Gage

Quelques points de la définition

Généralités

Le nantissement outillage: un gage

Le pacte commissoire

Le gage espèce

Le gage sur le stock

Gage stock "véritable"

Gage de droit commun sur le stock

Gage et procédures collectives

Lien entre la rétention et la créance

Gages résiliés avant le jugement

Prérogatives du gagiste

Prérogative du gagiste : le droit de rétention fictif ou réel

Etapes de la procédure

Retrait contre paiement et nature du droit de rétention réel ou fictif

Prérogative du gagiste avec dépossession : le retrait contre paiement: aux différentes étapes de la procédure collective

En période d'observation

En cas de cession d'entreprise

En liquidation judiciaire

Le cas particulier de la rétention sur un immeuble

Le retrait contre paiement du gagiste sans dépossession: suivant les étapes de la procédure

Les limites tenant à la propriété du stock dans les deux types de gage stock et le conflit avec le titulaire d'une réserve de propriété

Les réalisations d'actif et les gages: le report du gage sur le prix en fonction de l'étape procédurale

Période d'observation

Exécution du plan

Cession d'entreprise

Cession de biens du débiteur

Vente du bien par le créancier gagiste

Demande d'attribution

Rang et paiement de la créance

Cas particulier de la rétention des cartes grises

Les gages spéciaux régulièrement constitués : gage automobile, warrant agricole, nantissement de comptes titres

Cas particulier du nantissement de compte titre

Généralités

Attention l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 article 28 3° a supprimé la plupart des gages spéciaux pour ne laisser subsister que le gage de droit commun.

Le gage est défini par l'article 2333 du code civil. C'est une garantie portant spécialement sur un bien, pour sécuriser le paiement d'une créance. Il est généralement mobilier, mais peut également porter sur un immeuble (le gage immobilier est défini à l'article 2387 du code civil, et était anciennement dénommé antichrèse. Texte remplacé par l'article 2379 du code civil en conséquence de l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 article 13

La différence entre le gage est le nantissement est ténue, le premier, défini à l'article 2355 du code civil est l'affectation d'un bien en garantie, le second consiste à accorder au créancier le droit de se faire payer par préférence aux autres sur un bien (2333 du code civil), et d'ailleurs depuis l'ordonnance de 2006 portant réforme du droit des sûretés le nantissement outillage est dénommé gage "outillage et matériel d'équipement", le terme de nantissement étant désormais réservé à des biens incorporels comme le fonds de commerce

A première analyse, le gage peut-être "avec dépossession" c'est à dire que le bien donné en garantie est matériellement remis au créancier qui va le conserver jusqu'à ce qu'il soit payé, et pourra en demander l'attribution judiciaire s'il n'est pas payé. On parle ici de droit de rétention "réel", c'est à dire que le bien est "retenu" pour obtenir le paiement.

Cependant, le gage peut également être "sans dépossession", notamment dans des cas où le bien donné en gage est nécessaire au débiteur, c'est à dire que le bien est laissé à la disposition du débiteur. Dans certains cas la loi accorde pourtant au titulaire un droit de rétention, dit alors "fictif" puisqu'il ne détient pas matériellement le bien mais peut, dans certains cas influer sur son affectation.

Pour que les tiers ne soient pas trompés sur la solvabilité du débiteur, le gage est valablement constitué par la dépossession (et dans ce cas le bien n'est plus présent chez le débiteur) ou inscrit par le créancier sur un registre public, qui dépend de la nature du bien (article 2337 du code civil).

Par exemple une banque qui finance l'acquisition d'un véhicule va inscrire un gage au service des cartes grises de la préfecture, ce qui rendra impossible le transfert de la carte grises. Le débiteur qui voudra vendre le véhicule devra payer le gagiste, qui lui remettra un acte de "main levée" c'est à dire de renonciation à son gage, ce qui permettra de transférer la carte grise à l'acheteur. Sans ce processus, par exemple si le vendeur encaisse le prix sans payer le créancier gagiste, ce dernier sera en droit de demander à l'acheteur de le payer puisque le gage suit le bien en quelque main qu'il soit ( on appelle cela le droit de suite). La bonne foi de l'acheteur, qui ignorait l'existence du gage, est ici indifférente, et il n'aura d'autre solution que d'actionner son vendeur, avec les aléas que cela comporte. L'efficacité du gage peut donc être redoutable, et il et toujours prudent, à l'achat d'un bien, de se renseigner sur le registre correspondant, pour savoir si un gage est publié (et d'obtenir un certificat dit de "non gage", pour être en mesure de prouver qu'on s'est renseigné).  

Un gage sur du matériel ou de l'outillage est inscrit au greffe du tribunal de commerce du siège social du débiteur.

En droit commun les effets du gage sont très importants:

Avant l'échéance du gage, le créancier peut provoquer la déchéance du terme si le débiteur n'assure plus la conservation de la chose (2344 du code civil) . Si le débiteur cède la chose gagée avant l'échéance il est en principe conventionnellement prévu la déchéance du terme, et en tout état sauf si le cessionnaire accepte de subir le droit de suite, le prix est affecté dédommagement du créancier. En tout état c'est la solution suggérée (même s'il aurait été pertinent que le texte soit plus clair) par l'article 1305-4 du code civil.

A l'échéance de sa créance, le gagiste peut retenir le bien tant qu'il n'est pas payé, vendre le bien pour se payer, se le faire attribuer à valoir sur sa créance, et exercer son droit de suite, c'est à dire poursuivre l'éventuel acheteur du bien qui aurait payé le débiteur sans prendre la précaution de se libérer du prix entre les mains du gagiste. En cas de destruction du bien, le gage est reporté sur l'indemnité d'assurance.

Pendant longtemps, il existait une différence fondamentale entre le gage dit avec dépossession, pour lequel le bien est physiquement détenu par le créancier, qui dispose donc d'un droit dit de rétention, et le gage sans dépossession pour lequel le bien reste à disposition du débiteur (et dans ce cas là le gage pour être opposable aux tiers doit être publié sur un registre spécial). Puis une loi de 2008 est venue accorder au gage sans dépossession un droit de rétention (dit alors "fictif" puisqu'en réalité le bien reste chez le débiteur).

Le "nantissement" outillage: un gage

Attention l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 article 28 3° a supprimé le gage outillage, comme la plupart des gages spéciaux pour ne laisser subsister que le gage de droit commun.

Depuis l'ordonnance de 2006 réformant le droit des sûretés, le terme de nantissement outillage est devenu impropre et on parle de "gage d'outillage et de matériel d'équipement.

