Arrêt du cours des inscriptions

Quelques points de la définition

Le principe: interdiction des inscriptions

Portée de l'interdiction sur les biens communs

Portée de l'interdiction sur les biens indivis

Les inscriptions en conséquence des garanties autorisées par le juge commissaire

Le renouvellement des inscriptions antérieures : possibilités et jusqu'à quand l'inscription doit être renouvelée pour préserver la créance

La possibilité d'inscription définitive en suite d'inscriptions provisoires 

L'inscription d'actes ou de décisions antérieures: actes translatifs ou constitutifs ayant date certaine ou décisions judiciaires

Sanctions de l'inscription prise malgré l'interdiction: vis à vis de la procédure collective et au fichier foncier

Le principe: interdiction des inscriptions nouvelles

L'article L622-30 du code de commerce dispose "Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture. Il en va de même des actes et des décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels, à moins que ces actes n'aient acquis date certaine ou que ces décisions ne soient devenues exécutoires avant le jugement d'ouverture. Toutefois, le Trésor public conserve son privilège pour les créances qu'il n'était pas tenu d'inscrire à la date du jugement d'ouverture et pour les créances mises en recouvrement après cette date si ces créances sont déclarées dans les conditions prévues à l'article L. 622-24. Le vendeur du fonds de commerce, par dérogation aux dispositions du premier alinéa, peut inscrire son privilège."

Ainsi le jugement d'ouverture (qui prend effet à zéro heure le jour de son prononcé) emporte arrêt du cours des inscriptions : plus concrètement un créancier ne peut plus, postérieurement au jugement, obtenir conventionnellement ou inscrire une garantie sur un bien, en préserver une créance antérieure. C'est le cas des hypothèques, gages ou nantissement, qu'il s'agisse d'inscrire une garantie conventionnelle ou judiciaire.

C'est également le cas pour le créancier dont la créance n'est fixée que postérieurement au jugement, pour des faits antérieurs, par la juridiction pénale. Par exemple Cass com 27 novembre 2019 n°13-21068 le créancier ne peut, postérieurement au jugement, prendre une inscription d'hypothèque sur les actifs du débiteur ou Cass Com 3 avril 2019 n°18-11281 pour un gage espèce

La portée de l'interdiction sur les biens communs: interdiction des inscriptions du chef de chacun des époux, y compris celui qui n'est pas en procédure collective

L’emprise de la procédure collective de l’un des époux s’étend à l’ensemble des biens communs, sur lesquels évidemment les droits patrimoniaux de l’un ou l’autre des époux ne sont pas individualisés.

 Ainsi l’hypothèque constituée sur un immeuble commun ne peut plus faire l’objet d’une inscription postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective de l’un des époux, même si elle est consentie ou ordonnée du chef de l’autre époux (Com, 20 mai 1997, n°94-10997, Cass com 3 février 1998 n°94-15450. 

La portée de l'interdiction sur les biens indivis: interdiction du seul chef de l'indivisaire en procédure collective

Un indivisaire in bonis peut parfaitement consentir une garantie donnant lieu à inscription sur le bien indivis, et ladite garantie ne grèvera que sa part d'indivision

Les inscriptions en conséquence de garanties autorisées par le juge commissaire

Le juge commissaire peut autoriser la prise de garantie dans deux circonstances, et évidemment elles pourront être inscrites

1- L'article L622-7 dispose que 'le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement ... Néanmoins, si cet acte est susceptible d'avoir une incidence déterminante sur l'issue de la procédure, le juge-commissaire ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du ministère public"

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, le nouvel article L622-7 dispose "II. - Le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à faire un acte de disposition étranger à la gestion courante de l'entreprise, à consentir une sûreté réelle conventionnelle en garantie d'une créance postérieure à l'ouverture de la procédure" . Le texte ne précise pas s'il faut entendre créance postérieure éligible au statut des créances postérieures ou s'il convient simplement de s'en tenir au critère chronologique, mais a priori l'esprit du texte penche pour la première solution

Les modalités d'application de ce texte sont précisées par l'article R622-6.

