Insaisissabilité (meubles et immeubles dont résidence principale)

Quelques points de la définition

Généralités

Biens meubles insaisissables

Les immeubles

Durée de l'insaisissabilité en cas d'arrêt d'activité du propriétaire

Insaisissabilité de la résidence principale et insaisissabilités à partir de la loi du 8 Aout 2015

Insaisissabilité de plein droit de la résidence principale par les créanciers professionnels

Bénéficiaires

Le cas particulier de l'entrepreneur individuel régi par la loi du 14 février 2022

Notion de résidence principale

Les créances concernées

Immeuble qui perd son statut de résidence principale

Immeuble qui devient résidence principale, qui rapporte la preuve ?

Immeuble vendu par le propriétaire et remploi possible

Immeuble à usage mixte

Autres immeubles que la résidence principale

Inopposabilité à l'administration fiscale

Qui peut saisir l'immeuble ?

Avis sur le dispositif

Entrée en vigueur et dispositions transitoires

Insaisissabilité sur déclaration notariée

Généralités

Le liquidateur ne peut pas vendre

Que se passe-t-il si le juge commissaire ordonne la vente

Irrégularité de la publication

Action paulienne

Nullité de la période suspecte et conséquences éventuelle sur l'action du liquidateur

Les créanciers peuvent-ils vendre ?

Les voies d'exécution en cours au jour du jugement sont a priori interrompues

Arguments contre les possibilités de saisie par les créanciers

Certains créanciers se font payer

La jurisprudence est favorable à l'action des créanciers

Le créancier peut obtenir un titre exécutoire s'il ne l'a pas déjà

Si le créancier vend, quel est le sort du prix

Insaisissabilité et indivision

Renonciation à l'insaisissabilité

Publication des insaisissabilités et renonciations

Généralités

L'insaisissabilité est le fait de ne pas pouvoir saisir un bien.

Pour certains biens la loi instaure une insaisissabilité "absolue", c'est à dire qu'aucun créancier ne peut les saisir: c'est le cas de certains meubles. Pour d'autres la loi instaure une insaisissabilité qui ne protège que de la saisie de certains créanciers et dans certaines conditions: c'est le cas des immeubles

L'insaisissabilité tend à protéger le propriétaire, et évidemment n'entrave pas son droit de vendre le bien.  

Biens meubles insaisissables par l'effet de la loi

La loi tente de ménager l'intérêt des créanciers d'appréhender le maximum de biens pour parvenir au paiement de leur créance, et celui du débiteur et de sa famille, qui doivent, nonobstant leurs dettes, garder la possibilité minimale de vivre décemment.

Ainsi, en droit commun, c'est à dire y compris hors procédure collective

- la loi ne permet pas que les biens nécessaires à la vie de famille du débiteur soient saisis: par exemple table, chaise, nécessaire de cuisine, vêtements, articles alimentaires, souvenirs, objets d'enfants, machine à laver ...

- en matière de revenus issus d'un salaire, la loi fixe la part saisissable des salaires d'un débiteur, en fonction de ses charges de famille, de telle manière que le débiteur conserve un minimum de revenus pour sa vie de famille.

- les créances alimentaires, les rentes d'accident du travail, les indemnités en réparation d'un préjudice corporel pour leur partie alimentaire (Cass com 5 février 2002 n°99-11903) sont insaisissables. Il en est de même, semble-t-il, et même si elle n'est alimentaire que pour partie, de la créance de prestation compensatoire Cass civ 2ème 10 mars 2005 n°02-14268 (voir également le mot divorce)

Ces dispositifs s'appliquent également au débiteur soumis à une procédure collective. Ajoutons que les subsides allouées par le juge commissaire sont insaisissables.

Les textes de références sont L112-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution et R112-2

Le traitement des immeubles du débiteur "chef d'entreprise"

Au delà de la préservation par la loi des meubles nécessaires à la vie familiale du débiteur, le principe même de l'entreprise individuelle est d'engager la totalité du patrimoine de l'entrepreneur. Ce principe repose sur l'unicité du patrimoine, sur le risque dont la contrepartie est le gain. En outre économiquement le fait est que l'entrepreneur individuel au sens large du terme (artisan, commerçant, "profession libérale" ) tire ses revenus de son activité, ce qui implique par exemple que s'il se porte acquéreur d'une maison d'habitation ce bien sera financé par le produit de son activité. Par ce jeu de vases communicants, si l'entreprise individuelle ne peut financer à la fois l'acquisition de la maison et le paiement des créanciers professionnels, ce sont indirectement ces derniers qui financent ladite maison : la maison est acquise et les créanciers ne sont pas payés. Il est donc logique que les créanciers professionnels puissent saisir la maison pour se payer.

Ces évidences ont toujours été admises, et ce d'autant plus que bon nombre de dispositifs permettent d'en éviter les conséquences, et en particulier les structures sociétaires, le cas échéant unipersonnelles, les EIRL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limité).

Pour autant le législateur a décidé de modifier l'esprit de l'entreprise individuelle, et permettant désormais à l'entrepreneur d'entreprendre sans le risque qui est la contrepartie du gain: certains parlementaires ont même dénoncé le "scandale" que consistait pour l'entrepreneur le risque de devoir vendre sa maison pour payer ses créanciers.

A partir du moment où on considère que l'entrepreneur doit pouvoir constituer un patrimoine immobilier au détriment de ses créanciers, sans que ces derniers puissent s'en plaindre et appréhender cet actif, la logique a été de mettre en place un dispositif d'insaisissabilité protégeant les immeubles des poursuites des créanciers professionnels.

A première vue un tel dispositif aggrave à deux titres le sort des créanciers professionnels: il perdent une partie - et bien souvent l'essentiel - de leur gage, et en amont, c''est à dire au fil de la constitution du passif professionnel, l'entrepreneur n'aura de cesse, avec le produit de son exploitation, que de payer ne priorité ses créanciers non professionnels, alors même au contraire que la logique est de payer les créanciers professionnels et de caler son train de vie (et donc le montant de ses dépenses personnelles) sur les revenus résiduels.

Quoi qu'il en soit le dispositif existe, et a été mis en application en plusieurs temps.

La régime applicable en droit positif pour la résidence principale d'une part, et d'autre part le régime de la déclaration d'insaisissabilité (antérieurement et pour d'autres immeubles que la résidence principale)

Durée de l'insaisissabilité en cas d'arrêt d'activité

Les effets de l'insaisissabilité durent tant que les droits des créanciers auxquels elle est opposable ne sont pas éteints Cass com 17 novembre 2021 n°20-20821 et ne cessent donc pas avec l'arrêt d'activité du débiteur Cass com 11 septembre 2024 n°22-13482

L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale à partir du 8 Aout 2015 (date d'entrée en vigueur de la loi du 6 aout 2015 dite loi Macron)

La loi n°2015-990 du 6 Aout 2015 (dite loi Macron) a apporté une importante modification au régime de l'insaisissabilité de la résidence principale, désormais de plein droit, c'est à dire sans qu'une déclaration préalable soit nécessaire.

L’article 206 de la loi du 6 aout 2015 dite loi Macron modifie ainsi la rédaction de l’article L526-1 du code de commerce 

Insaisissabilité de plein droit de la résidence principale

« Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, les droits d'une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante sur l'immeuble où est fixée sa résidence principale sont de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne. La domiciliation de la personne dans son local d'habitation en application de l'article L. 123-10 du présent code ne fait pas obstacle à ce que ce local soit de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire. »

Ainsi les professionnels n'ont plus besoin de recourir à une déclaration notariée pour protéger leur résidence principale, c'est de plein droit, pour autant que leurs dettes soient professionnelles (ou en tout état l'immeuble est à l'abri des poursuites de ces créanciers). La protection est par contre sans effet pour les dettes non professionnelles (dettes inhérentes à la vie familiale, dettes d'acquisition ou de rénovation de la résidence principale) 

En cas d'immeuble "mixte" c'est à dire utilisé à la fois à titre de résidence principale et à usage professionnel, la loi ne prévoit pas d'état descriptif de division comme elle le prévoyait pour la déclaration notariée, ce qui sera évidemment source de difficulté et le cas échéant de "manipulations" (nouvel article L526-1 du code de commerce applicable à compter du 8 aout 2015)

Le débiteur peut évidemment renoncer à l'insaisissabilité (et la Cour de Cassation semble considérer dans ce cas que les effets de la renonciation ne se produisent pas à l'égard des créanciers antérieurs à la publication de la renonciation (cf Cass lettre de la chambre commerciale n°6 novembre 2021 P6)

Notion de résidence principale

La notion de résidence principale n'est pas définie, et il faut sans doute faire appel aux critères fiscaux.