C'est donc un gage sans dépossession, avec un droit de rétention alloué par l'article 2286 du code civil. Le nantissement d'un bien est opposable au locataire du bien (y compris lui même en procédure collective) Cass com 17 mai 2017 n°15-23413)

Le pacte commissoire

Généralités

Le pacte commissoire est une disposition particulière du gage par laquelle il est expressément prêvu au moment de la constitution du gage ou même ultérieurement que si la créance n'est pas payée, le gagiste deviendra automatiquement propriétaire de la chose gagée.

Domaine d'application

Longtemps interdit, ce pacte est autorisé depuis l'ordonnance du 23 mars 2006

L'exception du gage sur fonds de commerce

La pacte commissoire n'est pas admis sur le gage porte sur un fonds de commerce ( L142-1 al 2 du code de commerce)  pour éviter une sanction trop brutale à l'impayé (mais il n'est pas exclu qu'on puisse déroge à cette interdiction par un consentement express)

L'ancienne exception du gage stock, depuis supprimée par l'ordonnance du 29 janvier 2016

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 29 janvier 2016, l'article L527-2 du code de commerce prohibait le recours au pacte commissoire pour le gage stock.

Puis la loi n°2015-990 du 6 Aout 2015 dite Macron  (article 240 de la loi; entrée en vigueur le 8 aout 2015 et promulguée le 7 aout 2015) a prévu les dispositions suivantes:

« Dans les conditions prévues à l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans le délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, les mesures relevant du domaine de la loi pour :

1° Rapprocher le régime applicable au gage des stocks défini au chapitre VII du titre II du livre V du code de commerce du régime de droit commun du gage de meubles corporels défini au chapitre II du sous-titre II du titre II du livre IV du code civil, pour le clarifier et rendre possible le pacte commissoire et le gage avec ou sans dépossession, en vue de favoriser le financement des entreprises sur stocks ;

2° Modifier le régime applicable au gage de meubles corporels et au gage des stocks dans le cadre du livre VI du code de commerce en vue de favoriser la poursuite de l'activité de l'entreprise, le maintien de l'emploi et l'apurement du passif. »

C'est ainsi que l'ordonnance n°2016-56 du 29 Janvier 2016 applicable à compter du 1er Avril 2016 pour les contrats conclus à compter de cette date organise une harmonisation des différents régimes: désormais le gage stock peut être conclu sous le régime spécifique du gage stock ou sur celui du gage, et comporter un pacte commissoire

Le gage espèce

Le gage espèce consiste pour le créancier (généralement une banque) à détenir en gage, sur un compte spécifique, des valeurs, en garantie d'une créance. Par exemple la banque délivre à son client un engagement de caution, en faveur d'un de ses créanciers, et bénéficie en contrepartie d'un gage sur les espèces portés en compte par son client.

Ce procédé présente un avantage certain : la banque n'aura pas à solliciter l'attribution judiciaire pour affecter le gage au règlement de sa créance.  

Par exemple " l'arrêt relève que cet acte donnait à la banque, sans nécessité d'une autorisation préalable de M et Mme X..., l'autorisation irrévocable de prélever à tout moment les intérêts et capitaux des sommes nanties afin de régulariser le règlement des créances de la banque" en réponse à l'argument, qui n'est pas retenu "la créance nantie étant identifiable du fait d'une inscription sur un compte spécial ne contenant aucune autre valeur de la même espèce, elle demeurait la propriété du constituant, si bien que le nantissement ne pouvait être réalisé que par une autorisation judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 2078 du code civil" Cass com 6 février 2007 n°05-16649

La banque peut invoquer la compensation avec ses créances connexes, y compris en cas de procédure collective de son client

- Cass com 9 mai 2009 n°98-10333"que n'est pas prohibée par l'article 2078 du Code civil la stipulation d'attribution d'un gage constitué en espèces par le créancier, à due concurrence du défaut de paiement à échéance ; que la cour d'appel a donc pu admettre que la BNP avait légitimement procédé au virement des fonds gagés pour apurer partiellement le solde débiteur du compte courant de la société"

- Cass com 11 janvier 2005 n°02-21118

Voir aussi compte avec affectation spéciale

Les gages sur le stock

Attention l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 article 28 3° a supprimé la plupart des gages spéciaux pour ne laisser subsister que le gage de droit commun et a en particulier supprimé le gage stock

L'idée d'un gage portant sur les "marchandises" avait été anticipée par le pratique puisque contractuellement le gage de droit commun (c'est à dire régi par le code civil) peut porter sur des biens dits fongibles (c'est à dire des biens qui peuvent se remplacer entre eux, pour autant qu'ils soient identiques), ou comporter une clause de substitution permettant que, sans nouvelle convention, un bien en remplace automatiquement un autre, et dans ce cas l' "ensemble de biens gagés" peut parfaitement évoluer au fur et à mesure de l'exploitation, tout en préservant la garantie de la banque

Une réforme de 2006 a facilité le recours au gage sans dépossession dans ces circonstances avec la création du " véritable " "gage stock", réservé aux établissements de crédit, qui permet au débiteur d'obtenir du crêdit sans que son exploitation soit gênée.

Les articles L527-1 et suivant du code de commerce qui régissent le "gage stock" organisent ainsi le passage "glissant" de la garantie du stock initial au stock substitué au fur et à mesure de son renouvellement. Ainsi le débiteur n'est pas gêné pour mener son activité, la banque conserve sa garantie, et les acheteurs ne sont pas menacés par un droit de suite (tant que le gage dure).

A première analyse le gage stock institué en 2006 fait un peu "doublon" avec le gage de droit commun régi par le code civil aménagé pour les marchandises, sur des biens fongibles et/ou avec clause de substitution. L'article L527-1 du code de commerce permet aux parties de choisir entre les deux régimes (mais uniquement depuis l'ordonnance du 29 janvier 2016)

En réalité, avant l'ordonnance 2016-56 du 29 janvier 2016 entrée en vigueur le 1er avril 2016 pour les contrats conclus antérieurement, la jurisprudence imposait le recours au gage stock "véritable", c'est à dire régi par les articles L527-1 et suivants, et excluait la possibilités pour les parties d'écarter ce régime au profit du gage de droit commun (Cass plen 7 décembre 2015 n°14-18435)

Prenant acte des nouvelles dispositions légales, la Cour de Cassation admet maintenant que les parties recourent au gage de droit commun (Cass com 1er Mars 2016 n°14-14401), et en l'espèce casse la décision qui avait simplement admis le créancier à titre chirographaire, tenant un gage avec dépossession qui ne comportait pas les mentions obligatoires prévues pour le gage stock: conformément aux règles de droit commun, reconnues applicables par la Cour de Cassation au contrat de l'espèce, qui était un gage stock avec dépossession, le créancier est bien valablement gagiste et doit être admis au passif au titre de son privilège spécial

Le gage stock "véritable" : seule solution admissible avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 29 janvier 2016

Antérieurement à l'ordonnance du 29 janvier 2016 : Un gage sans dépossession, avec des règles particulières et notamment exclusion du pacte commissoire, et un droit de rétention fictif accordé par l'article 2286 du code civil 

Le but de l'interdiction du pacte commissoire, était d'éviter que le créancier puisse de faire attribuer l'éléments nécessaire à l'activité, et devienne ainsi, en cas de difficulté économique du débiteur, l'acteur de choix de la procédure de liquidation judiciaire, les autres procédures (sauvegarde et redressement judiciaire) étant de fait rendues impossible par l'absence de stock qui impose généralement un arrêt d'activité.

