Associé (responsabilité vis à vis des créanciers)

Quelques points de la définition

Généralités

L'obligation aux pertes: le mécanisme

L'obligation aux dettes suivant les formes sociales

Sociétés de capitaux

SNC

Société en commandite

Sociétés civiles

La mise en œuvre de l'obligation de l'associé: le préalable de vaines poursuites

Synthèse des règles de l'obligation aux dettes et de la mise en œuvre

Procédure collective de l'associé de la société civile défaillante

Généralités

La procédure collective de la société ne concerne évidemment pas les associés directement, et ils ne sont pas eux mêmes en procédure collective.

Dans la plupart des cas, la société est un écran étanche entre les créanciers de la société et les associés.

Cependant, le sort des associés dépend de la forme sociale, et plus précisément suivant la forme sociale il faudra distinguer

- l'obligation aux pertes, qui est une action de la société contre les associés, 

- l'obligation aux dettes sociales qui est une action des créanciers contre les associés

Ce qui expliquera, comme indiqué ci dessous, que la première puisse être exercée par le liquidateur de la société en liquidation judiciaire, alors que la seconde relève de l'action des créanciers. Mais nous verrons également qu'en cas de liquidation judiciaire, la Cour de Cassation considère que l'action en obligation aux pertes, exercée par le liquidateur, est finalement assez concurrente de l'action en obligation aux dettes exercée par les créanciers, puisque les pertes sont alors assimilées aux dettes (ou en tout cas aux dettes non payées par les réalisations de la liquidation judiciaire)

L'obligation ou contribution aux pertes: une obligation commune à toutes les formes sociales et une action qui peut être menée par le liquidateur judiciaire

L'article 1832 du code civil prévoit une action de droit commun du contrat de société portant sur les "pertes" et non pas sur les "dettes" comme parfois indiqué

Le texte vise en effet expressément l'obligation des associés de contribuer aux pertes sociales.

L'article 1844-1 du code civil précise que les associés contribuent à proportion de leur participation au capital social

La Cour de Cassation admet l'action du liquidateur de la société sur la base de ce texte Cass com 20 sept 2011 n°10-24888, Cass com 27 septembre 2016 n°15-13348. Il est même le seul à avoir qualité, les autres associés ne le pouvant pas Cass com 3 mai 2018 n°15-20348 

Au stade de la liquidation judiciaire il semble que la notion de perte et celle de dette se confonde pratiquement: autrement dit, l'insuffisance d'actif (qui n'est pas nécessairement la perte au sens comptable du terme) sera le montant retenu "leur contribution aux pertes sociales par la prise en compte, outre du montant de leurs apports, de celui du passif social et du produit de la réalisation des actifs" Cass com 20 septembre 2011 n°10-24888 précité

Il pourrait y avoir débat sur le fait que les pertes ne sont connues qu'à l'issue de la liquidation au sens du droit des sociétés, ce qui non seulement différerait l'action contre les associés, mais même rendrait l'action du liquidateur (judiciaire) irrecevable depuis que le jugement de liquidation n'emporte plus dissolution de la société (modification de l'article 1844-7-7° du code civil. La Cour de Cassation ne semble pas avoir statué pour l'instant sur la question.

L'obligation aux dettes: une action qui dépendra de la forme sociale et qui sera menée par les créanciers eux mêmes

A la différence de la contribution aux pertes, commune à toutes les formes sociales, l'obligation des associés aux dettes, c'est à dire leur engagement vis à vis des créanciers, est prévue, suivant les formes sociales, par des textes spécifiques. Pour schématiser, dans les sociétés de capitaux les associés n'ont pas de responsabilité de principe vis à vis des créanciers, alors que dans les sociétés de personnes la responsabilité des associés vis à vis des créanciers peut être totale. 

La mise en jeu de cette obligation, au bénéfice de ceux des créanciers qui désirent l'invoquer, ne permet généralement pas d'action du liquidateur de la société, qui agirait dans l'intérêt de tous les créanciers alors que certains d'entre eux ne le souhaiteraient pas nécessairement.

