Clause d'agrément et agrément

Quelques points de la définition

Généralités

Clauses d'agrément des associés dans les sociétés

Les SA

Les SARL

Les SCI

Les Sociétés en commandite

Les SNC

Les agréments en procédure collective

Les modifications de capital dans le cadre d'un plan de redressement ou sauvegarde

L'éviction du dirigeant en procédure collective

Généralités

L'agrément est le fait d'accepter, d'habiliter

L'agrément peut recouvrer deux situations très différentes: l'agrément "administratif" et l'agrément conventionnel.

Pour ce que nous dénommons agrément administratif, il va s'agir, en droit public, de soumettre l'exploitation d'une activité ou d'un service public à l'agrément d'une collectivité publique ...

Le concessionnaire doit recevoir l'agrément préalable de l'autorité compétente pour exploiter: c'est le cas pour bénéficier d'une concession de domaine public, exploiter un casino, une compagnie aérienne ... L'agrément est ici une condition de régularité, parfois pour des questions de sécurité, sanitaires, de bonne moeurs, mais aussi en raison du fait que l'autorité peut décider d'autoriser une activité sur le domaine public en raison d'un choix d'utilité précis ou d'une stratégie touristique ou autre.

Pour l'agrément conventionnel, il va s'agir, par une convention, de soumettre une opération à un processus d'autorisation prévu dans le contrat. Un ou plusieurs des contractants se résevent d'accepter ou pas une situation envisagée.

Par exemple le bail commercial peut prévoir un agrément par le bailleur du cessionnaire du contrat. Pour plus de précision sur ces clauses en procédure collective, voir le mot préemption, mais en tout état des clauses ne sont pas applicables en cession d'entreprise, et sont applicables en cession de biens du débiteur.

Par exemple encore, en droit des sociétés il est possible d'organiser l'agrément des associés et dans certains cas c'est la loi qui en fixe les modalités: ainsi l'agrément peut porter sur un nouvel associé qui entre dans le capital d'une société, qui soumis à l'agrément des autres associés en application d'un clause des statuts de la société: si, dans les conditions de majorité prévues aux statuts, les associés refusent l'agrément du nouvel associé, il ne pourra entrer dans le capital. Voir ci après pour l'analyse société par société

Les agréments des associés et clauses d'agrément dans les différentes formes sociales

La cession des parts de société est règlementée différemment par les textes en fonction de la nature limitée ou illimitée de la responsabilité des associés, et les statuts de la société peuvent également moduler les modalités de cession en fonction de la forme sociale

Les SA

Il n’y a pas par principe de contrôle particulier des cessions dans les SA.

Les sociétés à responsabilité limitée, une relative liberté

Il convient de distinguer les cessions de parts à un tiers des cessions à une personne déjà associée

Les cessions à un tiers dans les SARL

C’est l’article L223-14 du code de commerce qui organise les modalités de contrôle par les associés des cessions de parts à un tiers, c’est-à-dire à un personne qui n’est pas déjà associée : « Les parts sociales ne peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société qu'avec le consentement de la majorité des associés représentant au moins la moitié des parts sociales, à moins que les statuts prévoient une majorité plus forte.

Lorsque la société comporte plus d'un associé, le projet de cession est notifié à la société et à chacun des associés. Si la société n'a pas fait connaître sa décision dans le délai de trois mois à compter de la dernière des notifications prévues au présent alinéa, le consentement à la cession est réputé acquis.

Si la société a refusé de consentir à la cession, les associés sont tenus, dans le délai de trois mois à compter de ce refus, d'acquérir ou de faire acquérir les parts à un prix fixé dans les conditions prévues à l'article 1843-4 du code civil, sauf si le cédant renonce à la cession de ses parts. Les frais d'expertise sont à la charge de la société. A la demande du gérant, ce délai peut être prolongé par décision de justice, sans que cette prolongation puisse excéder six mois.

La société peut également, avec le consentement de l'associé cédant, décider, dans le même délai, de réduire son capital du montant de la valeur nominale des parts de cet associé et de racheter ces parts au prix déterminé dans les conditions prévues ci-dessus. Un délai de paiement qui ne saurait excéder deux ans peut, sur justification, être accordé à la société par décision de justice. Les sommes dues portent intérêt au taux légal en matière commerciale.

Si, à l'expiration du délai imparti, aucune des solutions prévues aux troisième et quatrième alinéas ci-dessus n'est intervenue, l'associé peut réaliser la cession initialement prévue.

Sauf en cas de succession, de liquidation de communauté de biens entre époux, ou de donation au profit d'un conjoint, ascendant ou descendant, l'associé cédant ne peut se prévaloir des dispositions des troisième et cinquième alinéas ci-dessus s'il ne détient ses parts depuis au moins deux ans.

Toute clause contraire aux dispositions du présent article est réputée non écrite. »

Autrement dit, la cession à un tiers est légalement soumise à un agrément des associés, dont les statuts peuvent durcir les règles de  majorité – mais pas les assouplir.

