Relevé de forclusion et forclusion (en matière de déclaration de créance)
Quelques points de la définition
Forclusion en procédure collective
La demande de relevé de forclusion
La forclusion conséquence de l'absence de signalement du créancier par le débiteur
Les délais
Relevé de forclusion au delà d'un an, est-ce possible pour les procédures ouvertes avant 2014 ?
Relevé de forclusion au delà du délai légal : excès de pouvoir du juge
La décision et les voies de recours
Le relevé de forclusion ne dispense pas de déclarer créance
Cas particulier de la forclusion quand l'état des créances est arrêté
Les frais du relevé de forclusion
Les effets du relevé de forclusion sur les répartitions effectuées et à venir
Les effets de la forclusion durant la procédure collective
Les effets de la forclusion après la clôture de la procédure collective
Généralités et droit commun
Dans certaines circonstances prévues par la loi, le plaideur qui est forclos, c'est à dire qui a laissé passer un délai de forclusion pour accomplir une formalité, peut être relevé de sa forclusion.
Par exemple l'article 540 du CPC organise un relevé de forclusion pour relever appel d'un jugement par défaut ou réputé contradictoire.
En procédure collective:
La notion de la forclusion en procédure collective
En matière de procédure collective, une créance qui n'est pas déclarée (voir le mot "déclaration de créance") dans les délais est atteinte de forclusion : elle est forclose. Le créancier retardataire peut demander au juge commissaire de le relever de sa forclusion, s’il établi que son retard n’est pas de son fait (voir le mot "relevé de forclusion")
La demande de relevé de forclusion en matière de déclaration de créance
En matière de procédure collective, la demande de relevé de forclusion est l'action d’un créancier qui n’a pas effectué sa déclaration de créance (voir ce mot) dans le délai légal et a vocation à ne pas être admis au passif pour cette raison.
(En cas de contestation sur la publication au BODACC il appartient au créancier qui prétend être dans les délais de justifier de la date de parution au BODACC Cass civ 2ème 21 février 2019 n°17-26603 (ce qui est un bien singulier débat, les juges ayant l'information)
Plus précisément, et compte tenu de notre analyse sur le signalement d'une créance par le débiteur nous pensons que le créancier défaillant n'a pas à solliciter de relevé de forclusion à concurrence du montant de sa créance signalée par le débiteur, qui a interrompu le délai de déclaration (le relevé de forclusion est sans objet) et qu'au delà de ce montant, une demande de relevé de forclusion est nécessaire mais doit être rejetée puisque le créancier porté sur la liste du débiteur a par hypothèse été averti.
Ainsi le siège de prédilection du relevé de forclusion est le créancier non averti, même si en soi un créancier averti n'est pas irrecevable mais certainement mal fondé sauf circonstance particulière.
En tout état, les textes ne détaillent pas la procédure à suivre pour solliciter un relevé de forclusion: s'agissant de la compétence du juge commissaire, le créancier peut présenter une requête au juge commissaire (soit adressée par voie postale Cass com 28 janvier 2014 n°12-27728 soit directement remise au greffe contre récépissé) pour expliquer pour quelle raison il n’a pas respecté le délai.