Il est regrettable que la loi n'est pas plus encadrée la notion, notamment en fixant un délai d'antériorité de la résidence principale par rapport au jugement d'ouverture pour éviter que, la veille du jugement, le débiteur déménage pour protéger l'immeuble.

Il n'y a pas, en effet, en cette matière, de notion de nullité de la période suspecte, et seule la fraude pourrait permettre de discuter le statut de l'immeuble

Que se passe-t-il si l'immeuble perd le statut de résidence principale : statut de l'immeuble au jour du jugement d'ouverture

Le texte ne distingue pas et n'apporte aucune précision. On peut imaginer deux traitements possibles: soit en cas de liquidation judiciaire c'est la situation de l'immeuble au jour du jugement d'ouverture de la procédure qui détermine le statut de l'immeuble pour la durée de la procédure, soit ce statut peut évoluer. A priori rien ne vient justifier que l'immeuble reste insaisissable s'il n'est plus la résidence principale, et donc si le débiteur déménage, l'immeuble pourra être saisi par le liquidateur.

C'est ce qui a été jugé Cass com 18 mai 2022 n°20-22768 et il convient a priori d'en tirer que c'est la situation de l'immeuble au jour de l'ouverture de la procédure collective qui doit être considérée.

Il appartient évidemment à celui qui se prévaut du caractère de résidence principale d'un immeuble d'en justifier Cass com 25 octobre 2023 n°21-21694

Que se passe-t-il si un immeuble qui n'était pas la résidence principale le devient, qui doit en rapporter la preuve ?

L'immeuble devient insaisissable de plein droit. La notion de fraude à la loi doit pouvoir être retenue, si la résidence principale est déplacée pour les besoins de la cause, mais évidemment des problèmes de preuve se poseront. En tout état, il ne peut pas être fait appel à la notion de nullité de la période suspecte car le texte ne prévoit pas cette hypothèse.

Ce vide législatif est d'autant plus préjudiciable que la résidence principale est de plein droit insaisissable par les créanciers professionnels, sans distinction entre ceux dont les droits sont nés avant ou après que l'immeuble devienne résidence principale: autrement dit les créanciers professionnels qui ont contracté avec un débiteur propriétaire d'un important immeuble alors saisissable verraient l'emprise de leurs saisies réduite par le seul déménagement de leur débiteur qui installe sa résidence principale dans l'immeuble ! 

A priori il serait logique que le débiteur ne puisse pas, par des manoeuvres, modifier l'emprise de la liquidation

C'est ce qu'on pourrait tirer de l'arrêt Cass com 18 mai 2022 n°20-22768 dont on peut déduire que c'est la situation de l'immeuble au jour de l'ouverture de la procédure collective qui doit être considérée.

Un autre arrêt va dans le même sens, en ajoutant qu'il "incombe à la débitrice de rapporter la preuve qu'à la date du jugement d'ouverture de la procédure, les biens dont la vente est requise par le liquidateur constituaient sa résidence principale". Cass com 14 juin 2023 n°21-24207.

Voir également Cass com 22 novembre 2023 n°22-18795 "Vu les articles L. 526-1 du code de commerce, et 1315, devenu 1353, du code civil :

6. Il résulte de la combinaison de ces textes que celui qui se prévaut des dispositions du premier pour soustraire du droit de gage général des créanciers de la procédure collective d'une personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante un immeuble appartenant à celle-ci doit rapporter la preuve qu'à la date d'ouverture de cette procédure, cet immeuble constituait sa résidence principale et n'était donc pas entré dans le gage commun des créanciers".

Les bénéficiaires du dispositif

L'article L526-1 pose les conditions pour bénéficier du dispositif: "personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante"

Le texte semble a priori comporter des lacunes de définition des personnes concernées : à la lettre du texte, cette mention " personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante"   vise avec certitude les personnes inscrites à un registre professionnel (et on peut penser que c'est également le cas des personnes immatriculées au registre du commerce, au répertoire des métiers), les agriculteurs et les professionnels indépendants ( souvent improprement qualifiés bien souvent de professions libérales).

Ainsi les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale mais qui ne sont pas inscrites au registre correspondant ne sont pas mentionnées (sauf à considérer qu'il s'agit de personnes exerçant une activité indépendante, mais il suffit de consulter l'énumération de l'article L620-2 du code de commerce, qui délimite l'emprise des procédures collectives pour constater que la distinction est évidente entre une personne qui exerce une activité commerciale ou artisanale et une personne qui exerce une activité indépendante), pas plus d'ailleurs que les personnes qui ont été inscrites, sont depuis radiées mais ont des dettes professionnelles qui subsistent. On peut penser que le texte ne leur est pas applicable, ce qui serait une injustice importante, inhérente à la mauvaise rédaction du texte, qui ne reflète certainement pas la volonté du législateur. Si tel est le cas l'immeuble est insaisissable tant que la personne physique est incrite et à condition qu'elle le soit, et la protection cesse après.

La Cour de Cassation a déjà eu l'occasion, dans un autre domaine, de préciser que l'article L526-1 du code de commerce était d'interprétation stricte, et on peut imaginer qu'elle reproduirait ce raisonnement si elle était saisi pour déterminer la qualité de bénéficiaire du dispositif (Cass com 13 septembre 2016 n°15-14088)

Il semble que ce soit la tendance déjà adopté par les Cours d'appel à propos de l'article L526-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure (identique relativement aux bénéficiaires): un commerçant radié avant que la déclaration d'insaisissabilité soit effectuée (Cour d'appel Nîmes, Chambre civile 2, section C, 7 Novembre 2012, N° 11/00938) ne bénéficie pas du dispositif.

Le cas particulier de l'entrepreneur individuel régi par la loi du 14 février 2022

Les bénéficiaires du dispositif

L'article L526-1 pose les conditions pour bénéficier du dispositif: "personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante"

Le texte semble a priori comporter des lacunes de définition des personnes concernées : à la lettre du texte, cette mention " personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante"   vise avec certitude les personnes inscrites à un registre professionnel (et on peut penser que c'est également le cas des personnes immatriculées au registre du commerce, au répertoire des métiers), les agriculteurs et les professionnels indépendants ( souvent improprement qualifiés bien souvent de professions libérales).

Ainsi les personnes exerçant une activité commerciale ou artisanale mais qui ne sont pas inscrites au registre correspondant ne sont pas mentionnées (sauf à considérer qu'il s'agit de personnes exerçant une activité indépendante, mais il suffit de consulter l'énumération de l'article L620-2 du code de commerce, qui délimite l'emprise des procédures collectives pour constater que la distinction est évidente entre une personne qui exerce une activité commerciale ou artisanale et une personne qui exerce une activité indépendante), pas plus d'ailleurs que les personnes qui ont été inscrites, sont depuis radiées mais ont des dettes professionnelles qui subsistent. On peut penser que le texte ne leur est pas applicable, ce qui serait une injustice importante, inhérente à la mauvaise rédaction du texte, qui ne reflète certainement pas la volonté du législateur. Si tel est le cas l'immeuble est insaisissable tant que la personne physique est incrite et à condition qu'elle le soit, et la protection cesse après.

La Cour de Cassation a déjà eu l'occasion, dans un autre domaine, de préciser que l'article L526-1 du code de commerce était d'interprétation stricte, et on peut imaginer qu'elle reproduirait ce raisonnement si elle était saisi pour déterminer la qualité de bénéficiaire du dispositif (Cass com 13 septembre 2016 n°15-14088)

Il semble que ce soit la tendance déjà adopté par les Cours d'appel à propos de l'article L526-1 du code de commerce dans sa rédaction antérieure (identique relativement aux bénéficiaires): un commerçant radié avant que la déclaration d'insaisissabilité soit effectuée (Cour d'appel Nîmes, Chambre civile 2, section C, 7 Novembre 2012, N° 11/00938) ne bénéficie pas du dispositif.

Le cas particulier de l'entrepreneur individuel régi par la loi du 14 février 2022

Le régime de la loi du 14 février 2022 ne devrait pas radicalement modifier la situation de la personne physique en procédure collective, sauf le cas où il serait admis - ce qui est probable - que le liquidateur peut réaliser l'immeuble au bénéfice des créanciers figurant dans le patrimoine personnel du débiteur, si ce patrimoine est concerné par la procédure. Pour plus de précisions voir entrepreneur individuel.

Les créances concernées

Alors que la définition des "créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de la personne" est essentielle, elle n'est pas précisée par les textes.

Faute de précision il convient sans doute de s'en tenir à une interprétation littérale du texte. Ainsi a priori le débiteur qui relève au titre de son activité professionnelle de la procédure collective ne peut prétendre que les créances de caution qu'il a pu donner dans le cadre d'une personne morale dans laquelle il intervient également, sont des dettes nées à l'occasion de son activité professionnelle, dès lors que la caution elle même n'est pas protégée par la dispositif.