Les cessions de parts à un associé dans les SARL

Concernant les cessions de parts à une personne déjà associée, l’article L223-16 du code de commerce dispose : « Les parts sont librement cessibles entre les associés. Si les statuts contiennent une clause limitant la cessibilité, les dispositions de l'article L. 223-14 sont applicables. Toutefois, les statuts peuvent, dans ce cas, réduire la majorité ou abréger les délais prévus audit article ».

Autrement dit, par principe il n’y a pas lieu à agrément, sauf si les statuts le prévoient, auquel cas par principe ce sont les dispositions applicables pour les cessions à des tiers qui s’appliquent, mais les statuts peuvent ici assouplir les règles de majorité

L’agrément des cessions entre associé peut ainsi par exemple être réservé à des cessions significatives, qui entraînent un changement de majorité dans le capital.

Les sociétés dans lesquelles les associés ont une responsabilité illimitée : des cessions de parts encadrées

Pour les sociétés civiles : une cession encadrée, mais selon des modalités que les statuts peuvent aménager et auxquelles ils peuvent renoncer

L’article 1861 du code civil dispose :

« Les parts sociales ne peuvent être cédées qu'avec l'agrément de tous les associés.

Les statuts peuvent toutefois convenir que cet agrément sera obtenu à une majorité qu'ils déterminent, ou qu'il peut être accordé par les gérants. Ils peuvent aussi dispenser d'agrément les cessions consenties à des associés ou au conjoint de l'un d'eux. Sauf dispositions contraires des statuts, ne sont pas soumises à agrément les cessions consenties à des ascendants ou descendants du cédant.

Le projet de cession est notifié, avec demande d'agrément, à la société et à chacun des associés. Il n'est notifié qu'à la société quand les statuts prévoient que l'agrément peut être accordé par les gérants.

Lorsque deux époux sont simultanément membres d'une société, les cessions faites par l'un d'eux à l'autre doivent, pour être valables, résulter d'un acte notarié ou d'un acte sous seing privé ayant acquis date certaine autrement que par le décès du cédant. »

Pour les sociétés en commandite simple : une cession encadrée, et des possibilités de dérogations à deux vitesse, dans le respect des deux catégories d’associés

L’article L222-8 du code de commerce dispose

« I. - Les parts sociales ne peuvent être cédées qu'avec le consentement de tous les associés.

II. - Toutefois, les statuts peuvent stipuler :

1° Que les parts des associés commanditaires sont librement cessibles entre associés ;

2° Que les parts des associés commanditaires peuvent être cédées à des tiers étrangers à la société avec le consentement de tous les commandités et de la majorité en nombre et en capital des commanditaires ;

3° Qu'un associé commandité peut céder une partie de ses parts à un commanditaire ou à un tiers étranger à la société dans les conditions prévues au 2° ci-dessus. »

Ce type de société est particulier en ce sens qu’y cohabitent deux catégories d’associés : des commandités qui sont commerçants et dont la responsabilité est illimitée et les commanditaires qui ont le même statut que les associés d’une SARL et sont les « investisseurs » de la société.

Pour les sociétés en nom collectif (SNC) : un agrément sans dérogation statutaire possible

L’article L221-13 du code de commerce dispose « Les parts sociales ne peuvent être représentées par des titres négociables. Elles ne peuvent être cédées qu'avec le consentement de tous les associés. Toute clause contraire est réputée non écrite. »

Les agréments en procédure collective

Le clivage présenté ci dessus doit certainement être respecté entre l'agrément "administratif" qui est en réalité une autorisation nécessaire, l'agrément du contractant dans les contrats passés avec une personne publique et l'agrément conventionnel ou prévu par la loi mais dans un intêret privé comme c'est le cas par exemple de l'agrément des associés d'une SNC pour les cessions de parts.

Les autorisations administratives

En redressement judiciaire et plus généralement en cession d'entreprise, les agréments "administratifs" qui contribuent à la régularité de l'exploitation doivent être traités comme des préalables à la recevabilité d'une candidature à une opération de cession; le candidat de remplir les conditions nécessaires à l'exploitation du fonds de commerce qu'il propose de reprendre, à défaut de quoi le tribunal l'écartera : par exemple la reprise d'une compagnie aérienne ne pourra se faire au profit d'un candidat qui n'a pas l'agrément de la DGAC .... ou pour une radio ou une chaine de TV pour les autorisations d'émettre

Par exemple pour une licence de tabac Cass com 27 novembre 2012 n°11-24822

L'agrément du contractant dans les contrats passés avec les personnes publiques

Voir les contrats publics

Les agréments conventionnels ou légaux dans un intérêt privé

Par contre, les clauses d'agrément conventionnelles ou légales mais dans un intêret privé (agrément des associés d'une SNC) ne peuvent pas faire obstacle au choix du tribunal (voir la cession) dans le cadre d'une cession d'entreprise

En liquidation judiciaire, dans le processus de cession des biens du débiteur, il est acquis que, comme les préemptions ou les clauses de préférence, les dispositions d'agrément doivent être respectées

On rappellera ici qu'à la différence de la cession d'entreprise où le tribunal retient un candidat sur un projet économique -c'est à dire que l'identité du cessionnaire est fondamentale - la cession des biens du débiteur en liquidation judiciaire n'a qu'un impératif: le prix et il n''y a donc pas de nécessité supérieure d'écarter des dispositions légales ou conventionnelles qui ne changent pas le prix.

