Réserve de propriété

Quelques points de la définition

Généralités

La clause de réserve de propriété n'interdit pas de revendre

Les conditions de l'action sur le fondement de la réserve de propriété, en cas de procédure collective de l'acheteur qui n'a pas payé

La réserve de propriété et l'inventaire

La subrogation dans la clause de réserve de propriété

Le conflit entre la réserve de propriété et le gage

Généralités

En droit Français, l’accord sur la chose et sur le prix emporte transfert de propriété. Autrement dit, le client devient propriétaire de ce qui lui est livré, même s’il n’a pas encore payé son fournisseur.

En cas de procédure collective, ce qui a été livré sera vendu, et son prix affecté à tous les créanciers, sans considération particulière pour le fournisseur qui est un créancier chirographaire comme les autres.

La clause de réserve de propriété permet au fournisseur, sous certaines conditions, d’éviter cette situation. Malgré la livraison il reste propriétaire de la chose vendue tant qu’il n’est pas payé et si elle se retrouve chez son débiteur; et il peut agir en paiement entre les mains du sous acquéreur si le bien a été revendu en non encore payé.

La loi admet, en matière mobilière (c'est à dire pour les meubles - voir ce mot-) que le vendeur puisse alors, par une action en revendication (voir le mot "revendication"), exiger soit d’être payé, soit que la chose vendu et non encore payée lui soit restituée,

La Cour de Cassation a indiqué (de manière singulière) que la clause de réserve de propriété suspendait l'effet translatif de propriété de la vente, mais ne contrevenait pas à la réglementation des casinos, au terme de laquelle ils ne peuvent acquérir que des machines neuves au terme d'une vente ferme et définitive Cass com 17 octobre 2018 n°17-14986

La clause de réserve de propriété n'interdit pas de revendre

Les textes prévoient expressément la revendication du prix entre les mains du sous acquéreur et le but n'est évidemment pas d'interdire à l'acquéreur qui n'a pas encore payé de revendre mais de donner une sécurité supplémentaire au vendeur initial non payé. En ce sens l'infraction pénale d'abus de confiance ou d'escroquerie ne peut à notre sens être retenue que si le vendeur avait conscience au moment de l'opération de revente au sous acquéreur qu'elle ne lui permettrait pas de payer le vendeur initial et il serait trop hâtif de le sanctionner pour une vente dans un cycle normal d'activité (en ce sens l'arrêt Cass com 5 avril 2018 n°16-87669 est très excessif)

Les conditions de l'action sur le fondement de la réserve de propriété, en cas de procédure collective de l'acheteur qui n'a pas payé

Voir le mot revendication et restitution

La réserve de propriété est un élément à préciser lors de l'inventaire

Dans tous les cas, un inventaire est réalisé à l'ouverture de la procédure, par le débiteur en sauvegarde, par le professionnel désigné par le tribunal en redressement et liquidation judiciaire.

La mention des clauses de réserve de propriété grevant les actifs présents est évidemment fondamentale pour le devenir de ces biens, même si elle ne constitue pas une preuve : si le débiteur ne signale pas de réserve de propriété cela ne signifie pas, de manière irréfragable, qu'il n'y en a pas, et s'il en signale cela ne veut pas dire qu'elle est valable.

Mais ce qui a été jugé par la Cour de Cassation est que le professionnel (administrateur ou liquidateur) qui se réfère à un inventaire qui ne mentionne pas de clause de réserve de propriété n'est pas fautif de disposer des biens, alors même que le fournisseur n'a pas lui même fait valoir ses droits (Cass com 27 septembre 2016 n°14-24993)

La subrogation dans la clause de réserve de propriété

Un avis de la Cour de Cassation est venu indiquer que la subrogation dans la clause de réserve de propriété ne donne pas des droits de propriétaire au subrogé qui n'a fait que financer l'acquéreur: ainsi le banquier qui prête des fonds à l'acquéreur, et à ce titre verse le prix au vendeur, ne paye pas lui même mais ne fait que payer le prix aux lieu et place de l'emprunteur.

S'il se fait consentir une subrogation dans la clause de réserve de propriété, il ne peut invoquer le bénéfice de la clause et la propriété (Cass avis du 28 novembre 2016 n°16-70009 , cette décision étant un revirement par rapport aux décisions antérieures, mais s'expliquant par le recours à la notion de clause abusive réputée non écrite (mais s'appliquant même hors protection du consommateur).

Cette décision est, depuis qu'elle a été rendue, contournée par les établissements de crédit qui ont maintenant recours à la subrogation instaurée par le nouvel article 1346-2 du code civil qui prévoit un nouveau cas de subrogation collant très exactement à ce type de circonstance : " La subrogation a lieu également lorsque le débiteur, empruntant une somme à l'effet de payer sa dette, subroge le prêteur dans les droits du créancier avec le concours de celui-ci. En ce cas, la subrogation doit être expresse et la quittance donnée par le créancier doit indiquer l'origine des fonds.

La subrogation peut être consentie sans le concours du créancier, mais à la condition que la dette soit échue ou que le terme soit en faveur du débiteur. Il faut alors que l'acte d'emprunt et la quittance soient passés devant notaire, que dans l'acte d'emprunt il soit déclaré que la somme a été empruntée pour faire le paiement, et que dans la quittance il soit déclaré que le paiement a été fait des sommes versées à cet effet par le nouveau créancier. "

L'avis de la Cour de Cassation semble contredit par un arrêt qui admet (comme d'ailleurs des arrêts antérieurs à l'avis) que le prêteur qui a réglé le vendeur et a été subrogé dans ses droits peut revendiquer le bien financé. Cass com 20 avril 2017 n°15-20619, et la jurisprudence a longtemps persisté à admettre la revendication fondée sur une subrogation Cass com 4 juillet 2018 n°17-17699 y compris sur un bateau qui est un meuble avec un statut particulier.

Cependant un nouvel arrêt emporte revirement de cette position et 

"Vu les articles 1346-1 et 2367, ce dernier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2021-1192 du 15 septembre 2021, du code civil :

3. Il résulte du premier de ces textes que c'est seulement lorsque le créancier a reçu son paiement d'une tierce personne qu'il peut conventionnellement subroger celle-ci dans ses droits, actions et accessoires contre le débiteur.

4. Selon le second, la propriété d'un bien peut être retenue en garantie par l'effet d'une clause de réserve de propriété qui suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au complet paiement de l'obligation qui en constitue la contrepartie.

5. Il en résulte que, lorsque le prêteur se borne à verser au vendeur du bien financé les fonds empruntés par son client, il n'est pas l'auteur du paiement et le client devient, dès ce versement, propriétaire du matériel vendu, de sorte que le prêteur ne peut prétendre être subrogé dans les droits du vendeur et ne peut, dès lors, se prévaloir d'une clause de réserve de propriété stipulée au contrat de vente."

Cass com 14 juin 2023 n°21-24815

De sorte que désormais la subrogation ne permet pas au prêteur de revendiquer le bénéfice de la clause de réserve de propriété.

Le conflit entre la clause de réserve de propriété et le gage

Voir revendication et restitution