Antérieurement à l'ordonnance de 2016, pour essayer de contourner cette différence, certains créanciers titulaires de "gage stock" avaient en vain tenté de faire valoir qu'il étaient en réalité titulaire d'un gage de droit commun: si tel était le cas ils pouvaient bénéficier d'un pacte commissaire et devenir propriétaire du stock: la Cour de Cassation l'a exclu par un arrêt du 19 février 2013 n°11-21763 : le gage portant sur des éléments visés à l'article L527-3, c'est à dire le stock, ne peut être soumis contractuellement au régime du gage de droit commun du code civil. Ainsi, dès lors que le gage porte sur du stock, les aménagements du gage de droit commun ne permettent pas de sortir de la règlementation de l'article L527-8 du code de commerce et de l'interdiction de pacte commissoire. L'assemblée plénière de la la Cour de Cassation a réaffirmé cette solution, excluant par là même le pacte commissoire pour un gage stock (Cass Plen 7 décembre 2015 n°14-18435).

L'ordonnance du 29 janvier 2016 a mis un terme à ce débat.

A compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance 2016.56 du 29 janvier 2016, soit le 1er avril 2016 (pour les contrats à compter de cette date) : les parties ont une alternative entre le gage stock "véritable" et le gage de droit commun (avec ou sans dépossession, avec ou sans pacte commissoire) portant sur le stock

Attention l'ordonnance 2021-1192 du 15 septembre 2021 article 28 3° a supprimé la plupart des gages spéciaux pour ne laisser subsister que le gage de droit commun, et notamment a supprimé le gage stock

L'ordonnance du 29 Janvier 2016 (n°2016-56) en autorisant les parties à choisir pour le régime du gage de droit commun, leur permet de renoncer à la différence majeure qui existait alors: comme indiqué ci dessus, le pacte commissaire, au terme duquel le créancier devient automatiquement propriétaire en cas d'impayé, qui n'était pas autorisé pour le gage stock régi par l'article L527-8 du code de commerce est devenu possible si les parties conviennent de soumettre leur convention au droit commun et pas au gage stock spécifique.

Concrètement le gage stock tel qu'il est prévu par les textes, refondus par l'ordonnance du 29 janvier 2016 est soit un gage avec dépossession, soit un gage sans dépossession avec droit de rétention "fictif" tiré de l'article 2286 du code civil, publié au greffe du tribunal de commerce du ressort du débiteur (le délai de publication dans les quinze jours de l'acte, sous peine de nullité (L527-4) a été supprimé par l'ordonnance de 2016).

Un aménagement possible du gage stock en gage avec dépossession par le recours à un tiers détenteur de type AUXIGA

Dans certains cas, le gage stock est aménagé pour que le créanciers bénéficie de la dépossession. Certains sociétés spécialisées (par exemple AUXIGA) proposent même de jouer un rôle de tiers détenteur, ce qui permet de mettre en place des gages avec dépossession mais pour lesquels l'accès du débiteur est facilité: concrètement le créancier bénéficie de l'avantage du gage avec dépossession et le débiteur bénéficie de la souplesse (ou presque) du gage sans dépossession: il peut par exemple, dans le cas d'un gage "stock" puiser dans le stock et le renouveler au fur et à mesure de son activité. La solution qui est en principe utilisée est la mise à disposition ou le prêt à usage par le débiteur au tiers détenteur du local dans lequel le stock est entreposé: l'entreprise qui a besoin de trésorerie et veut mobiliser son stock accorde un droit sur ses entrepôts au tiers détenteur (ou à la banque à laquelle elle veut accorder un gage avec dépossession) : ainsi juridiquement le stock est dans un local dont le créancier gagiste a la détention, et il y a donc dépossession avec les avantages que cela procure, mais matériellement l'accès au stock est complètement transparent pour le débiteur qui a besoin d'accéder librement à son stock. Une clause de substitution organise la rotation facile du stock : tout article sortant peut être librement vendu par le débiteur, et tout article rentrant vient le remplacer dans le gage. L'essentiel est que la valeur plancher définie au contrat soit maintenue, et le gagiste ou le tiers détenteur peut effectuer les contrôles qu'il souhaite.

Gage et procédures collectives

C'est évidemment en cas de difficulté que le créancier a besoin de mettre en œuvre sa garantie.

(L'article L622-7 du code de commerce dispose que la conclusion d'un pacte commissoire est rendue impossible à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective, ainsi que sa réalisation (ce qui le rend sans effet))

Le créancier gagiste n'est évidemment pas dispensé de déclarer sa créance, et c'est même une condition de l'exercice de ses droits, et il est nécessaire de préciser que la créance est garantie par un gage, et d'indiquer s'il y a ou pas dépossession

Le gage avec dépossession confère une sécurité parfaite puisque le créancier détient le bien et peut le retenir jusqu'à paiement de sa créance, et le gage sans dépossession a quant à lui une efficacité variable suivant son objet et suivant les étapes de la procédure collective. Certains gages sans dépossession s'exercent en effet, comme indiqué ci dessous, à quelque stade que ce soit de la procédure collective, alors que d'autres ne s'exerçent qu'en liquidation judiciaire ou en cas de cession.

Le lien nécessaire entre la rétention réelle ou fictive et la créance

L'interdiction de paiement d'une dette antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective ne permet pas à un créancier antérieur de retenir, après le jugement, un bien qu'il ne retenait pas déjà avant: le droit de rétention doit être exercé avant le jugement ( Cass com 13 novembre 2001 n°98.20207)

La gage stock et les autres gages dont les contrats sont résiliés avant le jugement d'ouverture de la procédure

Comme indiqué ci dessus, le pacte commissoire n'est pas autorisé pour le gage stock régi par l'article L527-8 du code de commerce, et  la Cour de Cassation a exclu par un arrêt du 19 février 2013 n°11-21763 la possibilité que le gage portant sur des éléments visés à l'article L527-3, c'est à dire le stock, puisse être soumis contractuellement au régime du gage de droit commun du code civil: ainsi il ne peut y avoir de pacte commissoire dans un gage stock

Ainsi, 

- le contrat de crédit garanti par un gage et assorti d'un pacte commissoire valable, s'il est résilié avant le jugement d'ouverture, permet au créancier de devenir propriétaire du bien gagé, qui doit lui être restitué, et d'exiger versement du prix s'il est vendu postérieurement à la résiliation, peu important la survenance du jugement d'ouverture et sans concours avec les créanciers

- le gage stock ne le permet pas, et le créancier qui a résilié son concours, doit subir le processus de la procédure collective, c'est à dire a priori que ses droits s'exerceront, suivant les règles de la procédure collective, sur le stock présent au jour du jugement.

