Sauvegarde / Redressement judiciaire: différences

Quelques différences entre la procédure de sauvegarde et le redressement judiciaire

Globalement les deux procédures fonctionnent de la même manière, notamment pour le déroulement de la période d'observation et le plan. Les rôles des intervenants sont les mêmes, et les règles légales aussi.

Cependant, la procédure de sauvegarde a été voulue par le législateur comme incitative: on part du principe que si l'entreprise ses difficultés de manière précoce, c'est à dire avant l'état de cessation des paiements, les chances de redressement sont augmentées.

L'absence d'état de cessation des paiements est l'axe majeur de la différence entre la sauvegarde et les deux autres procédures collectives que sont le redressement et la liquidation judiciaires, et d'ailleurs dès que le Tribunal constate l'état de cessation des paiements il doit convertir la sauvegarde en redressement ou liquidation judiciaire Cass com 15 novembre 2017 n°16-19690

Ainsi, pour inciter les chefs d'entreprises à dévoiler leurs difficultés, quelques différences ont été introduites par rapport au redressement judiciaire, et la procédure de sauvegarde offre aux entreprises, à leurs dirigeants et aux cautions de nombreux avantages par rapport à la procédure de redressement judiciaire.

Parmi ces avantages:

- seul le débiteur peut demander l'ouverture de la procédure, à la différence du redressement judiciaire qui peut être demandé par un créancier

- plusieurs mesures qui peuvent être perçues comme instaurant un contrôle vexatoire, applicables en redressement judiciaire, ne sont pas applicables en sauvegarde:

* en sauvegarde le tribunal n'est pas contraint de prévoir une première audience dans les deux mois de l'ouverture pour contrôler l'avancement de la procédure (alors qu'en redressement judiciaire l'article R631-15 l'impose).

* en sauvegarde c'est le débiteur qui établit l'inventaire des actifs alors qu'en redressement judiciaire ce sera un huissier ou un commissaire priseur (L622-6 et R622-4 du code de commerce)

* la rémunération du chef d'entreprise n'est pas encadrée en sauvegarde alors qu'en redressement judiciaire elle relève de la décision du juge commissaire (R631-11) (cette disposition est supprimée par la loi du 22 mai 2019, et désormais la rémunération est maintenue dans les deux cas, la différence étant cependant qu'en redressement judiciaire le juge commissaire peut, sur saisine de l'administrateur, du mandataire ou du ministère public, réduire la rémunération

* les licenciements sont libres en sauvegarde alors qu'en redressement judiciaire le juge commissaire doit les autoriser (L631-17)

* la cession d'entreprise n'est pas une "sortie" de la procédure de sauvegarde, même si la cession d'une ou plusieurs activités est possible en complément d'un plan de sauvegarde. La crainte du débiteur de se voir "dépossédé" de son entreprise est donc moindre qu'en redressement judiciaire où la cession est une alternative au plan de redressement.

- En sauvegarde seul le débiteur peut proposer un plan aux classes de parties affectées (L631-19), alors qu'en redressement judiciaire toute partie affectée le peut (L626-30-2)

- les sanctions ( faillite personnelle, banqueroute ..) ne sont pas applicables à la procédure de sauvegarde (L653-1 pour la faillite personnelle, qui ne vise que le redressement ou la liquidation, et L654-1 pour la banqueroute complété par L654-2 qui ne vise que le redressement ou la liquidation)

- le traitement des cautions et coobligés personnes physiques (par exemple le dirigeant) est très favorable en sauvegarde : comme en redressement judiciaire, la caution ne peut être poursuivie pendant la période d'observation du débiteur principal (L622-28 et L631-14), mais en outre, et à la différence du redressement judiciaire (L631-20), la caution pourra également se prévaloir du plan de sauvegarde (L626-11), c'est à dire que tant que le plan est respecté, elle ne sera pas actionnée en paiement (voir par exemple Cass com 22 juin 2017 n°16-20027).

Cette dernière différence est supprimée pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021 en application de l'ordonnance du 15 septembre 2021.

- la résolution du plan de sauvegarde permet l'ouverture d'un redressement judiciaire (L626-27-1), alors que la cessation des paiements en cours de plan de redressement entraîne résolution du plan et liquidation judiciaire

- les dispositions sur la cession forcée des parts du dirigeant ne sont pas traitées de la même manière (voir le mot parts sociales)

Il existe cependant une différence qui n'est pas un avantage : l'AGS n'intervient pas en sauvegarde pour le paiement des salaires ou indemnités de ruptures dus aux salariés au jour du jugement  (article L3253-8 du code du travail au 1°) puisque par hypothèse l'entreprise n'est pas en état de cessation des paiements et peut donc assumer les salaires (l'AGS intervient cependant le cas échéant pour avances les indemnités de rupture consécutives aux licenciements pour motif économique intervenue en période d'observation et dans le cadre d'un plan de sauvegarde). C'est sans doute le seul point "pénalisant" de la sauvegarde par rapport au redressement judiciaire (l'AGS est par contre susceptible d'intervenir pour la prise en charge des sommes dues aux salariés licenciés pendant la période d'observation - sauf pour les salaires de la période d'observation- et interviendra également pour payer les sommes dues aux salariés antérieurement au jugement de sauvegarde si par la suite un redressement judiciaire est prononcé en raison de l'état de cessation des paiements - Cass Soc 21.01.2014 p 12-18421):en effet le 2° du L3253-8 du code du travail ne distingue pas Cass Soc 28 février 2018 n°16-22108

Enfin et pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, en application de l'ordonnance du 15 septembre 2021,

- la durée de la période d'observation en sauvegarde est limitée à 12 mois, le renouvellement exceptionnel à la requête du ministère public étant supprimé (mais maintenu en redressement judiciaire)

- les annuités du plan à compter de la 6ème, doivent être de 10% pour les modalités imposées par le Tribunal aux créanciers qui ont refusé les propositions (L626-18)