Résiliation (ou "arrêt") des contrats en cours (et poursuite et mise en demeure)

Quelques points de la définition

Généralités

Résiliation suivant le droit des procédures collectives

Les textes

Interdiction de la résiliation par le seul effet de l'ouverture de la procédure collective

Le cas particulier du constat de la résiliation de plein droit

Résiliation postérieure à l'ouverture de la procédure collective pour des causes antérieures: cas possibles et cas exclus

Fin de contrat et/ou résiliation postérieure pour des causes postérieures

Juge compétent : le juge commissaire

Trois causes de résiliation postérieures prononcées par le juge commissaire

Cause 1: décision de l'administrateur ou du liquidateur : le juge commissaire prononce la résiliation

La prestation du débiteur porte sur une somme d'argent

La prestation du débiteur ne porte pas sur une somme d'argent

Cause 2: suite à une mise en demeure: le juge commissaire constate la résiliation

Cause 3 : défaut de paiement dans le respect des conditions contractuelles: le juge commissaire constate la résiliation

La poursuite tacite du contrat

La poursuite tacite impose le respect des conditions contractuelles (à défaut voir cause 3)

Résiliation suivant les règles de droit commun (en cas de procédure collective du contractant)

Conséquence de la résiliation sur les créances qui en découlent: délais spécifiques de déclaration de créance

Résiliation et contrats dit interdépendants

Le cas particulier du contrat d'assurance

Le cas particulier des contrats intuitu personae

Le cas particulier du contrat de construction de maison individuelle 

Le sort des contrats non cédés dans le cadre d'une cession d'entreprise

Généralités

La résiliation est traditionnellement un mode de rupture d'un contrat pour défaut d'exécution des obligations, qui n'a d'effet que pour l'avenir, défini à l'article 1229 du code civil

Pour la différence résolution / résiliation voir le mot résolution

La conséquence de la résiliation d'un contrat est qu'il ne sera plus exécuté pour l'avenir, et que si une indemnité de "résiliation" est prévue au contrat, elle sera due.

Quand le contractant est en procédure collective, la résiliation d'un contrat en cours peut être recherchée sur le fondement du droit commun, ou sur le fondement de dispositions spécifiques du droit des procédures collectives 

Résiliation (poursuite et non- poursuite des contrats en cours) et droit des procédures collectives

Les textes sont les suivants :

- article L622-13 : résiliation de plein droit après mise en demeure ou à défaut de paiement, et résiliation prononcée à la demande de l'administrateur (et texte identique L641-11-1 pour la liquidation judiciaire)

I. - Nonobstant toute disposition légale ou toute clause contractuelle, aucune indivisibilité, résiliation ou résolution d'un contrat en cours ne peut résulter du seul fait de l'ouverture d'une procédure de sauvegarde.

Le cocontractant doit remplir ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture. Le défaut d'exécution de ces engagements n'ouvre droit au profit des créanciers qu'à déclaration au passif.

II. - L'administrateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur.

Au vu des documents prévisionnels dont il dispose, l'administrateur s'assure, au moment où il demande l'exécution du contrat, qu'il disposera des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. S'il s'agit d'un contrat à exécution ou paiement échelonnés dans le temps, l'administrateur y met fin s'il lui apparaît qu'il ne disposera pas des fonds nécessaires pour remplir les obligations du terme suivant.

III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit :

1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;

2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.

IV. - A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

V. - Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.

VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles ne concernent pas non plus le contrat de fiducie, à l'exception de la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire.

- article L622-14 relatif au bail

Sans préjudice de l'application du I et du II de l'article L. 622-13, la résiliation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l'activité de l'entreprise intervient dans les conditions suivantes :

1° Au jour où le bailleur est informé de la décision de l'administrateur de ne pas continuer le bail. Dans ce cas, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts ;

2° Lorsque le bailleur demande la résiliation ou fait constater la résiliation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d'ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu'au terme d'un délai de trois mois à compter dudit jugement.

Si le paiement des sommes dues intervient avant l'expiration de ce délai, il n'y a pas lieu à résiliation.