2- l'article L622-8 du code de commerce dispose: En cas de vente d'un bien grevé d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque, la quote-part du prix correspondant aux créances garanties par ces sûretés est versée en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations. Après l'adoption du plan, les créanciers bénéficiaires de ces sûretés ou titulaires d'un privilège général sont payés sur le prix suivant l'ordre de préférence existant entre eux et conformément à l'article L. 626-22 lorsqu'ils sont soumis aux délais du plan. Le juge-commissaire peut ordonner le paiement provisionnel de tout ou partie de leur créance aux créanciers titulaires de sûretés sur le bien. Sauf décision spécialement motivée du juge-commissaire ou lorsqu'il intervient au bénéfice du Trésor ou des organismes sociaux ou organismes assimilés, ce paiement provisionnel est subordonné à la présentation par son bénéficiaire d'une garantie émanant d'un établissement de crédit ou d'une société de financement.

Le débiteur peut proposer aux créanciers, la substitution aux garanties qu'ils détiennent de garanties équivalentes. En l'absence d'accord, le juge-commissaire peut ordonner cette substitution. Le recours contre cette ordonnance est porté devant la cour d'appel." Ce texte est complété par l'article R622-8 qui en fixe les modalités pratiques

(voir actes de disposition)

La possibilité de renouvellement des inscriptions antérieures (ou d'inscription définitive de précédentes inscriptions provisoires) et jusqu'à quand l'inscription doit être renouvelée pour préserver la créance.

Tant que le bien n'est pas vendu (ou plus précisément le prix payé ou consigné), le créancier déjà inscrit est fondé à renouveler l'inscription déjà prise, puisque les inscriptions se périment (par exemple une hypothèque peut être prise pour une durée déterminée, le nantissement est inscrit pour 10 ans) et que faute de renouvellement l'inscription ne préserve plus la créance.

L'interdiction des inscription n'affecte pas les possibilités de renouvellement (Cass com 3 mai 2016 n°14-21556  et Cass com 17 février 2021 n°19-20738 pour un warrant

Tant que l'immeuble (mais la règle est identique en matière de nantissement) n'est pas vendu et payé (article 2435 du code civil), l'inscription doit être valide pour préserver la créance : le juge doit "constater que l'inscription avait produit son effet légal et que le renouvellement de l'inscription litigieuse avait été opéré jusqu'au paiement ou à la consignation"    (Cass civ 3ème 20 Nov 2002 n°99-11485 ).

L'article 2435 du code civil qui dispose: "L'inscription cesse de produire effet si elle n'a pas été renouvelée au plus tard à la date visée au premier alinéa de l'article 2434. Chaque renouvellement est requis jusqu'à une date déterminée. Cette date est fixée comme il est dit à l'article 2434 en distinguant suivant que l'échéance ou la dernière échéance, même si elle résulte d'une prorogation de délai, est ou non déterminée et qu'elle est ou non postérieure au jour du renouvellement.

Le renouvellement est obligatoire, dans le cas où l'inscription a produit son effet légal, notamment en cas de réalisation du gage, jusqu'au paiement ou à la consignation du prix." détermine deux paramètres : l'inscription n'a pas à être renouvelée d'une part si l'inscription a produit son "'effet légal", et pour autant que le paiement ou la consignation du prix soit survenu.  

Le préalable est donc que l'inscription ait produit "son effet légal" pour que le renouvellement soit inutile.

Les auteurs considèrent que l'effet légal "se produit en cas de réalisation du gage, c'est-à-dire au moment où le droit du créancier qui grève l'immeuble se reporte sur la valeur de celui-ci, c'est-à-dire lorsque le prix de l'immeuble est exigible, soit de l'adjudicataire, soit du tiers acquéreur" . D'autre évoquent le fait que "l'immeuble est transformé en argent".

