Exception de procédure

Quelques points de la définition

Définition

les 4 catégories d'exception de procédure

règles d'invocation des exceptions de procédure: in limine litis

juge compétent

les deux sous catégories d'exceptions de nullité

Nullités de forme

invocation

régularisation

Irrégularités de fond

invocation

régularisation

hésitations entre nullité de forme et nullité de fond pour les personnes morales

les différences entre nullités de forme et irrégularité de fond au regard de la prescription

les conséquences de l'acte nul : nullité par voie de conséquence

nullité en conséquence de la rétractation de la décision d'origine

Définition

L'exception de procédure tend à faire déclarer irrégulier l'acte effectué par une partie, ou la procédure éteinte ou encore à en suspendre le cours.

La définition est posée par l'article 73 du CPC

Les catégories d'exceptions de procédure

Il existe en procédure civile quatre catégorie d'exceptions de procédure:

- les exceptions d'incompétence (articles 75 et suivants du CPC)

- les exceptions de litispendance et de connexité (articles 100 et suivants du CPC)

 - les exceptions dilatoires (articles 108 et suivants du CPC) (octroi de délais)

- les exceptions de nullité (articles 112 et suivants du CPC)

Règles d'invocation des exceptions de procédure: in limine litis

En droit commun, les exceptions de procédure relèvent de la compétence du juge de la mise en état et doivent être soulevées "in limine litis", c'est à dire avant toute défense au fond ou fin de non recevoir 

L'article 74 du CPC précise en effet "Les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public"

Cependant il existe des exceptions énumérées à l'article 74 du CPC

- article 103 l'exception de connexité peut être proposés en tout état de cause ....

- article 111 le bénéficiaire d'un délai ne peut proposer d'exception pendant ce délai

- article 112 la nullité des actes de procédure (pour vice de forme) "peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité".

- article 118 Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt

Voir cependant le mot pour les procédures orales

Juge compétent

Dans les cas où un juge de la mise en état est désigné, il est seul compétent pour statuer sur les exceptions de procédure (article 789 du CPC)

Le fait de soulever l'exception de procédure dans des conclusions au fond, même in limine litis, alors que cela relève du juge de la mise en état, rend irrecevable l'exception soulevée ensuite devant le juge de la mise en état Cass civ 2ème 10 décembre 2020 n°19-22609

Les sous catégories d'exception de nullité

Ces exceptions de nullité sont scindées en deux sous catégories:

Les nullités de forme

Les nullité de forme (par exemple une assignation qui ne comporte pas les mentions obligatoires, ou une déclaration d'appel Cass civ 2ème 15 novembre 2012 n°11-24030, qui au visa de l'article 933 du CPC ne contient pas les mêmes mentions que l'assignation est frappée de nullité de forme, ou encore une erreur de dénomination Cass civ 2ème 4 février 2021 n°20-10685) sont visées aux articles 112 et suivants du CPC

Invocation : un grief

L'article 114 précise Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public. La nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public."

article 112 la nullité des actes de procédure (pour vice de forme) "peut être invoquée au fur et à mesure de leur accomplissement ; mais elle est couverte si celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond ou opposé une fin de non-recevoir sans soulever la nullité".

Régularisation

et l'article 115 "La nullité est couverte par la régularisation ultérieure de l'acte si aucune forclusion n'est intervenue et si la régularisation ne laisse subsister aucun grief."

Les irrégularités de fond

Les irrégularités de fond (par exemple le défaut de capacité qui peut affecter un syndic de copropriété non autorisé à agir par l'assemblée des copropriétaires) sont visés aux articles 117 et suivants du CPC : "Constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte :

Le défaut de capacité d'ester en justice ;

Le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice ;

Le défaut de capacité ou de pouvoir d'une personne assurant la représentation d'une partie en justice."

Invocation

article 118 Les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt

Régularisation

L'article 121 du CPC précise " Dans les cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue".

La réserve "dans les cas où elle est susceptible d'être couverte" a pour conséquence que les actes de procédure qui peuvent l'être doivent être régularisés :

- dans les délais impartis pour y procéder. Voir par exemple Cass com 14 décembre 1999 n°97-15361 pour un acte d'appel (encore qu'il y ait débat sur le fait qu'un acte nul interrompe les délais cf Cass civ 2ème 16 octobre 2014 n°13-22088 cette décision étant a priori isolée car il n'est évidemment pas question de faire à l'infini des actes en suite d'actes nuls)

- avant toute prescription (même remarque que ci dessus, en raison de l'article 2241 du code civil). La régularisation doit également intervenir avec la péremption de l'instance, cas dans lequel l'article 2241 du code civil n'attribue aucun effet interruptif à l'acte nul.

