Droit de rétention

Quelques points de la définition

En droit commun

En procédure collective

La déclaration de créance

Le retrait contre paiement et les autres prérogatives attachées au droit de rétention

Le cas particulier de la rétention d'un immeuble

Le droit de rétention de l'expert comptable

En droit commun

Le droit de rétention est, littéralement le droit de « retenir » un bien (et pas sur un fonds de commerce, le nantissement n'étant pas un gage conférant un droit de rétention Cass Com 26 novembre 2013 n°12-27390, jusqu’à l’exécution d’une prestation, et plus particulièrement en principe jusqu’au paiement d’une somme convenue)

Le droit de rétention suppose le cumul de plusieurs circonstances : son titulaire est créancier, a un pouvoir de blocage c'est à dire prive le propriétaire de la jouissance du bien - et de retenir le bien corporel - et il existe une connexité entre la créance et la rétention (même contrat par exemple)

Initialement ce droit permettait au créancier de « retenir » les effets ou les biens mobiliers de leur débiteur pour faire pression sur celui-ci pour obtenir le paiement des sommes dues.

Par exemple dans certaines circonstances, le créancier va pouvoir retenir les biens qui font le support du contrat : l’hôtelier peut retenir les effets de son client pour exiger d’être payé de ses prestations, le garagiste peut retenir le véhicule qui lui a été confié en réparation ou gardiennage, le dépositaire ou l’entrepôt peuvent retenir les biens qu’ils sont chargés de conserver ou gardienner.

Dans d’autres cas, le droit de rétention peut être concédé pour garantir une obligation sans rapport avec l’objet du droit : un bien est par exemple donné en gage en garantie de l’exécution d’une prestation ou du paiement d’une somme prêtée par ailleurs.

Le mécanisme est conçu en droit commun pour que le droit de rétention soit opposable aux autres créanciers du débiteur, et en tout état son titulaire détient physiquement les biens et est évidemment le mieux placé. Le titulaire peut, dans certaines circonstances, être autorisé à vendre les biens aux enchères, et sont droit est alors reporté sur le prix.

Le processus a évolué avec le temps, et désormais, à côté du droit de rétention « réél » existe ce qu’on appelle un droit de rétention « fictif » également dénommé « sans dépossession »: le débiteur conserve le bien donné en gage et le créancier ne détient pas physiquement le bien, mais est, par contrat, titulaire d’un droit de rétention convenu.

Le contrat de gage est régi par les articles 2336 et suivants du code civil et l’article 2337 précise que l’opposabilité au tiers est conditionné soit par la dépossession soit par une publicité : il s’agit d’éviter que d’autres créanciers soient trompés sur la solvabilité de leur débiteur.

Le gage sans dépossession fait l’objet d’une publicité au greffe du tribunal de commerce, sur un registre spécial, dont les extraits peuvent être demandés.

En droit des procédures collectives :

La déclaration de créance

N'étant pas une sûreté, le droit de rétention n'a pas à être mentionné dans la déclaration de créance Cass com 20 mai 1997 n°95-11915.

le retrait contre paiement et les autres prérogatives attachées au droit de rétention

Voir le gage

Le cas particulier de la rétention d'un immeuble

Le droit de rétention peut porter sur un immeuble Cass com 30 janvier 2019 n°17-22223Cass com 6 octobre 2009 n°08-19458 Cass civ 3ème 16 décembre 1998 n°97-12702 le rétenteur étant alors fondé à "conserver" la jouissance de l'immeuble tant que sa créance n'est pas payée, sans qu'il soit nécessaire que la publicité foncière soit accomplie. La rétention se matérialise alors par le fait d'occuper l'immeuble, d'en détenir les clefs, d'empêcher le propriétaire d'y accéder, d'y procéder aux opérations d'entretien ... Le rétenteur peut consentir un droit d'occupation à tiers de son chef (bail par exemple) sans pour autant perdre la détention vis à vis du propriétaire.

L'immeuble peut être vendu nonobstant le droit de rétention, mais sera opposable aux tiers, ce qui complique considérablement la vente, y compris par le liquidateur.

Dans ce cas le liquidateur peut, comme en matière de gage, soit payer le rétenteur pour retirer le bien, soit procéder à la vente du bien dans les formes de l'article L642-20-1 dans les 6 mois pour provoquer le report de la rétention sur le prix ( la demande d'attribution judiciaire semble réservée au gagiste, et ne serait pas applicable en matière immobilière Cass com 28 juin 2017 n°16-10591

Le cas particulier du droit de rétention de l'expert comptable

La question se pose souvent en procédure collective, de savoir si l'expert comptable non payé peut retenir la comptabilité du débiteur et exiger d'être payé pour la remettre.

L'expert-comptable dispose en effet, comme toute personne dépositaire d'un bien, du droit de rétention jusqu'au complet paiement de ce qui lui est dû.

Cependant ce droit ne s’exerce que pour la production de l’expert comptable objet de la facturation impayée (journaux, grands livres, bilans), et ne peut en aucun cas porter sur des documents déjà payés, ni sur des documents non produits par l’expert comptable comme par exemple les pièces comptables, relevés de banque …

 Au terme de l’article 168 du décret 2012-432 du 31 mars 2012 qui règlemente la profession d’expert comptable, l’exercice du droit de rétention est strictement encadré

Par ailleurs l'article L622-5 du code de commerce dispose  '"Dès le jugement d'ouverture, tout tiers détenteur est tenu de remettre à l'administrateur ou, à défaut, au mandataire judiciaire, à la demande de celui-ci, les documents et livres comptables en vue de leur examen".

Une fois que l'expert comptable a fourni les documents "pour examen", par hypothèse il ne les retient plus, et l'article L622-7 qui organise les suites du droit de rétention,  et notamment le paiement pour retirer la chose retenue, ne devrait pas jouer. 

Cependant la question n'est pas tranchée avec certitude. Mais la mise en échec du droit de rétention de l'expert comptable face aux dispositions de l'article L622-5 correspond à la position exprimée dans une réponse ministérielle de 2016. (question n°61202 assemblée nationale)