Entrepreneur individuel

Voir SASU ou entreprise individuelle et profession indépendante ou société

Les textes à compter du 15 mai 2022

Foire aux questions du Ministère de l'économie

Synthèse

Entrée en vigueur

Bénéficiaires du dispositif

Information des tiers

Régime fiscal

Les patrimoines

Patrimoine professionnel

Patrimoine personnel 

Voies d'exécution

Les exceptions et tempéraments au cloisonnement des patrimoines

Date de naissance des dettes

Insuffisance du patrimoine personnel

Suretés conventionnelles

Survie de l'effet des sûretés

Assiette de certaines créances fiscales et sociales

Renonciation à la séparation des patrimoines au profit d'un créancier

Réunion des patrimoines au profit de certains créanciers en cas de fraude

Disparition de la séparation des patrimoines en cas de décès ou d'arrêt d'activité

Les transferts de patrimoine

Interdiction des cautions d'un patrimoine sur l'autre

Le traitement des difficultés de l'entrepreneur en activité

Ouverture

Tribunal compétent pour connaitre de la demande d'ouverture d'une procédure de traitement des difficultés (procédure collective ou surendettement) et contenu de la demande

Ordre professionnel

Demande d'ouverture d'une procédure (collective ou surendettement)

Ouverture par le tribunal compétent en matière de procédure collective

Ouverture d'une procédure collective au seul patrimoine professionnel : seul le patrimoine professionnel est en difficulté ou le patrimoine personnel est en difficulté mais relève du surendettement

Ouverture d'une procédure collective concernant les deux patrimoines : les deux patrimoines sont en difficulté et le Tribunal de la procédure est juge à la fois des conditions prévues au Code de commerce et de celles prévues au Code de la Consommation

Renvoi à la commission de surendettement pour le patrimoine personnel aux fins de surendettement deux cas: seul le patrimoine personnel est en difficulté ou les deux patrimoines sont en difficultés mais nettement distingués.

Cas 1 seul le patrimoine personnel est en difficulté

Cas 2 les deux patrimoines sont en difficulté mais les patrimoines sont cloisonnés

Dans le cas 2 le Tribunal de la procédure collective ou le juge commissaire assume les fonctions du juge du contentieux de la protection (!!) 

Voies de recours

Cas du patrimoine personnel en difficulté après ouverture d'une procédure collective concernant le seul patrimoine professionnel

Cas du professionnel qui n'a pas mis en oeuvre la séparation des patrimoines ou dont les dettes ne le permettent pas

Délimitation de l'emprise de la procédure en fonction des différents cas et conséquence des éventuelles lacunes du jugement et de l'absence de précision sur le patrimoine concerné

Publicité des jugements

Déroulement de la procédure collective de l'entrepreneur individuel en activité

Le dessaisissement

Les comptes bancaires

Les poursuites des créanciers

L'inventaire

La vérification des créances

Le financement de la période d'observation

Le plan de sauvegarde ou de redressement

La cession d'entreprise et/ou les cessions en liquidation, le cas particulier de l'insaisissabilité

La confusion des patrimoines et la réunion des patrimoines

La réalisation de biens dépendant du patrimoine personnel nos soumis à la procédure

La rémunération de l'exploitant et les subsides

Le courrier de l'exploitant en liquidation judiciaire

Les nullités de la période suspecte

Les sanctions

Les diverses adaptations des textes

La clôture

Contestation de la délimitation des patrimoines

Soustraction d'un bien du patrimoine professionnel

Contestations

Charge de la preuve

Extension de procédure

Nouvelle activité professionnelle sans attendre la clôture de la liquidation judiciaire

Le traitement des difficultés de l'entrepreneur qui a cessé son activité

Textes

La loi 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité indépendante a vocation à modifier radicalement le statut de l'entrepreneur individuel.

Le décret 2022-709 du 26 avril 2022 est venu compléter le dispositif et procéder à des harmonisations des textes concernés par les nouvelles dispositions, complété par 

- le décret 2022-725 du 28 avril 2022 précise notamment le contours du patrimoine professionnel.

- le Décret n°2022-799 du 12 mai 2022 relatif aux conditions de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel et du transfert universel du patrimoine professionnel 

- l'Arrêté du 12 mai 2022 relatif à certaines formalités concernant l'entrepreneur individuel et ses patrimoines

- le décret 2022-890 du 14 juin 2022 est venu préciser l'articulation entre procédure collective et surendettement,

- le décret 2022-933 du 27 juin 2022 organise la possibilité pour l'entrepreneur individuel d'opter pour une assimilation fiscale au régime de l'EARL ou EURL (imposition à l'IS).

- le décret 2022-1439 du 16 novembre 2022 qui organise la publicité du transfert universel de patrimoine

- circulaire 2302817c du 17 janvier 2023 qui décrit le traitement de l'entrepreneur individuel

Foire aux questions du Ministère de l'économie

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Observation préalable

Suivant loi du 26 janvier 2024 (article 29) le législateur a cru devoir insérer un alinéa 2 à l'article L526-22 du code de commerce, texte qui définit le statut de l'entrepreneur individuel 

"Le statut d'entrepreneur individuel n'est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non membres de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ne disposant pas d'un titre de séjour les autorisant à exercer sous ce statut."

Le texte en question était déjà, en bien des points, d'application complexe pour ne pas dire incompréhensible et sa rédaction interpellait sur l'inadéquation entre les intentions louables du législateur, de protéger le patrimoine "personnel" de l'entrepreneur individuel, et un dispositif qui finalement conduit parfois à l'effet inverse, quand il n'est pas simplement aberrant.

Pour ajouter à la simplicité, le législateur n'a pas pris soin de gérer les renvois à d'autres textes, qui deviennent erronés en raison de ce décalage

Synthèse

Avant le dispositif issu de la loi du 14 février 2022, un entrepreneur individuel, c'est à dire un commerçant, un artisan, ou un professionnel indépendant, n'avait qu'un patrimoine unique composé, comme tous les patrimoines, d'un actif et d'un passif (sauf le cas de création d'une EIRL)

L'affectation professionnelle ou pas d'un bien, et le fondement professionnel ou pas d'une dette n'avait pas d'incidence particulière.

Pour résumer la notion d'unité du patrimoine supplantait toutes les autres notions et était d'ailleurs considérée comme l'un des socles de notre droit des personnes. 

Cette unité du patrimoine s'est légèrement étiolée avec l'insaisissabilité de la résidence principale , dans un premier temps résultant d'une déclaration notariée, puis des effets de la loi.

Pour schématiser, en conséquence de cette insaisissabilité, l'immeuble hébergeant la résidence principale, s'il appartient au débiteur, ne peut être appréhendée que par ses créanciers personnels, et pas par les créanciers professionnels (par principe, il y a des exceptions).

Et ce quand bien même, c'est une évidence, cet immeuble a été financé par les revenus professionnels, c'est à dire en réalité au détriment des créanciers professionnels. un patrimoine repose en effet sur un principe de vases communicants, et si l'entrepreneur finance une résidence principale qu'il n'a pas, raisonnablement, les moyens de financer, par voie de conséquence il laissera impayés ses autres créanciers ... et en particulier ses créanciers professionnels.  
Ajoutons que par hypocrisie généralisée l’entrepreneur    en liquidation continuait à payer le prêt de sa résidence principale, avec des fonds qui auraient dû rejoindre la liquidation, et au profit d’un banquier qui faisait fi de la déchéance du terme !

Pour autant, cette entorse à l'unité du patrimoine, humainement logique mais économiquement moins rationnelle, restait limitée en conséquence.

Par exemple :

- La même personne ne pouvait à la fois se trouver en procédure collective et en surendettement, ni reprendre, pendant une première procédure collective, une activité qui l'exposait à se trouver simultanément deux fois en procédure collective.

- La procédure collective englobait la totalité du passif, et la totalité des actifs y compris postérieurs à son ouverture, avec un tempérament pondéré pour la résidence principale et un tempérament survenu ultérieurement pour les biens reçus par succession pendant la procédure collective.

Le nouveau texte met à néant tous ces principes d'unité du patrimoine en posant comme postulat qu'il convient, de plein droit (mais nous verrons que ce n'est pas aussi simple), de distinguer le patrimoine professionnel d'une part et le patrimoine personnel d'autre part.

Le texte organise une scission de plein droit, c'est à dire sans aucune formalité (encore que certaines mentions sont parfois nécessaires), entre

- le patrimoine dit professionnel de l'entrepreneur - exposé au paiement des créanciers professionnels -

- et son patrimoine personnel - protégé des initiatives des créanciers professionnels (article 1 qui modifie l'article L526-22) et exposé aux poursuites de ses seuls créanciers non professionnels.

Concrètement, chaque créancier est rattaché à un patrimoine et exerce ses droits sur celui-ci, puisque par principe (nous verrons qu'il existe des exceptions), les deux patrimoines sont cloisonnés entre eux.

A charge le cas échéant pour l'entrepreneur d'établir que tel ou tel bien est situé dans l'un ou l'autre des patrimoines (L526-22 du code de commerce) s'il conteste par exemple une saisie.

Cette scission en deux du patrimoine originaire est évidemment révolutionnaire au regard de la conception (passée) d'unité du patrimoine qui, comme déjà indiqué, constituait l'un des fondements du droit civil.

Ce nouveau statut a vocation a remplacer le dispositif peu usité de l'entreprise individuelle à responsabilité limité (article 5) qui reposait sur un mécanisme déclaratif d'affectation de biens à la partie professionnelle du patrimoine et qui n'avait eu aucun succès pratique. Il ne sera plus possible de créer une EIRL à compter du 15 février 2022 (publication de la loi). Il ne s'applique d'ailleurs pas aux entrepreneurs qui exercent sous forme d'EIRL.

Pour schématiser, le nouveau statut est proche de celui de l'EIRL mais sans déclaration préalable : le statut est de droit et notamment la scission entre patrimoine professionnel et patrimoine personnel.

Le dispositif a évidemment des conséquences sur les voies d'exécution, et évidemment sur les procédures collectives (article 5 qui crée L642-22-1 du code de commerce) dont il entraîne la modification de certains textes.

L'article L526-22 organise donc la distinction entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, sans d'ailleurs pour autant que l'étendue de l'un ou l'autre soit déterminée a priori et a fortiori publiée pour la bonne information des créanciers. Ce qu'on sait simplement est qu'on déduira le contenu du patrimoine personnel à partir du patrimoine professionnel : ce qui n'est pas dans le second est dans le premier.

Comme nous le verrons, le dispositif dont les intentions ont été de protéger l'entrepreneur individuel, n'a pas que des avantages, et son application réserve d'innombrables complexités, et ce d'autant plus que le texte a été instauré sans aucune concertation ni consultation des praticiens et spécialistes du droit des difficultés. De ce fait le dispositif comporte d'importantes lacunes.  