C'est d'ailleurs à cette occasion que l'arrêt de la Cour de Cassation du 19 février 2013 a été rendu: la banque titulaire d'un gage stock avec pacte commissoire avait dénoncé son concours et notifié la réalisation de son gage au débiteur avant qu'il se trouve en redressement judiciaire. Dès le redressement judiciaire elle a revendiqué le stock présent, et le prix de celui vendu depuis la notification de la réalisation. Le juge commissaire a effectivement ordonné la restitution du stock présent et le paiement du stock consommé depuis la notification. Sur recours le tribunal a confirmé l'ordonnance du juge commissaire , et sur appel la Cour a fait de même, au motif que les parties pouvaient se placer sous le régime du gage de droit commun, ce qui validait alors le pacte commissoire qui aurait été prohibé sous le régime du gage stock. La Cour de Cassation a cassé l'arrêt de la Cour d'appel: les parties sont sous le régime du "gage stock" et le pacte commissoire est donc prohibé.

Le traitement du gage : les différentes prérogatives du gagiste

Le droit de rétention :

La première prérogative du gagiste est le droit de rétention, c’est-à-dire de retenir le bien tant qu’il n’est pas payé.

Le droit de rétention est conçu pour permettre au titulaire du gage de refuser de s'en départir tant qu'il n'est pas payé: le dénouement doit en principe être le paiement. Le juge commissaire ne pourrait valablement ordonner au créancier gagiste de restituer le bien gagé sans paiement.

Comme indiqué ci-dessus, il existe

des gages assortis d’un droit de rétention réel

Dans ce cas le créancier détient matériellement le bien,

des gages assortis d’un droit de rétention « fictif »: deux types de gages, régis par l'article 2286 du code civil ou par d'autres dispositions légales

Le créancier ne détient pas le bien, qui est resté à disposition du débiteur, mais que la loi lui accorde pour autant les prérogatives attachées au droit de rétention.

Ces prorogatives

- découlent en principe la loi du 4 aout 2008 dite de modernisation économique qui a modifié l'article 2286 du code civil, et accordé un droit de rétention « fictif » aux créanciers gagistes "sans dépossession" (on parle alors de droit de rétention "fictif").

La notion de gage sans dépossession doit alors s'interpréter strictement, et ne s'applique pas au nantissement de fonds de commerce. Le droit de rétention fictif conféré par le code civil est inopposable à la procédure collective pendant la période d'observation L622-7 au 1 second alinéa)

- peuvent également découler de textes spécifiques, qui accordent à certains gages sans dépossession un droit de rétention « fictif » c'est par exemple le cas du gage automobile, du warrant agricole ou du nantissement de compte titres

Le retrait contre paiement

La contrepartie du droit de rétention est la faculté pour le débiteur, ou plus exactement suivant l’étape de la procédure pour l’administrateur ou le liquidateur, de payer la créance pour « retirer » le bien gagé.

Ce paiement a des raisons d’intervenir soit lorsque l’entreprise a besoin de « récupérer » le bien, soit lorsque l’opération est économiquement intéressante, c’est-à-dire lorsque la valeur du bien excède la créance à payer pour le libérer.

A priori le retrait contre paiement est un mécanisme applicable tant au droit de rétention réel que fictif dont bénéficie le créancier gagiste sans dépossession (voir cependant les restrictions ci dessous)

Il convient cependant de distinguer suivant que le gage sans dépossession bénéficie d’un droit de rétention « fictif » accordé par l’article 2286 du code civil ou d’un droit de rétention « fictif » accordé par d’autres dispositions légales

Le retrait contre paiement et les gages avec dépossession (droit de rétention réel): à toute étape de la procédure collective

Il est possible à toute étape de la procédure.

Suivant l’étape de la procédure collective, le juge commissaire peut autoriser l’administrateur judiciaire (L622-7 en sauvegarde, applicable au redressement judiciaire complété par R622-6 pour la procédure applicable - audience, mode de saisine du juge commissaire -) ou le liquidateur (L641-3 en liquidation) à payer le créancier pour retirer le bien. C’est une exception notable à l’interdiction de paiement des créances antérieures. Le texte précise que durant la période d'observation le retrait est justifié par la poursuite de l'activité (L622-7)

De même le titulaire du droit de rétention réel peut opposer une créance liquide certaine et exigible à l'organisme de crédit bail propriétaire du bien Cass com 17 février 2021 n°19-11132 

En période d'observation

L'article L622-7 organise la possibilité de procéder au paiement, par dérogation à l'interdiction des paiements des créances antérieures, pour libérer le bien faisant l'objet d'un droit de rétention. Cependant l'expression "retirer un gage" employée à l'article L622-7 est en principe admise comme ne s'appliquant qu'aux créanciers gagistes avec dépossession (et donc le gage sans dépossession assorti d'un droit de rétention fictif serait inopposable durant la période d'observation ainsi d'ailleurs qu'en phase d'exécution du plan)

En cas de cession d'entreprise,

Voir le mot

En liquidation judiciaire

Si nécessaire, le juge commissaire peut autoriser l'administrateur judiciaire s'il en a été désigné un (en cas de poursuite d'activité en liquidation), mais surtout le liquidateur, à payer le créancier pour retirer le bien retenu en gage, ce qui peut être de nature à faciliter les opérations de liquidation. Là encore le créancier bénéficie donc d'un traitement très favorable par rapport aux autres créanciers (article L641-3) puisqu'il ne libèrera le bien que contre paiement.

Enfin le créancier peut également demander l'attribution judiciaire du gage, et dans ce cas la propriété du bien lui est donc attribuée à valoir sur sa créance.

A défaut, et/ou si le liquidateur doit procéder par exemple à la libération des locaux, et est contraint de vendre le bien, il peut demander l'autorisation correspondante au juge commissaire, qu'il notifiera au créancier au moins 15 jours avant la vente: le droit de rétention sera alors reporté sur le prix. Dans ce cas le créancier est donc assuré d'être payé à hauteur du prix obtenu ( article L642-20-1), et donc pas nécessairement de la totalité de sa créance. Pour cette raison le texte prévoit "A défaut de retrait du gage ou de la chose légitimement retenue dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 641-3, le liquidateur doit, dans les six mois du jugement de liquidation judiciaire, demander au juge-commissaire l'autorisation de procéder à la réalisation. Le liquidateur notifie l'autorisation au créancier quinze jours avant la réalisation.