Le texte (article L622-26 du code de commerce) dispose exactement:
"A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6." (le terme "volontaire" qui complétait le terme "Omission" difficile à démontrer, est supprimé pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014)
Autrement dit il existe deux circonstances de relevé de forclusion, en apparence distinctes :
- la défaillance du créancier n'est pas de son fait
- la défaillance du créancier est due à l'omission du débiteur qui a pour conséquence qu'il n' a pas été averti ( ce qui suppose nécessairement que le débiteur ait connaissance de la créance Cass com 10 janvier 2012 n°10-28501 ou qu'il n'ait établi aucune liste (Cass com 2 janvier 2010 n°09-12133) ou encore qu'il ne pouvait l'ignorer (Cass com 12 juillet 2011 n°10-20703 pour une condamnation signifiée à personne avant l'établissement de la liste)
A notre avis et contrairement à ce qui est souvent indiqué, le relevé de forclusion ne devrait pas être automatique si le créancier n'est pas sur la liste du débiteur, encore faudrait-il que le créancier démontre que c'est cette absence de mention qui a causé la forclusion (mais nous verrons que ce n'est pas la position de la Cour de Cassation)
Ce qui devrait revenir finalement, à la réflexion, à combiner les deux critères posés par le texte, car à l'évidence si le créancier est responsable de sa propre défaillance il ne sera pas en mesure de démontrer que cette défaillance est causée par l'omission sur la liste des créancier (voir cependant ci après pour plus de précisions)
D'une manière générale en tout état il appartient au créancier demandeur de justifier en quoi sa défaillance n'est pas de son fait ou est due à l'omission de sa créance sur la liste, "le créancier doit établir qu'avant l'expiration du délai de déclaration de la créance sa défaillance à procéder à cette déclaration n'était pas due à son fait" Cass com 5 février 2002 n°99-10606
Et il ne peut se contenter d'affirmations péremptoires. Le juge devra motiver sa décision de ce chef Cass com 1er février 2005 n°03-17845 Cass com 22 octobre 1996 n°93-20537
La pratique est variable, et bien souvent le relevé de forclusion est accordé au créancier non averti, avec des tempéraments si ce créancier a les moyens d'être informé autrement (par exemple créancier institutionnel informé par le BODACC ou le Trésorier Payeur général). En tout état le créancier qui explique qu'il n'a pas déclaré créance en raison des congés de son service comptable démontre que sa défaillance est de son fait et ne sera pas relevé de forclusion.
Si les conditions légales sont réunies, après une audience à laquelle le créancier devra s’expliquer au contradictoire du débiteur et du mandataire judiciaire Cass com 13 décembre 2005 n°04-18391 (et le cas échéant de l'administrateur judiciaire) , le juge commissaire peut accorder un relevé de forclusion qui permettra au créancier de soumettre sa créance à la procédure de vérification.
En effet et même si le texte ne l'indique pas clairement, il n'est pas contestable que l'action en relevé de forclusion est de nature contentieuse ce qui impose au juge de respecter le contradictoire et d'organiser une audience (voir les ordonnances) à laquelle sont convoqués les mandataires de justice, le débiteur et le créancier demandeur Cass com 13 décembre 2005 n°04-18391. A défaut, l'ordonnance du juge commissaire est nulle, mais l'effet dévolutif permet à la juridiction saisie du recours de statuer sur le fond (dès lors que ce n'est pas la saisine du juge qui est irrégulière mais la décision) Voir décision Cass com 13 décembre 2005 n°04-18391 rendue sous l'empire de l'ancien texte pour lequel c'était la voie de l'appel qui était le recours contre l'ordonnance du juge statuant en matière de relevé de forclusion (désormais recours devant le Tribunal)
Le débiteur dispose d'ailleurs d'un droit propre d'exercer des recours, ce droit n'étant pas atteint par le dessaisissement Cass com 8 juillet 2003 n°01-02050)
En cas de succès, le créancier sera admis à participer à la procédure au même titre que tous les autres créanciers.
Le traitement de la forclusion conséquence de l'absence de signalement par le débiteur
Les textes organisent l’information des mandataires de justice (article L622-6 du code de commerce) du détail des créanciers, pour que le mandataire judiciaire puisse avertir individuellement les créanciers d'avoir à déclarer leur créance.
« Dès l'ouverture de la procédure, …..Le débiteur remet à l'administrateur et au mandataire judiciaire la liste de ses créanciers, du montant de ses dettes et des principaux contrats en cours. Il les informe des instances en cours auxquelles il est partie. »
Le relevé de forclusion est facilité pour le créancier qui n’a pas été averti parce qu'il n'était pas signalé par le débiteur en suite d'une omission de ce dernier (article L622-26 du code de commerce)
« A défaut de déclaration dans les délais prévus à l'article L. 622-24, les créanciers ne sont pas admis dans les répartitions et les dividendes à moins que le juge-commissaire ne les relève de leur forclusion s'ils établissent que leur défaillance n'est pas due à leur fait ou qu'elle est due à une omission du débiteur lors de l'établissement de la liste prévue au deuxième alinéa de l'article L. 622-6. Ils ne peuvent alors concourir que pour les distributions postérieures à leur demande. »
Evidemment le relevé de forclusion n’est pas automatique (et par exemple Cass com 8 juin 2010 n°09-15769 a jugé, sous l'empire de l'ancien texte, que le défaut d'envoi de l'avertissement prévu à l'article R. 622-21 du code de commerce au créancier lui-même ou, s'il est en liquidation judiciaire, à son liquidateur n'a pas pour effet de dispenser le créancier retardataire ou son liquidateur, ès qualités, d'établir qu'avant l'expiration du délai de déclaration des créances, sa défaillance n'était pas due à son fait).
