Dirigeant et contrat de travail (cumul)

A priori l'idée de voir un dirigeant être également salarié de l'entreprise qu'il dirige est singulière.

En principe le dirigeant n'est pas salarié, et bénéficie d'un statut social spécifique (adhésion et cotisations sociales notamment au RSI). D'ailleurs la rémunération du dirigeant n'est pas soumise aux cotisations sociales des salariés et notamment la cotisation patronale AGS (ou parfois appelée FNGS) n'est pas payée.

En contrepartie le dirigeant ne bénéficie pas de l'AGS, ni des prestations chômage en cas de liquidation judiciaire de la personne morale.

Des exceptions peuvent se présenter dans des cas pour lesquels la caractéristique majeure du contrat de travail, à savoir la subordination (le fait d'être "sous les ordres" de son employeur), est maintenue:

On peut citer deux types d'exemples:

- le salarié qui devient dirigeant et conserve de manière distincte son activité et sa rémunération de salarié et sa fonction de dirigeant: l'antériorité de son contrat de travail lui permet de l'invoquer vis à vis de l'AGS et le cas échéant du chômage (la situation sera d'ailleurs la même pour la femme du gérant, associée égalitaire, et dont le mari est lui même associé égalitaire - c'est à dire que le couple détient la totalité du capital social - dès lors que le contrat de travail est antérieur à la constitution de la société et surtout que l'absence de lien de subordination n'est pas démontrée cf Cass Soc 2 mars 2016 n°14-23602 ou Cass soc 25 septembre 2019 n°17-14953 (il convient de préciser à ce sujet d'une part que par principe le contrat de travail est suspendu le temps du mandat, sans disposition contraire, et d'autre part que c'est dans ce cas à celui qui conteste la subordination - en l'espèce l'AGS - d'en rapporter la preuve Cass soc 25 septembre 2019 n°17-31125). La renonciation au bénéfice du contrat de travail doit être claire et non équivoque Cass soc 18 mai 2022 n°20-15113

- le dirigeant qui n'est pas majoritaire dans le capital de la personne morale et est par ailleurs salarié: en principe la qualité de salarié est admise par l'AGS et le régime chômage (et là encore il faut veiller à ce que les rémunérations soient bien distinctes, la rémunération de salarié étant présentée sur une fiche de paye faisant bien état du paiement des cotisations attachées à la qualité de salarié et notamment de la cotisation AGS (dite FNGS).

Il peut s'agir :

* de gérant de SARL,

* de membres du directoire, directeur général, de président directeur général, d'administrateur, dans les SA

* du président ou du dirigeant désigné par les statuts dans une SAS

* du gérant non associé dans les SNC (dans ce cas il ne suffit pas d'être minoritaire, il ne faut pas être associé, tenant la responsabilité des associés)

* des associés ou mandataires rémunérés dans les SCOP

* des associés commanditaires dans les sociétés en commandite

* du gérant non associé dans les entreprises unipersonnelles (par exemple Cass Soc 22 janvier 2020 n°17-13498 pour un gérant non associé dont le contrat de travail est postérieur à sa prise de gérance)

* du président, du directeur, secrétaire ou trésorier d'une association

* de l'administrateur membre d'un GIE

Dans tous les cas, une étude est effectuée par l'AGS pour apprécier le lien de subordination et généralement un dossier devra être rempli par le salarié. La préservation du cumul d'une fonction de dirigeant avec celle de salarié est parfois importante pour l'intéressé, et dans ce cas il faut l'étudier préalablement à la mise en place d'un contrat et d'un système de rémunération. Pour l'assurance chomage, il est même possible d'utiliser la procédure dite du rescrit social, qui consiste à interroger préalablement l'assurance chômage pour avoir une réponse qui l'engagera par la suite.

La Cour de Cassation considère que le fait pour le titulaire d'un contrat de travail, de détenir avec son frère la majorité du capital et d'assurer la direction de la société avec les pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances était incompatible avec le lien de subordination qui caractérise le contrat de travail Cass soc 27 juin 2017 n°16-15814, et il en est de même de l'associé unique Cass soc 16 janvier 2019 n°17-12479 ou du dirigeant de fait Cass soc 24 novembre 2021 n°20-18488

L'article L311-3 du code de la sécurité sociale donne des indications sur l'affiliation des dirigeants au régime général des salariés: notamment en cas de collège de gérance, les gérants ne doivent pas détenir ensemble plus de la moitié du capital social, peut important le fait que l'un d'entre eux ne soit pas associé (voir Cass Civ 2ème 31 mai 2018 n°17-18518)

"11° Les gérants de sociétés à responsabilité limitée et de sociétés d'exercice libéral à responsabilité limitée à condition que lesdits gérants ne possèdent pas ensemble plus de la moitié du capital social, étant entendu que les parts appartenant, en toute propriété ou en usufruit, au conjoint, au partenaire lié par un pacte civil de solidarité et aux enfants mineurs non émancipés d'un gérant sont considérées comme possédées par ce dernier ;

12° Les présidents du conseil d'administration, les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des sociétés anonymes et des sociétés d'exercice libéral à forme anonyme et les directeurs généraux et les directeurs généraux délégués des institutions de prévoyance, des unions d'institutions de prévoyance et des sociétés de groupe assurantiel de protection sociale ;

13° les membres des sociétés coopératives de production ainsi que les gérants, les directeurs généraux, les présidents du conseil d'administration et les membres du directoire des mêmes coopératives lorsqu'ils perçoivent une rémunération au titre de leurs fonctions et qu'ils n'occupent pas d'emploi salarié dans la même société"

Le dirigeant reste en fonction pendant la durée de la procédure.

La Cour de cassation a eu l'occasion de se pencher sur le cas d'un dirigeant qui était initialement salarié, dont le contrat de travail a été suspendu à compter du moment où il a reçu son mandat social, cessant d'effectuer les tâches inhérentes à son contrat de travail. Selon la Cour de Cassation le liquidateur n'avait pas à licencier ce salarié. Cass soc 28 septembre 2022 n°20-14453,

Cette décision ne solutionne pas le sort de ce salarié dont le contrat restera en déshérence, y compris post clôture de la liquidation judiciaire, qui entraînera elle même expiration du mandat social mais ne permettra pas la reprise du contrat de travail. Les délais AGS seront naturellement expiré. Il semblerait a priori plus logique que le liquidateur licencie le salarié en prenant en compte son ancienneté acquise au jour de la suspension.