Pas de règlement des questions déjà soulevées par l'insaisissabilité par déclaration notariée qui vont se reproduire

Il ne règle pas les modalités d’application en cas de liquidation judiciaire, quand le passif est composé à la fois de créances postérieures et de créances antérieures à l’entrée en vigueur du texte, ni d'ailleurs, comme c'était déjà le cas du texte antérieur, si le passif est composé à la fois de dettes professionnelles et de dettes non professionnelles. A priori si on transpose les précédentes solutions, le liquidateur ne pourra pas réaliser le bien et il n'est pas certain que les créanciers auxquels le dispositif d'insaisissabilité est inopposable pourront saisir le bien

Cette question donne lieu à débat depuis des années devant la Cour de Cassation pour l’insaisissabilité publiée, et il est d'autant plus dommage que l’occasion n’ait pas été saisie de la régler que les déclarations notariées étaient assez rares, alors que l'insaisissabilité devenant de plein droit les contentieux seront systématiques.

Enfin il n'est manifestement pas procédé à une dérogation à la déchéance du terme attachée à la liquidation judiciaire, de sorte que le prêt personnel qui a financé l'acquisition du bien sera déchu, alors même que l'immeuble n'est pas sous l'emprise de la liquidation : cette situation est particulièrement préjudiciable car elle prive le débiteur de la possibilité de poursuivre l'échéancier ... étant précisé qu'il n'existe pas non plus expressément d'exception à l'interdiction de paiement des dettes antérieures alors que ce serait typiquement nécessaire.

Que se passe-t-il si l'immeuble est vendu par son propriétaire: article L526-3 du code de commerce et remploi possible

La "cession" de la résidence principale insaisissable ouvre la possibilité pour le débiteur d'en employer (le terme juridique est le remploi) le prix pour l'acquisition d'un nouvel immeuble qui deviendra à son tour insaisissable s'il héberge la résidence principale.

Dès lors que le texte évoque la "cession" il ne semble applicable qu'à la vente volontaire par le propriétaire, et n'est à notre avis pas applicable à la vente sur saisie immobilière, dans laquelle les créanciers doivent exercer leurs droits. A défaut la saisie n'aurait en effet aucun sens, si son produit peut faire l'objet d'un remploi. 

Le texte issu de la loi du 6 aout 2015 est beaucoup moins précis que le précédent: il ne détermine pas selon quelle modalité le remploi est constaté (mais nous verrons que cela n'a pas vraiment d'importance, le prix est en réalité insaisissable pendant un an jusqu'à acquisition d'une nouvelle résidence), alors évidemment que l'ancien texte qui régissait la déclaration notariée organisait un remploi dans l'acte notarié, et surtout par différence à l'insaisissabilité découlant de la déclaration notariée, l'insaisissabilité sur la nouvelle résidence n'est pas limitée, pour les créanciers antérieurs à la nouvelle acquisition, à la part de prix réemployé.

Autrement dit, sous le régime de la déclaration notariée, si la résidence principale était vendue, et son prix réemployé pour l'acquisition d'une nouvelle, cette dernière devenait insaisissable pour la partie de prix provenant de la précédente. Avec l'insaisissabilité de plein droit, la nouvelle résidence principale nouvelle est ipso facto insaisissable - et d'ailleurs la notion de remploi devient totalement inutile - pour tous les créanciers non professionnels.

Le risque sera grand de voir un débiteur mal intentionné acquérir un immeuble surdimensionné qui monopolisera tous ses avoirs pour les rendre insaisissables.

Le courant jurisprudentiel étant de plus en plus de considérer que l'immeuble insaisissable échappe totalement à l'emprise de la procédure collective, il faut en déduire que le débiteur peut seul vendre l'immeuble, et n'est pas frappé de dessaisissement pour signer l'acte de vente.

Traitement de l'immeuble à "usage mixte"

Lorsque la résidence principale est utilisée en partie pour un usage professionnel, la partie non utilisée pour un usage professionnel est de droit insaisissable, sans qu'un état descriptif de division soit nécessaire.

Insaisissabilité soumise à déclaration pour les autres immeubles non professionnels

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil, une personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur tout bien foncier, bâti ou non bâti, qu'elle n'a pas affecté à son usage professionnel. Cette déclaration, publiée au fichier immobilier ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, après sa publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. Lorsque le bien foncier n'est pas utilisé en totalité pour un usage professionnel, la partie non affectée à un usage professionnel ne peut faire l'objet de la déclaration qu'à la condition d'être désignée dans un état descriptif de division.

Le régime de la déclaration notariée est inchangé pour ces immeubles.

La naissance du droit s'apprécie dès que le débiteur est engagé, et non pas en fonction d'une transaction ultérieure Cass com 8 janvier 2020 n°18-20885 

Inopposabilité à l'administration fiscale

L'insaisissabilité mentionnée aux deux premiers alinéas du présent article n'est pas opposable à l'administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l'encontre de la personne, soit des manœuvres frauduleuses, soit l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, au sens de l'article 1729 du code général des impôts. »

Concrètement qui peut saisir l'immeuble ? On devrait pouvoir soutenir que le liquidateur peut vendre ? Les créanciers peuvent -ils vendre ?

Le texte n'a pas éclairci les zones d'ombre des précédents : on peut donc se reporter aux observations ci dessous relatives à la déclaration d'insaisissabilité:

- il n'est pas impossible de soutenir que le liquidateur peut vendre, s'il y a au moins dans le passif un créancier auxquels l'insaisissabilité n'est pas opposable (par hypothèse un créancier non professionnel) ... mais cela ne semble pas être la tendance de la jurisprudence

- la jurisprudence semble se diriger vers l'action des créanciers, ce qui est une certaine négation de la procédure collective

Avis sur le nouveau dispositif d'insaisissabilité de plein droit

La fin de la nullité de la période suspecte

Evidemment dès lors que l'insaisissabilité de la résidence principale découle maintenant de la loi, il n'est plus question, spécifiquement pour cet immeuble d'envisager une nullité de la période suspecte, brèche ouverte ( pour peu de temps donc) par l'ordonnance de 2014 dans l'indestructible déclaration notariée d'insaisissabilité

L'immeuble mixte: traitement mal défini

Concrètement le sort d'un immeuble affecté pour partie à usage de résidence principale et pour partie à usage professionnel (par exemple le professionnel qui affecte une pièce de son logement à son activité professionnelle) est assez mal réglé si l'immeuble n'est pas facilement partageable, c'est à dire si la partie professionnelle ne peut pas être vendue sans affecter la partie d'habitation: la partie professionnelle est théoriquement saisissable, et la partie consacrée à l'habitation ne l'est pas.

Au delà même de l'absence de division en deux lots distincts, qui est susceptible de rendre la scission complexe en droit, on ignore comment les difficultés pratiques seront résolues pour parvenir à la vente de l'un sans l'autre, et le pire est à craindre: soit la partie professionnelle sera vendue à très faible prix ce qui n'est l'intêret ni du débiteur ni de ses créanciers, soit cette partie sera l'enjeu de troubles apportés par son acheteur à la jouissance de la partie habitation. Dans tous les cas il est vrai que ces situations ne sont que la conséquence de l'imbrication, parfois inextricable, de la partie professionnelle dans la partie habitation, et il n'y a pas de véritable solution tranchée.

Incertitudes sur la notion de "droits sur l'immeuble"

De même la notion de « droits sur l’immeuble » est imprécise et on peut se demander si, dans l’esprit du texte, elle ne pourrait englober les parts d’une SCI dont serait porteur le débiteur, et qui serait elle-même propriétaire de sa résidence principale  (ce qui avait cependant été exclu dans l’ancien texte)

A priori la nu propriété peut constituer les droits qui peuvent être déclarés insaisissables.

Entrée en vigueur de l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale: article 206 IV de la loi

Les nouvelles dispositions « n’ont d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle après publication de la présente loi » (concrètement à compter du 8 Aout 2015).

Ainsi:

- les créanciers professionnels antérieurs au 8 Aout 2015 ne peuvent se voir opposer l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale

- le texte est évidemment sans effet pour les procédures collectives ouvertes avant l'entrée en vigueur de la loi (8 aout 2015). Cass com 29 mai 2019 n°18-16097 Cass com 11 septembre 2024 n°23-17721

- pour les procédures ouvertes après le 8 aout 2015, les difficultés déjà rencontrées dans l'ancien dispositif vont se reproduire: il pourra être soutenu que le liquidateur ne pourra rechercher la vente de l'immeuble que si l'ensemble des créanciers pour lesquels il exerce sa mission est composé de créances antérieures au 8 aout 2015. Dans l'hypothèse inverse ( passif composé à la fois de dettes antérieures et de dettes postérieures , ou passif composé à la fois de dettes postérieures professionnelles et non professionnelles) la qualité pour agir du liquidateur pourra être contestée, ce qui pour autant, suivant les interprétations, peut être in fine sans réel effet de protection pour l'immeuble ( voir ci dessous commentaires ordonnance de 2014).