Nonobstant toute clause contraire, le défaut d'exploitation pendant la période d'observation dans un ou plusieurs immeubles loués par l'entreprise n'entraîne pas résiliation du bail.

- article R622-13 constat par le juge commissaire de la résiliation après mise en demeure ou à défaut de paiement, et prononcé de la résiliation sur demande de l'administrateur judiciaire

Le greffier avise le cocontractant de la décision du juge-commissaire accordant à l'administrateur la prolongation prévue au 1° du III de l'article L. 622-13.

Le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L. 622-13 et à l'article L. 622-14, ainsi que la date de cette résiliation.

La demande de résiliation présentée par l'administrateur en application du IV de l'article L. 622-13 est formée par requête adressée ou déposée au greffe. Le greffier convoque le débiteur et le cocontractant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et avise l'administrateur de la date de l'audience.

La loi interdit la résiliation du contrat en cours par le seul effet de la procédure collective

La loi protège le débiteur en procédure collective de la résiliation (rupture) des contrats en cours: aucun contrat ne peut être résilié par le seul fait que la procédure collective est ouverte (article L622-13, texte de la sauvegarde applicable au redressement judiciaire L 631-14). Concernant la liquidation judiciaire, initialement aucun texte ne venait sanctionner une clause prévoyant la résiliation d'un contrat dans ce cas, mais la jurisprudence avait toujours été hostile à de telles clauses, pourtant possibles à la lettre du texte. La question est désormais résolue par l'article L641-11-1 qui écarte expressément les clauses de résiliation en cas de liquidation.

Une clause du contrat qui le prévoirait est réputée "non écrite". C'est le cas de toute clause prévoyant que le contrat est résilié de plein droit par le prononcé d'un jugement de redressement ou de liquidation judiciaire.

De même une banque titulaire d'un nantissement de compte bancaire ne peut appréhender le solde de ce compte au prétendu motif qu'en raison de l'ouverture de la procédure collective il y a lieu de mettre en œuvre sa garantie, alors même que les échéances du prêt garanti sont payées Cass com 7 novembre 2018 n°16-25860 

Cass com 19 avril 2023 n°21-21692

Le cas particulier du constat de la résiliation de plein droit

Voir le mot clause résolutoire

Résiliation postérieurement au jugement d'ouverture pour des causes antérieures: le défaut de paiement ne peut être invoqué, ni une clause de résiliation de plein droit mais l'action n'est pas frappée de l'arrêt des poursuites

Comme indiqué ci dessus, la résiliation d'un contrat en cours ne peut découler d'une clause prévoyant la résiliation de plein droit en cas de procédure collective.

De même la résiliation d'une convention ne peut intervenir postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure collective pour défaut de paiement d'une créance antérieure, puisqu'il s'agirait d'exercer une action frappée par l'arrêt des poursuites "l'action en résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent à son échéance est une action fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent au sens de l'article L. 622-21 du code de commerce" (Cass com 15 novembre 2016 n°14-25767) L'article L622-13 du code de commerce dispose d'ailleurs que le défaut d'exécution par le débiteur de ses engagements antérieurs au jugement ne donne droit qu'à déclaration de créance. Autrement dit une action en résolution est exclue pour défaut de paiement d'obligations antérieures Cass com 2 mars 1999 n°96-19743

Autrement dit l'article L622-13 déroge expressément à l'article 1217 du code civil

Il n'est même pas question que des clauses contractuelles viennent modifier les conditions de poursuite du contrat en cas de procédure collective Cass com 14 janvier 2014 n°12-22909

Mais toute action en résiliation (ou d'ailleurs résolution) pour des causes antérieures au jugement d'ouverture de la procédure peut être poursuivie (Cass com 26 octobre 1999 n°96-21745) ou engagée après le jugement, dès lors qu'elle ne tend pas au paiement d'une somme d'argent. C'est la conséquence de l'article L622-21 qui énumère les actions interrompues ou interdites.