D'ailleurs comme signalé plus haut, il convient à notre avis de combiner les deux critères posés par le texte, car à l'évidence si le créancier est responsable de sa propre défaillance il ne sera pas en mesure de démontrer que cette défaillance est causée par l'omission sur la liste des créancier
Cependant, de manière parfaitement critiquable (et surtout à l'encontre évidente de la lettre du texte qui commande que le créancier établisse que sa défaillance est due à l'omission sur la liste) la Cour de Cassation a jugé que le créancier est dispensé de démontrer que l’absence de déclaration de créance est causée par l’omission sur la liste établie par le débiteur Cass com 16 juin 2021 n°19-17186 et Cass com 26 octobre 2022 n°21-13645 Cass com 3 juillet 2024 n°23-15715
Ces décisions sont la reproduction de la même solution par un précédent arrêt Cass com 10 janvier 2012 n°10-28501 ou Cass com 16 mars 2010 n°09-13511 mais qui étaient fondés sur le texte qui disposait alors que l'omission devait être volontaire, ce qui justifiait à notre avis la solution, pour contrer la malveillance du débiteur ... ce qui n'est plus le cas dans le texte actuel.
Il n'est d'ailleurs pas exclu que la décision du 16 juin 2021 soit finalement la reproduction de cette solution, car en l'espèce le débiteur n'avait établi aucune liste, de sorte que, comme dans les arrêts précédents, les créanciers étaient victimes de sa malveillance. Ceci étant la motivation est plus générale, alors d'ailleurs que la Cour de Cassation n'en était pas saisie, et est particulièrement inappropriée. On peut espérer que cette décision restera isolée, car elle ne correspond ni à la lettre du texte ni à l'esprit du relevé de forclusion, et le législateur n'a jamais entendu que le créancier était automatiquement relevé de forclusion s'il n'était pas porté sur la liste établie par le débiteur. Si tel était le cas, d'ailleurs, une demande de relevé de forclusion serait, à la réflexion, inutile et il suffirait que le mandataire judiciaire vérifie la liste pour prendre en considération toute créance qui n'y figure pas, sans considération de délai. Tout cela n'est pas prévu et la solution retenue est donc à combattre.
Il nous semble en effet exclu, y compris en cas d'omission, de relever de forclusion un créancier si sa défaillance est par ailleurs de son fait (voir Cass Com 13 février 2007 n°05-19095 qui juge que le créancier ne peut être relevé de forclusion si sa défaillance est induite "pour partie" du comportement volontairement ambigu de la société")
(il est précisé que jusqu'au 1er juillet 2014, le texte précisait que l'omission sur la liste devait être volontaire, cette précision ayant été supprimée par la suite)
Ajoutons que le terme "omission" vise le cas du débiteur qui connait l'existence de la créance, et ne saurait s'étendre à celui qui n'a pas mentionné la créance sur la liste au motif qu'il en ignorait l'existence Cass com 10 janvier 2012 n°10-28501
C'est d'ailleurs ce qui semble découler d'un arrêt Cass com 2 février 2022 n°20-19157 le débiteur ayant été réputé avoir omis une créance dont il ne pouvait ignorer l'existence.
La sanction du débiteur qui n’a pas signalé l’existence d’une créance (article L653-8 du code de commerce)
« Dans les cas prévus aux articles L. 653-3 à L. 653-6, le tribunal peut prononcer, à la place de la faillite personnelle, l'interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, soit toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole et toute personne morale, soit une ou plusieurs de celles-ci.