Le créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la réalisation, l'attribution judiciaire. Si la créance est rejetée en tout ou en partie, il restitue au liquidateur le bien ou sa valeur, sous réserve du montant admis de sa créance.

En cas de vente par le liquidateur, le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix. L'inscription éventuellement prise pour la conservation du gage est radiée à la diligence du liquidateur."

C'est le moyen indirect d'imposer au gagiste de demander l'attribution pour éviter de subir les aléas d'une cession dont il ne maîtrise pas les conditions.

Il semble que la substitution de garantie qui existe pour les gages sans dépossession soit impossible en matière de gage avec dépossession: le juge commissaire ne peut imposer au créancier une telle substitution (Cass com 4 juillet 2000 n°98-11803)

Le retrait contre paiement et les gages sans dépossession (droit de rétention fictif) : la possibilité dépend de l'étape procédurale

En effet dans le cas du droit de rétention fictif de l'article 2286 du code civil, pour atténuer les rigueurs de l’article 2286 et favoriser le redressement des entreprises, l’article L622-7 prévoit que le droit de rétention prévu à l’article 2286 est inopposable pendant la période d’observation ou l’exécution du plan, à une exception près : en cas de cession d’entreprise en période d’observation.

Ainsi, pour cette catégorie de gage sans dépossession assorti d'un droit de rétention fictif accordé par l'article 2286 du code civil, si le débiteur (ou l’administrateur) veut procéder à une cession d’entreprise en période d’observation et que cette cession comporte le bien gagé, il peut être autorisé par le juge commissaire à payer la créance pour disposer du bien. (Nous verrons qu’il dispose d’une alternative qui est l’affectation d’une quote-part du prix cf L642-12 dans les cas notamment où le retrait est économiquement sans intêret). Le débiteur peut donc se comporter comme si le droit de rétention n'existait pas, et le créancier ne peut exiger un retrait contre paiement.

Dans les autres cas (poursuite d’activité, que ce soit en période d’observation ou en phase d’exécution du plan) le retrait contre paiement n’a donc pas lieu d’être. Le droit de rétention « fictif » est neutralisé, et l’éventuelle cession isolée du bien par l’administrateur ou le débiteur obéit à un régime moins favorable pour le créancier.

En effet dans ce cas, c'est le régime de la vente des biens grevés de sûreté en période d'observation qui s'applique.

( l’article L622-8 (et R622-7) prévoit que la quote-part du prix correspondant aux créances du gagiste est versée à la Caisse des Dépôts jusqu’à l’adoption (éventuelle) du plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire. Ce n’est qu’après l’adoption du plan que cette partie du prix est libérée, mais le créancier gagiste subit la primauté du superprivilège des salaires (L626-22), et pour le surplus de sa créance il percevra les dividendes prévus au plan, diminués évidemment des sommes perçues.

Ce traitement appelle deux observations :

  • Un paiement provisionnel est possible dès que la cession est effectuée (L 622-8 et R622-7)

  • Une substitution de garantie est possible, soit avec l’accord du créancier, soit sur ordonnance du juge commissaire (L622-8 et R622-8) pour « libérer » le bien. Cette substitution semble impossible pour un gage avec dépossession.

Les limites variables tenant à la propriété du stock, d'une part du gage stock véritable et d'autre part du gage de droit commun portant sur le stock et conflit avec la clause de réserve de propriété

Voir revendication

Les réalisations dans le cadre de la procédure collective (et déroulement du processus pour tous les types de gage) et les cas de report du gage sur le prix en fonction de l'étape procédurale

La vente du bien gagé par le débiteur (administrateur ou liquidateur suivant la phase de la procédure)

Le débiteur peut souhaiter réaliser le bien donné en garantie : il ne faut pas le priver de cette possibilité, mais pour autant il faut préserver les droits du créancier gagiste. Le cas peut se présenter soit lorsque le retrait contre paiement de la créance n’est pas juridiquement possible, soit lorsqu’il est économiquement injustifié (le bien est d’une valeur inférieure à la créance), soit encore lorsqu’il est impossible à mettre en œuvre (le débiteur ne dispose pas des fonds nécessaires au paiement de la créance.

La solution va dépendre de l’étape procédurale :  

Vente du bien gagé en période d'observation (L622-8) suivi d'un plan

Comme déjà indiqué, la cession isolée du bien gagé par le débiteur (et/ou l'administrateur judiciaire), ou d’ailleurs la cession du bien à l’intérieur d’une cession d’entreprise en période d’observation entraîne interdiction d'utiliser la quote-part du prix correspondant aux créances du gagiste, qui doit être consignée jusqu'à l'adoption du plan (et sauf substitution de garantie): à l'adoption du plan, le gagiste sera payé (sauf paiement provisionnel antérieur autorisé par le juge commissaire).

La créance du créancier gagiste sera primée par le superprivilège des salariés, et sera alors payé du solde de sa créance dans le cadre du plan.

A ce stade il conviendra sans doute d'effectuer une distinction entre le titulaire d'un droit de rétention "réel" qui prime les créances postérieures et le titulaire d'un droit de rétention "fictif" conféré par le code civil, dont le droit de rétention est inopposable pendant la période d'observation et qui est à notre avis primé par les créances postérieures.

Pour plus de précisions, voir la vente de biens grevés

(a priori la poursuite d’un contrat de « gage stock » ou d’une convention avec clause de substitution évite ce processus, mais il se peut cependant que dès le jugement d'ouverture de la procédure le créancier s'oppose à toute substitution nouvelle pour faire valoir son droit de rétention et imposer aux mandataires de justice de lui proposer un accord de règlement)

Bien entendu le processus suppose que la quote-part du prix soit consignée, à défaut de quoi le prix est fondu dans le compte courant et ne peut plus à notre avis, être attribué au créancier gagiste

Vente du bien gagé durant l'exécution du plan de redressement ou de sauvegarde,

Le droit commun s'applique c'est à dire qu'en principe pour lever le gage il faudra payer la créance, mais le retrait n'est pas applicable au gage sans dépossession avec un droit de rétention conféré par l'article 2286 du code civil

Dans les autres cas, conformément au droit commun, la vente du bien par le débiteur entraîne report du gage sur le prix : concrètement le gage est levé contre paiement du prix entre les mains du créancier gagiste.

Vente en cas de cession d'entreprise,

L'hypothèse est que le débiteur n'a pas retiré le bien contre paiement durant la période d'observation ( ce qui en faciliterait la cession).