De même le jeu de la clause résolutoire insérée dans le contrat peut être invoqué après le jugement d'ouverture, s'il a joué avant Cass com 28 octobre 2008 n°06-20862

Les causes invoquées peuvent être la violation d'une obligation contractuelle, ou leur non exécution. Par exemple pour la résiliation d'un contrat de travail dès lors que l'employeur n'a pas respecté ses obligations en matière de médecine du travail (Cass soc 1er juillet 2020 n°018-24023 )

Résiliation postérieure au jugement d'ouverture pour des causes ou en raison de décisions elles aussi postérieures:

Les textes sont assez singulier, car ils organisent soit la "fin" du contrat par décision du mandataire de justice, ou la résiliation de plein droit après mise en demeure de ces mêmes mandataires de justice, ces situations pouvant donner lieu à décision du juge commissaire, qui est donc facultative, dans le premier cas de prononcé la résiliation, dans le second cas de constat de la résiliation déjà acquise.

La décision du juge commissaire ne semble pas avoir véritablement d'intérêt, si ce n'est éventuellement pour faire jouer une clause contractuelle qui ne jouerait que dans ce cas. En effet en tout état et même sans que le juge commissaire soit appelé à statuer, le contrat a "pris fin" ou est "résilié".

Pour autant il est possible de saisir le juge pour une décision qui est donc à notre avis surabondante (mais que certaines juridictions exigent pas exemple pour en tirer les conséquences sur les contrats interdépendants)

Juge compétent

Le prononcé (dans le cas d'une décision de non poursuite du mandataire de justice) ou le constat (dans le cas d'une résiliation acquise suite à une mise en demande) de la résiliation relève du juge commissaire (articles L622-13 III et IV et R622-13 ) textes de la sauvegarde applicables au redressement judiciaire par l'article L631-14 et intégré la liquidation judiciaire par l'article L641-11-1

Le juge commissaire est saisi par tout intéressé (article R641-21)

Les difficultés inhérentes aux conditions de la résiliation relèvent des juridictions de la procédure collective, et en l'espèce plus précisément du juge commissaire Cass com 4 juillet 2018 n°17-15038

Cependant dès lors qu'il s'agit de connaître le régime juridique du contrat, s'il s'agit d'un contrat de droit public il convient de saisir le juge administratif Cass com 12 juillet 2017 n°15-13466)

Trois causes de fin ou résiliation de plein droit du contrat, pouvant donnant toutes trois lieu à une décision du juge commissaire, dans le premier cas de prononcé de la résiliation et deux dans le second cas de constat de la résiliation,

L'article L622-13 du code de commerce (L641-11-1 pour la liquidation judiciaire) organise trois circonstances de résiliation postérieure au jugement pour des causes postérieures.

"III. - Le contrat en cours est résilié de plein droit :

1° Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur et restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer ;

2° A défaut de paiement dans les conditions définies au II et d'accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles. En ce cas, le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation.

IV. - A la demande de l'administrateur, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire à la sauvegarde du débiteur et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant.

V. - Si l'administrateur n'use pas de la faculté de poursuivre le contrat ou y met fin dans les conditions du II ou encore si la résiliation est prononcée en application du IV, l'inexécution peut donner lieu à des dommages et intérêts au profit du cocontractant, dont le montant doit être déclaré au passif. Le cocontractant peut néanmoins différer la restitution des sommes versées en excédent par le débiteur en exécution du contrat jusqu'à ce qu'il ait été statué sur les dommages et intérêts.

VI. - Les dispositions du présent article ne concernent pas les contrats de travail. Elles ne concernent pas non plus le contrat de fiducie, à l'exception de la convention en exécution de laquelle le débiteur conserve l'usage ou la jouissance de biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire".

Pour résumer :

Circonstance 1 : Une mise en demeure adressée au liquidateur, restée sans réponse pendant plus d’un mois.

Circonstance 2 : Le défaut de paiement dans les conditions prévues au II du même texte, c’est-à-dire dans l’hypothèse où le liquidateur a exigé la poursuite du contrat et n’a pas respecté son engagement d’honorer l’échéancier.