Ainsi par principe chaque créancier de la procédure collective mène individuellement l'action souhaitée contre tel ou tel associé (Cass ch mixte 18 mai 2007 n°05-10413)

"les associés d'une société civile demeurent tenus personnellement à l'égard des créanciers sociaux même en cas de procédure collective de cette société ; que, dès lors, ni le représentant des créanciers de cette société, ni, en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur, n'ont qualité pour exercer l'action ouverte par l'article 1857 du Code civil à chacun des créanciers contre les associés " Cass com 24 janvier 2006 n°04-19061 Cass com 14 juin 2023 n°21-25503

L'admission de la créance au passif de la société a autorité de la chose jugée contre les associés qui ne l'ont pas contesté dans les formes de la réclamation contre l'état des créances Cass com 20 janvier 2021 n°19-13539, et les associés ne sont pas recevable à former tierce opposition contre la décision qui est le support de la déclaration de créance. 

En situation de liquidation judiciaire et compte tenu de l'assimilation entre "dettes" et "pertes" pratiquée par la Cour de Cassation pour l'action du liquidateur fondée sur l'article 1832 du code civil, les enjeux de l'action en obligation aux pertes menée par le liquidateur, et de les actions en obligation aux dettes menée par les créanciers sont identiques et ces actions sont concurrentes (mais évidemment ceux des créanciers qui ont eu gain de cause ne pourront bénéficier de l'action du liquidateur).

Sociétés de capitaux et SARL: pas d'engagement direct vis à vis des créanciers

Dans les SA et les SARL les associés n'ont pas d'engagement vis à vis des créanciers de la société.

Sociétés en nom collectif: engagement solidaire et indéfini des associés après simple mise en demeure

La responsabilité

Dans les SNC (sociétés en nom collectif) les associés sont solidairement et indéfiniment responsables du passif social et peuvent donc être actionnés en paiement par les créanciers de la société après une simple mise en demeure (article L221-1 du code de commerce)  (en cas de procédure collective dès que le créancier a déclaré sa créance au passif de la SNC Cass com 19 décembre 2006 n°02-21333).

La jurisprudence ne reconnait pas qualité pour agir au liquidateur de la société, qui représente pourtant les créanciers, et chaque créancier est donc libre d'agir individuellement s'il le veut. 

La jurisprudence ne reconnait pas qualité pour agir au liquidateur de la société, qui représente pourtant les créanciers, et chaque créancier est donc libre d'agir individuellement s'il le veut

La procédure collective de l'associé d'une SNC

Les associés d'une SNC ont un statut singulier, car par leur seule participation au capital, ils sont commerçants (article L221-1 du code de commerce)

La question se pose donc de savoir si l'associé en difficulté relève de la procédure collective ou du surendettement.

Voir le mot débiteur.

Sociétés en commandite

articles L222-1 du code de commerce et L226-1

Sociétés civiles - y compris SCEA -: obligation des associés dès la naissance de la dette de la société, mais poursuites contre l'associé différées après vaines poursuites de la société

Dans les sociétés civiles les associés sont responsables du passif social au prorata de leurs parts (article 1857 du code civil).

C'est évidemment le cas des SCEA Société civile d'exploitation agricole et des SCI. 

La responsabilité des associés n’est pas limitée à leurs apports dans le capital. Ils sont solidairement responsables des dettes de la société vis-à-vis des tiers sans aucune limite et proportionnellement à leur participation dans le capital social.

Ils peuvent être actionnés en paiement par les créanciers s'ils peuvent justifier avoir tenté vainement de poursuivre la société (ce qu'on appelle "vaines poursuites") .

La jurisprudence assimile en principe les vaines poursuites à la liquidation judiciaire de la société (et à contrario pas le redressement judiciaire).

L'action doit être exercée dans les 5 ans (pour un exemple d'action exercée au delà des 5 ans  jugée hors délai au visa de l'article 1859 du code civil par une décision qui ne permet pas de vérifier le point de départ de la prescription Cass com 20 mars 2017 n°17-18924 ) et une autre distingue la notion de vaine poursuite : la prescription de l'action contre la société permettrait à l'associé d'opposer la prescription au créancier Cass Civ 3ème 19 janvier 2022 n°20-22205, ladite prescription de l'action contre l'associé ne courant pas des vaines poursuites mais du dernier acte de poursuite contre la société.

L'article 1859 du code civil dispose en tout état que l'action se prescrit par 5 ans à compter de la publication de la dissolution.

