Location gérance de fonds de commerce

Quelques points de la définition

Généralités

Location gérance en cours et procédures collectives

Sauvegarde ou redressement judiciaire du locataire gérant

Liquidation judiciaire du locataire gérant

Location gérance et cession d'entreprise: mise en location gérance du fonds en cours de la procédure dans le cadre de la préparation de la cession

Généralités

Contrat par lequel le propriétaire d'un fonds de commerce le loue à un locataire gérant. Le propriétaire du fonds en garde ainsi la propriété sans être responsable de l'exploitation du fonds. Le locataire gérant règle au propriétaire du fonds une redevance (un "loyer") qui permet au propriétaire notamment de payer le loyer des locaux.

Le locataire gérant exploite le fonds de commerce, en retire les bénéfices, et est responsable de l'exploitation.

Location gérance en cours et procédure collective

En sauvegarde ou en redressement judiciaire du locataire gérant, la location gérance est un contrat en cours comme un autre: il peut être continué et le propriétaire du fonds ne peut, en raison de l'ouverture de la procédure, en exiger la résiliation. Mais il doit être continué dans le respect des conditions du contrat, et sous les sanctions prévues au contrat: autrement dit, si les redevances de location gérance ne sont pas payées le bailleur du fonds pourra solliciter la résiliation dans les conditions et forme prévues au contrat

En cas de liquidation judiciaire du locataire gérant, il n'y a souvent pas d'autre solution pour le liquidateur que de résilier le contrat de location gérance. Par l'effet de cette résiliation que le liquidateur notifie au propriétaire du fonds, le propriétaire du fonds de commerce reprend son fonds de commerce, sans être en concours avec les créanciers du locataire gérant.

Le matériel qui avait été inclu dans le fonds est également restitué s'il est encore présent (en principe un inventaire est annexé au contrat), et le cas échéant le matériel qui vient en remplacement (si le contrat le prévoit).

Cependant, sans circonstances particulières, la résiliation du contrat de location gérance oblige le propriétaire du fonds à reprendre les salariés du locataire gérant, sans pouvoir modifier en quoi que ce soit leur contrat de travail (voir le mot transfert d'entreprise qui détaille les règles du transfert des salariés et des créances salariales)

Voir par exemple Cass soc 17 janvier 2018 n°16-21332 et Cass soc 17 janvier 2018 n°16-21333

Cette obligation découle de l'article L1224-1 du code du travail (anciennement article 122-12 alinéa 2) et s'impose à la fois au propriétaire du fonds et aux salariés. Le texte est en effet incontestablement applicable à la location gérance et à sa résiliation (Cass soc 18 décembre 2000 n°98-41178) ainsi qu'à la succession de locations gérances (Cass soc 7 mars 1989 n°85-45173)

Elle porte sur l'ensemble des salariés et pas uniquement sur les salariés ou le nombre de salariés qui étaient présent au moment où le fonds a été loué, et d'ailleurs le texte ne distingue pas et indique expressément "tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.". Il s'agit d'un texte d'ordre public auquel il ne peut être dérogé par contrat, et le contrat de location gérance ne peut par exemple interdire au locataire gérant d'embaucher ou prévoir que les salariés nouveaux ne lui seront pas transférés

Ainsi la liquidation judiciaire (et en principe l'AGS) assumera les salaires jusqu'au jour de la résiliation du contrat de location gérance, et les congés acquis au jour de l'ouverture de la procédure (La Cour de Cassation retient parfois la date de la liquidation judiciaire Cass soc 20 mars 2001 n°99-41392, mais c'est la date de la résiliation de la location gérance qui semble pertinente). Attention cependant, seuls les congés pris au jour du jugement, ou les congés qui pourraient devenir exigibles du fait d'un licenciement par le locataire gérant intervenant dans le délai de garantie de l'AGS ( article L3253-8 du code du travail) sont garantis : concrètement si le bailleur du fonds de commerce reprend, au terme de son obligation légale, les salariés, les congés payés que ces salariés ont acquis au jour du jugement de liquidation judiciaire du locataire gérant ne sont garantis par l'AGS que si les salariés sont très rapidement licenciés par le propriétaire du fonds, ce qui en pratique n'arrive pas.