Le II de l’article prévoit en effet « II. - Le liquidateur a seul la faculté d'exiger l'exécution des contrats en cours en fournissant la prestation promise au cocontractant du débiteur. »

Circonstance 3 : la décision du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat.

Ces circonstances donnent toutes trois lieu à décision du juge commissaire au visa de l'article R622-13 du code de commerce ou R641-21 en liquidation (à défaut de quoi le contrat n'est pas considéré comme résilié Cass com 20 septembre 2017 n°16-14065 et en l'espèce sa continuation s'impose au cessionnaire au visa de l'article L642-9)

L'article R622-13 dispose en effet:

"Le juge-commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l'article L. 622-13 et à l'article L. 622-14, ainsi que la date de cette résiliation.

La demande de résiliation présentée par l'administrateur en application du IV de l'article L. 622-13 est formée par requête adressée ou déposée au greffe. Le greffier convoque le débiteur et le cocontractant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et avise l'administrateur de la date de l'audience."

Faute de précision il semble que le juge commissaire doive être saisi par voie de requête ou déclaration au greffe, au visa du texte général de l'article R621-21

1- la décision de l'administrateur judiciaire ou du liquidateur de ne pas poursuivre le contrat (voir contrat en cours) cette décision pouvant être expresse ou tacite Cass com 7 novembre 2006 n°05-17112 mais la seule inexécution du contrat ne pouvant la présumer : la "fin du contrat" pouvant si les parties le souhaitent donner lieu à résiliation prononcée par le juge commissaire

Deux cas : la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent ou pas.

La prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent

Le débiteur, l'administrateur judiciaire ou le liquidateur ont évidemment une option : poursuite ou pas du contrat en cours. Cela peut être une décision spontanée mais cela peut également être une décision provoquée par une mise en demeure (voir 2-)

Ainsi

- en sauvegarde ou redressement judiciaire : l'administrateur judiciaire  s'il en est désigné un, et le débiteur avec avis conforme du mandataire judiciaire en l'absence d'administrateur judiciaire (article L627-2 du code de commerce) et le cas échéant en cas de désaccord sur décision du juge commissaire . (s'il n'existe pas d'administrateur judiciaire l'article R627-1 précise que le contractant adresse sa mise en demeure au débiteur, avec copie au mandataire judiciaire, lequel doit dans les 15 jours de la réception du courrier par le débiteur - à une date qu'il ignore - faire part de son avis au débiteur et au contractant, à défaut de quoi le juge commissaire peut être saisi)

- en liquidation judiciaire le liquidateur 

soit estime que le contrat n'est pas nécessaire, et il pourra "y mettre fin" , soit estime que ce contrat est utile pour préserver l'entreprise, et pourra exiger qu'il soit poursuivi aux mêmes conditions. L'article L622-13 précise que le contractant doit exécuter ses obligations malgré le défaut d'exécution par le débiteur d'engagements antérieurs au jugement d'ouverture: autrement dit le contractant doit exécuter ses prestations à venir même si les précédentes ne sont pas payées.

La décision peut être spontanée, par exemple s'il s'agit d'un contrat à exécution successive et que l'administrateur ne dispose pas des fonds nécessaires (article L622-13 II) : le mandataire de justice peut prendre l'initiative de décider de ne pas poursuivre le contrat et d'y mettre fin et dans ce cas le juge commissaire prononce la résiliation si cette résiliation lui est demandée (L622-13 IV et R622-13). Le texte de la liquidation est identique (L641-11-1)

Le texte est particulièrement singulier puisque la conséquence attachée à la décision du professionnel de ne pas poursuivre le contrat est qu'il y met fin ce qui est différent de la résiliation

C'est le juge commissaire qui peut alors être saisi pour prononcer la résiliation, ce qui n'est manifestement pas une obligation (L622-13) 

La prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent

Par exemple le débiteur est bailleur d'un immeuble.