L'interdiction mentionnée au premier alinéa peut également être prononcée à l'encontre de toute personne mentionnée à l'article L. 653-1 qui, de mauvaise foi, n'aura pas remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture ou qui aura, sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22. »
Le mot « sciemment » rend évidemment la démonstration compliquée
Pour autant la créancier qui n'a pas déclaré créance en raison de l'absence de signalement du débiteur ne peut initier de poursuites Cass com 6 juin 2018 n°16-23996
Délai de demande de relevé de forclusion pour les créanciers qui n’ont pas respecté le délai de déclaration de créance:
Délai de principe pour solliciter un relevé de forclusions: 6 mois à compter du jugement d'ouverture
Article L622-26 du code de commerce (extrait) "L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture (http://www.bodacc.fr/) ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance."
Délai spécifique pour les créanciers titulaires de sûretés ou dont le contrat est publié: 6 mois à compter de l'avertissement écrit du mandataire judiciaire
Article L622-26 du code de commerce (extrait) "L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture (http://www.bodacc.fr/) ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné.
Délais spécifique pour les créanciers qui n'étaient pas en mesure de connaître l'existence de leur créance au jour du jugement
Les textes successifs ont imparti des délais spécifiques aux créanciers qui n'étaient pas en mesure de connaître l'existence de leur créance.
La notion de créancier qui n'était pas en mesure de connaître l'existence de sa créance
Il convient de ne pas confondre le créancier qui prétend ne pas avoir été en mesure d'identifier que son débiteur faisait l'objet d'une procédure collective, qui n'est pas concerné par ces délais spécifiques, et le créancier qui n'avait pas la possibilité de savoir qu'il était créancier, qui est bénéficiaire du dispositif. Par exemple Cass com 23 mai 2024 n°23-10699
Il ne peut s'agir non d'un créancier qui n'avait pas les moyens de connaître le jugement d'ouverture, circonstance dans laquelle c'est le délai de droit commun qui s'applique, ni d'un créancier qui savait qu'il était créancier mais ne connaissait pas le montant exact de sa créance (par exemple pour un organisme social qui avait les moyens de savoir qu'il était créancier Cass Com 1er octobre 2013 n°12-20229 Cass com 5 février 2013 n°12-12412 ou un créancier qui pouvait estimer le montant de sa créance Cass com 16 novembre 2010 n°09-16572 ou encore une partie assignée dans le délai de 6 mois, pour une cause susceptible de mettre en exergue une créance à son profit Cass com 13 septembre 2016 n°15-11321
Evidemment le créancier qui avait assigné le débiteur en paiement avant le jugement d'ouverture ne bénéficie pas du dispositif, puisqu'il était en mesure de connaître l'existence de sa créance Cass com 5 décembre 2018 n°17-14591
En réalité les cas sont assez rares : on peut penser à un créancier qui est victime d'un vice caché postérieurement à l'expiration du délai pour solliciter un relevé de forclusion, ou à un créancier qui, dans le cadre d'une action en nullité de la période suspecte, doit restituer un bien et se trouve créancier du prix qu'il avait payé.
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014: Délai spécifique pour les créanciers qui n'étaient pas en mesure de connaître l'existence de leur créance à l'intérieur du délai de 6 mois: ce délai court à compter de la date à laquelle ils ne pouvaient ignorer l'existence de leur créance.
Article L622-26 du code de commerce (extrait) "L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture (http://www.bodacc.fr/) ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 3253-14 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, si le créancier justifie avoir été placé dans l'impossibilité de connaître l'obligation du débiteur avant l'expiration du délai de six mois, le délai court à compter de la date à laquelle il est établi qu'il ne pouvait ignorer l'existence de sa créance."
Ce délai n'est applicable que si le créancier ignorait, dans le délai de 6 mois, qu'il était créancier.