Le licenciement des salariés sera à la charge du propriétaire du fonds s'il ne veut pas exploiter le fonds de commerce (Cass soc 27 avril 1977 n° 76-40034) ou s'il estime que l'effectif est trop important (Cass soc 12 juin 2002 n°00-40892), sans pouvoir invoquer une prétendue clause ou un prétendu accord avec son contractant, en tout état inopposable à "l'ASSEDIC" (à l'époque dénomination de l'AGS, dont les fonds étaient gérés par l'Assedic) Cass soc 2 juillet 1981 n°80-10644.

Evidemment dans ce contexte le courrier par lequel le liquidateur informe les salariés du retour du fonds de commerce dans le patrimoine du bailleur, et du transfert consécutif de leur contrat de travail, n'est pas un courrier de rupture du contrat de travail Cass soc 20 janvier 2016 n°14-10136 et 14.10134, puisqu'au contraire le but du dispositif est le maintien du contrat de travail)

Le seule exception à ce transfert des salariés est ce qu''on appelle la ruine du fonds, s'il est donc démontré que le fonds est devenu objectivement inexploitable : dans ce cas la liquidation judiciaire assume le licenciement, dont le côut peut être pris en charge par l'AGS (pour un exemple Cass soc 20 mars 2019 n°18-12565 )

La notion de ruine du fonds est évidemment une notion de fait qui relève des juges du fond et qui s'apprécie au jour de la résiliation de la location gérance

La Cour de Cassation a donc des appréciations qui dépendent de la motivation des décisions qui lui sont soumises: Cass Soc 7 novembre 1990 n°88-45196 pour une application qui semble discutable car le fonds était exploité avant la résiliation de la location gérance, Cass soc 6 novembre 1991 n°90-41600 pour une appréciation inverse, Cass soc 19 février 1997 n°95-42009 pour une application incontestable de la notion de ruine, et Cass Soc 23 mars 2005 n°03-40073 dans le cas d'un fonds restitué alors qu'il venait juste d'être fermé.

La présence du matériel ou de la clientèle sont des éléments à prendre en considération Cass com 9 juillet 2019 n°18-12373

Ce qui semble acquis est que lors de la résiliation du contrat de location gérance, le locataire gérant (et plus précisément son liquidateur) n’a pas à préjuger du caractère inexploitable du fonds (en tout cas si cela prête à appréciation), et à prendre des initiatives de licenciement qui pourraient lui être reprochés par le bailleur du fonds.

Ni la résiliation de la location gérance ni la liquidation judiciaire du locataire gérant n’établissent la ruine du fonds, il s’agit d’une notion bien particulière qui tient au caractère exploitable ou pas du fonds. A ce sujet évidemment la disparition de la totalité du matériel par le fait du locataire gérant peut être un fort indice de ruine du fonds.

Evidemment les situations de force majeure, comme par exemple l’incendie du fonds font présumer la ruine du fonds et l’absence de jeu de l’article L1224-1 du code du travail. 

Location gérance dans le cadre de la préparation d'une cession d'entreprise

Les articles L642-13 et suivants du code de commerce organisent la possibilité, en cas de cession d'entreprise, dont c'est une modalité, de concéder le fonds cédé en location gérance au cessionnaire retenu par le Tribunal.

- autorisation par le Tribunal, y compris nonobstant toute clause contraire insérée dans le bail, après audition de toutes les parties L642-13

- dans le respect des dispositions de droit commun  L642-14

- dans la perspective d'organiser la cession dans les deux ans L642-15 et avec obligation d'acquérir L642-17 et sous surveillance des mandataires de justice L642-16 (mais texte applicable au redressement judiciaire) et R642-21

Les dispositions qui prévoyaient la mise en location gérance durant la période d'observation ont été supprimées. Les commentateurs en tirent que le recours à la location gérance n'est plus possible en période d'observation.