Les textes précités prévoient que lorsque la prestation du débiteur ne porte pas sur le paiement d'une somme d'argent, la résiliation est prononcée par le juge-commissaire si elle est nécessaire aux opérations de la procédure collective et ne porte pas une atteinte excessive aux intérêts du cocontractant

Cela peut être le cas de la résiliation d'un bail consenti par le débiteur, en respectant la procédure contractuelle et légale Cass com 7 octobre 2020 n°19-10685 dans un cas où le loyer était en outre anormalement bas pour favoriser les dirigeants

2- le contrat est résilié "Après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat adressée par le cocontractant à l'administrateur (au liquidateur en cas de liquidation) et restée plus d'un mois sans réponse" étant précisé qu'"avant l'expiration de ce délai, le juge-commissaire peut impartir à l'administrateur (au liquidateur en cas de liquidation) un délai plus court ou lui accorder une prolongation, qui ne peut excéder deux mois, pour se prononcer"  (l'article R622-13 organisant alors l'information du contractant): constat de la résiliation par le juge commissaire

Si la poursuite d'un contrat en cours peut être tacite (voir ci dessous), le contractant peut vouloir connaître la position non équivoque du partenaire de l'entreprise en procédure collective.

Le contractant peut donc provoquer une décision sur la poursuite du contrat. A cette fin l'article R627-1 complète l'article L622-13 et détaille la procédure de mise en demeure qui permet au contractant de provoquer la prise de position (mise en demeure adressée en RAR à l'administrateur judiciaire restée sans réponse plus d'un mois, et à défaut adressée au débiteur avec copie au mandataire judiciaire, avec délai de 15 jours, ...)

La résiliation ou la décision expresse de poursuite peut donc découler d'une décision provoquée par le contractant de l'entreprise en procédure collective qui adresse une mise en demeure

Les textes permettent ainsi au contractant qui veut connaître avec certitude la position des mandataires de justice sur la poursuite d'un contrat en cours, d'adresser

- à l'administrateur

- ou au liquidateur suivant les cas,

une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat, par courrier recommandé avec accusé de réception.

A défaut de réponse dans le délai d'un mois, et sauf si le juge commissaire accorde un délai supplémentaire d'option, le contrat est résilié de plein droit (article L622-13 pour la procédure de sauvegarde, applicable au redressement judiciaire, L641-11-1 en liquidation judiciaire).

Ainsi le juge commissaire n'a pas à être saisi pour prononcer une résiliation acquise (soit au jour où le bénéficiaire de la mise en demeure répond qu'il ne poursuit pas le contrat, soit le jour de l'expiration du délai d'option) Cass com 18 mars 2003 n°00-12693

Pour autant l'article R622-13 prévoit que le juge commissaire constate la résiliation si le contractant souhaite que celle-ci ne soit pas contestable (ce qui en pratique ne change rien aux délais mais permet le cas échéant au contractant de renoncer à se prévaloir de la résiliation acquise)

En période d'observation et à défaut en l'absence d'administrateur judiciaire, la mise en demeure est adressée au débiteur avec avis du mandataire judiciaire cf R627-1 du code de commerce) avec dans ce cas une procédure particulière puisque la mise en demeure est adressée au débiteur avec copie au mandataire judiciaire, lequel doit faire part de son avis au débiteur et au contractant dans les 15 jours de la réception du courrier par le débiteur (date qu'il ignore) . A défaut de réponse du mandataire judiciaire, le juge commissaire peut être saisi par le débiteur, ce qui a pour effet de suspendre le délai d'un mois imparti au débiteur pour opter (puisqu'il ne peut le faire faute d'avis du mandataire judiciaire).

En cas de plan de redressement ou de sauvegarde, la poursuite des contrats est soumise au droit commun, et le commissaire à l'exécution du plan n'a pas de rôle particulier.

Enfin il faut préciser que le délai d'un mois est unique: si le redressement judiciaire est converti en liquidation judiciaire au cours de délai d'un mois qui suit une mise en demeure adressée à l'administrateur judiciaire, le liquidateur ne disposera que du délai restant pour opter, un nouveau délai n'est pas ouvert.et évidemment a fortiori il n'y a pas lieu à une nouvelle mise en demeure.