Il suffit d'observer qu'avant l'entrée en vigueur du dispositif, la liquidation judiciaire d'un entrepreneur individuel incluait ses dettes personnelles aux côtés de ses dettes professionnelles, mais que le liquidateur ne réalisait le patrimoine personnel que dans des cas exceptionnels de biens de valeur inédite, car d'une part la plupart des biens mobiliers sont saisissables par l'effet de la loi (code civil) et d'autre part la valeur de réalisation de ces biens est généralement dérisoire au regard de l'effet humain désastreux provoqué par leur vente.

Etant précisé que la résidence principale insaisissable n'était pas réalisée par le liquidateur qui, compte tenu de la jurisprudence et faute de représenter exclusivement des créanciers non professionnels (par principe), n'avait pas qualité pour la réaliser pour le compte des créanciers qui auraient pu bénéficier de son prix.

Cet immeuble avait, concrètement, vocation à être réalisé essentiellement par l'établissement financier qui en avait financé l'acquisition, et pour y échapper l'entrepreneur trouvait généralement des solutions de paiement de l'échéancier de la dette, parfois via le conjoint co-emprunteur, étant précisé que la banque ne se prévalait pas de la déchéance du terme attachée à la liquidation judiciaire qui s'appliquait pourtant à la dette principale.

Autrement dit, et contrairement à ce qu'a semblé penser le législateur, le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel n'était pas menacé par la liquidation judiciaire d'un patrimoine unique, au moins en pratique sinon en droit.

Le nouveau dispositif, finalement, investira le liquidateur de la qualité pour réaliser la résidence principale (c'est en tout cas une hypothèse sérieuse), si le patrimoine personnel est inclus dans la procédure, et ce même liquidateur pourrait être plus enclin, pour protéger sa responsabilité, à être plus regardant sur les biens meubles composant le patrimoine personnel ... encore que ce n'est manifestement pas l'intention du législateur qui n'en a même pas prévu l'inventaire !

De sorte que, avec l'intention de protéger l'entrepreneur individuel, le nouveau dispositif risque fort de lui être fort défavorable.

Pour être plus précis :

Ajoutons que, concernant les actifs mobiliers, si la procédure collective porte sur le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, on ne peut exclure qu'en cas de liquidation judiciaire les créanciers personnels soient pus insistants sur le liquidateur pour qu'il réalise des actifs mobiliers qu'il n'aurait certainement pas réalisés dans le cadre des dispositions qui régissait la liquidation antérieurement, avec unité du patrimoine ... encore qu'en pratique on peut douter que cela se produise.

En effet et comme déjà indiqué, les liquidateurs avaient pour pratique de ne pas réaliser les actifs mobiliers personnels, sauf cas d'actifs de valeur exceptionnelle (véhicules, véhicules de collection, oeuvres d'art), mais dès lors que désormais les dettes personnelles s'exerceront sur le seul patrimoine personnel, la réalisation de tous les actifs mobiliers saisissables au sens du code civil risque d'être plus envisageable pour protéger la responsabilité du liquidateur (à la vérité on en doute) et à défaut les grands perdants du nouveau dispositifs seront ces créanciers personnels, qui antérieurement bénéficiaient des actifs professionnels en concours avec les autres créanciers.

Concernant l'actif immobilier qui constitue la résidence principale si la procédure collective porte sur le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, comme nous le verrons il n'y aura (peut-être, ce n'est pas si simple) plus d'obstacle de recevabilité de la vente par le liquidateur, et, tenant la déchéance du terme attachée à la liquidation, on voit mal si c'est bien le cas que le liquidateur puisse de dispenser de procéder à cette vente ... alors qu'antérieurement d'une part le liquidateur n'avait pas qualité, et d'autre part nonobstant la déchéance du terme, les banques qui avaient financé l'acquisition de la résidence principale s'accommodaient du respect de l'ex-échéancier sous couvert de paiements par des tiers de complaisance (ou du co-emprunteur).

De sorte que le nouveau dispositif est loin d'être favorable à l'entrepreneur individuel, nonobstant les intentions affichées du législateur.

Comme nous le verrons et pour résumer,

- si l'entrepreneur individuel n'est pas propriétaire de sa résidence principale il a certainement intérêt à ce que la procédure porte à la fois sur son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel, pour éviter que des dettes "mixtes" (fiscales et sociales) subsistent post clôture : dans ce cas le nouveau dispositif est totalement inutile et inopportun puisqu'il ne change rien par rapport à l'ancien dispositif qui reposait sur l'unité du patrimoine , si on considère que le risque de réalisation des actifs mobiliers est illusoire (ce qui est sans doute le cas)

- alors que dans le cas inverse, c'est à dire si l'entrepreneur individuel est propriétaire de sa résidence principale, il n'a absolument pas intérêt à ce que la procédure collective porte à la fois sur son patrimoine professionnel et son patrimoine personnel, s'il veut éviter que le liquidateur vende (ou cherche à vendre) la résidence au profit de créanciers personnels qui n'auraient pas eux même cherché cette vente : dans ce cas le nouveau dispositif est défavorable à l'entrepreneur par rapport au précédent beaucoup plus protecteur de la résidence principale.

Enfin en cas de séparation du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel - ce qui en réalité ne devrait pratiquement jamais se rencontrer - la possible coexistence d'une procédure collective pour le patrimoine professionnel et d'un surendettement ou d'un rétablissement personnel qui en est la suite potentielle, pour le patrimoine personnel (aménagés avec l'intervention surréaliste des juridictions de la procédure collective aux lieu et place du juge du contentieux de la protection), n'a pas véritablement d'intérêt pour l'entrepreneur, le surendettement n'ayant pas d'avantage pour lui (le plan est plus court), et le rétablissement personnel est assez similaire à la liquidation judiciaire en ce qui concerne la vente des actifs (la résidence principale n'est pas protégée en tout état). Dans ce cas le nouveau dispositif est, une fois encore, inutile et inopportun, outre les complexités de compétence des juridictions de la procédure collective.

Passons rapidement sur l’entrepreneur dont le patrimoine personnel est considérable (immeubles de rendement ou de loisirs, œuvres d’art, véhicules de collection):  ces biens, même financés par le patrimoine professionnel, seront à l’abri de la liquidation du patrimoine professionnel : c’est le principal cas dans lequel l’objectif du législateur sera atteint … ce qui est quand même un détournement d’intention !

Enfin le dispositif ne semble pas interférer sur les régimes matrimoniaux, le texte ne prenant nullement position sur une quelconque dérogation par rapport à ce droit : l'article L526-26 indiquant simplement que "la présente section s'entend sans préjudice des droits reconnus aux époux ... " : autrement dit un bien commun affecté au patrimoine professionnel reste commun ...

Bref le dispositif est compliqué, mal pensé, imprécis, inutile dans la plupart des cas, et peut même dans certaines circonstances conduire à l'effet inverse de celui voulu par le législateur, fort mal inspiré de ne pas consulter des professionnels.

Entrée en vigueur 

Les dispositions légales s'appliquent aux entrepreneurs individuels, qu'ils relèvent de la compétence du Tribunal de commerce ou de celle du Tribunal judiciaire, et qu'ils aient commencé leur activité avant ou après l'entrée en vigueur du texte.

Pour l'essentiel de ses dispositions, le texte est applicable trois mois après sa promulgation, soit à compter du 15 mai 2022. (cf article 19).

Il ne s'applique qu'aux procédures collectives ouvertes à compter du 15 mai 2022 (article 5) voir également date de naissance des dettes.

La scission du patrimoine de l'entrepreneur est applicable aux dettes nées après l'entrée en vigueur de la loi, c'est à dire, là encore le 15 mai 2022. Le droit acquis des créanciers ne peut en effet rétroactivement être remis en cause.

Bénéficiaires du dispositif

Le dispositif s'applique "à une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes et relève à ce titre du dispositif des procédures collectives".

Concrètement sont visées les personnes, inscrites ou pas, qui exercent une activité commerciale, artisanale, agriculteurs et professionnels indépendants (communément dénommés professions libérales). Ceci étant nous verrons que ce n'est pas si simple et que des conditions existent. 

A la lettre du texte les personnes qui ont cessé leur activité ne sont pas concernées, ce qui est logique dès lors que l'arrêt d'activité met fin à la séparation des patrimoines 

Information des tiers condition de la séparation des patrimoines

Les textes organisent une information des tiers par l'usage de la dénomination "entrepreneur individuel" ou "EI", sur les documents commerciaux et sur l'intitulé des comptes bancaires professionnel (article R526-27).

Le texte ne distingue pas suivant que l'entrepreneur exerce ou pas une activité règlementée.

A priori les documents commerciaux sont les courriers émis au profit de clients, fournisseurs, banquiers, organismes de crédits. Il n'est pas précisé si les documents administratifs sont concernés, mais ce n'est a priori pas le cas.

Ceci étant, en pratique, l'entrepreneur individuel apposera la mention sur ses logos et entêtes et tous ses courriers seront donc concernés.

La mention n'est pas prévue au registre du commerce, puisqu'elle relève du seul fait que l'entrepreneur exerce à titre individuel. 

L'article R123-237 9° réitère la nécessité de recours à ces mentions, y compris sur le site internet du professionnel, mais pour "toute personne immatriculée au RCS", ce qui est inutilement réducteur.

Il convient de relever que, pour les professionnels qui ne sont pas inscrits, c'est le premier usage de la dénomination qui vaudra date de début d'activité d'entrepreneur individuel au sens du texte (R526-27) c'est à dire commencement de la séparation des patrimoines, marquant la frontière entre les dettes antérieures, qui s'exerceront sur le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, et les dettes professionnelles postérieures qui ne s'exerceront que sur le patrimoine professionnel

Pour les professionnels inscrits, l'absence de recours aux mentions  "entrepreneur individuel" ou "EI" ne semble pas assortie de sanction.

Le défaut de mention peut donc avoir des conséquences importantes, ce qui permet de relever la nécessité de se ménager la preuve de l'usage de la mention.

Les textes n'évoquent absolument pas la question des entrepreneurs individuels déjà en activité au jour de sa parution, mais si on recoupe les textes :

- l'article R526-27 dispose "Au sens et pour l'application de l'article L. 526-23, à défaut d'immatriculation, la première utilisation de la dénomination vaut date déclarée de début d'activité pour identifier le premier acte exercé en qualité d'entrepreneur individuel."

- l'article L523-23 dispose "La dérogation prévue au quatrième alinéa de l'article L. 526-22 ne s'applique qu'aux créances nées à compter de l'immatriculation au registre dont relève l'entrepreneur individuel pour son activité, lorsque celle-ci est prévue. Lorsqu'il relève de plusieurs registres, la dérogation prend effet à compter de la date d'immatriculation la plus ancienne.

Lorsque la date d'immatriculation est postérieure à la date déclarée du début d'activité, la dérogation prend effet à compter de la date déclarée du début d'activité, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

A défaut d'obligation d'immatriculation, la dérogation court à compter du premier acte qu'il exerce en qualité d'entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel."