Concernant une société en redressement judiciaire, la Cour de cassation juge "Mais attendu que lorsque le juge de l'exécution est saisi de la contestation d'une mesure conservatoire diligentée, sur le fondement de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, par le créancier d'une société civile contre les associés tenus indéfiniment des dettes sociales en application de l'article 1857 du code civil, il doit seulement rechercher l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe contre la société et l'apparence d'une défaillance de celle-ci, cette apparence pouvant résulter, notamment, du risque d'inexécution du plan de redressement de la société, de sorte que, l'article 1858 du code civil étant inapplicable dans cette hypothèse, il n'est pas tenu de vérifier si sont remplies les conditions posées par ce dernier texte pour poursuivre les associés en paiement des dettes sociales " Cass com 25 mars 2020 n°18-17924. Autrement dit, une mesure d'exécution sort du cadre de l'article 1858 dès lors que la créance parait fondée. A première lecture, cette décision est assez singulière car on voit mal pour quelle raison l'article 1858 du code civil ne serait pas applicable : ce texte impose des vaines poursuites, et il aurait été plus pertinent de décider que la déclaration de créance non suivie de paiement dans le cadre d'un plan constitue une vaine poursuite (durant la période d'observation le paiement est interdit).

Les sociétés civiles de construction vente subissent un régime spécifique, puisque les associés peuvent être poursuivis après une simple mise en demeure sans qu'il soit nécessaire de faire état de vaines poursuites (article L211-2 du code de la construction et de l'habitation)

Le fait que, dans le cadre d'une instance en cours instaurée pendant la procédure collective de la société, le créancier ait été déclaré irrecevable en ses demandes de fixation de sa créance (en réalité une société subrogée qui avait acquis la créance) n'est pas de nature à permettre aux associés que la créance est "éteinte". Cass com 10 mars 2021 n°19-22395

Concernant les sociétés civiles, il semble également acquis que le créancier est fondé à agir contre la caution dès que sa créance est admise au passif du débiteur principal (la société civile) et c'est donc cette admission qui fait courir le délai de 5 ans visé à l'article 1859 du code civil pour agir contre la caution Cass Com 20 mars 2019 n°17-18924

Enfin l'action en contribution aux dettes consiste pour l'associé à assumer les dettes de la personne morale, et ne doit pas se confondre avec l'action menée par ailleurs contre l'associé caution (qui en l'espèce invoque la compensation avec des dommages et intérêts dus par la banque fautive dans la souscription de la caution) Cass com 6 juillet 2022 n°20-17279

La mise en œuvre de l'obligation de l'associé : après le préalable de vaines poursuites au moins pour les actions au fond.

Le texte exige le préalable des vaines poursuites (assimilées à la liquidation judiciaire en cas de procédure collective)

Mais encore, relativement à la nécessité de vaines poursuites, la Cour de Cassation semble distinguer les actions au fond en exécution, qui nécessitent un préalable de vaines poursuites, et les actions conservatoires ou provisoires menées contre l'associé, pour lesquelles les vaines poursuites ne semblent pas nécessaires: par exemple pour une saisie conservatoire, la Cour de Cassation se contente de la démonstration d'une créance "paraissant fondée" contre la société (Cass com 9 octobre 2001 n°98-18487) ou pour un référé à l'occasion duquel un jugement frappé d'appel condamnant la société est considéré comme pouvant établir que l'obligation n'est pas sérieusement contestable au motif qu'il est exécutoire (Cass civ 2ème 13 février 2003 n°01-03194)

Plus précisément, il faut distinguer l'obligation de l'associé, et la mise en oeuvre de cette obligation

Synthèse de la combinaison des règles de l'obligation de l'associé et de celles de la mise en œuvre de cette obligation

Ainsi il faut distinguer :

- le fait générateur de la créance, qui est en réalité la naissance de la dette de la société dont l'associé est responsable: c'est la conséquence de l'article 1857 du code civil qui évoque la date de l'exigibilité de la créance. Et d'ailleurs en cas de succession d'associés, celui qui est responsable est celui qui détient les parts au jour de l'exigibilité de la dette de la société (Cass com 13 avril 2010 n°07-17912)