L'effet légal a été suspendu à la publication du jugement d'adjudication ou de l'acte de vente Cass civ 3ème  13 septembre 2006 n°05-13849 et d'ailleurs l'article L322-14 du code des procédures civiles d'exécution dispose :"Le versement du prix ou sa consignation et le paiement des frais de la vente purgent de plein droit l'immeuble de toute hypothèque et de tout privilège du chef du débiteur à compter de la publication du titre de vente. " .

(on peut ajouter qu'il peut être prudent de renouveler jusqu'à ce que la cession soit définitive, car en cas d'annulation d'un jugement d'adjudication, sa publication peut être remise en cause et le créancier aura intérêt à avoir préservé ses droits)

La question de savoir ce qu'il faut entendre par "paiement du prix ou consignation" visés à l'article 2435 du code civil peut être perçue comme équivoque.

On pourrait penser qu'il s'agit de la répartition du prix aux créanciers. Déjà en droit commun cette solution ne semble pas être réaliste, et il y a lieu de retenir que le "paiement du prix ou la consignation du prix" vise les deux modes de réalisation des immeubles : en cas de vente amiable le prix est versé au notaire, et en cas de saisie immobilière il est consigné au visa de l'article L322-9 du code des procédures civiles d'exécution.

On voit mal d'ailleurs pour quelle raison le législateur aurait précisé qu'il n'y a plus lieu pour le créancier de renouveler son inscription une fois qu'il est payé : c'est une évidence puisqu'il n'a plus de droit ni sur le bien support de l'inscription ni sur son prix, et évidemment ce qui est organisé par les textes est une dispense de renouvellement précisément "en amont", ne serait-ce que pour que l'acheteur puisse disposer d'une bien libre de toute inscription, dès lors qu'il en est juridiquement propriétaire et en a payé le prix, et ce sans pour autant compromettre les droits des créanciers, dont les droits sont reportés irrévocablement sur le prix.

Deux arguments de texte militent également pour que cette solution soit retenue dans débat:

- comme déjà indiqué, l'article L322-14 du code des procédures civiles d'exécution dispose :"Le versement du prix ou sa consignation et le paiement des frais de la vente purgent de plein droit l'immeuble de toute hypothèque et de tout privilège du chef du débiteur à compter de la publication du titre de vente. " et il s'agit ici sans aucun débat possible du versement du prix d'adjudication et certainement pas de sa répartition aux créanciers.

l'article L331-1 du code des procédures civiles d'exécution précise que "Seuls sont admis à faire valoir leurs droits sur le prix de la vente le créancier poursuivant, les créanciers inscrits sur l'immeuble saisi à la date de la publication du commandement de payer valant saisie, les créanciers inscrits sur l'immeuble avant la publication du titre de vente et qui sont intervenus dans la procédure ainsi que les créanciers énumérés au 1° bis de l'article 2374 et à l'article 2375 du code civil." ce qui vise bien les créanciers dont l'inscription a été renouvelée jusqu'à la publication de la vente, qui feront valoir leur droit sur le prix; par hypothèse non encore distribué.

La solution déjà évidente en droit commun l'est plus encore en procédure collective, et considérer que l'inscription doit être renouvelée jusqu'à la répartition du prix serait totalement irréaliste au regard du télescopage du droit commun et du droit des procédures collectives, et du fait que les droits des créanciers inscrits ont été purgés : on ne peut imposer aux créanciers de renouveler une inscription alors précisément qu'ils n'ont pas de droit de suite et que leurs prérogatives sont reportées sur le prix.

On peut ajouter qu'à la différence du droit commun la répartition peut intervenir à une date éloignée de la vente, et qu'il est totalement impossible que l'immeuble vendu reste grevé d'inscriptions du chef du précédent propriétaire.