Les textes sont assez complexes à combiner en présence d'un droit de rétention ( réel ou fictif, le texte ne distinguant pas)

- d’une part l’article L642-12 prévoit qu’en cas de cession d’entreprise, incluant un bien gagé, une quote-part du prix est affecté à chaque bien de telle manière que les prérogatives du créancier gagiste puisse s’exercer sur cette somme,

"Lorsque la cession porte sur des biens grevés d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, le tribunal affecte à chacun de ces biens, pour la répartition du prix et l'exercice du droit de préférence, la quote-part du prix, déterminée au vu de l'inventaire et de la prisée des actifs et correspondant au rapport entre la valeur de ce bien et la valeur totale des actifs cédés. Le paiement du prix de cession fait obstacle à l'exercice à l'encontre du cessionnaire des droits des créanciers inscrits sur ces biens. Jusqu'au paiement complet du prix qui emporte purge des inscriptions grevant les biens compris dans la cession, les créanciers bénéficiant d'un droit de suite ne peuvent l'exercer qu'en cas d'aliénation du bien cédé par le cessionnaire."

- et d’autre part le dernier alinéa de ce texte dispose que le droit de rétention du gagiste n’est pas affecté par la cession d’entreprise. On rappellera que, dans le même esprit de protection des sûretés, pour les créanciers nantis, le même article L642-12 organise le transfert de la charge des sûretés au cessionnaire.

Deux interprétations nous semblent possibles :

- soit l'affectation d'une quote-part du prix est exclue dès qu'il y a droit de rétention

- soit les deux dispositifs se combinent. Autrement dit, dans ce cas si le quote-part du prix ne suffit pas à payer la créance du gagiste, il pourra exercer son droit de rétention (réel ou fictif) chez le cessionnaire. Ainsi soit la quote-part du prix est calculé de manière à permettre de solder le gagiste, soit le cessionnaire doit savoir qu'il s’expose à solder le créancier gagiste s'il veut retirer la chose ( et le cas échéant trouver un accord avec le créancier gagiste).

Ce qui est exclu est que le créancier gagiste titulaire d'un droit de rétention se contente de la quote part du prix de cession si elle ne suffit pas à le désintéresser. Cass com 20 mai 97 n°95-12925 ou que le bien soit retiré sans paiement intégral (Cass com 3 mai 2011 n°10-16146 )

L'interprétation la plus logique est que le bien gagé qui fait l'objet d'un droit de rétention ne peut être inclus dans la cession sans l'accord du créancier gagiste : le créancier gagiste ne donnera son accord que contre paiement de sa créance, et il n'y a pas lieu, dans ce cas à affectation d'une quote part du prix dès lors que le créancier est payé directement par le cessionnaire (et d'ailleurs cette quote part, par hypothèse fixée par le Tribunal dans le jugement de cession rendrait complexes les discussions entre le candidat cessionnaire et le gagiste, par hypothèse préalables à la cession, sauf à déterminer une somme "plancher" à atteindre avec la quote part, à compléter par le cessionnaire en fonction de celle-ci)

(pour un cas de cession d'entreprise et dans une même décision de rejet de la demande d'attribution du gage, voir Cass com 17 mai 2017 n°15-23413)

Vente en liquidation judiciaire sous le régime de la cession des biens du débiteur :

Si le bien n'est pas retiré contre paiement, l'article L642-20-1 du code de commerce dispose que, dans les 6 mois de la liquidation, le liquidateur doit demander au juge commissaire l'autorisation de réaliser le bien gagé (vendre). L'autorisation du juge commissaire (en l'espèce l'ordonnance) est notifiée au créancier gagiste au moins 15 jours avant la réalisation.

La décision du juge commissaire et sa notification peut avoir deux conséquences:

- le créancier demande au juge commissaire l'attribution judiciaire du bien, à valoir sur sa créance (et si elle n'est pas par la suite admise il restituera le bien ou sa valeur). Cette faculté est reconnue au créancier nanti sur outillage, mais est évidemment exclue pour le nantissement de fonds de commerce (L142-1 al 2 code de commerce), qui dispose par ailleurs d'un droit de surenchère du dixième en cas de cession de biens mais pas en cas de cession d'entreprise.

Il est précisé que l'ordonnance du juge commissaire qui autorise la vente du bien gagé n'est pas exécutoire par provision (R661-1) contrairement au droit commun en la matière, précisément pour purger la faculté du créancier de demander l'attribution judiciaire (l'article R661-1 n'écarte l'exécution provisoire que pour l'alinéa 1 de l'article L642-20-1, et ne l'écarte donc pas pour la décision qui statue sur une demande d'attribution visée à l'alinéa 2)

L'article L642-20-1 précise en effet "A défaut de retrait du gage ou de la chose légitimement retenue dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 641-3, le liquidateur doit, dans les six mois du jugement de liquidation judiciaire, demander au juge-commissaire l'autorisation de procéder à la réalisation. Le liquidateur notifie l'autorisation au créancier quinze jours avant la réalisation.

Le créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la réalisation, l'attribution judiciaire. Si la créance est rejetée en tout ou en partie, il restitue au liquidateur le bien ou sa valeur, sous réserve du montant admis de sa créance.

En cas de vente par le liquidateur, le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix. L'inscription éventuellement prise pour la conservation du gage est radiée à la diligence du liquidateur".

- le liquidateur vend le bien, et le gage est reporté sur le prix, avec une primauté absolue, c'est à dire sans concours avec les autres créanciers quels que soient leurs rang. La Cour de Cassation évince le superprivilège des salaires Cass com 15.10.1991 n°90-10784, et les créanciers postérieurs au jugement). Si la créance n'est pas soldé par cette affectation, le gagiste est chirographaire pour le solde.

La sécurité est d'ailleurs totale puisque si à la suite d’une erreur, le gage n'est pas "levé" c'est à dire radié suite au paiement, le créancier pourra exercer un "droit de suite" sur un éventuel acheteur, même de bonne foi, lequel s'expose à payer une seconde fois !

Antérieurement à la création du droit de rétention fictif par l'article 2286 4° du code civil (loi du 4 aout 2008), le créancier gagiste sans dépossession, qui n'avait pas de droit de rétention, venait à notre avis au même rang que le créancier nanti sur fonds de commerce, c'est à dire non seulement après le superprivilège des salaires, les créances postérieures, et les privilèges fiscaux.

