Intervention
Généralités
L'intervention est l'acte de procédure par lequel une personne qui n'est pas partie à un procès va en devenir partie : soit c'est un acte volontaire du tiers concerné qui considère qu'il doit participer à la procédure, et dans ce cas il s'agit d'une intervention volontaire, soit c'est un acte d'une partie au procès, qui attrait le tiers à la procédure en cours, et il s'agit d'une intervention forcée
C'est la définition posée par l'article 66 du CPC, l'article 63 du CPC précisant que l'intervention est une demande incidente, ce qui suppose qu'elle soit dénoncée aux parties initiales (article 69 CPC)
L'intervention est régie par les articles 325 et suivants du CPC : elle doit se rattacher aux prétentions des parties par un lien suffisant, et peut donner lieu à disjonction si elle risque de retarder la décision sur le litige initial (326 CPC "Si l'intervention risque de retarder à l'excès le jugement sur le tout, le juge statue d'abord sur la cause principale, sauf à statuer ensuite sur l'intervention" )
Procéduralement l'intervention est un acte de la procédure initiale sur laquelle elle vient s'immiscer et n'est pas une instance distincte. Le lien d'instance existant entre les parties initiales est étendu au tiers. Les actes de procédure déjà effectués doivent lui être dénoncés, et il doit pouvoir les contester, y compris un rapport d'expertise antérieur (Cass com 19 décembre 2013 n°12-20252)
L'intervention forcée
Une personne qui n'était pas partie à une procédure peut être assignée en "intervention forcée" par une partie, qui l'oblige à venir participer (l'acte est effectué suivant les formes d'introduction de l'instance, donc a priori une assignation, article 68 CPC mais en procédure orale cela peut être une simple convocation du greffe)
Par exemple une partie qui est garantie par une assurance va appeler son assureur en intervention forcée pour qu'elle puisse à terme le garantir
En cause d'appel l'intervention forcée est possible si l'évolution du litige le justifie (car cela prive l'intervenant d'un degré de juridiction) article 455 du CPC, ce qui n'est pas le cas si l'assuré fait l'objet d'une procédure collective, cette circonstance ne constituant pas une évolution du litige qui justifie la mise en cause de l'assureur Cass civ 2ème 11 février 2021 n)18-16535
L'intervention forcée est régie par les articles 331 et suivants du CPC
L'article 331 du CPC prévoit deux cas :
"Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement."
Le texte ajoute
"Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense."
Dès lors qu'il s'agit d'étendre le litige au tiers, ce dernier ne peut soulever d'exception d'incompétence territoriale (article 333 CPC)
Comme déjà indiqué, l'intervention est un acte de la procédure initiale, dont elle est un incident : en matière d'intervention forcée, le processus administratif est assez singulier, car l'assignation en intervention, qui doit être dénoncée à la fois au tiers et aux autres parties, reçoit en principe un numéro de répertoire attribué par le greffe, qui est différent de celui de l'instance initiale : la pratique a pris l'habitude de demander la "jonction".
L'instance est en effet unique, et les termes même de l'article 331 du CPC sont absolument sans équivoque : le tiers est mis en cause et appelé à l'instant par la partie qui aurait pu agir contre lui dans une instance principale, ou mis en cause pour que le jugement issu de l'instance à laquelle il est attrait lui soit commun, et il doit être appelé en temps utile car il se greffe sur une instance en cours.
En réalité, et nonobstant la pratique il ne peut donc s'agit d'une jonction au sens procédural du terme,
La juridiction n'a d'ailleurs pas la possibilité de refuser cette "jonction".