On peut ici faire appel à un ancien arrêt :  "SI L'ARRET CONSTATE QU'A LA SUITE DE LA REALISATION DU GAGE, LE DROIT DU CREANCIER AVAIT ETE REPORTE DE L'IMMEUBLE SUR LE PRIX ET QUE L'INSCRIPTION AVAIT DONC PRODUIT SON EFFET LEGAL ANTERIEUREMENT A L'EXPIRATION DE SA VALIDITE, LE PAIEMENT OU LA CONSIGNATION PREVUS A L'ARTICLE 2154-1 DU CODE CIVIL, A PARTIR DESQUELS LE RENOUVELLEMENT DE L'INSCRIPTION HYPOTHECAIRE N'EST PLUS OBLIGATOIRE N'EXCLUAIT PAS UN PAIEMENT DU PRIX D'ADJUDICATION, CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS IMPERATIVES DU CAHIER DES CHARGES" Cass civ 3ème 8 janvier 1980 n°78-13257 

Ainsi, à l'évidence, en procédure collective, l'article 2435 du code civil  doit se comprendre comme en droit commun, c'est à dire que le paiement du prix en cas de vente de gré à gré et sa consignation du prix en cas d'adjudication, dispense du renouvellement de l'inscription pour autant que la vente soit publié.

On ne voit pas en quoi une adjudication en procédure collective (et surtout en liquidation) qui donne lieu à versement du prix à la Caisse des Adjudications serait traité différemment du droit commun: ce versement est une consignation au sens de l'article L322-9, prévue au cahier des conditions de la vente.

De même pour la vente de gré à gré : elle vaut paiement du prix au sens de l'article 2435 du code civil.

L'examen de quelques cas particuliers en procédure collective permet de constater que les seuls cas où il est dérogé à cette solution sot ceux où, précisément, le droit des créanciers inscrits n'est pas encore reporté sur le prix nonobstant son paiement. 

En effet en matière de procédure collective, si certaines situations particulières ne dispensent pas le créancier de renouveler son inscription, c'est uniquement tant que la part du prix sur laquelle s'exerceront leurs droits n'est pas fixée.

C'est le cas de toutes les situations dans lesquelles un bien grevé est vendu (en période d'observation ou en phase d'exécution d'un plan) : dans ces deux cas en effet une quote part du prix du bien est affecté pour l'exercice des droits des créanciers inscrits. Tant que cette quote part n'est pas précisée, la jurisprudence considère que le créancier doit renouveler son inscription, puisqu'il ignore comment sa garantie sera traitée, et que le versement à la caisse des Dépôts ne vaut ni paiement du prix ni consignation au sens du texte. Cass civ 3ème 28 janvier 2015 n°13-24040 pour une hypothèque Cass com 16 juin 2004 n°03-11167 pour un nantissement de matériel . Est approuvé l'arrêt de la Cour d'appel qui avait jugé "que l'affectation de la quote-part du prix de cession altère la sûreté dont dispose le créancier qui, titulaire d'un droit de suite sur le bien et d'un droit de préférence sur l'intégralité du prix de vente du bien, se trouve réduit à n'exercer qu'un simple droit de préférence limité à la valeur attribuée par la juridiction au bien grevé ; que l'affectation de la quote-part du prix de cession, au moyen d'un dépôt à la Caisse des dépôts et consignations, a pour effet de rendre applicables les dispositions de l'article 2435 alinéa 3 du code civil selon lesquelles le renouvellement d'une inscription de sûreté ne s'impose plus après la consignation en vertu de l'effet légal que la Cour de cassation attribue à l'affectation de la quote-part du prix de cession"

Ainsi, à l'inverse, la fixation de la quote-part du prix affectée aux créanciers inscrits et le versement du prix à la Caisse des Dépôts (même si ce n'est pas une véritable consignation), dispense les créanciers de renouveler leur inscription Cass com 1er février 2000 n°96-18383. "cette affectation étant légale, le dépôt des fonds à la Caisse des dépôts et consignations équivaut à une consignation, ce qui dispense les créanciers, à partir de cette date, de procéder au renouvellement des inscriptions "