La pseudo injustice pour les débiteurs, suivant qu'ils ont ou pas des dettes antérieures au 8 aout 2015 n'a pas été jugée sérieuse au sens des questions prioritaire de constitutionnalité Cass com 12 avril 2018 n°18-40004 Cass com 8 décembre 2021 n°21-16852

Immeubles insaisissables par déclaration notariée (clause d'insaisissabilité) en ce compris les immeubles d'habitation jusqu'au 7 Aout 2015

Généralités

La loi permet aux propriétaires d'un immeuble d'effectuer devant notaire une déclaration d'insaisissabilité de leur immeuble d'habitation et de tout immeuble qui n'est pas affecté à leur exercice professionnel. Il peut s'agir d'un immeuble stricto sensu, par exemple résidence secondaire, terrain ..., ou des droits démembrés sur l'immeuble (droit indivis, nu propriété ..).

En cas d'immeuble affecté partiellement à l'habitation et partiellement à l'activité professionnelle la loi impose que le notaire établisse en état descriptif de division permettant d'appréhender la partie protégée par la déclaration d'insaisissabilité (article L526-1 du code de commerce dans sa version applicable avant le 8 aout 2015)

Cette déclaration devra être publiée dans des conditions précises

La déclaration d’insaisissabilité est établie par un notaire, et en effet publiée d'une part au Bureau des hypothèques et d'autre part mentionnée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel (registre du commerce ou répertoire des métiers) L526-2 ou dans un journal d’annonces légales pour les personnes non tenues de s’immatriculer (comme les agriculteurs), pour que les créanciers soient informés qu'en cas de difficulté l'immeuble ne sera pas utilisé pour les payer.

Si ces publications ne sont pas faites (avant le jugement d'ouverture Cass com 10 mars 2021 n°19-21971) la déclaration d'insaisissabilité sera "inopposable" aux créanciers, et l'immeuble pourra être vendu à leur profit. Mais si la publicité est faite mais absente d'un extrait KBIS délivré au liquidateur, la déclaration restera opposable Cass com 14 décembre 2022 n°21-13278

Pour autant la déclaration peut être publiée en phase d'exécution d'un plan et sera opposable au liquidateur en cas de résolution du plan, s'agissant d'une nouvelle procédure Cass com 17 novembre 2021 n°20-15395

Cette déclaration évitera les saisies de l'immeuble par des créanciers professionnels postérieurs à la publication de la déclaration (à la conservation des hypothèques maintenant dénommée services de la publicité foncière, et soit au registre du commerce ou au répertoire des métiers pour les personnes qui en relèvent, soit dans un journal d'annonces légales pour les personnes qui ne relèvent pas d'un registre professionnel). La notion de créance postérieure / antérieure s'apprécie en fonction de la date de naissance de la créance Cass com 8 janvier 2020 n°18-20885 et le créancier peut solliciter l'inopposabilité d'une déclaration faite en fraude de ses droits

La Cour de Cassation (Cass com 11 juin 2014 p 13-13643) a toutefois précisé que le texte était d'interprétation stricte, et s'il protège l'immeuble des saisies, il n'interdit pas aux créanciers d'inscrire des hypothèques judiciaires sur l'immeuble ... ce qui en cas de vente par le propriétaire lui imposera de payer la créance si elle n'est pas professionnelle. Ainsi en contrairement à une idée reçue, l'immeuble déclaré insaisissable n'est pas complètement protégé des actions des créanciers.

Les effets de la déclaration d’insaisissabilité peuvent cesser dans plusieurs circonstances :

- Le débiteur y renonce et révoque sa déclaration : cela peut être nécessaire pour obtenir un financement

- Le débiteur vend le bien déclaré insaisissable. Toutefois le débiteur dispose de la faculté d'effectuer une déclaration de "remploi" des fonds (L526-3 dans sa rédaction applicable), et dans ce cas l’insaisissabilité se poursuit sur le prix de vente si celui-ci est réutilisé dans le délai d’un an pour l'acquisition d'un nouveau bien, qui devient à son tour insaisissable, à hauteur de la somme provenant de la vente du précédent

- Le débiteur décède (mais dans ce cas l'insaisissabilité dure quand même jusqu'à la liquidation de la succession en application de l'article L526-3 du code de commerce)

En cas de divorce, les effets de la déclaration subsistent lorsque le débiteur reçoit le bien dans le cadre du partage entre époux (article L526-3)

Immeuble insaisissable et liquidation judiciaire: en principe le liquidateur ne peut pas vendre l'immeuble ... c'est en tout cas la position de la Cour de Cassation mais semble-t-il sur le fondement d'un raisonnement antérieur à 2014 

La jurisprudence considère que le liquidateur, s'il ne peut se prévaloir d'agir pour tous les créanciers, ne peut passer outre la déclaration d'insaisissabilité (dont l'opposabilité est évidente Cass com 24.03.2015 n°14-10175). voir également Cass com 8 sept 2015 n°14-13273 Cass com 18 juin 2013 n°11-23716 

C'est en tout cas la position dominante de la jurisprudence qui considère que le liquidateur ne peut agir que s'il représente tous les créanciers, et pas seulement certains d'entre eux (ici ceux auxquels la déclaration serait inopposable). Or généralement le passif est composé à la fois de créanciers auxquels la déclaration est inopposable (créanciers antérieurs à la déclaration) et de créanciers auxquels elle est opposable (créanciers antérieurs), ce qui prive donc le liquidateur de la faculté d'agir en inopposabilité et/ou aux fins de vente de l'immeuble, puisqu'il n'agirait alors pas dans l'intêret de tous les créanciers.

Le raisonnement est le suivant: le liquidateur agit dans l'intêret de la collectivité des créanciers: il ne peut donc agir pour rechercher la vente que dans l'hypothèse où le passif est exclusivement composé de créanciers auxquels la déclaration d'insaisissabilité est inopposable ( créanciers professionnels antérieurs à la déclaration et créanciers non professionnels) : a priori ce n'est jamais le cas et le passif est toujours de composition multiple.

Cette position de la jurisprudence de la Cour de Cassation a au moins le mérite de mettre un terme aux divergences des Cours d'appels, certaines considérant que le liquidateur pouvait vendre dès lors qu'au moins un créancier est antérieur ou non professionnel, d'autres jugeant l'inverse et parmi les premières certaines considérant que le prix devait être réparti à tous les créanciers et d'autres qu'il ne devait être affecté qu'aux créanciers auxquels la déclaration est inopposable !!

Il est maintenant acquis que le liquidateur ne peut vendre l'immeuble en cas de liquidation judiciaire, la déclaration protège l'immeuble dans des circonstances restrictives : le débiteur peut opposer la déclaration d'insaisissabilité au liquidateur ( par exemple Cass com 25 Mars 2015 n°14-10175).

Cette analyse, a priori logique, pose bien des questions pratiques, et si on la rapporte à des situations juridiques comparables, et aurait pu être différente. Par exemple quand une personne phyque exploite une entreprise individuelle se marie sous le régime de la communauté légale, ses créanciers antérieurs au mariage ne peuvent saisir les biens communs ( articles 1410 et 1411 du code civil). Pour autant en cas de liquidation, les biens communs sont attraits à la procédure, sans égard pour le fait que le passif comprend à la fois des dettes antérieures au mariage et des dettes postérieures ... On aurait pu transposer le raisonnement à la déclaration d'insaisissabilité, et c'est sans doute une occasion manqué de poser une solution simple et rationnelle: ce n''est pas le cas avec l'immeuble insaisissable.

Immeuble déclaré insaisissable et irrégularité de la publication de la déclaration

Pour les raisons déjà exposés (le liquidateur ne peut agir que dans l'intérêt de tous les créanciers et pas de certains d'entre eux) la jurisprudence a dans un premier temps considéré que le liquidateur ne pouvait contester l'absence de publicité d'une déclaration, par exemple au registre du commerce (Cass com 13.03.2012 n°11-15438).

Mais parallèlement la Cour de Cassation jugeait que le juge commissaire qui ordonne, sur requête du liquidateur, la vente d'un immeuble dont la déclaration notariée d'insaisissabilité n'est pas correctement publiée, ne commet pas d'excès de pouvoir (Cass com 2 juin 2015 n°14-10383 en l'espèce le débiteur avait publié sa déclaration au répertoire des métiers mais ne l'a publié au registre du commerce que postérieurement au jugement de redressement judiciaire)

Ces deux décisions paraissaient a priori opposées, ou tout au moins impliquer deux traitements antinomiques à la déclaration d’insaisissabilité irrégulière, même si en réalité dans le premier cas le liquidateur avait mené une action principale en constatation de l'inopposabilité de la déclaration, alors que dans la seconde il a purement et simplement ignoré la déclaration mal publiée et sollicité la vente.