3- "A défaut de paiement" des obligations du débiteur dans les conditions contractuelles, et sauf "accord du cocontractant pour poursuivre les relations contractuelles", étant précisé que dans ce cas, "le ministère public, l'administrateur, le mandataire judiciaire ou un contrôleur peut saisir le tribunal aux fins de mettre fin à la période d'observation" : constat de la résiliation par le juge commissaire

En redressement judiciaire c'est l'article L622-13 et en liquidation judiciaire l'article L641-11-1 du code de commerce qui organisent le même processus. La résiliation pour défaut de paiement (visée au 2° du texte) suppose que le liquidateur ait opté pour la poursuite du contrat, tacitement ou expressément Cass com 8 mars 2017 n°15-21397

La Cour de cassation considère que la résiliation pour défaut de paiement présuppose que l'administrateur judiciaire ou le liquidateur ait opté, ai moins tacitement, pour la poursuite du contrat (en raison du renvoi opéré par le III de l'article L641-11-1 au II qui est précisément le cas de la poursuite du contrat),  qu'il y ait eu ou pas mise en demeure d'opter pour cette poursuite (Cass com 8 mars 2017 n°15-21397)

C'est là encore le juge commissaire qui constate la résiliation, au visa de l'article R622-13 et R641-21 pour la liquidation judiciaire (Cass com 4 juillet 2018 n°17-15038 qui semble ajouter une condition et imposer au juge commissaire de s'assurer que le défaut de paiement est la conséquence d'une absence de fonds nécessaires, cette condition ne semblant pas prévue par le texte, et d'ailleurs la notion de fonds nécessaire étant difficile à apprécier si plusieurs contrats sont poursuivis et seulement l'un deux peut être régulièrement payé)

Poursuite tacite du contrat

Bien souvent à l'ouverture de la procédure, le sort des contrats en cours n'est pas expressément et immédiatement décidé. La jurisprudence considère que les contrats sont tacitement poursuivis, cette poursuite découlant notamment de leur exécution normale par l'entreprise en procédure collective qui par exemple passe des commandes, adresse des paiements, effectue des prestations.

La connaissance qu'aura l'administrateur judiciaire (en redressement judiciaire) de ces actes, ou leur accomplissement par l'admirateur ou le liquidateur (en liquidation judiciaire) pourra être interprété comme une poursuite de contrat, et dans ce cas les créances correspondantes auront bien le statut de créances postérieures "utiles" (Cass com 3 décembre 1996 n°94-20669)

Ainsi la mise en demeure n'est pas obligatoire. Le risque encouru par le partenaire de l'entreprise qui ne choisit pas y recourir porte sur la première exécution postérieure au jugement d'ouverture de la procédure: s'il livre le débiteur, tant que l'administrateur judiciaire n'aura pas payé, il s'expose à ce que ce dernier refuse de le payer en lui indiquant qu'il considère que ses prestations ne sont pas utiles, et dans ce cas le contractant aurait été plus inspiré d'adresser une mise en demeure.

Cependant dans bien des cas, les relations contractuelles sont normalement poursuivies, et les mandataires de justice prennent spontanément des initiative de résiliation de ceux des contrats qu'ils ne considèrent pas comme étant utiles.

En cas de poursuite, l'entreprise en procédure collective doit assumer ses obligations contractuelles postérieures au jugement d'ouverture mais payer au comptant (en redressement judiciaire) sous la sanction de la résiliation

La loi protège donc également le contractant, puisque si le contrat est poursuivi, l'entreprise en procédure collective doit respecter ses engagements, et notamment assurer le paiement des sommes qu'elle doit en contreparties de prestations postérieures au jugement d'ouverture de la procédure.

Ainsi dans ce cas ce n'est que si le contrat n'est pas respecté qu'il pourra être résilié à la demande du contractant (article L622-13 III 2°), par décision du juge commissaire (article R622-13 et Cass com 20 septembre 2017 n°16-14065 ) : voir cause 3 ci dessus

Evidemment la suspension des poursuites interdit au contractant de se prévaloir d'inexécution antérieure au jugement d'ouverture pour rechercher la résiliation postérieurement à ce jugement.