La déloyauté procédurale du débiteur est sans incidence Cass com 5 décembre 2018 n°17-26670
Pour les procédures collectives ouvertes avant le 1er juillet 2014 : Délai spécifique pour les créanciers qui n'étaient pas en mesure de connaître l'existence de leur créance à l'intérieur du délai de principe de 6 mois: délai porté à un an pour les procédures collectives ouvertes avant le 1er juillet 2014
Article L622-26 du code de commerce dans sa version applicable jusqu'au premier juillet 2014 (extrait) "L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois.Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture (http://www.bodacc.fr/) ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, le délai est porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois précité."
Ce délai dérogatoire peut s'appliquer, sous réserve de l'appréciation souveraine des juges, dans des circonstances particulières: par exemple l'acheteur d'un véhicule découvre au delà du délai de 6 mois du jugement de redressement judiciaire de son vendeur que le véhicule est atteint d'un vice: il ne pouvait connaître l'existence de sa créance dans les 6 mois.
Attention il s'agit bien du créancier qui n'avait pas les moyens de connaître l'existence de sa créance (ou plus exactement qui ne pouvait pas savoir, au jour du jugement, que des faits générateurs antérieurs -par exemple une vente - allaient provoquer par la suite l'apparition d'une créance) avant l'expiration du délai de 6 mois.
Computation du délai
Les règles de procédure civile reçoivent application: le délai exprimé en année ou en mois expire le jour de l'année ou du mois suivant portant le même quantième (c'est à dire le même jour) au visa de l'article 641 du CPC. et à défaut le dernier jour du mois concerné.
Si le délai expire un samedi, dimanche, jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant (article 642 du CPC)
C'est évidemment la date d'envoi de la demande qui est retenue et pas la date de réception par le greffe (Cass com 28 janvier 2014 n°12-27728)
Pas d'augmentation de délai pour les créanciers hors France Métropolitaine
Certains délais de procédure sont augmentés pour les parties qui ne résident pas en France métropolitaine. Notamment l'article 643 du code de procédure civile dispose:
"Lorsque la demande est portée devant une juridiction qui a son siège en France métropolitaine, les délais de comparution, d'appel, d'opposition, de recours en révision et de pourvoi en cassation sont augmentés de :
1. Un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Mayotte, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises ;
2. Deux mois pour celles qui demeurent à l'étranger."
Le principe développé par ce texte (qu'on appelle parfois "délai de distance") n'est pas sans conséquence sur le délai de déclaration de créance, qui est augmenté de deux mois pour les créanciers qui ne résident pas en France Métropolitaine, dès lors que la procédure collective est ouverte en métropole (article R622-24 alinéa 2).
Mais pour autant, le délai de relevé de forclusion n'est pas augmenté expressément par un texte, et n'est pas au rang des délais évoqués par l'article 643 du code de procédure civile: le délai n'est donc pas augmenté.
Relevé de forclusion au delà d'un an, même pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, c'est possible ?
L'article L622-26 dans sa rédaction antérieure au premier juillet 2014 disposait : "L'action en relevé de forclusion ne peut être exercée que dans le délai de six mois. Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture (http://www.bodacc.fr/) ou, pour les institutions mentionnées à l'article L. 143-11-4 du code du travail, de l'expiration du délai pendant lequel les créances résultant du contrat de travail sont garanties par ces institutions. Pour les créanciers titulaires d'une sûreté publiée ou liés au débiteur par un contrat publié, il court à compter de la réception de l'avis qui leur est donné. Par exception, le délai est porté à un an pour les créanciers placés dans l'impossibilité de connaître l'existence de leur créance avant l'expiration du délai de six mois précité"
Autrement dit, le relevé de forclusion ne pouvait en aucune circonstance, à la lettre du texte, être demandé au delà d'un an puisque la loi fixait à un an le délai le plus dérogatoire.
Cependant la Cour de Cassation a rendu un arrêt dans lequel elle juge que les dispositions légales "ne portent pas une atteinte substantielle au droit à un recours juridictionnel effectif en ce qu'elles ne font pas obstacle à la recevabilité d'une action en relevé de forclusion exercée après l'expiration du délai maximal d'un an prévu par l'article L. 622-26 du code de commerce par un créancier placé dans l'impossibilité d'agir pendant ce délai" (Cass com 5 SEPTEMBRE 2013, p 13-40034)
On ignore s'il s'agit d'un arrêt isolé ou d'un arrêt de principe, même si a priori le texte ne semble pas permettre le relevé de forclusion au delà de l'année.