Cas particulier de la rétention sur un immeuble

Le droit de rétention sur un immeuble n'est pas un obstacle à la vente, mais qui sera reporté sur le prix après la vente Cass com 30 janvier 2019 n°17-22223 : il s'agit en l'espèce d'acquéreurs d'un immeuble dont la vente est par la suite annulée et le vendeur en liquidation judiciaire. Créanciers de la restitution du prix qu'ils avaient payés, ils invoquent la rétention de l'immeuble qu'ils occupent, tant que le prix ne leur est pas restitué. La Cour de Cassation juge que la rétention n'est pas un obstacle à la vente et sera reportée sur le prix, ce qui est l'application stricte des textes  et notamment de l'article L642-20-1.

La vente du bien gagé par le créancier

En liquidation judiciaire, l'article L643-2 permet au créancier gagiste ( et plus généralement à tous les créanciers titulaires d'un privilège spécial) de rechercher la vente du bien si le liquidateur ne l'a pas entreprise dans les 3 mois du jugement, dès lors qu'il a déclaré créance.

Cette disposition n'a a priori pas d'intêret, car la primauté du gagiste sur les autres créanciers n'existe pas si le créancier prend l'initiative de vendre le bien, puisqu'il perd alors sont droit de rétention, et devient créancier chirographaire: le prix doit être versé au liquidateur (mais cela peut être différent si le liquidateur a laissé passé le délai de 6 mois et que le créancier est contraint, pour cette raison, de vendre, et qu'il prend en outre la précaution d'être autorisé - on suppose par le juge commissaire -)

En tout état, la réalisation d'un pacte commissoire (et évidemment la conclusion) est impossible en procédure collective, et l'éventuelle attribution judiciaire est enfermée dans les textes spécifiques.

La demande d'attribution judiciaire formée par le gagiste

En période d'observation l'attribution judiciaire est rendue impossible à la fois par l'arrêt des poursuites et l'interdiction de paiement des créances antérieures

Il en est de même en phase d'exécution d'un plan de sauvegarde ou de redressement puisque les paiements faits en violation des modalités du plan sont pénalement sanctionnés (L654-8), y compris semble-t-il si le plan n'est pas respecté tant qu'il n'est pas résolu.

Comme indiqué ci dessus, en liquidation judiciaire le créancier peut demander l'attribution judiciaire (Cass com 6 mars 1990 n°88-160336) tant que le liquidateur n'a pas lui même vendu, l'article L643-2 prévoyant expressément la reprise des poursuites pour les créanciers titulaires de suretés spéciales et l'article L642-20-1 prévoyant expressément la possibilité de demande d'attribution du gage.

Depuis fort longtemps la Cour de Cassation a admis que cette demande est totalement indépendante de l'existence d'un droit de rétention Cass plen 26 octobre 1984 n°83-10055 (et par exemple bénéficie au créancier titulaire d'un nantissement sur outillage (même arrêt et par la suite par exemple Cass com 6 mars 1990 n°88-16036

Procéduralement l'article L642-20-1 attribue la compétence au juge commissaire et dispose : "A défaut de retrait du gage ou de la chose légitimement retenue dans les conditions prévues par le deuxième alinéa de l'article L. 641-3, le liquidateur doit, dans les six mois du jugement de liquidation judiciaire, demander au juge-commissaire l'autorisation de procéder à la réalisation. Le liquidateur notifie l'autorisation au créancier quinze jours avant la réalisation.

Le créancier gagiste, même s'il n'est pas encore admis, peut demander au juge-commissaire, avant la réalisation, l'attribution judiciaire. Si la créance est rejetée en tout ou en partie, il restitue au liquidateur le bien ou sa valeur, sous réserve du montant admis de sa créance.

En cas de vente par le liquidateur, le droit de rétention est de plein droit reporté sur le prix. L'inscription éventuellement prise pour la conservation du gage est radiée à la diligence du liquidateur."

Etant précisé qu'il n'est pas nécessaire d'attendre le délai de 3 mois d'inaction prévu à l'article L643-2.

Le texte est clair sur le fait que l'attribution judiciaire est étroitement dépendante de l'admission de la créance - même ultérieure - "Si la créance est rejetée en tout ou en partie, il restitue au liquidateur le bien ou sa valeur, sous réserve du montant admis de sa créance"

A fortiori. le gagiste qui n'a pas déclaré créance ou qui n'a déclaré créance qu'à titre chirographaire n'est pas fondé à solliciter l'attribution judiciaire Cass com 1er février 2000 n°97-17772. "Mais attendu qu'un créancier ne peut invoquer le privilège garantissant sa créance que dans le délai légal de déclaration des créances prévu à l'article 66 du décret du 27 décembre 1985 ; qu'ayant constaté que la banque avait omis de déclarer la sûreté dont elle était titulaire, la cour d'appel en a exactement déduit qu'elle ne pouvait ultérieurement faire état du droit de rétention, conséquence de cette sûreté, pour demander l'attribution judiciaire du gage" . Voir également Cass 23 janvier 2001 n°98-10974,  Cass Com 8 juin 1999 n°97-12233 Cass com 18 janvier 2005 n°03-14600 mais avec une formulation peu franche, Cass com 8 juin 1999 n°97-12233 pour le droit de rétention du commissionnaire.

(voir également déclaration de créance erreur matérielle)

Il y a débat sur le maintien du droit de rétention malgré l'absence de déclaration de créance dès lors que la créance est simplement inopposable, mais il est logique que le droit de rétention soit, lui aussi, inopposable.

L'action sera bloquée, évidemment, si une décision définitive a déjà ordonné la cession du bien gagé. Autrement dit, la combinaison des alinéas 1 et 2 de l'article L642-20-1 doit se comprendre par le fait que le créancier peut demander l'attribution judiciaire tant que le liquidateur n'a pas vendu, c'est à dire pris l'initiative de vente, et que la décision l'y autorisant n'est pas définitive (Cass com 16 avril 1996 n°93-20886).

Concrètement, le créancier gagiste auquel une ordonnance vente est notifiée doit donc exercer un recours et demander l'attribution judiciaire 

Il est précisé que l'ordonnance du juge commissaire qui autorise la vente du bien gagé n'est pas exécutoire par provision (R661-1) contrairement au droit commun en la matière, précisément pour purger la faculté du créancier de demander l'attribution judiciaire (l'article R661-1 n'écarte l'exécution provisoire que pour l'alinéa 1 de l'article L642-20-1, et ne l'écarte donc pas pour la décision qui statue sur une demande d'attribution visée à l'alinéa 2)

Pour les conséquences du non exercice de la demande d'attribution sur la caution voir le mot caution

En terme de valorisation, le principe de l'attribution judiciaire est fixé par le code civil (article 2347) qui précise que si la valeur du bien excède la créance, la différence est versée au débiteur. La valorisation du bien sera soit consensuelle (par exemple des actions d'une société cotée n'appelle pas de débat, et sauf évaluation des titres de société sont considérés en valeur nominale Cass com 15 novembre 2005 n°03-18437 ) soit à dire d'expert.