Il valait donc mieux pour les liquidateurs aller sur ce terrain, pour autant évidemment que les juges commissaires fassent droit à leurs requêtes tendant à la vente.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 15 novembre 2016 (n°14-26287), et avec une motivation qui n'est pourtant pas nouvelle mais reproduite dans un arrêt récent, est venu expressément procéder à un revirement de sa jurisprudence du 13 mars 2012 « par un arrêt du 2 juin 2015, B IV, n° 94, (pourvoi n° 13-24.714), la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation a jugé que les organes de la procédure collective avaient qualité à agir pour la protection et la reconstitution du gage commun des créanciers ; qu’il apparaît donc nécessaire de modifier la solution résultant de l’arrêt du 13 mars 2012 et de retenir désormais que, la déclaration d’insaisissabilité n’étant opposable à la liquidation judiciaire que si elle a fait l’objet d’une publicité régulière, le liquidateur, qui a qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers, est recevable à en contester la régularité à l’appui d’une demande tendant à reconstituer le gage commun des créanciers »

Cette décision a  été confirmée par une décision du 15 novembre 2017 n°16-19425 qui se réfère expressément à la précédente, puis par un décision du 30 janvier 2019 n°17-24584 "qu'en déclarant recevable l'action exercée par le liquidateur dans l'intérêt collectif des créanciers de la liquidation judiciaire, afin de reconstituer leur gage commun et de leur voir déclarer inopposable la déclaration d'insaisissabilité, faute d'une publicité complète et régulière de celle-ci, l'arrêt ne porte aucune atteinte disproportionnée au droit au respect des biens "

Ainsi le liquidateur est désormais fondé à contester la régularité de la publication de la déclaration d’insaisissabilité.

Action paulienne

Voir le mot

Immeuble insaisissable et liquidation judiciaire: que se passe-t-il si le juge commissaire ordonne la vente sur demande du liquidateur nonobstant l'insaisissabilité ?

Si le juge commissaire ordonne la vente de l'immeuble, et même s'il commet en l'espèce un excès de pouvoir (Cass com 22 mars 2016 n°14-21267), sa décision définitive devra être exécutée, et le juge de l'exécution est incompétent pour remettre en cause la décision rendue (Cass civ 2ème 6 juin 2013 n°12-18481)  

Immeuble insaisissable et liquidation judiciaire: un pas vers la recherche de la nullité en période suspecte

En conséquence de l'ordonnance du 12 mars 2014 et pour les procédures collectives ouvertes postérieurement au 1er juillet 2014, la déclaration notariée d’insaisissabilité de la résidence principale ou d’autres immeubles est désormais expressément mentionnée au rang des actes susceptibles d’être annulés (nullité de plein droit postérieurement à la date de cessation des paiements, nullité « facultative » dans les 6 mois qui précèdent) (L632-1 du code de commerce). Il s'agit de contrer la jurisprudence de la Cour de Cassation qui refusait au liquidateur la possibilité d'agir en nullité.

Immeuble insaisissable et liquidation judiciaire: la motivation de la Cour de Cassation pour écarter la vente par le liquidateur est affaiblie par l'ordonnance de 2014 et on pourrait soutenir que le liquidateur peut vendre ... (mais cela ne semble pas être la voie vers laquelle se dirige la Cour de cassation)

Toute la motivation de la Cour de Cassation pour écarter la possibilité pour le liquidateur de vendre nonobstant l'insaisissabilité repose sur le fait que le liquidateur ne peut agir que dans l'intêret de la collectivité des créanciers et pas de certains d'entre eux seulement (ici ceux auxquels l'insaisissabilité est inopposable). Le liquidateur ne pourrait même pas agir avec l'accord de ceux des créanciers auxquels la déclaration est inopposable (Cass com 22 mars 2016 n°14-21267 relativement à une liquidation judiciaire antérieure à 2014)

Un telle motivation manque déjà à notre avis de fondement : le liquidateur qui vend un immeuble hypothéqué pour un prix inférieur à la créance hypothécaire n'agit véritablement que dans l'intêret de ce créanciers et pas directement dans l'intêret de la collectivité: ce n'est que par répercussion que la collectivité des créanciers bénéficie de cette vente, dont les effets amenuisent le concours du créancier hypothécaire sur les autres biens (sur lesquels il est chirographaire). Heureusement une telle action est admise, et elle est finalement assez poche de la vente par le liquidateur d'un bien insaisissable, au seul profit des créanciers auxquels l'insaisissabilité est inopposable.

En outre, depuis que l'ordonnance de 2014 a admis que le liquidateur puisse agir en nullité de la déclaration d'insaisissabilité, le texte habilite expressément le liquidateur à agir dans l'intêret direct de certains créanciers (ici ceux auxquels la déclaration était opposable) et par hypothèse même contre l'intêret de ceux auxquels la déclaration était inopposables (qui subiront le concours de tous les créanciers là où ils auraient été seuls prétendants au prix): on voit mal dans ces conditions comment la jurisprudence peut continuer à interdire au liquidateur de vendre l'immeuble insaisissable dès lors que l'insaisissabilité est inopposable à au moins un créancier.

Immeuble insaisissable et liquidation judiciaire: si le liquidateur ne peut vendre ... les créanciers le peuvent-ils ? Ce n'est pas certain du tout mais cela semble être le courant d'évolution de la cour de Cassation

Il n'y a pas d'exception à l'arrêt des voies d'exécution par le jugement d'ouverture

La procédure collective interrompt les actions individuelles des créanciers : la saisie immobilière est visée comme les autres mesures d’exécution : l’article L. 622-21 dispose en effet que « le jugement d’ouverture arrête ou  interdit toute procédure d’exécution tant sur les meubles que sur les immeubles ». On relève là qu’il n’est pas fait d’exception pour l’immeuble déclaré insaisissable, ce qui ne ménage  a priori pas la saisie en cours d’un créancier auquel la déclaration est pourtant inopposable, et sera un argument contre la théorie selon laquelle le bien insaisissable échappe à l’emprise de la procédure collective).

Les créanciers ne devraient pas pouvoir saisir l'immeuble

A priori en aucun cas, même en liquidation judiciaire, l'immeuble n'est à l'abri des saisies des créanciers antérieurs et des créanciers non professionnels, c'est à dire auxquels la déclaration n'est pas opposable. Il convient de préciser ici que le critère à retenir est le critère temporel (avant ou après l'insaisissabilité) et professionnel ou pas, et même si les arrêts évoquent la plupart du temps le cas de prêteurs qui ont financé l'acquisition de la résidence principale et bénéficient d'une hypothèque, il n'est pas nécessaire que le créancier bénéficie d'une inscription sur le bien.

Au delà de ces considérations, le sort de ces créanciers est mal réglé par les différents textes, et le législateur a relativement mal précisé les interférences du droit des procédures collectives.

En effet logiquement dès lors que le liquidateur ne peut pas saisir l'immeuble, il est logique que ceux des créanciers auxquels la déclaration est inopposable, c'est à dire pour lesquels elle est sans effet, puissent le saisir.

Mais par ailleurs le droit commun de la liquidation judiciaire impose aux créanciers, sans exception, la suspension des poursuites tant que la procédure de liquidation n'est pas clôturée (article L622-23 du code de commerce applicable à la liquidation judiciaire) .

Et même après la clôture, les créanciers ne recouvrent leurs droits de poursuites que de manière très restrictive (article L643-11-I du code de commerce) ... et ce d'autant plus que le législateur a pris soin d'organiser la vente par les créanciers post clôture pour les bien reçus par succession, et n'a rien précisé pour l'immeuble insaisissable

Une position restrictive consisterait donc à soutenir qu'en raison de la mauvaise combinaison des textes, personne ne peut saisir l'immeuble ( voir par exemple JCP 22 MAI 2015 page 29 sous Cass com 24.03.2015 n°14.10175).

Ce n'est pas la position dominante des spécialistes, mais la jurisprudence ne s'est pas encore véritablement fixée mais est plutôt favorable aux créanciers ... sans véritable motivation ... y compris après clôture de la liquidation judiciaire Cass com 13 décembre 2023 n°22-19749 Cass com 13 décembre 2023 n°22-16752

D'une manière détournée les créanciers se font payer

Il est vrai en pratique que généralement l'immeuble d'habitation est financé par le débiteur, mais également par son conjoint qui est co-emprunteur (en cas de mariage en séparation, ce qui est le régime de prédilection des personnes susceptibles de se trouver en liquidation), lequel subi les poursuites des créanciers et préfère continuer à payer le prêt. Ainsi d'une manière détournée, la déclaration d'insaisissabilité préserve l'immeuble mais impose le paiement du créancier par un autre que le débiteur en liquidation judiciaire.

