Classes de parties affectées (ex comités de créanciers)

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, les classes de parties affectées remplacent les comités de créanciers

Et ce par application de l'ordonnance 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant réforme du livre VI du code de commerce et du décret 2021-1218 du 23 septembre 2021

L'ordonnance

Le rapport au Président de la République

Le décret 2021-1218 du 23 septembre 2021

Résumé

Seuils 

Philosophie des classes

Les textes

Organisation

Projet de plan

Vote 

adoption du plan

Refus du plan

 

 

Résumé

Articles 37 et suivants de l'ordonnance qui modifient les articles L620-1 et L 622-10 du code de commerce remplacement des comités de créanciers par des "classes de créanciers" et/ou des "classes de parties affectées" (articles 37 et suivants) notamment en sauvegarde financière accélérée et en sauvegarde (classes de parties affectées : modification de l'article L620-1 du code de commerce) ou en sauvegarde (classes mentionnées .... modification de l'article L622-10

Ces textes modifient intégralement la section 3 du chapitre IV (comités de créanciers) : L626-29 à L 626-34 remplacement par des classes de parties affectées, en raison de la directive européenne du 29 juin 2019 article 9  (le détail sera traité dans le mot du lexique)., création d'une classe des détenteurs de capital auxquels la conversion de leur créance en titres pourra être proposée.

Seuils et conditions de constitution

Pour schématiser, les classes de parties affectées seront constituées en sauvegarde et redressement judiciaire au dessus de seuils fixés par décret, soit en l'espèce (R626-52)

- 250 salariés au lieu de 150 antérieurement, et 20 millions de chiffre d'affaires inchangé,

- mais ajout d'un critère unique de 40 millions de chiffre d'affaires net

(on relève que ces seuils sont ceux de désignation des Tribunaux de commerce spécialisé

et, de manière facultative en deça à la demande du seul débiteur sur autorisation du juge commissaire (L626-29), ou si la société débitrice fait partie d'un groupe dont l'ensemble dépasse les seuils (L626-29).

Les classes seront également constituées obligatoirement en procédure de sauvegarde accélérée quels que soient les seuils (L628-1).

Enfin si des classes sont constitués en sauvegarde, et la procédure convertie en redressement judiciaire avant qu'elles se prononcent, les classes constituées sont conservées (L622-10

Autrement dit, a priori les classes de créanciers concerneront une minorité de procédures.

Philosophie du processus

La notion de classe de parties affectées se calque en partie sur la législation américaine de la faillite qui organise une répartition des créanciers au seins de classes de créanciers. Le nouveau texte inséré dans le code de commerce est la transposition de la directive européenne 2019/1023 et est de nature à harmoniser les législations européennes. 

La loi dite Pacte, 2019-486 du 22 mai 2019, avait habilité le gouvernement à légiférer par ordonnance de manière à procéder à cette harmonisation dans les deux ans. Le texte est donc un peut en retard sur le calendrier.

La différence entre les comités de créanciers et les classes de créanciers repose sur la philosophie du texte : les comités de créanciers regroupaient les créanciers par catégorie (financiers ...) alors que les classes sont plus conçues pour regrouper des créanciers qui par la nature de leur créance, prennent des risques comparables et disposent de créances et d'intérêts similaires.

Par exemple une établissement financier garanti par une sureté ne peut être comparé à un autre qui est chirographaire. 

Enfin, certains créanciers pourtant "affectés" (par exemple créanciers fiscaux) ne faisaient pas partie des comités et étaient consultés selon la forme classique : a priori ils feront désormais partie de la classe des "autres créanciers" sauf évidemment s'ils bénéficient d'une sureté (auquel cas ils feront partie de celle classe)

Les textes

Sur la constitution des classes voir L626-30-2 (applicable à la sauvegarde ) qui dispose

"Le débiteur, avec le concours de l'administrateur, présente aux classes de parties affectées des propositions en vue d'élaborer le projet de plan. En deçà des seuils prévus par l'article L. 721-8, les détenteurs de capital du débiteur, s'ils sont affectés par le projet de plan, peuvent apporter une contribution non monétaire à la restructuration, notamment en mettant à profit leur expérience, leur réputation ou leurs contacts professionnels.