En redressement judiciaire si la prestation du débiteur porte sur le paiement d'une somme d'argent, elle doit se faire au comptant sauf délai accordés par le contractant (article L631-14 du code de commerce et Cass com 20 septembre 2017 n° 14-17225 )l'ordonnance de 2014 ayant supprimé cette disposition de l'article L622-13 applicable à la sauvegarde.

Résiliation suivant les règles de droit commun

En droit commun, la résiliation est une variété de résolution, qui s'applique dans les mêmes circonstances, mais dans les cas où mettre fin au contrat ne permet pas la restitution ni la remise en état (par exemple la résolution d'un contrat de location ne peut donner lieu à remise en l'état et est donc une résiliation)   

article 1229 du code civil "

La résolution met fin au contrat.

La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9."

Pour les contrats à durée indéterminée, l'article 1211 du code civil dispose :Lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée, chaque partie peut y mettre fin à tout moment, sous réserve de respecter le délai de préavis contractuellement prévu ou, à défaut, un délai raisonnable.

Le contrat à durée déterminée peut entraîner des conséquences particulières dès lors que l'article 1212 du code civil dispose Lorsque le contrat est conclu pour une durée déterminée, chaque partie doit l'exécuter jusqu'à son terme. Il peut donc en découler que le contractant qui résilie le contrat en cours de durée s'expose à poursuivre l'exécution de ses obligations sur la durée prévue contractuellement. 

Cependant, cette situation connait deux exceptions : la résiliation est voulue par les deux parties, ou la faculté de résiliation unilatérale est prévue par la loi (c'est pas exemple le cas pour le bail, le mandat, le contrat de travail, le contrat d'assurance, et c'est le cas en procédure collective). 

Pour plus de précision voir le mot résolution à la partie résolution suivant les règles de droit commun.

La conséquence de la résiliation des contrats en cours sur les créances découlant de la résiliation: délais spécifique et créance venant en rang de créance antérieure

En cas de résiliation d'un contrat en cours, l'éventuelle créance d'indemnité de résiliation que peut invoquer le contractant, qu'elle soit contractuelle (si le contrat le prévoit Cass com 15 mai 2019 n°18-14352, Cass com 5 juillet 2023 n°22-12192) ou délictuelle, a un statut particulier: bien que née de la résiliation, c'est à dire chronologiquement après l'ouverture de la procédure collective, cette créance est traitée en rang de créance antérieure, au motif qu'elle n'est pas "utile à la poursuite d'activité" (voir notamment Cass com 12 juillet 2016 n°14-23668).

Cependant les contractants ont un délai spécial pour déclarer cette créance, qui court non pas de la publicité du jugement d'ouverture de la procédure, mais de la résiliation du contrat, c'est à dire de la date à laquelle ils peuvent savoir que cette créance est née. Ce délai court non pas de l'éventuel constat par le juge commissaire de la résiliation mais de la résiliation elle même (prise de position du bénéficiaire de la mise en demeure d'opter ou expiration du délai d'option Cass com 18 mars 2003 n°00-12693

La résiliation et l'indemnité correspondante est acquise, même si par la suite la société de crédit bail régularise une cession du bien (Cass com 26 juin 2019 n°18-16248)

Voir le mot déclaration de créance pour des détails sur le délai et son emprise (pas n'importe quelle créance)

Voir également compte bancaire et procédures collectives et concession du domaine public.

L'indemnité de résiliation prévue au contrat ne s'applique que si les conditions sont strictement réunies, et par exemple il ne faut pas confondre résiliation par l'administrateur judiciaire et résiliation pour défaut de paiement Cass com 29 juin 2022 n°21-11674

Résiliation et contrats dits interdépendants

Voir le mot contrats indépendants

Procédure spécifiques à certains contrats: l'assurance

A ce sujet, les dispositions spécifiques régissant le contrat d'assurance sont applicables.