Ce qui ne semble pas concerner les entrepreneurs déjà en activité à la parution du texte !

Il serait cependant illogique que ces derniers ne bénéficient pas de la séparation de leur patrimoine, et il leur est fortement conseillé d'insérer la mention dans leurs documents professionnels. 

Il n'existe par contre aucune publicité de la composition du patrimoine professionnel, par hypothèse fluctuante.

L'entrepreneur individuel sera avisé de disposer d'un compte bancaire affecté à son activité, même si ce n'est pas une obligation légale (sauf si son chiffre d'affaires dépasse 10.000 € pendant deux années consécutives). Ceci étant l'existence d'un compte distinct contribuera à établir que la séparation des patrimoines est préservée (mais ce n'est qu'un indice). Ce compte bancaire devra comporter la mention EI ou entrepreneur individuel (R526-27)

Le régime fiscal

La loi de finance pour 2022 (article 13) permet à l'entrepreneur individuel d'opter pour le régime fiscal de l'impôt sur les sociétés, et le décret 2022-933 du 27 juin 2022 en précise les modalités (applicables à compter du 29 juin 2022)

Les patrimoines

Patrimoine professionnel 

Le patrimoine professionnel, nécessaire à tout entrepreneur individuel, est considéré par les textes par le patrimoine de références : ce qui n'y sera pas inclus figurera dans le patrimoine personnel.

L526-22

"L'entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes.

Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l'entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel."

Et sa conséquence sur son passif professionnel

"Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et sans préjudice des dispositions légales relatives à l'insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l'article L. 526-7 du présent code, l'entrepreneur individuel n'est tenu de remplir son engagement à l'égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 526-25.

Les dettes dont l'entrepreneur individuel est redevable envers les organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont nées à l'occasion de son exercice professionnel."

Autrement dit, en cas de liquidation judiciaire, le liquidateur réalisera le patrimoine professionnel au profit des créanciers professionnels.

La détermination du patrimoine professionnel n'est pas totalement évidente, même si le critère d'utilité à l'activité est mis en avant par le texte.

On relève à ce sujet que l'entrepreneur n'a qu'un patrimoine professionnel même s'il exerce plusieurs activités (à la différence de l'EIRL).

R526-26 du code de commerce  en pose quelques délimitations

"I.-Pour l'application du deuxième alinéa de l'article L. 526-22, les biens, droits, obligations et sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utiles à l'activité professionnelle, s'entendent de ceux qui, par nature, par destination ou en fonction de leur objet, servent à cette activité, tels que :

1° Le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, tous les biens corporels ou incorporels qui les constituent et les droits y afférents et le droit de présentation de la clientèle d'un professionnel libéral ;

2° Les biens meubles comme la marchandise, le matériel et l'outillage, le matériel agricole, ainsi que les moyens de mobilité pour les activités itinérantes telles que la vente et les prestations à domicile, les activités de transport ou de livraison ;

3° Les biens immeubles servant à l'activité, y compris la partie de la résidence principale de l'entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l'entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l'entrepreneur individuel, les actions ou parts d'une telle société ;

4° Les biens incorporels comme les données relatives aux clients, les brevets d'invention, les licences, les marques, les dessins et modèles, et plus généralement les droits de propriété intellectuelle, le nom commercial et l'enseigne ;

5° Les fonds de caisse, toute somme en numéraire conservée sur le lieu d'exercice de l'activité professionnelle, les sommes inscrites aux comptes bancaires dédiés à cette activité, notamment au titre des articles L. 613-10 du code de la sécurité sociale et L. 123-24 du présent code, ainsi que les sommes destinées à pourvoir aux dépenses courantes relatives à cette même activité.

II.- Lorsque l'entrepreneur individuel est tenu à des obligations comptables légales ou réglementaires, son patrimoine professionnel est présumé comprendre au moins l'ensemble des éléments enregistrés au titre des documents comptables, sous réserve qu'ils soient réguliers et sincères et donnent une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. Sous la même réserve, les documents comptables sont présumés identifier la rémunération tirée de l'activité professionnelle indépendante, qui est comprise dans le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel."

L523-23 La dérogation prévue au quatrième alinéa de l'article L. 526-22 (c'est à dire la limitation à l'emprise du patrimoine professionnel des dettes professionnelles) ne s'applique qu'aux créances nées à compter de l'immatriculation au registre dont relève l'entrepreneur individuel pour son activité, lorsque celle-ci est prévue. Lorsqu'il relève de plusieurs registres, la dérogation prend effet à compter de la date d'immatriculation la plus ancienne.
« Lorsque la date d'immatriculation est postérieure à la date déclarée du début d'activité, la dérogation prend effet à compter de la date déclarée du début d'activité, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.
« A défaut d'obligation d'immatriculation, la dérogation court à compter du premier acte qu'il exerce en qualité d'entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel.

On comprend des textes que les biens immobilisés ou en stock au sens comptable du terme seront présumés figurer dans le patrimoine professionnel.

Il sera en outre prudent pour l'entrepreneur individuel de disposer d'un compte professionnel même pour ceux qui n'y sont pas légalement obligés (seuls les commerçants L123-24 code de commerce et les micro entrepreneurs L613-10 CSS le sont)

Le traitement de bon nombre de biens n'est pas clairement précisé :

- Les biens à connotation professionnelle mais qui s'avèrent inutiles ou inutilisés ne sont pas envisagés. A priori ils devraient faire malgré tout partie du patrimoine professionnel.

- Les biens à usage mixte : Le texte n'envisage pas non plus le sort des biens qui ont une utilisation mixte entre les deux patrimoines : par exemple le professionnel peut utiliser le même véhicule à des fins professionnelles et à des fins personnelles. A la lettre du texte, ces biens seront manifestement inclus dans le patrimoine professionnel dès lors qu'ils servent à l'activité, même épisodiquement.

- "Les biens immeubles servant à l'activité, y compris la partie de la résidence principale de l'entrepreneur individuel utilisée pour un usage professionnel ; lorsque ces immeubles sont détenus par une société dont l'entrepreneur individuel est actionnaire ou associé et qui a pour activité principale leur mise à disposition au profit de l'entrepreneur individuel, les actions ou parts d'une telle société". 

Il est logique que les terres agricoles de l'agriculteur ( ce qui n'était pas le cas de l'EIRL) ou les parts de la société qui détient l'immeuble professionnel et dont l'entrepreneur individuel est propriétaire soient inclus dans le patrimoine professionnel. La "partie de la résidence principale" est plus équivoque faute de division cadastrale de l'immeuble. Doit-on comprendre que le prix de vente devra être scindé entre les deux patrimoines ? 

- Le basculement d'un bien d'un patrimoine à l'autre n'est pas non plus prévu (par exemple véhicule professionnel par la suite affecté à un usage exclusivement personnel et à notre avis la charge de la preuve incombera à l'entrepreneur (et éventuellement la fraude pourra être invoquée). On peut en outre s'interroger, en pareil cas, sur les droits des créanciers professionnels, constitués à l'époque où le bien faisait partie du patrimoine professionnel et on ne peut exclure qu'ils revendiquent des droits sur ce bien (un peut dans l'esprit de l'article 815-17 du Code Civil en cas de divorce).

- Les biens communs : Le texte est totalement muet sur les éventuelles conséquences du régime matrimonial de l'entrepreneur, l'article L526-26 du code de commerce indiquant simplement que les dispositions relatives au patrimoine professionnel s'appliquent "sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer", ce qui est assez obscur.

Quid du bien commun affecté au patrimoine professionnel sans l'accord du conjoint ? 

Pour poser d'autres questions dans le même domaine, il faut garder en mémoire le fait que les biens communs affectés au patrimoine professionnel n'en deviennent pas propres pour autant : ces biens restent communs, et pourront être appréhendés par les créanciers du conjoint de l'entrepreneur, sans égard pour leur caractère professionnel.

Patrimoine personnel (avec empiètement sur le patrimoine professionnel en cas d'insuffisance d'actif, dans certaines limites)

"Seul le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l'occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s'exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. En outre, les sûretés réelles consenties par l'entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette."

Le patrimoine personnel contient, par hypothèse, le cas échéant la résidence principale et non contient que des dettes non professionnelles.

De sorte que les objections de la Cour de Cassation sur la recevabilité de l'action du liquidateur, qui agit à la fois pour des créanciers professionnels auxquels l'insaisissabilité est opposable, et des créanciers personnels auxquels elle ne l'est pas, ne sont pas transposables à ce patrimoine personnel. Dès lors qu'il est composé exclusivement de créanciers auxquels l'insaisissabilité est inopposable, le liquidateur pourra (en tout cas devrait pouvoir) vendre le bien à leur profit, quitte à faire participer à la répartition les créanciers professionnels auxquels l'insaisissabilité est également inopposables s'il en existe (créanciers antérieurs à l'acquisition). 

Voies d'exécution

L'article L161-1 du code des procédures civiles d'exécution dispose 

"Une procédure d'exécution à l'encontre d'un débiteur entrepreneur individuel ne peut porter que sur les biens du patrimoine sur lequel le créancier dispose d'un droit de gage général en vertu de l'article L. 526-22 du code de commerce.

L'entrepreneur individuel qui a renoncé au bénéfice des dispositions du quatrième alinéa du même article L. 526-22 dans les conditions prévues à l'article L. 526-25 du même code peut, s'il établit que la valeur des biens qui constituent son patrimoine professionnel est suffisante pour garantir le paiement de la créance, demander au créancier que l'exécution soit en priorité poursuivie sur ces biens.

Si le créancier établit que cette proposition met en péril le recouvrement de sa créance, il peut s'opposer à la demande.

La responsabilité du créancier qui s'oppose à la demande du débiteur ne peut pas être recherchée, sauf intention de nuire."

Ce nouveau dispositif vient en remplacement de l'ancien article L161-1 qui disposait :

"Lorsque le titulaire d'une créance contractuelle ayant sa cause dans l'activité professionnelle d'un entrepreneur individuel entend poursuivre l'exécution forcée d'un titre exécutoire sur les biens de cet entrepreneur, celui-ci peut, nonobstant les dispositions du 5° de l'article L. 112-2 et s'il établit que les biens nécessaires à l'exploitation de l'entreprise sont d'une valeur suffisante pour garantir le paiement de la créance, demander au créancier que l'exécution soit en priorité poursuivie sur ces derniers.
Si le créancier établit que cette proposition met en péril le recouvrement de sa créance, il peut s'opposer à la demande.
La responsabilité du créancier qui s'oppose à la demande du débiteur ne peut pas être recherchée, sauf intention de nuire."

C'est dire que, sur ce plan encore, l'apport du nouveau dispositif est relativement mineur, même s'il apporte aux bien personnels une protection systématique là où elle était soumise à l'appréciation du juge.   

Les exceptions au cloisonnement des patrimoines

Date de naissance des dettes et incidence des mentions sur les documents commerciaux

D'une part la scission du patrimoine de l'entrepreneur est applicable aux dettes nées après l'entrée en vigueur de la loi, soit le 15 mai 2022. 