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014: suppression du délai d'un an:
En conséquence de l'ordonnance du 12 mars 2014, pour le créancier qui n’est pas en mesure de connaître l’existence de sa créance (L622-26 du code de commerce) : le délai buttoir d’un an au-delà duquel il n’est plus possible, quelles que soient les circonstances, de demander un relevé de forclusion est supprimé. Désormais le créancier qui ignorait l’existence de sa créance au jour de l’ouverture de la procédure, dispose, pour demander un relevé de forclusion, d’un délai de 6 mois à compter de la connaissance de l’existence de la créance (ou de la date à laquelle l’existence de la créance ne pouvait être ignorée). La Cour de Cassation précise que la date de connaissance de l'existence d'une créance découle par exemple d'une assignation - et pas de la décision à intervenir - Cass com 13 septembre 2016 n°15-11321.
Relevé de forclusion au delà du délai légal : excès de pouvoir du juge
Comme indiqué ci dessus, la demande de relevé de forclusion est enfermée dans un délai strict , qui est un délai préfix insusceptible d'interruption.
Au delà du délai légal et quelles que soient les circonstances, le juge ne peut, sauf à excéder ses pouvoirs, accorder de relevé de forclusion Cass com 10 mai 2000 n°97-20026 Cass com 19 décembre 2000 n°98-10523 y compris si la forclusion est due au silence du débiteur lors du signalement de ses créanciers Cass com 6 juin 2000 n°98-10785 et la demande est irrecevable Cass com 11 décembre 2012 n°11-28053 Cass com 11 juin 2002 n°99-15815 Cass com 1er juillet 1997 n°95-13602 et cette fin de non recevoir est d'ordre public Cass com 19 décembre 2000 n°98-10523 Cass com 26 octobre 1999 n°97-13238 Cass com 12 mai 1998 n°96-18855 Cass com 28 mai 1996 n°94-14349 Cass com 16 novembre 1993 n°91-15143
La Cour de Cassation n'admet pas que la fraude du débiteur fasse échec au délai imparti au créancier Cass com 7 décembre 1999 n°97-15709 Cass com 26 octobre 1999 n°97-13238
La décision et les voies de recours
La décision de relevé de forclusion n'est pas une décision gracieuse mais contentieuse Cass com 13 décembre 2005 n°04-18391 de sorte que le juge doit veiller au respect du principe du contradictoire. Ainsi et même si le texte est muet sur la question, le créancier et le débiteur doivent être convoqués devant le juge commissaire sous la sanction de la nullité de son ordonnance (même arrêt).
Concernant les recours les textes antérieurs à la loi de sauvegarde de 2005 (applicable aux procédures ouvertes le 01.01.2006) avaient organisé une voie de recours dérogatoire contre l'ordonnance du juge commissaire statuant sur un relevé de forclusion: comme toutes les décisions rendues en matière de vérification des créance, la voie de recours était l'appel (ancien article L621-46 du code de commerce).
La loi de sauvegarde est venue supprimer cette particularité pour l'action en relevé de forclusion (maintenue pour les décisions statuant sur la vérification des créance, qui restent soumises à appel).
Désormais c'est le droit commun du recours contre l'ordonnance du juge commissaire qui s'applique, au visa de l'article R621-21 du code de commerce : l'ordonnance qui statue sur un relevé de forclusion fait l'objet d'un recours devant le Tribunal (Cass com 13 septembre 2016 n°14-22306) et le jugement rendu peut ensuite faire l'objet d'un appel Cass com 5 février 2020 n°18-21754 , quel que soit le montant de la créance (ce qui rend irrecevable le pourvoi contre le jugement Cass Com 12.01.2016 n°14-18936)
Le délai de recours court à compter de la notification de la décision par le greffe (10 jours).