C'est donc un argument , en liquidation, pour soutenir qu'en tout état le versement du prix à la Caisse des Dépôts par le liquidateur, légal lui aussi (c'est à dire imposée par la loi) doit être assimilé à la consignation de l'article 2435 du code civil, et dispense, lui aussi, les créanciers d'avoir à renouveler leur inscription dès lors que la cession est publiée, dans tous les cas où le prix lui est directement versé, ce qui sera le cas des ventes de fonds de commerce ou de meubles.

Autrement dit, et sauf ces cas particuliers,

- en matière immobilière, le renouvellement devient inutile si le prix d'achat de l'immeuble est payé (entre les mains du notaire) ou consigné (à la caisse des adjudications), dès lors que la vente est publiée et que le report des droit du créancier sur le prix aussi irréversible que le fait qu'il n'ait plus de droit sur l'immeuble,

La solution semble évidente en cas de vente sur saisie immobilière qui, en procédure collective, emporte purge, et à tout le moins acquise dès lors qu'en vente de gré à gré les créanciers auront donné main levée: par hypothèse leur droit est irrévocablement reporté sur le prix (mais surtout par hypothèse en tout état la purge est antérieure à la libération du prix entre les mains du liquidateur)

- en matière mobilière, le paiement du prix entre les mains du liquidateur vaudra consignation et dispense, à notre avis, de renouveler les inscriptions

Le fait qu'il ne soit procédé à la répartition du prix que postérieurement à la validité de l'inscription est sans incidence et il n'y a pas lieu de la renouveler au delà de ces limites.

La possibilité d'inscription définitive d'une inscription provisoire

L'inscription définitive d'une précédente inscription provisoire semble également possible, encore que cette possibilité soit controversée: l'argument avancé par la jurisprudence est que l'inscription définitive rétroagit au jour de l'inscription provisoire. Le cursus peut par exemple être celui d'une inscription provisoire antérieure au jugement, et de la poursuite postérieurement au jugement du contentieux qui fixera la créance et permettra l'inscription définitive (Cass com 3 Mai 2016 n°14-21556)

L'admission de la créance par le juge commissaire ne constitue pas un titre exécutoire mais permet de consolider une inscription provisoire Cass civ 3ème 10 novembre 2021 n°20-16227

Il ne sera à l'inverse pas possible de demande le rétablissement d'une inscription provisoire obtenue avant le jugement, puis radiée au motif que le débiteur a obtenu réformation de la décision y faisant droit, puis enfin faisant l'objet d'une décision de confirmation postérieurement au jugement d'ouverture Cass com 9 mai 1995 n°93-10989

L'inscription d'actes ou de décisions antérieures

L'article L622-30 du code de commerce apporte la précision suivante: ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure les "actes et des décisions judiciaires translatifs ou constitutifs de droits réels, à moins que ces actes n'aient acquis date certaine ou que ces décisions ne soient devenues exécutoires avant le jugement d'ouverture."

Cette disposition permet de régulariser par exemple des adjudications antérieures non encore publiées, ou des mutations, mais à la seule conditions qu'elles aient date certaine, ce qui évite les pratiques douteuses que les législations antérieures avaient rendues possible, qui consistaient à antidater des cessions pour les publier nonobstant le jugement d'ouverture de la procédure.