Autrement dit l'entrepreneur qui n'a que des dettes antérieures au 15 mai 2022 ne bénéficie pas de la séparation de son patrimoine. Si par contre seulement quelques dettes sont antérieures au 15 Mai 2022, elles pourront d'exercer sur les deux patrimoines.

D'autre part la séparation des patrimoines ne prend effet qu'à certaines conditions :

- Pour les professionnels soumis à immatriculation, la séparation des patrimoines ne s'applique qu'à compter du début d'activité, c'est à dire soit de l'immatriculation au registre dont dépend l'entrepreneur, ou soit de la date déclarée de début d'activité si l'immatriculation est postérieure. L526-23

- Pour les professionnels qui ne sont pas inscrits et n'y sont pas légalement obligés, c'est le premier usage de la dénomination "entrepreneur individuel" ou "EI" qui vaudra date de début d'activité d'entrepreneur individuel au sens du texte (R526-27)

"A défaut d'obligation d'immatriculation, la dérogation (c'est à dire la séparation des patrimoines) court à compter du premier acte qu'il exerce en qualité d'entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel." L523-23

Il convient donc d'en déduire que le défaut de mention sur les documents commerciaux fait obstacle à la mise en oeuvre de la séparation des patrimoines. Il est probable que beaucoup d'artisans ou de commerçants non inscrits ne penseront pas à mentionner la qualité d'entrepreneur individuel sur leurs documents commerciaux.

Insuffisance du patrimoine personnel

L526-22 Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s'exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.

On comprend de ce texte que le ou les créanciers personnels qui ne parviennent pas à exécuter sur le patrimoine personnel pour la totalité de la dette, peuvent, dans la limite évoquée, exécuter sur le patrimoine professionnel.

Les modalités de mise en oeuvre ne sont pas précisées, et surtout il est à craindre que le créancier ne dispose pas du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice, ce qui manifestement bloquera l'action. De plus si l'entrepreneur est en difficulté, le bénéfice peut-être inexistant.

Enfin le terme "peut" laisse envisager une faculté d'appréciation du juge, ce qui est source d'insécurité.

Suretés conventionnelles

Nonobstant l'impossibilité qu'un patrimoine cautionne l'autre , l'article L523-22 n'écarte pas la possibilité que l'entrepreneur individuel consente une sûreté sur un bien relevant d'un patrimoine, pour garantir une dette située dans l'autre.

Survie des effets des sûretés

Les sûretés réelles consenties par l'entrepreneur individuel avant le commencement de son activité conservent leur effet quelle que soit leur assiette L526-22.

Autrement dit le bien affecté au patrimoine professionnel par exemple pourra être appréhendé par le créancier du patrimoine personnel, titulaire d'une sûreté spéciale.

Assiette des créances fiscales et sociales

L526-24 du code de commerce 

"Le droit de gage de l'administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l'ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l'entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou d'inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dans les conditions prévues à l'article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale.

Le droit de gage de l'administration fiscale porte également sur l'ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l'entrepreneur individuel pour les impositions mentionnées au III de l'article L. 273 B du livre des procédures fiscales.(c'est à dire l'impôt sur le revenu, les taxes foncières, les prélèvements sociaux)

Le droit de gage des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 225-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale porte également sur l'ensemble des patrimoines professionnel et personnel pour les impositions et contributions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 133-4-7 du même code.

Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat."

Le texte n'évoque pas l'IS alors que l'entrepreneur individuel peut opter pour ce régime fiscal.

La notion de manquement grave et répété est précisé, pour ce qui concerne les organismes de sécurité sociale, par le décret 2020-1618 du 22 décembre 2022

Notamment le texte retient l'absence de paiement, au moins partiel, d'au moins deux des quatre dernières échéances, et l'absence de souscription ou la souscription incomplète ou erronée de déclaration. Le texte est intégré à l'article R133-9-4-1 du code de la sécurité sociale.

Renonciation à la séparation des patrimoines au profit d'un créancier

« Art. L. 526-25.-L'entrepreneur individuel peut, sur demande écrite d'un créancier, renoncer à la dérogation prévue au quatrième alinéa de l'article L. 526-22 (c'est à dire à limiter au patrimoine professionnel l'emprise de ses dettes professionnelles), pour un engagement spécifique dont il doit rappeler le terme et le montant, qui doit être déterminé ou déterminable. Cette renonciation doit respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret.
« Cette renonciation ne peut intervenir avant l'échéance d'un délai de réflexion de sept jours francs à compter de la réception de la demande de renonciation. Si l'entrepreneur individuel fait précéder sa signature de la mention manuscrite énoncée par décret et uniquement de celle-ci, le délai de réflexion est réduit à trois jours francs.

Cette renonciation n'est en aucun cas générale, et ne bénéficie qu'au créancier qui en est bénéficiaire. Elle peut être nécessaire par exemple si le partenaire de l'entrepreneur est susceptible de lui accorder un financement qui n'est pas suffisamment garanti par le patrimoine professionnel.

La forme de la renonciation est prévue à peine de nullité par l'article D526-28

Là encore on peut relever que l'article L526-26 du code de commerce indique simplement que les dispositions relatives au patrimoine professionnel s'appliquent "sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer", mais on ignore à ce stade la traitement de la renonciation effectuée dans l'accord du conjoint.

A priori et dès lors que chaque époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs, l'accord de l'autre n'est pas nécessaire (ni son information).

Réunion des patrimoines au profit de certaines créanciers, en cas de fraude

« Art. L. 526-24.-Le droit de gage de l'administration fiscale et des organismes de sécurité sociale porte sur l'ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l'entrepreneur individuel en cas de manœuvres frauduleuses ou d'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, dans les conditions prévues aux I et II de l'article L. 273 B du livre des procédures fiscales, ou d'inobservation grave et répétée dans le recouvrement des cotisations et contributions sociales, dans les conditions prévues à l'article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale. Le droit de gage de l'administration fiscale porte également sur l'ensemble des patrimoines professionnel et personnel de l'entrepreneur individuel pour les impositions mentionnées au III de l'article L. 273 B du livre des procédures fiscales.
« Le droit de gage des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 225-1 et L. 752-4 du code de la sécurité sociale porte également sur l'ensemble des patrimoines professionnel et personnel pour les impositions et contributions mentionnées au deuxième alinéa de l'article L. 133-4-7 du même code.
« Les conditions d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat.

Disparition de la séparation des patrimoines en cas d'arrêt d'activité ou de décès

L526-22 Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis. Il en est de même en cas de décès de l'entrepreneur individuel, sous réserve des articles L. 631-3 et L. 640-3 du présent code

Dans ce cas une procédure collective peut être ouverte si les dettes à l'origine des difficultés sont professionnelles (L. 640-3 ), mais, faute de séparation, la procédure porte sur tout le patrimoine.

Les "transferts" de patrimoine

L'entrepreneur peut céder, donner ou apporter en société son patrimoine professionnel, ce qui comporte l'actif et le passif. L526-27 en une opération opposable aux tiers sous réserve d'une publicité au BODACC L526-27

Les créanciers peuvent former opposition L526-28 (ce qui permettra d'obtenir un paiement ou une garantie) et il est précisé que le patrimoine apporté en société ne doit pas être en état de cessation des paiements L526-30 et que les parties au transfert ne doivent pas être frappées d'interdiction de gérer ou de faillite personnelle.

Les créances sociales ne sont pas transférées D526-32.

Le législateur a instauré une possibilité de "transfert universel du patrimoine professionnel" L526-27 alinéa 2. Cette transmission universelle est beaucoup plus complète qu'une simple cession de fonds de commerce, et peut, en une opération unique inclure par exemple le fonds, l'immeuble professionnel et surtout les contrats en cours et évidemment les dettes correspondantes. L'article L526-29 écarte certaines (mais pas toutes) des dispositions applicables à la cession de fonds de commerce. Précisons que le bailleur ne peut interdire la cession du bail dans le cadre d'un transfert universel , il peut parfaitement, comme en matière de cession de fonds, exiger la rédaction d'un acte notarié, de concourir à l'acte ...

Evidemment l'entrepreneur n'est pas tenu de transférer la totalité de son patrimoine, et peut céder certains actifs, ou son fonds de commerce. L'opération est alors régie par les textes spécifiques à l'opération concernée. 

le décret 2022-1439 du 16 novembre 2022 organise la publicité du transfert universel de patrimoine

L'interdiction des cautions d'un patrimoine sur l'autre

"La distinction des patrimoines personnel et professionnel de l'entrepreneur individuel ne l'autorise pas à se porter caution en garantie d'une dette dont il est débiteur principal."

Comme déjà indiqué l'entrepreneur peut renoncer au bénéfice de la séparation de son patrimoine au profit d'un créancier dans des conditions strictes (L526-25) avec un délai de renonciation de 7 jours francs.

La protection du patrimoine personnel est à "sens unique" de sorte que les créanciers personnels pourront poursuivre les biens professionnels dans la limite du bénéfice du précédent exercice (L526-22)

Ceci étant un patrimoine ne peut cautionner l'autre, notamment pour une raison de droit pur, à savoir que bien qu'ayant deux patrimoines, le débiteur est une personne unique. Or la caution est nécessairement l'engagement d'un tiers;

Le traitement des difficultés de l'entrepreneur individuel en activité

Formulaire à télécharger Demande d'ouverture d'une procédure collective ou rétablissement professionnel pour un entrepreneur individuel

Tribunal compétent pour connaitre de la demande d'ouverture d'une procédure de traitement des difficultés (procédure collective ou surendettement) et contenu de la demande d'ouverture de la procédure

En matière de difficulté, dès lors qu'il s'agit avant tout d'un entrepreneur qui relève des procédures collectives, c'est le tribunal compétent en matière de procédure collective qui devra apprécier si les conditions d'ouverture d'une procédure collective ou d'un surendettement sont réunies en fonction des dettes concernées (L681-1 et 681-2).

Et ce qu'il s'agisse du Tribunal de Commerce ou du Tribunal Judiciaire.

Pour schématiser, le Tribunal compétent en matière de procédure collective est la porte d'entrée aux différents dispositifs, qu'ils s'appliquent au patrimoine professionnel, au patrimoine personnel ou aux deux.

La commission de surendettement devient une juridiction subordonnée, dès lors qu'elle ne sera saisie que si le Tribunal compétent en matière de procédure collective en décide. 

L681-1  Toute demande d'ouverture d'une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre ou d'une procédure de surendettement prévue au livre VII du code de la consommation à l'égard d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du présent code est portée devant le tribunal compétent pour connaître des procédures prévues aux titres II à IV du présent livre.