Si le juge commissaire statue, par une décision mixte, à la fois sur le relevé de forclusion et sur l'admission de la créance, après avoir considéré que le recours est formé devant la Cour d'appel comme en matière d'admission de créance (Cass com 17 janvier 1989 n°87-16903, la cour de cassation semble considérer que la décision "mixte" doit faire l'objet d'un recours devant le Tribunal (Cass com 5 février 2000 n°18-21754) mais les interprétations sont divergentes et certains commentateurs soutiennent que la décision doit faire l'objet d'un recours devant le Tribunal en ce qu'elle relève le créancier de sa forclusion et d'un appel en ce qu'elle admet sa créance.
Pour plus de précisions sur les voies de recours.
Le relevé de forclusion ne dispense pas de déclarer créance, il permet simplement au créancier de déclarer créance au delà du délai légal.
Contrairement à une idée reçue, le fait que le juge commissaire accorde un relevé de forclusion au créancier retardataire ne le dispense pas de déclarer sa créance.
Avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014:
Avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014, c'est à dire pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014, la Cour de Cassation considérait que le créancier devait déclarer créance dans le délai imparti pour demander un relevé de forclusion (Cass Com 23 avril 2013 n°11-25963, Cass com 30 juin 2015 n°14.13766, Cass com 8 sept 2015 n°14-16771). Concrètement le créancier demandait un relevé de forclusion et déclarait simultanément sa créance, laquelle serait prise en considération en cas de succès de la demande de relevé de forclusion. (délai 6 mois de l'insertion au BODACC du jugement d'ouverture et exceptionnellement délai d'un an)
A compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014:
L'ordonnance du 12 mars 2014 a amélioré sa situation du créancier, pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014: le créancier dispose d'un délai de 1 mois à compter de la notification de la décision lui accordant un relevé de forclusion, pour déclarer sa créance (L622-24 al 1, soit la moitié du délai de droit commun) Cass com 27 septembre 2017 n°16-17156
Si le créancier avait déclaré créance avant de solliciter un relevé de forclusion, il n'est pas utile qu'il déclare créance une seconde fois Cass com 24 septembre 2003 n° 01-00504.
Cette décision a été rendue avant que l'article L622-24 ait été modifié par l'ordonnance du 12 mars 2014, qui dispose désormais que lorsque le créancier a été relevé de forclusion conformément à l'article L. 622-26, les délais de déclaration de créance ne courent qu'à compter de la notification de cette décision ; ils sont alors réduits de moitié (c'est à dire un mois). La question peut se poser de savoir si cet arrêt est transposable au nouveau texte ou si le créancier relevé de forclusion doit nécessaire déclarer créance après avoir été relevé de forclusion, sa déclaration initiale et hors délai ne préservant pas ses droits.
Il nous semble qu'il ne devrait pas y avoir débat sur le fait que la déclaration de créance effectuée avant la demande de relevé de forclusion préserve les droits des créanciers une fois qu'il est relevé de forclusion et qu'il n'a pas à la réitérer.
Il est en effet admis que le créancier déclare valablement créance avant l'insertion au BODACC, c'est à dire avant que les délais soient ouverts, et alors même que l'article L622-24 indique qu'ils déclarent créance "dans le délai" et donc pas avant.
Il n'y a aucune raison de retenir ici une solution différente pour le créancier relevé de forclusion qui déclare créance avant que le délai soit ouvert.
On peut ajouter que le relevé de forclusion n'est pas une autorisation de déclarer une créance hors le délai de droit commun, c'est, à la lettre de l'article L622-26 le droit pour le créancier qui n'avait pas déclaré créance dans les délais de participer pour l'avenir aux répartitions ou dividendes.
L'argument avancé par certains, suivant lequel la déclaration de créance effectuée avant le relevé de forclusion serait irrecevable et frappée d'une fin de non recevoir est sans doute admissible, mais c'est oublier qu'au visa de l'article 126 du CPC la fin de non recevoir - c'est à dire que le créancier est forclos - est régularisée par le relevé de forclusion, et donc avant que le juge statue sur l'admission de la créance.
Les cas particulier du relevé de forclusion quand l'état des créances est déjà arrêté
Dans ce cas particulier, l'article R622-25 du code de commerce prévoit que le juge commissaire qui relève le créancier de la forclusion statue également sur l'admission de la créance.
