Professions libérales professions indépendantes (et procédure collective)

Généralités

Jusqu'à l'ordonnance 2023-77 du 8 février 2023, le terme de profession libérale communément employé n'avait pas de signification juridique, et la loi employant généralement celui de "personnes exerçant une activité indépendante"

Le nouveau texte évoque cette notion et a codifié, en principe à droit constant (tableau de concordance), les modalités d'exercice en commun de ces professionnels. Voir l' ordonnance 

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022 (15 mai 2022) les "professions libérales" étaient passibles le cas échéant de procédure collective ( voir ce mot, et voir également "compétence") peu important que leurs dettes soient professionnelles ou personnelles Cass com 17 juin 2020 n°19-10464

L'entrée en vigueur du texte a modifié le dispositif, en éclatant le patrimoine de l'entrepreneur individuel entre son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel, avec diverses hypothèses de procédure collective et/ou surendettement.

Pour plus de précisions voir le mot entrepreneur individuel

Le décret 2023-1165 du 9 novembre 2023 vient définir la liste des professions libérales réglementées de la catégorie des professions juridiques ou judiciaires (administrateurs et mandataires judiciaires, avocats, avocats au conseil d'état et à la cour de Cassation, commissaires de justice, greffiers des tribunaux de commerce, notaires)

La personne morale ou physique exerçant une profession indépendante: définition

La personne physique qui exerce à titre individuel une profession indépendante est éligible aux procédures collectives ... mais encore faut-il qu'il l'exerce effectivement, ce qui ne peut se déduire de sa seule inscription au répertoire SIRENE Cass com 3 avril 2019 n°17-27885 

La Cour de Cassation a précisé qu'une personne qui exerce une profession indépendante au sein d'une société n'est pas éligible, à titre individuel, à la procédure collective et relève du surendettement des particuliers (Cass civ 2 1er Juin 2017 n°16-17077)

En effet la réglementation de l'exercice de l'activité ne permet pas au membre d'une société d'exercer individuellement en concurrence avec la société: il doit consacrer toute son activité à la société. Ainsi le professionnel qui exerce au sein d'une société ne peut prétendre relever individuellement de la procédure collective, et celui qui intègre une société est réputé ne plus avoir d'activité individuelle ipso facto. Il ne peut donc saisir une juridiction d'une déclaration de cessation des paiements, et ne peut être assigné par un créancier aux fins d'ouverture d'une procédure collective que dans l'année de son entrée dans la société ( et sans respect de ce délai par le Parquet) au visa de l'article L631-3 du code de commerce pour le redressement judiciaire et L640-3 pour la liquidation judiciaire.

La solution a été jugée :

- pour des avocats Cass com 9 février 2010 n°08-15191 , n°08-17144 "l'avocat, qui a cessé d'exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral, n'agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société ; qu'il cesse dès lors d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 640-2 du code de commerce ; que le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de liquidation judiciaire après cette cessation d'activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure ; que toutefois, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle" et Cass com 9 février 2010 n°08-17670 . Voir aussi le mot avocat

- pour une orthophoniste (Cass civ 2ème 1er juin 2017 n°16-17077)

- pour un chirurgien dentiste Cass com 16 septembre 2014 n°13-17147 "Mais attendu, en premier lieu, que la personne exerçant une profession indépendante, qui a cessé d'exercer son activité à titre individuel pour devenir associé d'une société d'exercice libéral unipersonnelle, n'agit plus en son nom propre mais exerce ses fonctions au nom de la société ; qu'il cesse dès lors d'exercer une activité professionnelle indépendante au sens de l'article L. 631-2 du code de commerce ; que le tribunal peut ouvrir à son égard une procédure de redressement judiciaire après cette cessation d'activité, lorsque tout ou partie du passif provient de l'activité professionnelle antérieure ; que toutefois, si la procédure est ouverte sur l'assignation d'un créancier, cette dernière doit intervenir dans le délai d'un an à compter de la cessation de l'activité individuelle"

Evidemment tout officier public ou ministériel peut faire l'objet d'une procédure collective Cass com 3 mai 2011 n°10-14806

Les particularités de la procédure collective d'une profession indépendante

Au delà des dispositions qui régissent les entrepreneurs individuels, la loi aménage certaines règles pour la procédure collective d'une personne (physique ou morale) exerçant une activité indépendante:

- la juridiction compétente est le Tribunal judiciaire (ex Tribunal de Grande Instance ). Cette compétence est maintenue pour les sociétés d'exercice libéral de professions indépendantes, la loi 1990-1258 du 31 décembre 1990 faisant primer l'objet de la société sur sa forme commerciale (sauf pour les pharmaciens qui sont commerçants) et l'article L721-5 du code de commerce précisant que les juridictions civiles restent compétentes.

- en liquidation judiciaire, pour concilier les règles du dessaisissement et du secret professionnel, les actes professionnels sont effectués par le délégué de l'ordre professionnel désigné par le Tribunal dans le jugement de liquidation, au visa de l'article R641-36 du code de commerce, y compris relatifs aux honoraires Cass com 4 juillet 2018 n°15-18134

- celles des professions qui sont soumises à des règles disciplinaires, et en particulier les professions dépendant d'un ordre professionnel ne sont pas passibles de la faillite personnelle (voir ce mot) par exception au texte général. La loi a en effet estimé qu'il appartenait à l'organisme en charge de l'application des règles disciplinaires de prononcer le cas échéant des sanctions (voir article L653-1 3° du code de commerce)

En diverses étapes de la procédure, les textes prévoient que l'ordre professionnel doit être entendu, et il a d'ailleurs un statut de contrôleur (un peu particulier puisqu'il n'est pas créancier). Il doit même être entendu quand il s'agit non pas de l'ouverture d'une procédure collective, mais d'une extension (Cass com 9 juillet 2015 n°12-16635).

Plus précisément:

- l'ordre professionnel est entendu préalablement à l'ouverture de la procédure (L621-1 pour la sauvegarde, L631-7 pour le redressement judiciaire et L641-1 pour la liquidation judiciaire (ouverte et pas sur conversion)), cette obligation sanctionnée par la nullité ne s'imposant pas à la Cour d'appel Cass com 8 avril 2015 n°14-10676.

- l'ordre professionnel est automatiquement contrôleur (L621-10 pour le sauvegarde, L631-9 en redressement judiciaire et L641-1 en liquidation judiciaire) et sa désignation intervient dès le jugement d'ouverture ( et n'est donc pas ordonnée par le juge commissaire)

Elle s'impose par contre en cas d'extension par confusion Cass com 5 novembre 2013 n°12-21799 et L621-2 du code de commerce

Les sanctions ne visent pas les activités libérales

Les sanctions d'interdiction de gérer ou la faillite personnelle ne peuvent conduire à interdire au dirigeant d'exercer une activité libérale