Sous réserve des règles propres au rétablissement professionnel, le tribunal, saisi d'une telle demande, apprécie à la fois :

1° Si les conditions d'ouverture d'une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre sont réunies, en fonction de la situation du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel ;

2° Si les conditions prévues à l'article L. 711-1 du code de la consommation sont réunies, en fonction de l'actif du patrimoine personnel et de l'ensemble des dettes exigibles ou à échoir dont le recouvrement peut être poursuivi sur cet actif.

Comment est appréciée une demande qui ne distingue pas les patrimoines, et a fortiori comment est traitée l'assignation d'un créancier qui sollicite l'ouverture d'une procédure collective à l'encontre d'un entrepreneur individuel sans préciser quel patrimoine est concerné (étant en tout état précisé que le créancier demandeur est évidemment dans l'ignorance de la situation du patrimoine dont il n'est pas créancier et ne pourra donner aucune indication) : le tribunal doit-il trancher d'office ? 

L681-1  précise que le Tribunal apprécie les conditions d'ouverture, et devra donc manifestement se pencher sur chaque patrimoine même si ce ne lui est pas demandé.

Il devra apprécier

- l'état de cessation des paiements pour le patrimoine professionnel

- et les conditions du surendettement pour le patrimoine personnel.

On rappellera que ces conditions sont fixées à l'article L711-1 du Code de la consommation : "Le bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement est ouvert aux personnes physiques de bonne foi. 

La situation de surendettement est caractérisée par l'impossibilité manifeste de faire face à l'ensemble de ses dettes, professionnelles et non professionnelles, exigibles et à échoir. Le seul fait d'être propriétaire de sa résidence principale dont la valeur estimée à la date du dépôt du dossier de surendettement est égale ou supérieure au montant de l'ensemble des dettes professionnelles et non professionnelles exigibles et à échoir ne fait pas obstacle à la caractérisation de la situation de surendettement.

L'impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société caractérise également une situation de surendettement."

Le surendettement suppose donc la bonne foi, notion indifférente en procédure collective, et une appréciation des difficultés différente de l'état de cessation des paiements.

Relevons au passage que le législateur a cru utile de maintenir dans le texte relatif au surendettement l'allusion aux dettes professionnelles, alors que, dans le cas d'un entrepreneur individuel, ce ne sont que les dettes personnelles qui devraient être considérées à ce stade (plus exactement les dettes personnelles et celles des dettes professionnelles qui peuvent s'exercer sur le patrimoine personnel).

La demande d'ouverture d'une procédure de traitement des difficultés (procédure collective ou surendettement) : contenu et mentions

Le décret 2022-890 du 14 juin 2022 prévoit :

« Art. R. 681-1. - I. - La demande d'ouverture mentionnée à l'article L. 681-1 est présentée conformément aux dispositions des titres II à IV du présent livre, sous réserve des dispositions suivantes :
« 1° La situation de trésorerie, l'état chiffré des créances et des dettes, l'état actif et passif des sûretés ainsi que celui des engagements hors bilan et l'inventaire sommaire des biens du débiteur exigé par les 2° et 5° à 7° de l'article R. 621-1 et les 3° et 5° à 7° de l'article R. 631-1 sont présentés en distinguant les biens, droits ou obligations du débiteur relevant du patrimoine professionnel et ceux relevant du patrimoine personnel. Les actes de renonciation à la protection du patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel prévus à l'article L. 526-25 sont mentionnés en précisant le nom du créancier concerné ainsi que le montant de l'engagement ;
« 2° Les pièces et informations mentionnées aux articles R. 621-1 et R. 631-1 sont complétées par celles mentionnées aux articles R. 721-2 et R. 721-3 du code de la consommation et, le cas échéant, par la copie de tout acte de renonciation mentionné au 1°.
« II. - Le débiteur peut solliciter, dans sa demande d'ouverture, le bénéfice des mesures de traitement de sa situation de surendettement prévues au livre VII du code de la consommation.

Il convient de préciser que si le débiteur a renoncé à la protection de son patrimoine personnel au profit d'un créancier (cf L526-25) il doit en faire état dans la demande d'ouverture de la procédure (R681-1)

Il découle de ce texte que le débiteur doit remettre à la fois les informations nécessaires à l'examen d'une demande d'ouverture de procédure collective, et celles nécessaires à l'examen éventuel d'une demande d'ouverture de surendettement (situation familiale, état détaillé de ses revenus et de ses actifs, procédures d'exécution en cours, mesures d'expulsion de son logement. 

Ouverture d'une procédure par le tribunal compétent en matière de procédure collective

L681-2 I. - Le tribunal ouvre une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre si les conditions en sont réunies (sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire, simplifiée ou pas, rétablissement professionnel cf L645-1 qui évoque les patrimoines)

Les dispositions propres à la procédure ouverte s'appliquent, sous réserve du présent titre.

Attention la séparation des patrimoines ne s'applique que pour les dettes nées après l'entrée en vigueur de de la loi (15 février 2022)

Ordre professionnel

L 621-2 Lorsque le débiteur soumis à la procédure initiale ou le débiteur visé par l'extension exerce une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, le tribunal statue en chambre du conseil après avoir entendu ou dûment appelé l'ordre professionnel ou l'autorité compétente dont, le cas échéant, il relève.

Procédure collective concernant le seul patrimoine professionnel : deux cas : seul le patrimoine professionnel est en difficulté ou le patrimoine personnel est en difficulté mais relève du surendettement.

Deux cas :

Cas 1 Le texte envisage la situation dans laquelle seul le patrimoine professionnel est en difficulté.

L681-2 "II. - Dans le cadre de la procédure ouverte, si les conditions prévues au 2° de l'article L. 681-1 ne sont pas réunies à la date du jugement d'ouverture, les dispositions des titres II à IV du présent livre qui intéressent les biens, droits ou obligations du débiteur sont comprises, sauf dispositions contraires, comme visant les éléments du seul patrimoine professionnel. Celles qui intéressent les droits ou obligations des créanciers du débiteur s'appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine professionnel."

Dans ce cas, la procédure collective concernera le seul patrimoine professionnel (actif et dettes).

Cette hypothèse est à la vérité sans doute très marginale, car si le patrimoine professionnel est en difficulté, il sera assez rare que le patrimoine personnel ne le soit pas. Ajoutons qu'en cas de liquidation judiciaire "directe" l'entrepreneur aura souvent cessé son activité, ce qui met fin à la séparation des patrimoines.

Ceci étant l'intention du législateur est certainement que ce soit le cas le plus fréquemment appliqué, et c'est certainement ce que rechercheront les entrepreneurs individuels.

Cas 2 Ceci étant, un autre cas existe dans lequel la procédure collective ne concernera que le patrimoine professionnel : le patrimoine personnel, bien qu'étant en difficulté, relève du surendettement (voir plus bas)

A première analyse, l'éclatement en deux du patrimoine d'une personne est en totalement contradiction avec tous les fondements du droit, qui reposent sur un unité du patrimoine. 

Ceci étant, dans le cadre de la procédure collective, on doit y voir finalement des avantages et une certaine équité, paradoxalement essentiellement pour les créanciers professionnels.

En effet jusqu'alors, la procédure collective de l'entrepreneur individuel incluait automatiquement ses dettes personnelles, alors que sa résidence principale était insaisissable par le liquidateur, et qu'en pratique ses meubles meublants n'étaient pas saisis par le liquidateur : de sorte que les créanciers professionnels étaient concurrencés par les créanciers personnels sur le patrimoine professionnel.

C'est désormais révolu dans ce cas, et si par ailleurs le patrimoine personnel est surendetté, une procédure de surendettement sera ouverte (sauf les exceptions), dans laquelle, en cas de rétablissement personnel, la résidence principale répondra du passif.

Procédure collective concernant les deux patrimoines : les deux patrimoines sont en difficulté et le Tribunal de la procédure collective est juge des conditions prévues au code de commerce pour le patrimoine professionnel et de celles prévues au code de la consommation pour le patrimoine personnel

L681-2 III. - Si les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 681-1 sont réunies à la date du jugement d'ouverture, les dispositions des titres II à IV du présent livre qui intéressent les biens, droits ou obligations du débiteur entrepreneur individuel sont comprises, sauf dispositions contraires, comme visant à la fois les éléments du patrimoine professionnel et ceux du patrimoine personnel.

Les droits de chaque créancier sur le patrimoine professionnel, le patrimoine personnel ou tout ou partie de ces patrimoines sont déterminés conformément à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V et du présent livre.

Le tribunal traite, dans un même jugement, des dettes dont l'entrepreneur individuel est redevable sur ses patrimoines professionnel et personnel, en fonction du droit de gage de chaque créancier, sauf dispositions contraires.

(rappel : l'article L681-1 dispose 

1° Si les conditions d'ouverture d'une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre sont réunies, en fonction de la situation du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel ;

2° Si les conditions prévues à l'article L. 711-1 du code de la consommation sont réunies, en fonction de l'actif du patrimoine personnel et de l'ensemble des dettes exigibles ou à échoir dont le recouvrement peut être poursuivi sur cet actif.)

Autrement dit, si en sus des conditions d'ouverture d'une procédure collective sur le patrimoine professionnel, en fonction des règles prévues au code de commerce, celles du surendettement sont également réunies sur le patrimoine personnel, la procédure collective ouverte concerne à la fois le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel (actif et dettes).

Il convient à cette occasion de relever que L681-1 impose au tribunal compétent en matière de procédure collective de s'assurer que les conditions d'ouverture d'un surendettement sont réunies, avant le cas échéant d'ouvrir une procédure collective qui concernera les deux patrimoines.

Ce dispositif est singulier, dès lors que l'appréciation des conditions du surendettement est effectuée suivant les règles du code de la consommation alors que, par ailleurs, si la procédure est ouverte, ce sont les règles de la procédure collective qui s'appliqueront. 

Et particulier pour ne citer que deux exemples, le surendettement suppose la bonne foi, notion étrangère aux conditions d'ouverture de la procédure collective, et l'ouverture de la procédure collective suppose l'état de cessation des paiements, notion inconnue en droit de la consommation.

Le tribunal de la procédure collective devra donc maîtriser des textes du code de la consommation qu'il ne pratique pas et, au stade des critères d'ouverture de la procédure, apprécier la situation de chaque patrimoine au regard des règles qui lui sont propres

La seule exception concerne le rétablissement professionnel, pour lequel les critères d'ouverture sont uniques, au visa de l'article L645-1  alinéa 2, étant précisé dans ce cas que le plafond d'actif de 15.000 € s'apprécie au regard des deux patrimoines réunis, hors biens insaisissables. 

La procédure collective, qui comme nous le verrons se dédoublera sous certains aspects si elle est ouverte pour les deux patrimoines, n'en sera pas moins unique même si elle concerne les deux patrimoines. Le texte n'envisage pas le redressement judiciaire d'un patrimoine et la liquidation de l'autre, même si, comme nous le verrons, le patrimoine personnel sera, en cas de cession d'entreprise, traité comme un actif résiduel de la liquidation subséquente.