Désormais les cession qui n'ont pas date certaine sont inopposables à la procédure et notamment le liquidateur pourra vendre le bien concerné

(mais il conviendra qu'il agisse pour le compte des créanciers et pas en raison du dessaisissement, à défaut de quoi, n'étant pas un tiers, il ne pourra se prévaloir de l'inopposabilité Cass civ 3ème 4 octobre 2018 n°17-16764 pour une donation qui n'avait pas date certaine)

La sanction de l'inscription prise malgré l'interdiction

Le traitement de l'inscription vis à vis de la procédure collective: a priori l'inopposabilité plutôt que la nullité

Il semble acquis que les greffes ou les services de la publicité foncière ne sont pas juges de la validité d'une demande: concrètement l'inscription, si elle est demandée, sera prise malgré la règle de l'interdiction ... et il faudra bien en tirer les conséquences. 

Deux solutions sont envisageables:

1- la nullité. La première idée est de soutenir que l'inscription prise malgré l'interdiction est nulle.

2- l'inopposabilité à la procédure collective comme c'est parfois la solution retenue en sanction du dessaisissement du débiteur. On connait les inconvénients de cette solution bancale, et en l'espèce par exemple une inscription inopposable préservera les droits du créancier inscrit sinon durant la procédure mais au moins postérieurement à l'adoption d'un plan, ou en cas de résolution du plan et ouverture d'une nouvelle procédure, puisqu'elle n'est inopposable qu'à la procédure collective en cours au jour de son inscription, mais reste valable dans les rapports entre le créancier et le débiteur.

Certains auteurs soutiennent que la solution de la nullité se heurte à la règle bien connue "pas de nullité sans texte", ce à quoi on peut leur répondre que l'article L622-7 du code de commerce organise en période d'observation la possibilité pour le juge commissaire d'autoriser le débiteur à consentir des sûretés, et sanctionne expressément par la nullité les actes passés en violation du texte: "II.-Le juge-commissaire peut autoriser le débiteur à ... consentir une hypothèque, un gage ou un nantissement .......... III.-Tout acte ou tout paiement passé en violation des dispositions du présent article est annulé à la demande de tout intéressé ou du ministère public, présentée dans un délai de trois ans à compter de la conclusion de l'acte ou du paiement de la créance. Lorsque l'acte est soumis à publicité, le délai court à compter de celle-ci.". En liquidation l''article L641-3 renvoi à ce texte qui est donc applicable (les textes ne précisent pas quelle est la juridiction compétente mais on peut penser que c'est celle de la procédure collective en raison de sa compétence sur tout litige sur lequel la procédure a une influence, ce qui est le cas puisque l'action n'existe ici qu'en raison de la procédure)

La voie de la nullité est donc envisageable, au moins pour les actes accomplis par le débiteur lui même après le jugement d'ouverture, encore qu'il est exact que le texte vise plus l'acte lui même que l'inscription, et c'est un obstacle sérieux.

Reste que pour les actes accomplis par exemple par le conjoint commun en biens, la règle " pas de nullité sans textes" est moins aisée à contourner, et il en est de même dans le cas d'une hypothèque judiciaire au moins si elle est la conséquence d'une action menée contre le conjoint seul.

La Cour de Cassation a eu l'occasion de retenir la solution de l'inopposabilité, mais dans des circonstances assez mal décrites dans l'arrêt (Cass com 7 novembre 2006 n°05-11551), et de l'évoquer, mais cela ne semble pas être décisoire, dans  un arrêt statuant sur le fait que l'immeuble commun ne peut plus faire l’objet d’une inscription postérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective de de l’un des époux, même si elle est consentie ou ordonnée du chef de l’autre époux (Com, 20 mai 1997, n°94-10.997) qui sanctionne la Cour d'appel d'avoir dit l'inscription "licite et opposable". Enfin d'autres arrêts évoquent clairement l'inopposabilité de l'inscription  (Cass com 24 mars 2009 n°08-11055  Cass com 22 janvier 2002 n°97-17430 et Cass com 15 mars 2005 n°03-19085 pour un jugement d'adjudication