Il est donc très important pour le débiteur de se présenter à l'audience pour faire valoir, outre ses arguments sur la forclusion, ses éventuelles contestations
Chronologiquement l'article R622-25 prévoit que le juge commissaire statuera sur l'admission de la créance une fois que sa décision sur le relevé de forclusion sera définitive: ce n'est donc pas dans la même décision que le juge statue sur le relevé de forclusion et l'admission. Le texte précise que la décision est portée par le greffier sur l'état des créance mais ne précise pas dans quelle forme et sur l'initiative de qui la décision d'admission est prise: on peut imaginer que le mandataire judiciaire saisisse le juge commissaire d'une admission sans contestation, mais le créancier a tout intêret à être vigilant pour que le juge commissaire statue
Les frais de relevé de forclusion
SI la procédure collective est ouverte devant un tribunal de commerce, l'instance en relevé de forclusion entraîne des frais (de greffe). Ces frais sont en principe à la charge du créancier défaillant. Cependant depuis l'ordonnance du 12 mars 2014, ces frais peuvent être mis à la charge du débiteur si celui ci n'avait pas signalé la créance à l'ouverture de la procédure (article R622-25), ce qui a privé le créancier d'être informé et d'effectuer sa déclaration de créance.
Les effets du relevé de forclusion: les répartitions à venir uniquement
Le créancier relevé de forclusion participe aux répartitions postérieures à la décision qui le relève de forclusion: ainsi en liquidation si le liquidateur a déjà réparti les fonds disponibles, le relevé de forclusion ne peut remettre en cause les modalités de répartitions (article L 622-26). Il s'agit ici d'une "sanction" quasi obligatoire du retard du créancier à déclarer créance, qui ne pourrait être évité qu'en imposant au liquidateur de ne procéder aux répartitions qu'au délà du délai de relevé de forclusion, ce qui est incompatible avec d'autres délais légaux, n'est pas de l'intérêt des créanciers et deviendrait encore plus impossible depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014 qui a supprimé le délai maximum de relevé de forclusion.
Cette disposition est a priori applicable au plan de redressement ou de sauvegarde: le créancier relevé de forclusion recevra les dividendes à compter de son relevé de forclusion, ce qui est une lourde sanction (en pratique rare car le plan est en principe adopté au delà de toutes les demandes de relevé de forclusion), puisqu'on suppose que le législateur a entendu ainsi que le créancier ne soit pas payé à 100 % même si le plan le prévoyait pour les créanciers admis dès l'origine (et la loi ne précise pas non plus comme est traité le créancier relevé de forclusion si le débiteur avait proposé des options de remboursements .. logiquement il semble qu'on ne puisse pas imposer de remise à ces créanciers mais il aurait été préférable que le législateur précise qu'ils seront traités comme les créanciers qui ont refusé le plan)
Les effets de la forclusion de la déclaration de créance durant la procédure collective: inopposabilité de la créance (en suite de l'extinction des anciens textes)
Voir le mot inopposabilité de la créance non déclarée
Les effets de la forclusion après que la procédure collective soit terminée
Voir le mot inopposabilité de la créance non déclarée
Conclusion et conseils sur la demande de relevé de forclusion
La demande suppose le paiement de frais de greffe.
Avant d'engager ces frais, et pour éviter que ce soit inutile ou voué à l'échec, il vous est suggéré de vérifier :
- si vous pouvez établir que la forclusion n'est pas de votre fait : vous avez peu de chance d'être relevé de forclusion si le mandataire judiciaire vous avait prévenu par circulaire d'avoir à déclarer créance et que vous avez ignoré ce courrier.
- si vous êtes dans le délai légal : vérifiez la date du BODACC et l'expiration du délai de 6 mois à compter de cette date (c'est le délai qui s'applique le plus couramment): le juge commissaire excèderait ses pouvoirs s'il vous accordait un relevé de forclusion au delà du délai légal
- si les créanciers ont des chances d'être payés. Il n'y a pas forcément d'utilité à engager des frais pour faire reconnaître une créance qui sera impayée. Vous pouvez essayer d'avoir une information en ce sens en interrogeant le mandataire judiciaire.
Voir aussi le mot créancier inscrit