En effet "Mais attendu qu'il résulte des articles 63 et 66 du code de procédure civile que l'intervention forcée constitue une demande incidente qui a pour objet de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires, de sorte qu'elle n'entraîne pas la création d'une nouvelle instance ;
Et attendu qu'ayant relevé que M. X... avait assigné M. et Mme Z... et les notaires en intervention forcée dans la procédure principale diligentée à l'encontre de Mme Y..., et exactement retenu qu'il ne pouvait dès lors soutenir qu'il existait deux instances différentes, c'est à bon droit que la cour d'appel a statué comme elle l'a fait" Cass civ 2ème 25 juin 2015 n°13-27470 et 14-21713 qui rejette le pourvoi contre une décision de jonction.
Certains praticiens ne sollicitent pas la jonction, et se contentent de solliciter que le juge déclare recevable la mise en cause du tiers, la juge bien fondée, et le condamne dans le cadre de l'instance principale
Le juge ne pourra que déclarer l'intervention irrecevable si les conditions ne sont pas remplies mais ne peut refuser la "jonction" si elle est demandée
L'intervention volontaire
C'est le terme employé pour qualifier un plaideur qui n'est pas partie à une procédure, et qui n'est donc ni demandeur ni défendeur, mais qui estime qu'il a intéret à y participer, soit pour venir soutenir une partie (ce qu'on appelle alors l'intervention volontaire accessoire), soit pour y faire valoir ses propres intérêts (ce qu'on appelle alors intervention volontaire principale).
Il procède à une "intervention volontaire" par laquelle il s'inclue dans le procès et y jouera alors un rôle similaire aux parties.
L'intervention volontaire est régie par les articles 328 et suivants du CPC et pour les procédures devant le Tribunal judiciaire (ex TGI, l'article 783 du CPC devenu 802 du CPC précise que l'intervention volontaire peut être postérieure à l'ordonnance de clôture.
En procédure orale, comme c'est le cas devant le Tribunal de commerce, et en procédure collective, l'intervention volontaire ne nécessite pas d'acte de procédure particulier et l'intervenant peut développer oralement sa position à l'audience, la juridiction devant alors provoquer un débat contradictoire (l'intervenant peut également prendre des conclusions écrites).
En procédure écrite, l'intervention volontaire prend la forme d'une défense au fond (cf article 68 du CPC) : conclusions notifiées aux parties (sauf si elle est dirigée contre une partie défaillante auquel cas il faut recourir à l'assignation).
L'intervention volontaire peut être principale, c'est à dire consister à élever une prétention propre à l'intervenant, ou accessoire, c'est à dire venir au soutien d'une partie.
Pour ces raisons la recevabilité de l'intervention principale est autonome alors que celle de l'intervention accessoire dépend de celle de la partie au soutien de laquelle elle est formulée : si cette partie est irrecevable l'intervenant accessoire le sera également. De la même manière, l'intervenant principal devient partie et dispose de voie de recours autonome, alors que l'intervenant accessoire est irrecevable à exercer un recours si la partie au soutien de laquelle il est intervenu y renonce Cass civ 2ème 21 février 2013 n°11-17623 Cass com 8 décembre 1980 n°79-13272 Cass civ 3ème 22 juin 2016 n°14-24793 Cass civ 2ème 25 juin 1998 n°98-60079, Cass com 29 mai 1984 n°83-11014
A priori l'intervention volontaire est possible dans tout type de procédure, contentieuse ou gracieuse, au fond ou en référé. En procédure collective elle n'est pas écartée, y compris devant le juge commissaire
L'intervention volontaire n'est cependant pas toujours recevable.
Schématiquement, l'intervenant principal sera recevable s'il aurait eu qualité pour saisir le juge (article 329 du CPC), et l'intervenant accessoire est recevable si la partie au soutien de laquelle il intervient est elle même recevable.
En procédure collective, l'intervention volontaire principale n'est par exemple pas possible devant le juge commissaire statuant en matière de revendication dès lors que l'intervenant (en l'espèce un factor) n'avait pas qualité pour saisir le juge commissaire de la revendication, réservée par l'article L624-7 du code de commerce (revendiquant, débiteur, mandataires de justice) Cass com 28 janvier 2018 n°16-20589