La solution de l'inopposabilité est clairement une solution qui en pratique pose de très sérieux problèmes notamment lorsqu'elle affecte la publication d'une vente d'immeuble, et par exemple la Cour de Cassation a été contrainte (Cass com 10 mai 2005 n°03-16801 ) de juger que l'inopposabilité n'avait pas de conséquence sur la validité d'une vente, qui emportait transfert de propriété, mais n'avait de conséquence que sur la répartition du prix, ce qui à la vérité est très éloigné de l'inopposabilité de la vente : si la vente est inopposable, le liquidateur l'ignore et peut vendre le bien, déjà vendu par un acte inopposable ! Ainsi les conséquences sont très mal définies, la solution étant elle même inadaptée à la matière. L'examen de la décision permet cependant de constater que manifestement le liquidateur n'avait demandé que l'inopposabilité de la transcription de la vente et pas de la vente elle même, mais le dispositif est quand même troublant, surtout qu'un autre arrêt Cass com 13 décembre 2005 n°03-14090 retient exactement la même solution , alors que le liquidateur a expressément sollicité qu'il soit jugé que l'immeuble faisait retour dans le patrimoine du liquidé: la cour de Cassation considère que le transfert de propriété est réalisé, mais que seul le prix de vente relève désormais du liquidateur : de telles décisions sont sans rapport avec l'inopposabilité et on ne peut se demander ce que la Cou de Cassation a voulu dire ici.

On peut ajouter que concernant les sûretés, l'article L622-30 du code de commerce précise expressément "Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture": ainsi l'inscription prise malgré le texte est purement et simplement en infraction avec la loi et interdite. La solution de l'inopposabilité ne paraît pas totalement adaptée pour sanctionner une telle interdiction

Quelle que soit la solution retenue, la question peut se poser de savoir si le liquidateur qui sollicite nullité et/ou inopposabilité de l'inscription doit publier son assignation au service de la publicité foncière dans le délai de trois mois.

Le décret n°55-22 du 4 janvier 1955 article 30 dispose en effet en son numéro 5 "Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l'annulation ou la rescision de droits résultant d'actes soumis à publicité ne sont pas recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l'article 28-4°, c, et s'il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d'une copie de la demande revêtue de la mention de publicité."

Une telle publication ne semble pas entrer directement dans le cadre du texte. Cependant la question peut se poser par prudence, surtout pour la demande de nullité (même si en l'espèce c'est la nullité de l'inscription qui est envisagée et pas celle de l'acte sur lequel elle se fonde), et éventuellement pour la demande d'inopposabilité, encore qu'il a été jugé à propos d'une demande d'inopposabilité d'une donation (à l'époque à la masse des créanciers dans le régime de la loi du 13 juillet 1967 sur le règlement judiciaire et la liquidation des biens) que l'assignation n'avait pas à être publiée (Cass com 12 février 1985 n°85-15659). Un arrêt de la Cour d'appel de Paris du 28 mai 1999 (3ème ch section B numéro 99-1818) avait jugé que l'assignation du liquidateur sur le fondement de l'arrêt du cours des inscriptions devait être publiée (à l'époque à la conservation des hypothèques)

Au delà de ce débat, et s'il est décidé de ne pas publier, il peut a minima être opportun de s'assurer dans tous les cas qu'il n'y aura pas de rejet quand il s'agira de publier la décision obtenue (surtout si elle tend à la nullité et la radiation de l'inscription)

Le traitement de l'inscription au fichier foncier: la radiation

En tout état, si la nullité est obtenue, le demandeur aura pris soin de demander radiation de l'inscription ce qui résoudra tous les problèmes pratiques subséquents.

Si par contre c'est l'inopposabilité qui est obtenue, la situation sera plus complexe: imaginons le cas d'une liquidation judiciaire dont l'emprise porte sur un immeuble sur lequel est inscrite valablement une hypothèque. En cours de procédure une seconde inscription est prise, par exemple du chef du conjoint commun en biens du débiteur en liquidation. En suite de la décision d'inopposabilité le liquidateur vend l'immeuble. Il sera fondé à ne pas colloquer le créancier dont l'inscription est inopposable. Mais encore faudra-t-il qui puisse garantir l'acquéreur ou l'adjudicataire de l'immeuble contre le droit de suite du créancier, puisque vis à vis de lui l'inscription est a priori opposable.