Pour autant en pareille situation, le liquidateur est fondé à demander reversement des sommes payées avec des fonds qui auraient du revenir à la liquidation.

Un premier arrêt (suivi d'autres) de la Cour de Cassation tranche sans explication en faveur de l'action des créanciers ... et cela semble être la position que la Cour de Cassation entend privilégier

Par un arrêt du 5 avril 2016 (n°14-24640) la Cour de Cassation a admis que le créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité était inopposable mène à bien une procédure de saisie immobilière, sans avoir à saisir le juge commissaire. Cet arrêt, assez abrupt, n'explique pas en quoi il est dérogé à la suspension des poursuites, ni comment et par qui le prix sera réparti, et surtout à qui sera versé un éventuel solde si le créancier hypothécaire est intégralement soldé. C'est cependant l'ouverture de la brèche tant attendue par certains dans la protection absolue que conférait l'insaisissabilité: pas de saisie par le liquidateur en raison de la notion d'intérêt collectif (avec toutes les réserves déjà exprimées depuis l'ordonnance de 2014), pas de saisie des créanciers auxquels la déclaration était inopposable ... le tout en raison d'une mauvaise coordination des textes. (un arrêt du 4 mai 2017 Cass com n°15-18348 reprend la même solution et précise : "un créancier antérieur à sa publication ou extra-professionnel, a qualité pour appréhender et faire réaliser le bien visé par la déclaration en application de l'article L. 643-2 du code de commerce" ) 

La Cour de Cassation semble considérer que la question est tranchée par cet arrêt du 5 avril 2016, à tel point qu'elle a émis le 12 septembre 2016 un avis dont il résulte que " le créancier, titulaire d’une sûreté réelle, à qui est inopposable la déclaration d’insaisissabilité de l’immeuble appartenant à son débiteur en liquidation judiciaire, peut exercer son droit de poursuite sur cet immeuble pendant la procédure collective par voie de saisie-immobilière selon les règles posées au livre III du code des procédures civiles d’exécution, les articles L.643-2 et L.642-18 du code de commerce régissant la cession des actifs immobiliers d’un débiteur en liquidation judiciaire n’étant pas applicables, que le créancier ait déclaré ou non sa créance." (avis 16010 du 12 septembre 2016)

La Cour de Cassation a d'ailleurs précisé que le créancier auquel la déclaration est inopposable n'a pas à saisir le juge commissaire, le bien étant hors procédure collective, ce qui a pour effet que si le juge commissaire autorise la vente il commet un excès de pouvoir (Cass com 25 octobre 2017 n°16-16574 dans un cas où un créancier inscrit sur l'immeuble avait initié devant le juge commissaire la vente en invoquant le texte de l'article L643-2 du code de commerce, le permettant aux créanciers inscrits si le liquidateur n'a pas entrepris la vente dans les trois mois) 

Certains commentateurs en tirent que le bien échappe totalement à la liquidation judiciaire, à tel point que le créancier auquel la déclaration est inopposable pourrait saisir le bien sans avoir à déclarer créance, ce qui est la conséquence extrème du raisonnement mais n'est pas illogique puisque la créance non déclarée est simplement inopposable à la procédure et pas éteinte (dans le même esprit mais dans un autre domaine Cass com 8 Sept 2015 n°14-15831).

C'est dans cet esprit que par un arrêt du 12 juillet 2016 (n°15-17321) la Cour de Cassation considère qu' "un créancier inscrit, à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble, peut faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble". Le même arrêt en tire les conséquences sur l'interruption de la prescription attachée à la déclaration de créance: "si l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créance s'étend aux poursuites de saisie immobilière qui tendent au même but, soit le recouvrement de la créance, ce créancier, lorsqu'il a déclaré sa créance, ne peut, dès lors qu'il n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble, au sens de l'article 2234 du code civil, bénéficier de la prolongation de l'effet interruptif de prescription de sa déclaration jusqu'à la clôture de la procédure collective, cet effet prenant fin à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission".  Dans le même sens Cass com 13 septembre 2017 n°16-10206

Ainsi, évidemment le créancier qui n'a pas, selon la Cour de Cassation, à attendre la clôture de la procédure pour recouvrer ses droits, ne peut subir l'effet interruptif de la liquidation judiciaire jusqu'à sa clôture (Cass com 20 novembre 2024 n°23-19924)

Cependant si le créancier fait le choix de déclarer créance avant d'engager la vente, il semble qu'il bénéficie de l'effet interruptif jusqu'à l'admission de sa créance (et jusqu'à la clôture de la procédure si sa créance n'a pas été vérifiée) Cass com 24 mars 2021 n°20-10414

voir également Cass com 24 mars 2021 n°19-23413 "Un créancier inscrit à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble appartenant à son débiteur, et qui peut donc faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble"

A l'inverse certains auteurs considèrent, et c'est parfaitement logique, que le bien et les droits du créancier auquel l'insaisissabilité est inopposable sont traités hors procédure collective: le créancier qui n'a pas de titre exécutoire au jour de l'ouverture de la procédure collective devrait pouvoir en obtenir un nonobstant l'arrêt des poursuites individuelles attaché à la procédure collective, dès lors qu'il justifie dans son acte introductif qu'il a conservé un droit d'action sur le bien. Par la suite il pourra donc pratiquer des voies d'exécutions sur le bien. La Cour de Cassation a statué de manière équivoque sur cette question en jugeant "l'arrêt retient que celle-ci, à laquelle la déclaration d'insaisissabilité publiée par Mme P... était inopposable, est bien fondée à agir individuellement contre la débitrice aux fins d'obtenir un titre exécutoire portant condamnation. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui aurait dû se borner à constater l'existence, le montant et l'exigibilité de la créance, sans prononcer de condamnation à paiement, a violé les textes susvisés" Cass com 7 octobre 2020 n°19-13560  Autrement dit le créancier obtient un titre exécutoire qui ne condamne pas le débiteur.

Evidemment c'est le seul immeuble pour lequel la déclaration est opposable à la liquidation judiciaire qui échappe à l'emprise de la liquidation et pas tous les immeubles du débiteur Cass com 7 novembre 2018 n°17-20432

Le créancier auquel la déclaration est inopposable qui entend procéder à la vente de l'immeuble après clôture de la liquidation judiciaire n'a pas à invoquer le droit de reprise des poursuites organisé par l'article L643-11du code de commerce Voir Cass com 13 décembre 2023 n°22-19749 et Cass com 13 décembre 2023 n°22-16752 

Plus précisément le créancier exerce ses poursuites sur l'immeuble, sans pour autant recouvrer l'exercice individuel de ses actions contre le débiteur Cass com 17 janvier 2014 n°22-20185, ce qui démontre que l'immeuble a véritablement un statut hors procédure collective. Il ne peut donc engager des poursuites sur un autre bien (même arrêt)

Vu les articles L. 526-1 et L. 643-11 du code de commerce et les articles L. 221-1 et R. 221-1 du code des procédures civiles d'exécution :

6. Il résulte des deux premiers textes susvisés que le créancier auquel l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale du débiteur est inopposable peut, même après clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, exercer son droit de poursuite sur l'immeuble qui n'est pas entré dans le gage commun des créanciers de la liquidation judiciaire. Il ne peut, en revanche, après cette clôture, en dehors des exceptions prévues au deuxième des textes visés, recouvrer l'exercice individuel de ses actions.