Le projet de plan est transmis aux classes pour être soumis à leur vote. Il ne relève ni des dispositions de l'article L. 626-12 ni de celles de l'article L. 626-18, à l'exception de son dernier alinéa. Le projet peut notamment prévoir des délais de paiement, des remises et, lorsque le débiteur est une société par actions dont tous les actionnaires ne supportent les pertes qu'à concurrence de leurs apports, des conversions de créances en titres donnant ou pouvant donner accès au capital. Ne peuvent faire l'objet de remises ou de délais, qui n'auraient pas été acceptés par leurs titulaires, les créances garanties par le privilège établi au premier alinéa de l'article L. 611-11, ni, le cas échéant les créances garanties par le privilège établi au 2° du III de l'article L. 622-17 et à l'article L. 626-10 nées au cours d'une procédure antérieure. L'article L. 626-6 et le II de l'article L. 626-20 sont applicables.

Un décret précise les informations que le projet de plan doit nécessairement comporter.

Les classes de parties affectées sont convoquées dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Elles se prononcent sur ce projet, le cas échéant modifié, dans un délai de vingt à trente jours suivant la transmission du projet de plan. A la demande du débiteur ou de l'administrateur, le juge-commissaire peut augmenter ou réduire ce délai, qui ne peut toutefois être inférieur à quinze jours.

La décision est prise par chaque classe à la majorité des deux tiers des voix détenues par les membres ayant exprimé un vote.

Sous réserve des dispositions des deux alinéas précédents, la ou les classes de détenteurs de capital statuent conformément, selon le cas, aux dispositions applicables aux assemblées générales extraordinaires, aux assemblées des associés ainsi qu'aux assemblées spéciales mentionnées aux articles L. 225-99 et L. 228-35-6 ou aux assemblées générales des masses visées à l'article L. 228-103. Les dispositions des premier et deuxième alinéas de l'article L. 626-3 et du deuxième alinéa de l'article L. 626-18 sont inapplicables.

Au sein d'une classe, le vote sur l'adoption du plan peut être remplacé par un accord ayant recueilli, après consultation de ses membres, l'approbation des deux tiers des voix détenues par ceux-ci."

Pour le redressement judiciaire, l'article L631-19 permet également à toute partie affectée de soumettre un projet de plan

Organisation

L'administrateur judiciaire organise les classes en fonction des créances antérieures sur la base de critères en théorie objectifs qui doivent refléter une communauté d'intérêt entres les créanciers regroupés dans la même classe (il doit respecter les accords de subordination portés à a connaissance cf R626-55)

On peut d'ores et déjà imaginer à la lecture du texte que des contentieux sont à prévoir sur ces notions particulièrement imprécises et en réalité subjectives et on ne peut exclure que certains créanciers suspectent une organisation des classes conçue pour dégager la majorité espérée.

En tout état trois classes au minimum seront constituées :

- les créanciers titulaires de suretés réelles sur les biens du débiteur. Ils figureront dans la classe ad-hoc pour le montant de leur créance garantie - et seulement pour ce montant - .

A ce sujet on peut supposer que si ces créanciers ont également des créances chirographaires, ils  seront admis, pour ces autres créances, dans une autre classe.

Cependant le texte n'en dit rien et au contraire même évoque "les créanciers" (par exemple L626-30)  plutôt que "les créances" mais il est vrai que l'article L626-30-1 précise que le droit de vote est un accessoire de la créance.

- les détenteurs de capital L626-30 III, en une ou plusieurs classes, dès lors que leurs droits sont affectés par le plan proposé.

- et les autres créanciers.

Dès lors que cette organisation, et les votes qui en découlent, peuvent orienter la solution, l'administrateur soumettra aux créanciers affectés leur répartition entre les classes, lesquels disposeront d'un recours tranché par le juge commissaire L626-30 V, qui pourra également être saisi par le débiteur, le ministère public et le mandataire judiciaire.