On peut ici tenir deux raisonnements:

- l'acquéreur de l'immeuble tient ses droits de la procédure collective, et l'inscription lui est aussi inopposable qu'elle l'est à la procédure collective, mais cela ne fait que repousser la question.

- les conditions de la radiation sont en tout état réunies puisque les seules conditions sont que le prix soit payé et pas que le créancier inscrit soit payé.

Cependant la radiation est absolument nécessaire, ne serait-ce que pour libérer l'immeuble de ses inscriptions et éviter de laisser planer le doute sur un droit de suite.

On peut raisonner strictement sur le fondement du droit des procédures collectives: sur ce fondement et sauf main levée amiable, une seconde action devra être menée: une action en radiation sans paiement pour faire échec au droit de suite (sauf évidemment si le créancier donne main levée sans paiement) qui relève pour sa part du juge de l'exécution (article R643-8 du code de commerce pour les hypothèques). Les auteurs considèrent que le créancier qui a inscrit une hypothèque nonobstant l'arrêt du cours des inscriptions engage sa responsabilité s'il ne donne pas main levée (Malaurie Les sûretés la publicité foncière ed 1993 n°674). Ce processus a l'avantage de la simplicité, mais, surtout en cas de vente aux enchères, de laisser le cout de la radiation à la charge de la procédure collective, ce qui n'est évidemment pas satisfaisant dans la mesure où c'est le créancier qui est responsable de l'inscription irrégulière.

On peut donc aussi, et de manière plus satisfaisante sur l'aspect financier, raisonner en droit commun, ce qui peut présenter en outre l'avantage de solliciter la radiation de la juridiction saisie de l'inopposabilité de l'inscription.

En effet l'article 2443 du code civil dispose que la radiation peut être ordonnée judiciairement lorsque l'inscription enfreint les textes, et l'article 2442 du code civil permet à notre sens d'attribuer compétence au tribunal saisi de l'inopposabilité.

La solution de n'invoquer que les règles du code civil en les appuyant sur le code de commerce.

Une autre manière d'aborder la question de l'inscription prise postérieurement au jugement est peut-être de ne pas se soucier en principal de sa validité vis à vis de la procédure collective mais de raisonner en premier chef sur le fondement du code civil (ce qui commandera alors la compétence du TGI devenu Tribunal judiciaire)

L'idée est de soutenir que, comme déjà indiqué, au visa de l’article L622-30 du code de commerce qui dispose « Les hypothèques, gages, nantissements et privilèges ne peuvent plus être inscrits postérieurement au jugement d'ouverture » l’inscription prise est donc légalement interdite. Et l’article 2443 du code civil dispose : « La radiation doit être ordonnée par les tribunaux, lorsque l'inscription a été faite sans être fondée ni sur la loi, ni sur un titre, ou lorsqu'elle l'a été en vertu d'un titre soit irrégulier, soit éteint ou soldé, ou lorsque les droits de privilège ou d'hypothèque sont effacés par les voies légales. » ce qui permet peut-être de soutenir que "les droits sont effacés par les voies légales".

Ainsi la radiation pourrait être demandée (au visa des articles 2440 et 2441 du code civil) sans avoir à prendre position sur le caractère inopposable ou nul de l'inscription, qui en réalité a peu d'importance puisqu'en l'espèce c'est la radiation qui est recherchée. Il ne semble pas que des décisions existent sur ce processus.

A priori cependant c'est la radiation prévue à l'article R643-8 du code de commerce qui est la plus évidente même si elle n'est alors pas spécifique aux inscriptions prises nonobstant l'arrêt du cours des inscriptions.