Autrement dit, sauf accord sur la valeur l'attribution (au jour de l'attribution) l'attribution se fera à dire d'expert.  

Le rang de la créance du créancier gagiste

En période d'observation:

La quote-part du prix affecté aux créanciers gagistes est consignée jusqu'à adoption du plan, et le gagiste va subir la prééminence du superprivilège. Le solde de sa créance est payée dans le cadre du plan.

Voir le mot

En liquidation judiciaire:

- si le bien gagé est inclus dans une cession d'entreprise, la nécessaire sécurité des opérations impose soit que la quote-part du prix affecté au bien paye la créance, soit que le liquidateur ait préalablement retiré le bien en payant la créance, soit encore que le cessionnaire assume le droit de suite en connaissance de cause.

- si le bien gagé est vendu par le liquidateur dans les formes de la cession des biens du débiteur ( L642-18 et suivants), le créancier gagiste ne subit aucun concours sur le prix, sauf les "frais et dépens de la liquidation et les subsides accordés au débiteur (L643-8 du code de commerce)

Les questions pour lesquelles il peut y avoir débat et notamment la rétention par le banquier des cartes grises des véhicules et documents administratifs

Il est fréquent que les cartes grises (et parfois le double des clefs) des véhicules soient conservés par le déposant qui remet son véhicule en dépôt vente à un garage : ce n'est pas "illicite" (Cass civ 1ère 16 mai 2018 n°17-16842) mais on voit mal que cela donne lieu à autre chose qu'une créance.

Il se peut aussi qu'une banque se fasse remettre par un garage les cartes grises des véhicules qu'elle a en stock, pour "garantir" un prêt.

L'essentiel des difficultés concerne les gages sans dépossession pour lesquels des textes autres que l'article 2286 du code civil confère un droit de rétention: quel en est l'inventaire ? A partir de quand y-a-t-il véritablement gage ?

Le débat sur la pratique de certains distributeurs de véhicules, sous couvert d'un intitulé "gage stock" de conserver les cartes grises des véhicules vendus aux concessionnaires est terminé, après des années de jurisprudence favorable à cette solution (par exemple Cass com 31 mai 1994 n°91-20677 qui admettait que le droit de rétention soit matérialisé par la détention des cartes grises et impose le paiement du prix de vente au créancier, avec des décisions identiques sur les actes de francisation des bateaux) : il a été jugé que la détention des cartes grises ne constitue pas un gage au sens strict du terme, et que le liquidateur peut vendre les véhicules sans avoir à payer le prétendu gagiste en priorité (Cass com 8 juillet 2003 n°00-21569). On peut d'ailleurs faire le parallèle avec le fait pour un huissier de détenir les clefs d'un immeuble, qui ne saurait constituer un droit de rétention de l'immeuble Cass civ 1ère 11 mai 2017 n°15-26646

Par la suite la cour de Cassation a rendu des décisions équivoques qui valident le droit de rétention sur les cartes grises (Cass com 22 mas 2005 n°02-12881) mais n'en tirent aucune conséquence exploitable sur la propriété du véhicule ou un droit particulier sur son prix: le titulaire est simplement fondé à retenir la carte grise, dont on sait par ailleurs qu'elle n'est pas un titre de propriété du véhicule: l'acheteur de bonne foi pourra solliciter l'immatriculation du véhicule à son nom malgré tout (et d'ailleurs le créancier ne peut entrer en possession du véhicule au motif qu'il en détient la carte grise Cass com 11 juillet 2000 n°97-12374

Concrètement le prêteur ou vendeur du véhicule doit donc inscrire le gage sur le registre spécial tenu à la préfecture

"cette garantie n'était représenté que par les documents eux-mêmes, qu'il ne s'étendait pas aux véhicules et qu'il ne découlait pas du droit de rétention de ces documents, prévu dans les contrats au profit du prêteur, un droit pour celui-ci de se faire remettre les véhicules concernés par ces documents en remboursement des prêts" Cass com 11 juillet 2000 n°97-12374, (et en l'espèce est annulée la remise des véhicules au rétenteur des cartes grises) "le droit de rétention du prêteur sur les documents administratifs relatifs à des véhicules ne s'étend pas aux véhicules eux-mêmes et qu'il n'en résulte pas un droit pour le prêteur de se faire attribuer le produit de la vente de ces véhicules" Cass com 23 avril 2013 n°12-13690, la créance qui découle du contrat étant d'ailleurs chirographaire Cass com 16 novembre 2010 n°09-72897

Les gages spéciaux régulièrement constitués : gage automobile, warrant agricole, nantissement de comptes titres

Mais il est acquis que le gage automobile régulièrement constitué, le warrant agricole ou le nantissement de compte titres, qui sont des gages sans dépossession, confèrent au créancier un droit de rétention dit "fictif" par l'effet des dispositions spécifiques qui les organisent, et donc sans qu'il soit nécessaire d'invoquer l'article 2286 du code civil: article 2352 pour le gage automobile par exemple, L342-1 à 17 du code rural pour le warrant agricole, L211-20 IV du code monétaire et financier pour le compte titre.

Le cas particulier du nantissement de compte titre

La nantissement d'un compte titre est un procédé fréquent pour garantie le financement accordé par la banque teneur du compte en question.

Le banquier bénéficie d'une garantie, et le débiteur peut emprunter

Le code monétaire et financier organise ce nantissement en précisant que le créancier bénéficie d'une droit de rétention (articles L211-20 du code monétaire et financier), qui lui permettra donc de solliciter l'attribution judiciaire, qui est évidemment la reine des garanties.

L'erreur à ne pas commettre pour le banquier est de procéder à la vente des titres (avec autorisation du juge commissaire) car dans ce cas sont droit de rétention n'est pas reportée sur le prix.

En conclusion

En conclusion, le gage avec dépossession confère une protection très efficace, dont la contrepartie est le retrait contre paiement : si le débiteur (son administrateur judiciaire ou son liquidateur) veut retirer le bien, il doit payer la créance. La même sécurité existe pour le gage sans dépossession, mais s’il s’agit d’un gage auquel c’est l’article 2286 du code civil qui confère un droit de rétention fictif, le retrait ne pourra intervenir en période d’observation ou en exécution du plan (au moins tant que le bien n’est pas cédé).

En cas de cession du bien gagé, suivant les étapes de la procédure, le gage est reporté sur une quote-part du prix (période d’observation, avec primauté du superprivilège) ou sur le prix (en liquidation, avec l’alternative de l’attribution judiciaire). Ce n’est qu’en cas de cession d’entreprise incluant le bien, que le créancier a un droit de suite, qui en pratique impose son paiement intégral pour la sécurité des opérations.

( voir aussi le mot droit de rétention et substitution de garantie