Les classes regroupent les créanciers dont le sort est affecté par le plan, selon une appréciation qui relève de l'administrateur judiciaire (L626-30-1).

De sorte que les créanciers dont les droits ne sont pas affectés sont exclus de la composition des classes et/ou les salariés, créanciers alimentaires L626-30 IV, créances de faible montant L626-20-II, créanciers bénéficiant de fiducie sureté pour la partie de leur créance garantie L626-30 V. Le sort de ces créanciers sera donc réglé hors plan (ou en tout état hors le plan proposé aux classes).

Projet de plan

En sauvegarde seul le débiteur peut proposer un plan (L631-19), alors qu'en redressement judiciaire toute partie affectée le peut (L626-30-2)

Vote

Le vote de chaque classe est exprimé par leurs membres en fonction de nombre de voix correspondant à leur créance ou leurs droits affectés (L626-30 cf article 38 de l'ordonnance) , la majorité étant les 2/3 des voix détenues par les membres ayant exprimé un vote (L626-30-2 ordonnance article 39). Avec l'accord des 2/3 (pas de quorum), le vote peut être remplacé par un accord des créanciers (ce qui permet une négociation à bâton rompu)

Le vote a lieu entre 20 et 30 jours après la transmission du plan (délai qui peut être ramené à 15 jours), éventuellement par voie électronique ou à distance (R626-60)

Le vote de la classe des détenteur de capital est exprimé selon les règles de vote aux assemblées générales L626-30-2

Adoption du plan

Vote positif de toutes les classes

Si le plan est voté positivement par toutes les classes, le Tribunal l'arrêtera. 

Le tribunal peut toutefois refuser d'arrêter le plan si celui-ci n'offre pas une perspective raisonnable d'éviter la cessation des paiements du débiteur ou de garantir la viabilité de l'entreprise et il s'assure que les intérêts de toutes les parties affectées sont suffisamment protégés.(L626-31). 

Ces critères, nécessairement imprécis (que ceux qui considèrent que la langue française ne permet pas de trouver les mots adaptés dénomment "best interest test"), promettent certainement de nombreux contentieux.

Vote négatif de certaines classes

Le tribunal peut également imposer le plan voté par certaines classes à des classes qui ont voté contre (L626-32), justement après s'être assuré que le plan ne procure pas aux créanciers auxquels il l'impose un sort moins favorable que celui qu'ils retireraient d'une liquidation ou d'une cession (ce que les mêmes anglicistes dénomment "cross class cram down")

Concrètement le plan devra tenir compte des chances objectives des créanciers en cas de liquidation ou de cession.

Le texte (article L626-31) dispose en effet que le plan est adopté  "Lorsque des parties affectées ont voté contre le projet de plan, aucune de ces parties affectées ne se trouve dans une situation moins favorable, du fait du plan, que celle qu'elle connaîtrait s'il était fait application soit de l'ordre de priorité pour la répartition des actifs en liquidation judiciaire ou du prix de cession de l'entreprise en application de l'article L. 642-1, soit d'une meilleure solution alternative si le plan n'était pas validé"

Ce qui imposera, sauf négociations, à proposer aux créanciers garantis, qui devraient être payés dans de bonnes conditions en liquidation, un règlement a minima égal à ce que leur procurerait la liquidation. C'est le critère dit de meilleur intérêt fixé à l'article L626-31

L'article L626-32 dispose d'ailleurs que si le plan n'est adopté que par une des classes, ce doit nécessairement être une classe différente des porteur de capital et une classe autre que celle des créanciers qui n'auraient aucun paiement en cas de liquidation. Le texte est assez complexe et dispose :

I.-Lorsque le plan n'est pas approuvé conformément aux dispositions de l'article L. 626-30-2, il peut être arrêté par le tribunal sur demande du débiteur ou de l'administrateur judiciaire avec l'accord du débiteur et être imposé aux classes qui ont voté contre le projet de plan, lorsque ce plan remplit les conditions suivantes :

