Agriculteur (et procédure collective)

Quelques points de la définition

Généralités

la définition de l'agriculteur en procédure collective : uniquement les personnes physiques jusqu'au 22 mai 2019, désormais les personnes exerçant une activité agricole

Les particularités de la procédure agricole

Généralités

L'agriculteur est passible le cas échéant de procédure collective ( voir ce mot, et voir également "compétence"), ainsi que les différentes structures agricoles (GFA, SCEA ..) ouverte par le Tribunal Judiciaire (L621-2 du code de commerce)

La définition est mal cernée: c'est celui qui exerce une activité agricole au sens de l'article L311-1 du code rural.

Compte tenu du texte, il ne semble pas nécessaire que cette activité soit exclusive, ni même essentielle si plusieurs sont exercées par la même personne, et a priori il suffit que parmi les activités exercées figure l'activité définie au code rural.

Il n'est pas non plus nécessaire que l'activité soit exercée au travers d'une société agricole, et a priori une société commerciale par la forme peut exercer une activité agricole.

La définition de l'agriculteur au regard de la procédure collective agricole : uniquement agriculteurs personnes physiques ?

Les formes sociales agricoles relèvent du droit des procédure collective, et de la compétence du Tribunal de Grande Instance devenu Tribunal judiciaire.

Pour autant jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi du 22 mai 2019, seuls les agriculteurs personne physique pouvaient bénéficier des particularités de la procédure collective agricole décrite ci dessus.

En effet l'article L311-1 du code rural définit les activités agricoles, mais l'article L351-8 du même code précisait "Les dispositions du livre VI du code de commerce relatives aux procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire sont applicables à l'exploitation agricole. Pour l'application de ces dispositions, est considérée comme agriculteur toute personne physique exerçant des activités agricoles au sens de l'article L. 311-1"

Ainsi, à s'en tenir à ce texte seules les personnes physiques bénéficiaient des particularités ... ce que les juridictions ne semblaient pas appliquer !

Cette distinction a fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, suivant décision du 2 février 2017 de la Cour de Cassation n°16-21032,  et le Conseil Constitutionnel a considéré que la différence, en ce qu'elle découle de l'article L351-8 du code rural, n'introduit pas une rupture d'égalité non conforme à la constitution, tout en précisant que s'il existe une différence, elle découle de l'article L626-12 du code de commerce, qui ne lui est pas soumis (Conseil constitutionnel QPC 28 avril 2017 n°2017-626). En suite de cette décision, la Cour de cassation a jugé que les particularités de la procédure collective agricole, et notamment la durée du plan portée à 15 ans au lieu de 10, étaient réservées à l'agriculteur personne physique Cass com 29 novembre 2017 n°16-21032

Une réponse du ministre de l'agriculture à une question écrite à l'assemblée Nationale indique que l'éventualité d'étendre les particularités de la procédure agricole aux structures sociétaires est à l'étude, ainsi qu'un réflexion menée pour rattacher au tribunaux de commerce la compétence actuellement dévolue aux TGI (réponse 5274 JOAN 13 février 2018 page 2100) devenu Tribunal judiciaire

Le dispositif a été modifié par la loi du 22 mai 2019 qui est venu préciser que la procédure collective avec ses particularités agricoles est applicable aux entreprises exerçant une activité agricole, ce qui recoupe également les personnes morales. (disposition applicable en cas de modification d'un plan ou en cours de période d'observation d'une procédure en cours au jour de l'entrée en vigueur de la loi).

Evidemment celui qui revendique la qualité d'agriculteur est ensuite mal fondé à contester ladite qualité (sauf évidemment évolution de sa situation) cass com 18 mai 2017 n°15.26866 pour une personne qui a revendiqué la qualité d'agriculteur pour bénéficier d'un redressement judiciaire et conteste ensuite relever de cette catégorie quand il s'est agi de prononcer la liquidation judiciaire

La personne physique qui revendique la qualité d'agriculteur doit exercer individuellement une activité agricole, ce qui n'est pas le cas du dirigeant d'une EARL Cass com 3 octobre 2018 n°17-17812 ou du membre d'un GAEC Cass civ 2ème 16 décembre 2021 n°20-18344

Les particularités de la procédure collective "agricole"

La loi aménage un régime particulier pour les procédures collectives des agriculteurs.

En particulier:

- la demande d'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation judiciaires doit être précédée d'une demande de conciliation (sauf si un rétablissement professionnel est en cours) dès lors qu'elle est présentée par voie d'assignation, c'est à dire sur demande d'un créancier (L631-5) mais il suffit que la demande de conciliation soit présentée pour que l'assignation soit recevable et le tribunal n'a pas d'obligation d'attendre son issue. L'ouverture de la conciliation peut être refusée (et dans ce cas le président peu autoriser le créancier à assigner en redressement ou liquidation judiciaires cass com 15 mars 2005 n°03-17229), l'essentiel est qu'elle ait été demandée, soit par le créancier poursuivant soit pas par lui, et a fortiori il n'est pas nécessaire que la conciliation ait échoué (Cass com 14 janvier 2020 n°02-18213)

A l'inverse le débiteur peut solliciter l'ouverture d'une sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires sans avoir préalablement sollicité la désignation d'un conciliateur

-  la durée du plan peut être de 15 ans (au lieu de 10 en droit commun) (article L 626-12 du code de commerce qui évoque le débiteur "agriculteur"), sans "plancher" de 5% par an à compter de la seconde (article L-626-18 du code de commerce qui évoque "l'exploitation agricole" mais sans qu'il y ait lieu d'y voir une différence avec "l'agriculteur" visé à l'article L626-12). La durée de 15 ans est strictement réservée aux agriculteurs personnes physiques Cass com 29 novembre 2017 n°16-21032

- la poursuite de l'activité peut être ordonnée en tenant compte de la fin de l’année culturale (article L 641-10 du code de commerce) pour que les récoltes ne soient pas perdues

- des délais pour quitter leur immeuble d'habitation en cas de vente peuvent être accordés aux agriculteurs en liquidation judiciaire (article L 642-18 du code de commerce). Cette faculté, qui était spécifique aux agriculteurs, a été étendue à toutes les personnes physiques par l'ordonnance du 12 mars 2014 applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014.

 - des dérogations existent sur le processus de vente en cas de bail rural pour faciliter le maintien  de l'exploitation (article L 642-1 du code de commerce)

Enfin le contrat d'entraide agricole n'est pas considéré par la Cour de Cassation comme un contrat en cours Cass soc 17 janvier 2024 n°22-19106 22-19107 22-19108 22-19109 22-19110