Ainsi par exemple si le liquidateur d'un associé cède les parts de la société dans laquelle le débiteur est associé, il devra subir le jeu d'une clause d'agrément qui serait insérée dans les statuts (mais a priori comme le liquidateur n'exerce pas les droits de vote du débiteur, c'est ce dernier qui votera pour agréer ou pas le cessionnaire !! voir le mot dessaisissement )

De même une clause du bail qui impose que le bailleur donne son agrément express à la cession du bail, y compris incluse dans une cession de fonds de commerce, est légale (Cass civ 3ème 2 octobre 2002 n° 1448, Cass com 19 avril 2023 n°21-20655) même si compte tenu de la propriété commerciale le refus d'agrément ne peut pas être discrétionnaire

Elle doit donc être respectée dans ses modalités (processus de notification, délais …) , et le silence du bailleur dans ce cas ne peut être interprété comme une acceptation.

A priori si le bailleur ne retire pas le courrier recommandé prévu au bail en pareille circonstance, il convient de lui signifier les formalités. Si le bailleur persiste dans son silence alors que son accord express est prévu, ce silence vaut refus. Seul le juge peut alors permettre de passer outre, dans les mêmes conditions que la contestation d'un refus arbitraire d'agrément  

On tire cependant d'un arrêt (Cass civ 3ème 14 avril 2010 n°09-14061) que l'abus du droit de refuser l'agrément peut engager la responsabilité de son titulaire (ce qui a contrario confirme bien que l'agrément devait être donné).

Il est regrettable que l'absence de recours du bailleur contre l'ordonnance qui autorise la cession lui permette malgré tout de refuser l'agrément du cessionnaire, car ce processus retarde inutilement les opérations ... et parfois alourdit les loyers impayés que subira le bailleur !

Au delà de ce clivage, il semble nécessaire de distinguer à l'intérieur d'une cession d'entreprise, ceux des actifs qui sont strictement nécessaires à l'activité et les autres: pour les premier, les clauses d'agrément serait écartées car elles ne sauraient remettre en cause le choix du Tribunal, pour les second elles devraient être respectées: c'est en ce sens que, même en redressement judiciaire la Cour de Cassation aurait imposé le respect d'une clause d'agrément et de préférence dans une cession de parts de l'associé en redressement judiciaire (Cass com 31 Janvier 1995 n°91-20735).

Les modifications du capital de la personne morale en procédure collective dans le cadre du plan

L'article L631-19 précise expressément qu' "En cas de modification du capital social ou de cession des droits sociaux prévue dans le projet de plan ou dans le plan, les clauses d'agrément sont réputées non écrites. " Ce texte est un texte du redressement judiciaire et n'est donc pas applicable en sauvegarde.

Cette disposition vise expressément les clauses des statuts, ce qui n'écarte par l'agrément légal applicable par exemple aux SCI ( article 1861 du code civil) ou les SARL (article L223-14 du code de commerce)

Le cas particulier de la cession forcée des parts du dirigeant dans le capital de la personne morale en procédure collective

L'article L631-19-1 du code de commerce dispose "Lorsque le redressement de l'entreprise le requiert, le tribunal, sur la demande du ministère public, peut subordonner l'adoption du plan au remplacement d'un ou plusieurs dirigeants de l'entreprise.

A cette fin et dans les mêmes conditions, le tribunal peut prononcer l'incessibilité des parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital, détenus par un ou plusieurs dirigeants de droit ou de fait et décider que le droit de vote y attaché sera exercé, pour une durée qu'il fixe, par un mandataire de justice désigné à cet effet. De même, il peut ordonner la cession de ces parts sociales, titres de capital ou valeurs mobilières donnant accès au capital détenu par ces mêmes personnes, le prix de cession étant fixé à dire d'expert.

Le tribunal statue après avoir entendu ou dûment appelé les dirigeants et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel."

A la différence de la modification de capital organisée par le projet de plan, il s'agit ici d'évincer le dirigeant (en redressement judiciaire uniquement, et pas en sauvegarde). La cession peut être réalisée amiablement ou aux enchères, suivant ce que le tribunal décide (mais en principe évidemment la cession doit intervenir amiablement au profit du candidat cessionnaire des parts qui présente un plan de redressement.

Le débat n'est pas tranché pour savoir si les clauses de préférence ou d'agrément sont ici applicables, chaque solution ayant ses arguments et ses partisans.

Certaines cours d'appel ont considéré que s'agissant de cession forcée, les clauses restrictives n'étaient pas applicables (Nancy 9 juin 1992) ce qui semble être dans le même esprit que l'éviction de ces clauses en cas de cession d'entreprise.

Sur ces questions voir le mot parts sociales