1° Le plan respecte les conditions posées par les deuxième à septième alinéas de l'article L. 626-31 ;

2° Le plan a été approuvé par :

a) Une majorité de classes de parties affectées autorisées à voter, à condition qu'au moins une de ces classes soit une classe de créanciers titulaires de sûretés réelles ou ait un rang supérieur à celui de la classe des créanciers chirographaires ;

b) A défaut, par au moins une des classes de parties affectées autorisée à voter, autre qu'une classe de détenteurs de capital ou toute autre classe dont on peut raisonnablement supposer, après détermination de la valeur du débiteur en tant qu'entreprise en activité, qu'elle n'aurait droit à aucun paiement, si l'ordre de priorité des créanciers pour la répartition des actifs en liquidation judiciaire ou du prix de cession de l'entreprise en application de l'article L. 642-1, était appliqué ;

3° Les créances des créanciers affectés d'une classe qui a voté contre le plan sont intégralement désintéressées par des moyens identiques ou équivalents lorsqu'une classe de rang inférieur a droit à un paiement ou conserve un intéressement dans le cadre du plan ;

4° Aucune classe de parties affectées ne peut, dans le cadre du plan, recevoir ou conserver plus que le montant total de ses créances ou intérêts ;

5° Lorsqu'une ou plusieurs classes de détenteurs de capital ont été constituées et n'ont pas approuvé le plan :

a) L'effectif de l'entreprise atteint un seuil défini par décret en Conseil d'Etat, qui ne peut être inférieur à 150 salariés, ou son chiffre d'affaires est égal ou supérieur à un seuil défini par décret en Conseil d'Etat, qui ne peut être inférieur à 20 millions d'euros ; lorsque le débiteur est une société qui détient ou contrôle une autre société, au sens des articles L. 233-1 et L. 233-3, ces seuils sont appréciés au niveau de l'ensemble des sociétés concernées ;

b) On peut raisonnablement supposer, après détermination de la valeur du débiteur en tant qu'entreprise en activité, que les détenteurs de capital de la ou des classes dissidentes n'auraient droit à aucun paiement ou à ne conserver aucun intéressement si l'ordre de priorité des créanciers pour la répartition des actifs en liquidation judiciaire ou du prix de cession de l'entreprise en application de l'article L. 642-1 était appliqué ;

c) Si le projet de plan prévoit une augmentation de capital souscrite par apport en numéraire, les actions émises sont offertes par préférence aux actionnaires, proportionnellement à la partie du capital représentée par leurs actions ;

d) Le plan ne prévoit pas la cession de tout ou partie des droits de la ou des classes de détenteurs capital qui n'ont pas approuvé le projet de plan.

La décision du tribunal vaut approbation des modifications de la participation au capital ou des droits des détenteurs de capital ou des statuts prévues par le plan. Le tribunal peut désigner un mandataire de justice chargé de passer les actes nécessaires à la réalisation de ces modifications.

II.-Sur demande du débiteur ou de l'administrateur judiciaire avec l'accord du débiteur, le tribunal peut décider de déroger au 3° du I, lorsque ces dérogations sont nécessaires afin d'atteindre les objectifs du plan et si le plan ne porte pas une atteinte excessive aux droits ou inté
rêts de parties affectées. Les créances des fournisseurs de biens ou de services du débiteur, les détenteurs de capital et les créances nées de la responsabilité délictuelle du débiteur, notamment, peuvent bénéficier d'un traitement particulier.

La complexité de ces dispositions donnera certainement lieu à des contentieux 

Contenu du plan adopté

L'article L626-31 précise que "Les parties affectées, partageant une communauté d'intérêt suffisante au sein de la même classe, bénéficient d'une égalité de traitement et sont traitées de manière proportionnelle à leur créance ou à leur droit", ce qui est parfaitement logique dès lors qu'il est possible de faire autant de classes que de proposition de plan.

Refus d'adoption par le Tribunal

Le refus entrainera la liquidation judiciaire.