Exception de renvoi à la commission de surendettement pour le traitement du patrimoine personnel aux fins de procédure de surendettement : deux cas seul le patrimoine personnel est en difficulté ou les deux patrimoines sont en difficultés mais nettement distingués.

Deux cas sont également à envisager au terme desquels la commission de surendettement sera saisie : seul le patrimoine personnel est en difficulté ou les deux patrimoines sont en difficulté mais parfaitement cloisonnés.

Ces deux hypothèses semblent a première analyse être des hypothèses d'école, il sera sans doute rare que l'entrepreneur individuel ne puisse faire face à ses dettes personnelles mais que son activité professionnelle soit prospère et ne sont pas menacée par ses prélèvements pour faire face à ses dettes personnelles. De la même manière le patrimoine personnel est, par hypothèse essentiellement alimenté par le patrimoine professionnel et le cloisonnement entre les deux est donc tout relatif.

Cas 1 Seul le patrimoine personnel est en difficulté : 

Le Tribunal, avec l'accord du débiteur, renvoie l'affaire devant la commission de surendettement, après avoir constaté qu'il n'y a pas lieu à ouverture d'une procédure collective. L681-3 (à défaut d'accord il n'y a pas de saisine de la commission de surendettement)

C'est évidemment une évolution par rapport au dispositif antérieur qui ne permettait pas la saisine de la commission dès lors que le débiteur relevait des procédures collectives L711-3 

L'ancien entrepreneur reste pour sa part soumis à la procédure collective dès lors que figure dans son passif une dette professionnelle L640-3 et L631-3, tenant le fait que la séparation des patrimoines prend fin par l'arrêt de l'activité.

Le décret 2022-890 du 14 juin 2022 prévoit :

« Art. R. 681-3. - Le tribunal apprécie dans un même jugement si les conditions d'ouverture mentionnées aux 1° et 2° de l'article L. 681-1 sont, alternativement ou cumulativement, réunies.
« Lorsque la commission de surendettement territorialement compétente est saisie en application du IV de l'article L. 681-2, le greffe du tribunal transmet sans délai au secrétariat de cette commission une copie du jugement et de l'ensemble des pièces du dossier.
« Lorsqu'il est fait application de l'article L. 681-3, le greffe du tribunal transmet sans délai au secrétariat de la commission de surendettement territorialement compétente une copie du jugement ainsi que l'ensemble des pièces du dossier.
"

Cas 2 Les deux patrimoines sont en difficultés mais totalement cloisonnés dans les faits 

L681-2 IV. - Par dérogation au III, lorsque la distinction des patrimoines professionnel et personnel a été strictement respectée et que le droit de gage des créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de l'activité professionnelle de l'entrepreneur individuel ne porte pas sur le patrimoine personnel de ce dernier, le tribunal qui ouvre la procédure saisit, avec l'accord du débiteur, la commission de surendettement aux fins de traitement des dettes dont l'entrepreneur individuel est redevable sur son patrimoine personnel. Le livre VII du code de la consommation ainsi que le sixième alinéa de l'article L. 526-22 du présent code sont alors applicables. Le tribunal exerce les fonctions du juge des contentieux de la protection, qu'il peut déléguer en tout ou partie au juge-commissaire.

Le tribunal et la commission de surendettement s'informent réciproquement de l'évolution de chacune des procédures ouvertes.

Ce cas est assez obscur et devra être précisé.

A la lettre du texte, deux conditions doivent être cumulativement réunies :

- distinction des patrimoines

- et respect, patrimoine par patrimoine, du gage des créanciers, c'est à dire qu'en aucune circonstance une dette professionnelle ne peut s'exercer sur le patrimoine personnel (renonciation à la séparation, sûreté réelle donnée sur le patrimoine personnel pour garantir une dette professionnelle, créance fiscale ou sociale portant sur les deux patrimoines, créances antérieures au 15 mai 2022)

Certains auteurs considèrent que ce cas sera exceptionnel qui exclue évidemment la renonciation au bénéfice de séparation au profit d'un créancier, ou des imbrications importantes entre les deux patrimoines (peut être bancaire, mais cela mériterait d'être précisé). Notamment le traitement des dettes fiscales et sociales  est tel qu'en réalité le cloisonnement des patrimoines est majoritairement illusoire.

Ce qui est certain est que pour que ces conditions soient réunies, il conviendra qu'aucune dette professionnelle ne porte sur le patrimoine personnel, et donc, notamment qu'aucune dette ne trouve son origine antérieurement au 15 mai 2022 ... ce qui ne va certainement concerner que peu d'entrepreneurs individuels pendant les premières années d'application du texte. Ajoutons que la prétendue séparation totale des patrimoines est totalement illusoire, car, en théorie, elle supposerait que le patrimoine personnel soit totalement indépendant du patrimoine professionnel, ce qui, suivant les interprétations, pourrait implique que le second n'alimente pas en trésorerie le premier ... sauf le cas de l'entrepreneur qui finance sa vie personnelle par des revenus locatifs, et ne prélève pas de fonds sur son activité (donc déficitaire). Bref c'est une circonstance qui, si on est exigeant sur les conditions, ne se rencontrera jamais.

C'est dans doute une bonne chose, cas l'avantage de cette mesure pour l'entrepreneur est en outre totalement discutable, le surendettement (et le possible rétablissement personnel qui suivra) n'étant nullement plus favorable que la procédure collective (le plan de surendettement a une durée plus courte, la liquidation des biens dans le rétablissement est quasiment similaire à celle de la liquidation judiciaire)

Ce régime est également applicable si seul le patrimoine personnel est en difficulté

L'accord du débiteur est nécessaire, et ce dernier peut soit demander dès le dépôt de déclaration de cessation des paiements qu'une procédure de surendettement soit également ouverte, soit exprimer son accord lors de l'audience d'ouverture de la procédure collective (R681-2) 

Enfin si seules les conditions du surendettement, le Tribunal compétent en matière de procédure collective, seul compétent pour examiner la situation, rejettera la demande de procédure collective et renverra l'affaire devant la commission de surendettement L681-3

Les particularités du surendettement et du rétablissement personnel avec liquidation judiciaire ouvert en suite de la saisine de la commission, si par ailleurs le Tribunal ouvre une procédure collective pour le patrimoine professionnel

Une particularité mérite d'être soulignée :

Dans le cas où la commission de surendettement est saisie au motif que le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont tous deux en difficulté, mais avec cloisonnement entre les deux, l'article L681-2 du code de commerce prévoit "Le tribunal exerce les fonctions du juge des contentieux de la protection, qu'il peut déléguer en tout ou partie au juge-commissaire".

Autrement dit, le surendettement et a fortiori le rétablissement personnel va se dérouler en partie devant le Tribunal compétent en matière de procédure collective, pour que ce dernier (ou le juge commissaire) applique les règles du surendettement ou du rétablissement personnel.

Ce dispositif promet d'innombrables problèmes car une fois encore le Tribunal de la Procédure collective n'est pas familier de ces règles.

On suppose (on espère même) que le professionnel désigné dans le cadre du rétablissement sera le même que celui désigné dans la procédure collective, mais ce n'est pas imposé par le texte.

En tout état, si le patrimoine professionnel fait l'objet d'une liquidation judiciaire, suivant les règles du code de commerce, le patrimoine professionnel fera l'objet d'un rétablissement avec liquidation judiciaire, suivant les règles du Code de la Consommation mais confiée à la juridiction de la liquidation judiciaire.   

Cas du patrimoine personnel en difficulté après l'ouverture d'une procédure collective concernant le seul patrimoine professionnel

Ce cas n'est pas envisagé.

A priori les textes ne permettent pas au Tribunal de la Procédure collective d'ouvrir une procédure collective qui ne concernerait que le patrimoine personnel, même en procédant ensuite à la jonction des deux procédures. Ils ne permettent pas plus d'adjoindre, sauf confusion des patrimoines, le patrimoine personnel à la procédure déjà ouverte pour le patrimoine professionnel.

Il semble donc que le tribunal devra renvoyer à la commission de surendettement.

Cas du professionnel qui n'a pas mis en oeuvre la séparation des patrimoines ou dont les dettes ne le permettent pas

Comme déjà indiqué, la séparation des patrimoines ne s'applique qu'à certaines conditions de date de naissance de la créance  , de sorte que

- par exemple la procédure collective portera sans distinction de patrimoines si le professionnel exerce sans être inscrit s'il y est tenu

"A défaut d'obligation d'immatriculation, la dérogation (c'est à dire la séparation des patrimoines) court à compter du premier acte qu'il exerce en qualité d'entrepreneur individuel, cette qualité devant apparaître sur les documents et les correspondances à usage professionnel." L523-23

- en outre la séparation des patrimoines suppose un certain nombre de conditions, à défaut de quoi, là encore, la procédure ouverte ne distinguera pas les patrimoines.

Déjà parmi ces conditions, le professionnel doit être en activité au moment de l'ouverture de la procédure collective. Il sera important pour le professionnel de s'en ménager la preuve.

En outre il n'y a pas lieu à séparation des patrimoines si :

* toutes les dettes sont antérieures au 15 mai 2022

* le professionnel n'a pas régulièrement commencé son activité (immatriculation si nécessaire, mention sur les documents commerciaux à défaut).

Dans tous ces cas, faute de séparation des patrimoines, la procédure collective doit porter sur le patrimoine unique de l'entrepreneur.

Mais encore faut-il que le jugement l'indique, et ces conditions devraient donc être examinées par le Tribunal dans le cadre des débats.

Ce qui suppose qu'il perçoive qu'il y a lieu d'examiner ces critères ( et qu'il puisse les évoquer d'office si elles ne lui sont pas soumises par le débiteur demandeur à l'ouverture de sa procédure collective - ce qu'il na aucun intérêt à faire - ou par le créancier poursuivant - qui n'a pas plus d'intérêt et surtout n'a certainement pas l'information) 

En réalité il y a fort à craindre que la question ne soit pas évoquée par le Tribunal et qu'il ne se prononce donc pas (voir ci après)

En outre on peut dans ce cas s'interroger de savoir si, dans le cadre d'une demande d'ouverture d'un entrepreneur qui ne remplit pas les conditions pour bénéficier de la séparation des patrimoines, le tribunal, s'il perçoit la difficulté c'est à dire si elle lui est soumise (ce qui ne sera certainement pas le cas) doit-il néanmoins s'interroger sur les critères d'ouverture de la procédure collective d'une part et du surendettement d'autre part ... alors même d'ailleurs qu'en l'espèce c'est totalement sans objet dès lors que la séparation des patrimoines ne sera pas mise en oeuvre ?

La mauvaise rédaction des textes amène cependant à s'interroger, l'article L681-1 disposant 

"Toute demande d'ouverture d'une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre ou d'une procédure de surendettement prévue au livre VII du code de la consommation à l'égard d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du présent code est portée devant le tribunal compétent pour connaître des procédures prévues aux titres II à IV du présent livre.