L'article L643-11 du code de commerce organise les exceptions à l'absence de reprise des poursuites par les créanciers, en cas de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif. Notamment les créanciers retrouvent leurs droits de poursuite lorsque la créance trouve son origine dans des "droits attachés à la personne" (par exemple créances alimentaires - pensions alimentaires - ou prestations compensatoires). Une banque à laquelle la déclaration d'insaisissabilité était inopposable a imaginé invoquer ce texte pour procéder à la vente de l'immeuble après clôture de la liquidation: la Cour de Cassation juge que ce texte n'est pas applicable, la créance n'étant pas la conséquence de "droits attachés à la personne", et en conséquence le créancier ne pourra, sur ce fondement, engager la vente (Cass com 13 décembre 2017 n°15-28357). Cet arrêt est trompeur à première lecture car on pourrait penser que le créancier auquel la déclaration est inopposable ne peut, postérieurement à la clôture, engager la vente de l'immeuble (et c'est d'ailleurs ce que la lettre de la première phrase de l'article L643-11 devrait impliquer). Mais en réalité, dès lors que la Cour de cassation considère que le bien et les droits des créanciers auxquels la déclaration est inopposable échappent aux règles de la procédure collective, ces créanciers ne sont soumis à aucune des règles de la liquidation, et peuvent vendre l'immeuble sans s'y soumettre : la banque pouvait engager la vente, et si en l'espèce sa procédure n'a pas abouti c'est qu'elle a invoqué l'article L643-11 pour une créance qui n'en relève pas. L'arrêt précise d'ailleurs bien qu'il est motivé par le fait que la banque revendique "exclusivement" l'application de l'article L643-11 : autrement dit la banque a fondé son action sur un texte inapplicable et c'est pour cette seule raison qu'elle est déboutée de ses demandes (devant le président du Tribunal, en application du V de l'article L643-11, tendant à faire juger que les conditions de la reprise des poursuites étaient remplies)

3. Après avoir énoncé que le créancier auquel la déclaration notariée d'insaisissabilité d'un immeuble est inopposable bénéficie, indépendamment de ses droits dans la procédure collective de son débiteur, d'un droit de poursuite sur cet immeuble afin de recouvrer sa créance, qu'il doit être en mesure d'exercer en obtenant, s'il n'en détient pas un auparavant, un titre exécutoire par une action contre le débiteur tendant à voir constater l'existence, le montant et l'exigibilité de sa créance, la cour d'appel retient exactement, sans méconnaître l'objet du litige, que, même si la banque demandait à tort, dans son assignation, le paiement des sommes restant dues au titre des prêts, son action tendait en réalité au recouvrement de sa créance par l'obtention d'un titre exécutoire aux fins d'exercice par le créancier de son droit de poursuite de l'immeuble, de sorte qu'elle était recevable. Cass com 19 avril 2023 n°21-22461

Le créancier peut obtenir un titre exécutoire s'il ne l'a pas déjà

Nonobstant l'arrêt des poursuites et voies d'exécution, le créancier titulaire d'une créance antérieure à la déclaration d'insaisissabilité peut obtenir un titre exécutoire Cass com 13 septembre 2017 n°16-10206

Si un créancier procède à la vente, quel est le sort du prix ? Curieusement a priori pas de solde reversé au débiteur, mais au contraire affectation à la liquidation judiciaire

Le créancier sera payé sur le prix (comme d'ailleurs pendant le délai de un an si c'est le débiteur qui procède à la vente puisque l'article article L526-3 du code de commerce organise un remploi qui évidemment ne protège pas le prix des créanciers auxquels l'insaisissabilité est inopposable). Plus précisément le prix a vocation, dans le respect du droit commun, à être affecté aux créanciers inscrits sur l'immeuble.

Il s'agit ici avec certitude de ceux auxquels l'insaisissabilité est inopposable

Il serait illogique que les créanciers non inscrits auxquels l'insaisissabilité est inopposable n'exercent pas leur droit sur le solde, même si faute de discipline collective les textes n'organisent rien à ce sujet. En tout état la personne (notaire ou rédacteur d'un état de collocation) qui sera en charge de la répartition du prix sera inspirée de s'en soucier, ce qui est une tâche absolument inextricable : comment et sous quel contrôle décider à qui l'insaisissabilité est inopposable en fonction de la date de la créance, et tenant en outre le fait que le créancier concerné n'est pas soumis à déclaration de créance ? C'est une question sur laquelle les textes sont muets, ce qui est extrêmement piégeux.

(on n'imagine pas que des créanciers prennent une inscription sur le bien dont le caractère insaisissable leur serait opposable, ce qui évitera d'avoir à s'interroger sur l'inextricable situation dans laquelle parmi les créanciers inscrits il faudrait s'interroger pour savoir s'il faut les payer tous ou pas, et dans la négative comment livrer à l'acheteur un bien libre de toute inscription)

Enfin, toujours dans la logique du raisonnement retenu par les arrêts de la Cour de Cassation, le solde du prix après paiement de tous les créanciers auxquels l'insaisissabilité est inopposable a normalement vocation à être remis au débiteur (et pas au liquidateur), mais sous condition de remploi. Là encore les textes ne règlent absolument pas les questions qui se pose: si le solde est remis au débiteur qui le dilapide, il n'y aura pas de remploi et a postériori il s'avèrera qu'elle revenait au liquidateur ... mais sans restitution possible. On pourrait envisager que le professionnel détenteur du prix le consigne durant un an (durée de la faculté de remploi prévue à l'article L526-3), et le verse au débiteur qui justifie une nouvelle acquisition et à défaut le libère à l'issue au profit du liquidateur ... Là encore les lacunes des textes sont excessivement pénalisantes.

Un arrêt de la Cour de Cassation du 25 octobre 2017 n°16-22249 vient semer le trouble dans ces questions: les faits sont peu explicités, mais il semble que le liquidateur (judiciaire) d'une personne physique ait obtenu une condamnation de cette personne à son profit personnel (manifestement au titre de ses honoraires). Il serait donc un "créancier", et le juge de l'exécution dans le cadre de la saisie immobilière qu'il a entreprise, d'un immeuble déclaré insaisissable, a jugé que la déclaration lui était inopposable: c'est donc un créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, qui est donc autorisé à poursuivre la saisie de l'immeuble (et le fait qu'il soit par ailleurs le liquidateur trouble l'appréciation mais est sans importance). La question qui s'est posée est celle de la répartition du prix de vente: la Cour de cassation valide le paiement des créanciers inscrit, de la créance du créancier poursuivant (ici le liquidateur, mais une fois encore c'est sans importance) et la question du solde s'est posée: le liquidateur avait prévu que ce solde soit versé à la liquidation judiciaire, c'est à dire sans distinction entre les créanciers auxquels la déclaration est inopposable et les autres. Le débiteur pour sa part prétendait effectuer un remploi, puisque le texte le permet.

La Cour de Cassation approuve le projet d'affectation à la liquidation judiciaire: autrement dit, une fois que l'immeuble est vendu par un créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable, il n'y a pas de subrogation entre le solde du prix et l'immeuble, et il s'agit d'un actif qui, comme tous les actifs, entre dans la liquidation.

Cet arrêt est évidemment très important, car s'il était confirmé, cela reviendrait finalement à permettre à un créancier auquel la déclaration d'insaisissabilité est inopposable de saisir l'immeuble, de se faire payer et finalement pour le solde de parvenir indirectement au résultat auquel le liquidateur n'est pas directement parvenu. Il y aurait alors un compromis entre les créanciers inscrits et/ou saisissant et en second rang la liquidation judiciaire, le débiteur n'ayant pas de prétention possible sur ces sommes.

Insaisissabilité et indivision

Une première question est de savoir si le liquidateur d'un indivisaire peut provoquer le partage.

Il ne devrait pas y avoir de difficulté si le débiteur en liquidation n'est pas la "cause" de l'insaisissabilité, c'est à dire s'il n'est pas lui même passible de procédure collective : a priori l'insaisissabilité ne devrait protéger que de l'action du "responsable" de l'indivisibilité.

La question est moins tranchée si c'est du chef du débiteur en liquidation que l'immeuble est insaisissable.

Il semble que dans un premier temps, la Cour de Cassation ait eu la volonté d'écarter l'action en partage du liquidateur dans le cas où le bien indivis est un bien insaisissable

Cass com 30 juin 2015 n°14-14757: le liquidateur ne peut agir en licitation partage de l'immeuble indivis déclaré insaisissable au motif que la déclaration d'insaisissabilité est inopposable à plusieurs créanciers figurant au passif.

- Cass com 14 mars 2018 n°16-27302. Le motif retenu est que dès lors que le bien est insaisissable, les droits indivis ne sont pas appréhendés par la liquidation ... ce qui est très loin de l'interprétation littérale du dessaisissement et des règles de la liquidation judiciaire. Cette très singulière décision ouvrait en outre la porte à toutes les difficultés que l'indivision comprend à la fois un bien insaisissable et un bien saisissable : le liquidateur peut-il exercer l'action à la condition de solliciter l'attribution du bien saisissable ? Ne peut-il pas non plus mener l'action dans cette perspective ? Toutes les hypothèses sont permises, dès lors que la règle de droit est imprécise et que les solutions ne sont pas motivées. 

- Par la suite la Cour de Cassation a à nouveau jugé que le liquidateur n'avait pas qualité pour agir en partage d'indivision, dès lors que tous les créanciers qu'il représente ne sont pas des créanciers auxquels l'insaisissabilité est inopposable Cass com 13 avril 2022 n°20-23165 

Un arrêt Cass com 11 septembre 2024 n°23-17721 vient pour sa part affirmer que le liquidateur ne peut rechercher la vente de la résidence principale indivise au motif que "les droits indivis insaisissables détenus par M. [V] sur l'immeuble n'étaient pas entrés dans le gage commun des créanciers"

Un arrêt Cass com 10 juillet 2019 n°18-16867 est incontestablement moins catégorique, même s'il est souvent commenté dans le même sens .