L'article L113-3 du code des assurances prévoit en effet qu'à en cas de défaut de paiement d'une prime depuis plus de 10 jours à compter de son échéance, la garantie peut-être suspendue après une mise en demeure adressée depuis plus de 30 jours, l'assureur disposant alors de la faculté de résilier le contrat 10 jours après l'expiration du délai de 30 jours visé à la mise en demeure en question.

Plus précisément d'ailleurs, le texte dispose "A défaut de paiement d'une prime, ou d'une fraction de prime, dans les dix jours de son échéance, et indépendamment du droit pour l'assureur de poursuivre l'exécution du contrat en justice, la garantie ne peut être suspendue que trente jours après la mise en demeure de l'assuré. Au cas où la prime annuelle a été fractionnée, la suspension de la garantie, intervenue en cas de non-paiement d'une des fractions de prime, produit ses effets jusqu'à l'expiration de la période annuelle considérée. La prime ou fraction de prime est portable dans tous les cas, après la mise en demeure de l'assuré.

L'assureur a le droit de résilier le contrat dix jours après l'expiration du délai de trente jours mentionné au deuxième alinéa du présent article."

L'expression "la garantie ne peut être suspendue" exprime clairement le fait que le processus s'impose à l'assureur, et que la résiliation ne peut être acquise sans mise en demeure préalable.

Il a ainsi été jugé  "Attendu que, pour faire droit à la demande, l'arrêt, après avoir relevé qu'il n'était pas contesté que les primes échues entre juin 2009 et juin 2010 n'avaient pas été payées, retient que, selon les dispositions de l'article L. 622-13 du code de commerce, le défaut de paiement d'une somme d'argent entraîne la résiliation du contrat de plein droit, les dispositions des alinéas 2 à 4 de l'article L. 113-3 du code des assurances n'étant pas applicables dans le cadre d'une procédure collective ; Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait relevé que l'assureur n'avait pas mis en demeure le liquidateur de payer les primes, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés" Cass com 15 novembre 2016 n°14-27045; dans une espèce où l'alinéa 3 de l'article L113-3 du code des assurances n'avait pas été respecté, aucune mise en demeure n'ayant été adressée par l'assureur.

Le cas particulier des contrats intuitu personae

A priori tous les contrats sont concernés par le dispositif légal. La Cour de Cassation s'est prononcée pour les contrats bancaires, les contrats de mandat (Cass com 28 juin 2017 n°15-17394)

Voir le mot intuitu personae

Le cas particulier du contrat de construction de maison individuelle

L'article L231-6 du code de la construction dispose :

"Au cas où, en cours d'exécution des travaux, le constructeur fait l'objet des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire prévues par le code de commerce, le garant peut mettre en demeure l'administrateur de se prononcer sur l'exécution du contrat conformément à l'article L. 621-28 dudit code. A défaut de réponse dans le délai d'un mois et sans que ce délai puisse être prorogé pour quelque raison que ce soit, le garant procède à l'exécution de ses obligations. Il y procède également dans le cas où, malgré sa réponse positive, l'administrateur ne poursuit pas l'exécution du contrat dans les quinze jours qui suivent sa réponse.

III.-Dans les cas prévus au paragraphe II ci-dessus et faute pour le constructeur ou l'administrateur de procéder à l'achèvement de la construction, le garant doit désigner sous sa responsabilité la personne qui terminera les travaux.

Toutefois, et à condition que l'immeuble ait atteint le stade du hors d'eau, le garant peut proposer au maître de l'ouvrage de conclure lui-même des marchés de travaux avec des entreprises qui se chargeront de l'achèvement. Si le maître de l'ouvrage l'accepte, le garant verse directement aux entreprises les sommes dont il est redevable au titre du paragraphe I du présent article.

En cas de défaillance du constructeur, le garant est en droit d'exiger de percevoir directement les sommes correspondant aux travaux qu'il effectue ou fait effectuer dans les conditions prévues au e de l'article L. 231-2."

Ainsi le garant peut lui même mettre en demeure d'opter pour la poursuite du contrat et prendre des initiatives de mise en place de sa garantie

Le sort des contrats non cédés dans le cadre d'une cession d'entreprise

Voir la cession d'entreprise