Sous réserve des règles propres au rétablissement professionnel, le tribunal, saisi d'une telle demande, apprécie à la fois :

1° Si les conditions d'ouverture d'une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre sont réunies, en fonction de la situation du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel ;

2° Si les conditions prévues à l'article L. 711-1 du code de la consommation sont réunies, en fonction de l'actif du patrimoine personnel et de l'ensemble des dettes exigibles ou à échoir dont le recouvrement peut être poursuivi sur cet actif."

Cette question est à examiner au regard de l'article L526-22 qui dispose 

"L'entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes.

Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l'entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel.

La distinction des patrimoines personnel et professionnel de l'entrepreneur individuel ne l'autorise pas à se porter caution en garantie d'une dette dont il est débiteur principal.

Par dérogation aux articles 2284 et 2285 du code civil et sans préjudice des dispositions légales relatives à l'insaisissabilité de certains biens, notamment la section 1 du présent chapitre et l'article L. 526-7 du présent code, l'entrepreneur individuel n'est tenu de remplir son engagement à l'égard de ses créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de son exercice professionnel que sur son seul patrimoine professionnel, sauf sûretés conventionnelles ou renonciation dans les conditions prévues à l'article L. 526-25."

Soit on considère que l'entrepreneur individuel qui ne bénéficie pas de la dérogation prévue à l'alinéa 4 n'est pas, au sens de L681-1, "un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du présent code" ( ce qui semble discutable puisqu'au sens de la première phrase de ce texte "L'entrepreneur individuel est une personne physique qui exerce en son nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes".soit on a une vision plus large.

Les avis sont partagés, et il est vrai que l'entrepreneur dispose dans tous les cas de deux patrimoines, mais sans que cela ait le moindre effet. Ce qui inciterait à ce que le tribunal examine les critères de l'état de cessation des paiements pour le patrimoine professionnel et ceux du surendettement pour le patrimoine personnel. Ceci étant pour examiner ces critères, le tribunal doit considérer le passif de chaque patrimoine, et en l'espèce le passif est unique ... ce qui incite à ignorer les critères du surendettement.

Ce qui est certain c'est que la procédure collective ouverte ignorera matériellement toute distinction de patrimoine.

Délimitation de l'emprise de la procédure dans le jugement d'ouverture et conséquences des éventuelles lacunes du jugement et de l'absence de délimitation du ou des patrimoines concernés

Les textes n'organisent absolument pas les mentions que le jugement d'ouverture d'une procédure collective doit contenir pour délimiter son emprise patrimoine professionnel / totalité du patrimoine, et il y aura certainement débat s'il ne donne aucune précision.

Les tribunaux ont donc tout intérêt à être vigilants dans le dispositif et la motivation de leur décision.

Sur ce point on peut constater que les juridictions ne se sont pas précipitées pour mettre le texte en application, pas plus d'ailleurs que les greffe pour diffuser de nouveaux formulaires de déclaration de cessation des paiements prévoyant les mentions nécessaires à l'examen de la situation, ce qui illustre sans doute la très relative utilité du texte et ses lacunes rédactionnelles. 

Ceci étant, si le jugement d'ouverture d'une procédure collective ne précise pas s'il porte sur le seul patrimoine professionnel ou sur le patrimoine professionnel et sur le patrimoine personnel, il convient de savoir comment interpréter une telle lacune.

On peut relever à ce sujet que

- l'article L681-2 dispose 

II. - Dans le cadre de la procédure ouverte, si les conditions prévues au 2° de l'article L. 681-1 ne sont pas réunies à la date du jugement d'ouverture, les dispositions des titres II à IV du présent livre qui intéressent les biens, droits ou obligations du débiteur sont comprises, sauf dispositions contraires, comme visant les éléments du seul patrimoine professionnel. Celles qui intéressent les droits ou obligations des créanciers du débiteur s'appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine professionnel.

III. - Si les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article L. 681-1 sont réunies à la date du jugement d'ouverture, les dispositions des titres II à IV du présent livre qui intéressent les biens, droits ou obligations du débiteur entrepreneur individuel sont comprises, sauf dispositions contraires, comme visant à la fois les éléments du patrimoine professionnel et ceux du patrimoine personnel.

Etant précisé que l'article L681-1 prévoit que 

le tribunal, saisi d'une telle demande, apprécie à la fois :

1° Si les conditions d'ouverture d'une procédure prévue aux titres II à IV du présent livre sont réunies, en fonction de la situation du patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel ;

2° Si les conditions prévues à l'article L. 711-1 du code de la consommation sont réunies, en fonction de l'actif du patrimoine personnel et de l'ensemble des dettes exigibles ou à échoir dont le recouvrement peut être poursuivi sur cet actif.

On peut peut-être donc en déduire que si le jugement n'apporte aucune précision, la procédure collective ne portera que sur le patrimoine professionnel, dès lors qu'on croit comprendre que ce n'est que si le Tribunal considère expressément dans son jugement que les conditions d'ouverture d'un surendettement sont également réunies (sauf l'exception de séparation des patrimoines) que la procédure englobera les deux "patrimoines".

C'est sans doute ce qu'on peut tirer de la mention "sauf dispositions contraires" qui figure dans l'article L681-2.

Ajoutons que le texte a été conçu avec l'objectif de protéger le patrimoine personnel, et il serait donc singulier que ce patrimoine soit inclus par défaut dans la procédure.

On voit mal en effet que la procédure collective engloberait le patrimoine personnel alors que le jugement d'ouverture ne considère pas expressément que les conditions sont réunies.

Faute de mieux, c'est sans doute ce qu'il faut considérer : le silence du jugement sur son emprise profiterait donc, dans certains cas, au débiteur dont seul le patrimoine professionnel sera concerné. Et qui, par symétrie, pourrait servir les créanciers du patrimoine personnel si ce patrimoine permet l'exécution, et les desservir si au contraire c'est le patrimoine personnel qui leur aurait permis d'être payé. 

On doit réserver un cas particulier pour lequel le législateur a, une fois encore, omis d'être précis : la résolution d'un pan obtenu antérieurement à l'entrée en vigueur du texte : par hypothèse le passif soumis au plan englobera le passif personnel et le passif professionnel et il semble difficile dans ce cas de soutenir que la liquidation subséquente se limiterait au patrimoine professionnel.

Le débiteur n'y a d'ailleurs certainement pas intérêt, car cela impliquerait que ses dettes personnelles qui étaient incluse dans le plan ne seraient pas soumises à sa liquidation, permettant ainsi aux créanciers concernés de reprendre les poursuites. Rappelons d'ailleurs que les créanciers inclus dans le plan sont dispensés de déclarer créance dans la liquidation subséquente, et le texte ne prévoit pas d'exception ou d'exclusion pour des créanciers personnels qui, soudainement, seraient exclus de cette nouvelle procédure.

Preuve que là encore, le texte va certainement à l'encontre de son objectif.

En tout état, certains commentateurs estiment que si la juridiction n'a pas statué sur le patrimoine personnel il y a lieu à requête en omission de statuer ce qui à notre sens n'est concevable que si le demandeur a effectivement saisi le tribunal de ce chef, car l'omission de statuer suppose une demande omise, et pas que le tribunal ait lui même omis de se prononcer d'office. Ajoutons que si c'est le débiteur qui a saisi le tribunal il n'a pas nécessairement intérêt à invoquer une omission de statuer, et que si c'est un créancier - par hypothèse professionnel - il n'a aucun intérêt légitime au sens de l'article 31 du CPC à solliciter l'examen du patrimoine personnel ... étant précisé que les mandataires de justice, qui ne sont pas parties à la décision d'ouverture, n'ont pas non plus qualité.

Pour autant ces développements sont envisageables dans le cas du professionnel qui bénéficie effectivement de deux patrimoines.

Il est concevable de rencontre des cas dans lesquels le Tribunal ouvre une procédure collective relative à un entrepreneur individuel qui ne remplit pas les conditions de séparation des patrimoines et dont le jugement d'ouverture ne traite pas de cette question dans la motivation du jugement.

C'est rappelons le, le cas de l'entrepreneur qui n'a que des dettes antérieures au 15 mai 2022 (cas qui va progressivement disparaitre) mais également celui qui n'est pas légalement tenu de s'inscrire et n'a pas pris la précaution d'apposer sur ses documents commerciaux la mention EI ou "entrepreneur individuel" (cas qui sera certainement fréquent).

Faute de remplir les conditions, ce débiteur n'a qu'un patrimoine, mais dans notre hypothèse,  le tribunal ouvre une procédure collective sans le préciser. 

Le doute est total sur la portée du jugement.

On pourrait soutenir, comme ci dessus, que la procédure devrait alors être réputée comme ne portant que sur le patrimoine professionnel ... mais nous sommes précisément dans un cas où ce patrimoine distinct n'existe pas puisque les conditions de séparation des patrimoines ne sont pas réunies.

De sorte que, si on retenait la solution d'une procédure applicable au seul patrimoine professionnel, le jugement ne pourrait être mis en oeuvre ... faute de patrimoine professionnel. 

On pourrait s'interroger sur la possibilité, en pareille circonstance,

- soit de demander au Tribunal d'interpréter sa propre décision, mais ce qui sera certainement inefficace car l'interprétation ne permet pas de changer le sens de la décision,

- soit d' " étendre" la procédure en jugeant qu'en réalité la séparation des patrimoines n'a pas été mise en oeuvre, mais d'une part ce n'est prévu par aucun texte, et d'autre part il nous semble qu'une telle demande ne pourrait être soumise que dans le cadre d'un recours contre le jugement d'ouverture.

Les mandataires de justice, qui sont certainement les mieux renseignés, ne pourraient obtenir du Tribunal qu'il modifie la portée de son jugement, et il n'est évidemment pas question que de leur propre initiative ils décident, sans voie de recours pour le débiteur, qu'en réalité la séparation des patrimoines n'est pas applicable.

Ce cas particulier, qui n'est certainement pas un cas d'école, est donc non résolu.

En tout état à défaut de précision dans le jugement, la publicité légale devra (ou devrait) par contre être précise (voir ci après)

Enfin une autre situation n'est nullement envisagée : la résolution du plan et l'ouverture d'une liquidation judiciaire

On sait que la résolution du plan entraîne une nouvelle procédure, de liquidation judiciaire s'il s'agit d'un plan de redressement.

Ceci étant, si le plan a été obtenu avant l'entrée en vigueur du dispositif sur la séparation des patrimoines, il portait nécessairement sur les deux patrimoines et comprend la plupart du temps des dettes professionnelles et des dettes personnelles. La résolution du plan et la liquidation judiciaire qui s'en suit, procédure nouvelle, permettra au débiteur de bénéficier de la séparation du patrimoine, et donc d'une procédure de liquidation qui ne concernera que son patrimoine professionnel ... sauf que les textes disposent que le passif issu du plan est automatiquement inclu dans le passif de la liquidation judiciaire ... qui devrait donc comprendre des dettes personnelles ... là encore la très mauvaise coordination des textes rend le dispositif source d'insécurité juridique, 

Publicité du jugement

Le jugement de procédure collective fait l'objet des publicités habituelles. 