Il juge en effet  "si le liquidateur ne représente pas le débiteur en ce qui concerne les droits de celui-ci sur l'immeuble qu'il a régulièrement déclaré insaisissable, lequel n'est, dès lors, pas entré dans le gage commun des créanciers, le juge aux affaires familiales, saisi par M. T... d'une demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de l'indivision, pouvait, en exécution du jugement de divorce et après avoir rejeté la demande d'attribution préférentielle du bien litigieux dont il était également saisi, ordonner sa licitation pour parvenir au partage de l'indivision sans avoir besoin d'une demande à cette fin du liquidateur".

Il n'est pas clairement indiqué que le liquidateur n'a pas qualité, il est seulement indiqué que son initiative est inutile dès lors qu'un indivisaire sollicite le partage (en l'espèce un autre indivisaire) et qu'il n'y a pas d'attribution préférentielle.

Le doute existe donc, et il n'est pas nécessairement logique que le liquidateur ne puisse pas agir en partage, surtout si l'indivision ne comprend pas que le bien insaisissable. 

Il est par contre indiscutable que si un autre indivisaire provoque le partage, le liquidateur peut y intervenir pour appréhender la part du débiteur, qui, pour sa part n'est pas insaisissable Cass com 10 juillet 2019 n°18-16867 précité

En effet, si l'immeuble insaisissable "n'est pas entré dans le gage commun des créanciers" selon le terme employé par la Cour de Cassation, ce qui ne fonde pas le liquidateur à représenter les droits du débiteur dans l'indivision (toujours selon les termes de la Cour de Cassation) rien ne vient indiquer que la somme revenant au débiteur à l'issue du partage est insaisissable et n'entre pas dans la liquidation. Au contraire, aucune subrogation n'est pas organisée par la loi, à la différence de ce que prévoit l article L526-3 du code de commerce en cas de vente du bien

Ainsi, l'indivisaire qui provoque le partage permet, de fait, au liquidateur de s'immiscer dans des opérations qu'il n'aurait peut être pas pu provoquer, et très certainement, de percevoir la part d'indivision du débiteur.

Même si le cas est différent, cette position est incontestablement à rapprocher de la position de la Cour de Cassation (Cass civ 1ère 16 septembre 2020 n°19-15939), quand elle considère que les dispositions protectrices du logement familial prévues à l'article 215 du code civil  ne peuvent (hors cas de fraude de l'un des époux), être opposées aux créanciers personnels d'un indivisaire usant de la faculté de provoquer le partage au nom de leur débiteur, en application de l'article 815-17 du code civil. Ici l'indivisaire lui même provoque le partage, et les dispositions protectrices du logement, déclaré insaisissable, ne peuvent être opposées aux créanciers de l'indivisaire en liquidation, dont le liquidateur peut appréhender la part

Une seconde question est de préciser que seule la part de l'indivisaire du chef duquel l'immeuble est insaisissable est elle même insaisissable.

 Autrement dit, s'il advient que l'immeuble est vendu, ce n'est pas la totalité de son prix qui sera insaisissable. Ce qui revient à constater que si l'indivision est post communautaire, et si le passif du débiteur en liquidation est "commun" (article 1413 du code civil), le liquidateur pourra a minima appréhender la part de l'autre indivisaire, ex époux, sur laquelle l'insaisissabilité ne porte pas (transposition de la règle de l'article 2414 du code civil pour l'hypothèque et Cass com 20 juin 1995 n°93-10331 )

Une troisième question est de constater qu'en cas d'indivision post communautaire, l'insaisissabilité cesse si l'immeuble n'est pas attribué à l'indivisaire du chef duquel il est insaisissable (L526-3 du code de commerce)

De sorte que l'insaisissabilité ne perdure pas si l'attribution est refusée au débiteur en liquidation - expressément - ou si l'immeuble ne lui est pas attribué dans le cadre des opérations de partage Cass com 18 mai 2022 n°20-22768

Voir également le mot indivision

Possibilité de renoncer à l'insaisissabilité: un moyen de "canaliser" la vente en cas de liquidation judiciaire

Bien entendu le débiteur peut renoncer à l'insaisissabilité de droit, comme il peut renoncer à celle découlant d'une déclaration notariée, et même si aucun texte ne le précise la renonciation est à notre avis un droit propre que le débiteur peut exercer seul même en liquidation judiciaire (il serait abérant que le liquidateur puisse exercer ce droit au nom du dessaisissement).

Compte tenu de l'incertitude de traitement de l'immeuble en présence de créanciers auxquels l'insaisissabilité est inopposable, il peut être intéressant, pour le débiteur de rechercher un acquéreur aux conditions qu'il souhaite, et de renoncer à l'insaisissabilité pour autant que le liquidateur (autorisé par le juge commissaire) accepte de céder à cet acquéreur dans ces conditions.

Ainsi, si, comme le soutiennent certains auteurs, ces créanciers peuvent saisir l'immeuble, il est peut-être préférable pour le débiteur de barrer leurs véléïtés de saisie en basculant l'immeuble sous l'emprise de la liquidation judiciaire par les effets de sa renonciation au bénéfice de l'insaisissabilité et de "canaliser" ainsi la vente dans le cadre de la liquidation judiciaire.

La renonciation découle d'un acte notarié (L526-3) et peut être elle même être révoquée, ce qui semble-t-il doit être publié (formalité symétrique de celle prévue par l'article L526-2 pour l'inscription) et sera un piège sérieux pour les créanciers bénéficiaires de la renonciation à insaisissabilité, dont la renonciation sera ensuite révoquée sans qu'ils en soient personnellement informés !

Modalités de publication des insaisissabilités et de la renonciation éventuelle à l'insaisissabilité de la résidence principale

La résidence principale étant maintenant insaisissable en application de la loi du 6 Aout 2015 et pour les procédures collectives concernées, il n'y a évidemment pas lieu de publier cette insaisissabilité

Publication au moment de l'inscription au registre du commerce

Par contre les autres insaisissabilités portant sur d'autres immeubles doivent être publiées, ainsi le cas échéant que la renonciation à l'insaisissabilité de la résidence principale.

C'est un décret du 11 mars 2016 (n°2016-296) qui précise ces modalités: L'article R123-37 du code de commerce modifié par le Décret n°2016-296 du 11 mars 2016 (art. 8) dispose désormais "Dans sa demande d'immatriculation, la personne physique déclare  ... 4° Le cas échéant, qu'elle a effectué une déclaration d'insaisissabilité de ses droits sur tout bien foncier non affecté à son usage professionnel ou qu'elle a renoncé à l'insaisissabilité de ses droits sur sa résidence principale, en application des articles L. 526-1 et suivants, en précisant le lieu de publication de cette déclaration" , et l'article Article R526-1 dispose pour sa part "Conformément à l'article R. 123-37, sont indiqués dans la demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés de la personne physique : 1° La déclaration d'insaisissabilité de ses droits sur tout bien foncier non affecté à son usage professionnel, prévue à l'article L. 526-1 ; 2° La renonciation à l'insaisissabilité de ses droits sur la résidence principale prévue à l'article L. 526-3 ; 3° Dans tous les cas, le lieu de la publication de ces déclarations."

Publication des changements postérieurs à l'inscription du registre du commerce: un délai d'un mois à compter du changement de statut de l'immeuble

Enfin si le statut des immeuble change postérieurement à l'inscription au registre du commerce, l'article R526-2 du code de commerce (Modifié par le Décret n°2016-296 du 11 mars 2016 - art. 12) dispose "Conformément aux dispositions de l'article R. 123-45 et du 2° de l'article R. 123-46, doivent, dans un délai d'un mois, faire l'objet d'une demande d'inscription modificative au registre du commerce et des sociétés : 1° La renonciation à l'insaisissabilité des droits sur la résidence principale de la personne physique immatriculée ou sa révocation, prévues à l'article L. 526-3 ; 2° La déclaration d'insaisissabilité des droits de la personne physique immatriculée sur tout bien foncier non affecté à son usage professionnel, prévue à l'article L. 526-1, ou sa révocation prévue à l'article L. 526-3."

Pour plus de précisions sur ces questions, voir

- notre étude détaillée sur la saisie immobilière

- notre article issu du colloque" la saisie immobilière approches transversales" organisée par le laboratoire de droit privé de la Faculté de Droit de Montpellier (Octobre 2013) : Philippe PERNAUD, "la saisie immobilière en procédure collective et plus précisément en liquidation judiciaire". Publication des actes aux éditions Dalloz Octobre 2014.