'a pas été soulevée d'office par la Cour).

D'autres décisions admettent le constat du caractère non avenu dans le cadre d'un recours. Cass civ 2ème 1er juin 1988 n°87-14032 (pourtant appel du défaillant) Cass Civ 2ème 14 avril 1988 n°86-18183 (appel du défaillant) à l'occasion de laquelle en outre la cour d'appel a statué pour invalider une signification du jugement.

De même il a été jugé que dans le cadre d'un recours, la décision non avenue ne peut être annulée ou infirmée, ce qui implique manifestement que l'effet dévolutif ne joue pas sur le fond Cass com 20 mars 1978 n°76-12874 (pour le prononcé d'une nouvelle procédure collective dans l'instant d'appel qui constate le caractère non avenu du premier jugement, Cass civ 2ème 28 septembre 2017 n°15-26640

Ces décisions sont assez contradictoires, sur la possibilité d'invoquer le caractère non avenu dans le cadre d'un recours.

Si le défendeur a relevé appel (et avec les réserves exposées ci dessus), il semble que la réïtération (par le demandeur originaire) doit intervenir par déclaration d'appel (faute de quoi il semble que l'effet dévolutif ne joue pas). En effet la décision non avenue ne peut être annulée ou infirmée, et manifestement l'effet dévolutif ne joue pas sur le fond Cass com 20 mars 1978 n°76-12874 Cass civ 2ème 28 septembre 2017 n°15-26640

Ceci étant ce domaine est très incertain et il n'est pas conseillé de relever appel s'il s'agit de faire constater le caractère non avenu.

Cas d'interruption d'instance: l'interruption ne dessaisit pas le juge

Dans le cas où le jugement non avenu est la conséquence de l'interruption de l'instance dont il n'a pas été tenu compte, et dès lors que l'interruption de l'instance ne dessaisit par le juge (voir interruption de l'instance), la Cour de Cassation précise que les parties sont en l'état dans lequel elle se trouvaient avant la décision "non avenue", et renvoie devant la juridiction qui a, par erreur, rendue la décision non avenue. Cass civ 2ème 6 mars 1991 n°89-15540, Cass com 15 décembre 2009 n°08-19539,  Cass com 26 janvier 2010 n°09-11288  Cass Com 16 janvier 2007 n°05-18356 Cass com 30 juin 2004 n°02-11111 Cass soc 20 juin 2002 n°00-45094 Cass civ 2ème 3 mai 2001 n°99-16812 Cass com 9 juin 1998 n°96-11421

Non avenu et péremption d'instance

Se pose alors la question de la péremption d'instance (voir interruption de l'instance)

Les suites de la décision non avenue

La décision non avenue est avec certitude inopposable à la procédure collective (voir instance en cours) 

Une autre question est de savoir quel est son traitement entre les parties.

Décision non avenue rendue en suite d'une interruption de l'instance

Ce qui a été relevé ci dessus, et que l'interruption de l'instance ne dessaisit pas le juge. 

Ainsi dans le cas où la décision est non avenue en suite d'une interruption d'instance non respectée par la juridiction (ce qui a provoqué le caractère non avenu de la décision) le juge peut donc être saisi à nouveau, au stade procédural où se trouvait l'instance avant l'interruption, puisque seuls les actes postérieurs (y compris la décision) postérieurs à l'interruption sont non avenus, ou évidemment par une nouvelle introduction d'instance Cass civ 2ème 6 janvier 2012 n°10-16289 (dans la limite de la prescription, mais qui a été interrompue par l'assignation initiale Cass civ 2ème 18 décembre 2008 n°07-15091)

Il semble donc que le juge pourrait être ressaisi en dehors de toute voie de recours (dans la limite de la péremption d'instance, qui court du dernier acte valide).

Enfin le caractère "non avenu" du jugement et de tous les actes effectués depuis l'interruption de l'instance, entre les parties, a manifestement les effets d'une nullité qui s'impose au juge qui n'a pas à la constater.

Il s'applique aux conclusions, notifications, requêtes et ordonnances, opérations d'expertise, et y compris aux décisions passées en force de chose jugée (article 372 du CPC).

Décision non avenue (par défaut ou réputée contradictoire) en raison de son absence de signification dans les 6 mois

Dans le cas où le jugement est non avenu au motif qu'il n'a pas été signifié dans les 6 mois de sa date, l'article 478 du CPC prévoit "La procédure peut être reprise après réitération de la citation primitive."

Cette faculté n'est évidemment ouverte qu'au demandeur d'origine Cass civ 2ème 15 mai 2014 n°13-17893 qui doit délivrer une nouvelle assignation (devant la juridiction compétente au jour de la réitération Cass civ 2ème 6 janvier 2012 n°10-16289)

Cette nouvelle assignation doit expressément préciser qu'elle réïtère la première Cass civ 2ème 25 octobre 1995 n°94-10543

Il n'est évidemment pas possible de rependre l'instance par de nouvelles conclusions dès lors qu'elle n'était pas, en l'espèce et par différence avec le cas précédent, interrompue Cass civ 2ème 15 mai 2004 précité)

L'assignation doit être délivrée dans le délai de prescription, qui a été interrompu par la première assignation et qui a recommencé à courir avec le jugement non avenu Cass civ 2ème 18 décembre 2008 n°07-15091 Cass civ 3ème 9 février 2011 n°09-14630

La notion de "non avenue" fait suite à la nullité expressément mentionnée à l'ancien code de procédure civile (article 344), et a, selon la plupart des auteurs l'effet d'une nullité (relative puisque le bénéficiaire de l'interruption peut ratifier l'acte et peut seul invoquer cette nullité).