En cas de procédure collective de l'associé, c'est ce fait générateur (cette date d'exigibilité de la créance) qui va commander la nature antérieure ou postérieure de la dette par rapport au jugement d'ouverture de la procédure collective et donc la nécessité de déclarer créance au passif de l'associé. Le fait que la société soit ou pas elle même en procédure collective est sans incidence (Cass civ 3ème 23 mai 2007 n°06-14988)

- la possibilité d'agir (au moins au fond, et semble-t-il pas pour des mesures conservatoires ou provisoires) en recouvrement contre l'associé, qui est suspendu à de vaines poursuites préalables (assimilées à la liquidation judiciaire de la société) et qui est sans doute une fin de non recevoir au sens procédural du terme. C'est l'article 1858 du code civil qui pose cet impératif de vaines poursuites. On peut ici préciser qu'à la différence de la caution personne physique, l'associé peut se prévaloir du plan de redressement ou de sauvegarde de la société, qui ne fonde pas le créancier à invoquer une vaine poursuite, de telle manière que si le plan est respecté, l'associé ne sera pas poursuivi (Cass com 23 janvier 2001 n°98-10668 Cass civ 3ème 23 février 2000 n°98-14540 Cass com 31 janvier 2006 n°04-15341

Plus précisément, les vaines poursuites conditionneront l'action contre l'associé, mais pas la déclaration de créance à son passif (Cass civ 3ème 23 mai 2007 n°06-14988 précité)  

La procédure collective de l'associé de la société civile défaillance: nécessité de déclarer la créance au passif de l'associé dès l'exigibilité de la dette

Il est acquis que même dans les cas où l'action du créancier de la société contre l'associé est subordonnée à la justification de vaines poursuites, sa créance contre l'associé est éventuelle avant même ces poursuites. Plus précisément l'obligation de l'associé découle de l'exigibilité de la créance sur la société, qui est le fondement de la créance contre l'associé, à la lettre de l'article 1857 du code civil .

Concrètement, si l'associé fait l'objet d'une procédure collective alors que la société est in bonis, le créancier de la société doit malgré tout déclarer au passif de l'associé sa créance éventuelle, qui découlera de la défaillance non encore établie, ultérieure et éventuelle, de la société dans le paiement de la dette déjà exigible Cass com 30 juin 2004 n°02-15345Cass civ 3ème 23 mai 2007 n°06-14988). La lettre du texte commande donc de déclarer au passif de l'associé la créance dès qu'elle est exigible contre la société.

"Attendu, en second lieu, que l'arrêt après avoir exactement énoncé que le créancier de la personne morale détient à l'encontre des associés tenus indéfiniment du passif social à raison de leur part une créance éventuelle dont la mise en jeu est subordonnée à une préalable et vaine poursuite de la personne morale, retient que cette créance née du contrat de prêt consenti à la société devait être déclarée au passif du redressement judiciaire des associés, peu important l'antériorité de l'ouverture de cette procédure collective par rapport à celle de la SCP" Cass com 30 juin 2004 n°02-15345 pour une déclaration de créance au passif de l’associé d’une SCP

Mais d'ailleurs si le clivage dette exigible contre la société (qui impose la déclaration de créance au passif de l'associé), et dette non encore exigible semble avoir une importance en droit commun, le droit des procédures collectives incite à notre avis à déclarer toute créance "en germe" contre la société, c'est à dire non encore exigible: si la société a contracté un prêt, l'associé s'expose en cas de défaillance de la société, à être actionné, et en cas de procédure collective de l'associé rien ne s'oppose à ce que le créancier de la société déclare au passif de l'associé une créance à échoir. En effet le droit des procédures collective se réfère plus au fait générateur de la créance qu'à son exigibilité, pour déterminer si la créance doit être déclarée ou pas, et la question de l'exigibilité n'est qu'une caractéristique de la créance (échue / à échoir). Et si on se réfère à la notion de fait générateur en droit des procédure collectives, on se fonde sur l'acte, le contrat, le fait dommageable qui sera le fondement de la créance même apparue ultérieurement. Pour cette raison à notre avis, même les créances non exigibles contre la société doivent être déclarées au passif de l'associé.

(Un arrêt semble plus hésitant (Cass civ 3ème 18 juillet 2001 n°00-11798) mais il est relatif à l'admission de la créance, et pas à la validité de la déclaration de créance)

Voir également société et procédures collectives