En outre toutes les nullités ne peuvent être couvertes, et notamment ne peut être couverte la nullité qui découle d'un acte de procédure effectué :

- par une société inexistante ( Cass civ 3ème 24 octobre 2012 n°11-11778 ou Cass civ 2ème 11 septembre 2003 n°01-14493  ou encore Cass civ 2ème 4 mars 2021 n°19-22830

- par une société en cours de formation (Cass Com 30 novembre 1999 n°97-14595 Cass com 20 juin 2006 n°03-15957  Cass civ 2ème 4 mars 2021 n°19-22829

- par une société qui n'a plus de personnalité morale (par exemple en raison d'une fusion) ne peut être régularisée par l'intervention de la société absorbante Cass com 13 mars 2007 n°05-21594 Cass com 13 mars 2019 n°17-20252. Cass com 6 mai 2003 n°00-17344 Cass com 22 février 2005 n°01-11667

La régularisation ne semble pas possible dans le cas où l'acte de procédure est dirigé contre la société absorbée, même si la société absorbante intervient à la procédure Cass Civ 2ème 23 septembre 2010 n°09-70355 dans une espèce où la société qui aurait dû être assignée est intervenue à la procédure ). Ceci dit cette solution est parfaitement logique si l'intervenant volontaire se limite à soulever la nullité de l'assignation, et procède donc à une intervention accessoire.  Si cet intervenant prend des écritures au fond et se positionne en intervenant principal, la nullité de l'assignation ne résout pas le sort de l'intervention volontaire qui noue un lien d'instance entre le demandeur et l'intervenant. 

La nullité s'apprécie à la date de l'acte, et il a été jugé que la réinscription au registre du commerce de la société qui avait perdu sa personnalité morale (en l'espèce en droit anglais) n'avait pas pour effet de régulariser la nullité Cass Civ 2ème 20 avril 2017 n°16-12975, cette décision semblant cependant être à contre courant d'une jurisprudence de plus en plus laxiste en matière de régularisation

Hésitations entre nullité de forme et nullité de fond pour les personnes morales

On peut hésiter sur la portée de la nullité qui découle de l'erreur sur la désignation du représentant légal d'une personne morale, que celle ci soit demandeur ou défendeur.

On pourrait considérer qu'il s'agit d'une erreur de forme entraînant une nullité de forme qui suppose la démonstration d'un grief, mais on peut aussi se référer à l'article 117 du CPC qui évoque la nullité de fond d'un acte pour défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale.

A priori la logique serait que le texte soit appliqué strictement et que la nullité de fond soit retenue. c'est ce que retiennent majoritairement les Cours d'appel (par exemple CA Paris 16 juillet 2014 n°14/05486) 

Cependant la Cour de cassation a rendu une première décision favorable à la nullité de forme  Cass Com 5 décembre 2018 n°17-20564 et 17-23045 mais cette décision semble de pure circonstance, dans un cas de confusion entre le directeur général et le président du conseil d'administration d'une société, pour lequel la Cour de Cassation a connu des hésitations sur les prérogatives (cf par exemple Cass com 9 mai 1995 n°93-16976 ) qui sont certainement le fondement de cette singulière décision

La solution de principe nous semble être en faveur de la nullité de fond et c'est d'ailleurs conforme à la majorité des décisions et des situations (par exemple Cass civ 2ème 13 octobre 1976 n°75-13244 pour un PDG qui avait démissionné pour lequel la nullité de fond est retenue, Cass civ 2ème 21 mars 2013 n°12-17107 et Cass civ 3ème 25 mars 1992 n°90-15691 pour un dirigeant décédé, Cass Com 8 octobre 2013 n°12-14181 pour une pouvoir irrégulier

Cependant de nouveaux arrêts de la Cour de Cassation sème le doute en considérant que la désignation erronée du Président du conseil d'administration pour représenter la société n'est qu'un vice de forme Cass com 25 septembre 2019 n°18-14658 ou que "l'erreur dans la désignation du représentant d'une personne morale ne constitue qu'une irrégularité pour vice de forme n'entraînant la nullité de l'acte qu'à charge pour celui qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité" Cass civ 2ème 14 novembre 2019 n°18-20303 (et dans le même sens Cass civ 2ème 15 avril 2021 n°19-25449 pour le défaut de mention)

Sans doute ces décisions s'inscrivent dans le courant qui consiste à regarder avec bienveillance les erreurs commises, et à permettre la régularisation de procédures qui, du point de vue académique, sont nulles, et devraient le rester.

Les différences entre nullités de forme et irrégularité de fond au regard de la prescription

Voir prescription

les conséquences de l'acte nul : nullité par voie de conséquence

Voir nullité et nullité en suite de la rétractation

nullité en conséquence de la rétractation de la décision d'origine

Voir nullité et nullité en suite de la rétractation