La publicité précise en fonction de quelle disposition légale le jugement est ouvert (patrimoine professionnel / les deux / ...) et l'article R 681-4 du code de commerce précise à ce sujet "L'avis du jugement mentionné à l'article R. 611-43 et au cinquième alinéa de l'article R. 621-8 contient, outre les mentions prévues par ces dispositions, la dénomination utilisée pour l'exercice de l'activité professionnelle incorporant son nom ou nom d'usage, précédé ou suivi immédiatement des initiales “ EI ” ou “ entrepreneur individuel ” et l'indication de la procédure ouverte en application du II, du III ou du IV de l'article L. 681-2."

Etant précisé que la procédure ouverte en application du II III ou IV de l'article L681-2 signifie patrimoine professionnel (pour le II), les deux patrimoines (pour le III)

Le texte ajoute que si le jugement ne concerne que le patrimoine professionnel et si la commission de surendettement est saisie (IV de l'article L681-2), le jugement est notifié par le greffe aux créanciers signalés par le débiteur (sans préciser s'il s'agit de tous les créanciers ou seulement des créanciers non professionnels, et faute de distinction, ce sera certainement tous les créanciers.

Lorsque deux procédures sont ouvertes (procédure collective et procédure de surendettement) ou lorsque seulement une procédure de surendettement est ouverte le jugement est notifié par le greffe au débiteur et aux créanciers dont l'existence a été signalée par le débiteur. 

Si les deux procédures sont ouvertes, le greffe en avise les intervenants de la procédure collective : le mandataire judiciaire, le ministère public et l'administrateur judiciaire lorsqu'il en a été désigné un (R681-4, al. 2).

La décision de surendettement fait l'objet des mesures habituelles de publicité et avertissement par la commission: notification prévues aux articles R722-1 du code de la consommation (débiteur, créanciers signalés, banques) et R722-6 du code de la consommation (greffe du Tribunal judiciaire en charge des saisies de rémunérations, lequel en informe le tiers saisi  (R 681-4, al. 2).

Evidemment la décision de rejet de la demande d'ouverture (procédure collective ou surendettement) est notifiée par le greffe au débiteur (R 681-4).

Il n'est pas précisé comment les tiers seront à même de distinguer si l'entrepreneur individuel se trouve en procédure collective pour deux activités individuelles successives mais identiques !

Le déroulement de la procédure collective de l'entrepreneur individuel en activité

Les développements qui suivent s'appliquent à la procédure collective ouverte soit spécifiquement pour le patrimoine professionnel soit pour les deux patrimoines.

Inventaire

L'article L622-6 du code de commerce ne prévoit que l'inventaire du patrimoine professionnel (ou plus exactement du patrimoine qui constitue le gage des créanciers professionnels, ce qui peut être plus large si des créances professionnelles s'exercent sur le patrimoine personnel).

On ignore donc comment le patrimoine personnel sera inventorié et s'il le sera (car le patrimoine personnel peut constituer le gage de certains créanciers professionnels) ... ce qui marque peut-être l'intention du législateur qu'il ne soit pas réalisé, et par voie de conséquence affaiblit considérablement les chances de recouvrement des créanciers concernés par rapport à l'ancien dispositif (car ces dettes venaient en concours sur les actifs professionnels) et peut même inciter la débiteur à investir dans cette catégorie d'actif;

D'ailleurs, dans le cas où le procédure porte sur les deux patrimoines, et si un tel inventaire devait être fait, on suppose sur demande du mandataire de justice (ou du Tribunal) même si on ne voit pas sur quel fondement légal, il serait logique que le technicien désigné effectue deux "sous inventaires", pour préciser l'affectation professionnelle ou pas, de tel ou tel bien : ce n'est pas prévu mais ça sera incontournable.

Ceci étant, pour que ce processus soit pertinent, il faudrait envisager que le débiteur ou les créanciers disposent d'une voie de recours contre le positionnement d'un bien par l'inventoriste dans l'un ou l'autre des patrimoines.

Rien n'est envisagé sauf une procédure de soustraction d'un bien présent dans le patrimoine professionnel mais qui n'en relève pas.

Ce qui est particulièrement regrettable.

Cela reporte la responsabilité sur le liquidateur, qui affectera le prix d'un actif à l'un ou l'autre des patrimoines, sans acte juridictionnel susceptible de recours. 

Une bonne pratique pourrait être que dans les ordonnances qui autorisent la vente de tel ou tel actif, le juge commissaire précise la nature professionnelle ou personnelle du bien, ce qui aurait le mérite d'ouvrir une voie de recours au débiteur et aux créanciers.

Le dessaisissement

Le dessaisissement ne devrait porter que sur le patrimoine concerné par la procédure.

L'article L641-9 du code de commerce est beaucoup moins limpide, puisqu'il dispose : 

"I.-Le jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire emporte de plein droit, à partir de sa date, dessaisissement pour le débiteur de l'administration et de la disposition de ses biens composant le patrimoine engagé par l'activité professionnelle, même de ceux qu'il a acquis à quelque titre que ce soit tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée. Les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés pendant toute la durée de la liquidation judiciaire par le liquidateur."

Ce qui laisse planer le doute sur le dessaisissement à propos du patrimoine personnel. Il n'est évidemment pas concevable que le débiteur puisse disposer librement des biens inclus dans son patrimoine personnel, et ce n'est certainement pas l'esprit du texte.

En tout état, il sera certainement difficile à l'entrepreneur de faire admettre à son banquier ou à ses partenaires personnels qu'il est habilité à agir sur ce patrimoine.

Les comptes bancaires

Le compte affecté à l'activité professionnelle est de nature professionnelle, que son intitulé le précise ou pas (dans ce cas ce sont les opérations qui le détermineront). R626-26 Il en est de même d'une éventuelle caisse contenant des espèces. 

Si la procédure ne concerne que le patrimoine professionnel il sera seuil affecté, et il appartiendra au professionnel de faire admettre à sa banque que ses comptes personnels ne sont pas concernés.

Poursuites des créanciers

Les textes n'envisagent pas le cas de la procédure qui ne concerne que le patrimoine professionnel, mais qui comprend des dettes portant sur les deux patrimoines dettes fiscales par exemple ou dettes antérieures au 15 mai 2022 qui s'exercent sur tout le patrimoine (autant la procédure ne peut être ouverte avec séparation des patrimoines si toutes les dettes sont antérieures au 15 mai 2022 - par exemple cas de résolution du plan sans dette nouvelles -, autant elle peut l'être si au moins un dette professionnelle est postérieure)

Il semble logique que les créanciers concernés, c'est à dire ceux auxquels la séparation des patrimoines n'est pas opposable, aient la possibilité de poursuivre l'entrepreneur sur son patrimoine personnel, nonobstant la procédure collective .... ce qui est nouvel inconvénient du dispositif par rapport à l'ancien qui portait sur un patrimoine unique.

Une fois encore, un texte conçu pour protéger l'entrepreneur risque de lui être préjudiciable, et finalement ce n'est que par un surendettement que la question sera évacuée, si l'entrepreneur veut bénéficier un jour de l'absence de reprise des poursuites. Ou la confusion des patrimoines sollicitée par le liquidateur, ce qui est la négation du dispositif légal.

Vérification des créances

Les textes n'évoquent pas la vérification des créances, qui reste donc régie par les textes généraux applicables aux procédures collectives.

La vérification des créances est donc unique, et l'état des créances également, y compris si la procédure porte sur les deux patrimoines.

Pour autant si la procédure porte sur le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, d'une manière ou d'une autre, il conviendra cependant, :

- de rattacher chaque créance à l'un ou l'autre des patrimoines, et ce alors même qu'il n'est pas exigé du créancier qu'il donne cette indication dans sa déclaration de créance. 

- de disposer d'une liste des créances portant sur les deux patrimoines soit en raison de leur date de naissance (antérieures à l'activité), soit en raison de leur nature (fiscales et sociales) ou encore d'une renonciation à la séparation des patrimoines.

Matériellement on peut envisager des "sous listes" de créance, mais qui n'auront pas de conséquence juridique particulière, n'ouvrent pas de recours, et ne sécurisent pas le professionnel.

Si la procédure ne porte que sur le patrimoine professionnel, les créances inhérentes au patrimoine personnel éventuellement déclarées seront contestées, ce qui suppose que le mandataire judiciaire détermine la nature professionnelle ou pas d'une créance. Procéduralement  déclarations de créance personnelles à la procédure collective professionnelle sont irrecevable pour défaut de qualité (dans le même esprit Cass com 4 novembre 2014 n°13-24014)

Financement de la période d'observation

Si la procédure ne porte que sur le patrimoine professionnel, le financement de la période d'observation est assuré par les ressources professionnelles.

Si la procédure porte sur le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, la logique de séparation des patrimoines devrait conduire à ce que les ressources de chaque patrimoine ne soient affectées qu'au financement des dettes du même patrimoine.

Ce qui imposerait aux administrateurs judiciaire une sous-comptabilité.

Ceci étant la pratique sera peut-être différente, avec une "caisse" unique qui fera face à l'ensemble des dettes, dès lors que cela évitera que le défaut de paiement d'un des patrimoines entraîne l'autre dans la liquidation judiciaire.

Mais on touche ici les limites du texte, qui ne prévoit rien en pareille circonstance, car la logique reste la séparation des patrimoines ... complexe à mettre en oeuvre en l'espèce (et nous verrons qu'elle devra sans doute s'effacer en cas de plan).

Plan de sauvegarde ou de redressement

Si la procédure ne porte que sur le patrimoine professionnel, la procédure de droit commun ne subit aucune dérogation. Le patrimoine personnel, resté hors procédure, sera le cas échéant alimenté par la rémunération de l'exploitant ou des subsides. Seules les recettes professionnelles seront affectées au plan, qui ne traitera que des dettes professionnelles.

Si la procédure porte sur le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel, en cas de sauvegarde ou de redressement judiciaire, les textes n'apportent aucune précision ni dérogation par rapport aux dispositions générales.

Il y a donc lieu de penser que l'entrepreneur individuel présentera un plan de redressement ou de sauvegarde unique, qui portera sur l'ensemble des dettes, tous patrimoines confondus.

Par hypothèse ce plan sera financé par l'activité professionnelle. C'est en tout cas la logique, et l'esprit d'un plan de redressement ... mais certainement pas la logique de la séparation des patrimoines, au terme de laquelle le patrimoine professionnel ne répond que des dettes professionnelles.

On ne voit pas, a priori la coexistence de deux plans, un par patrimoine (les textes ne le prévoient pas), ni même celle d'un plan financé d'une part par l'activité professionnelle pour payer le passif professionnel et par les éventuels revenus du patrimoine personnel pour payer le passif personnel.

A priori il y aura donc un plan unique, alimenté par les ressources des deux patrimoines, et qui traitera du passif des deux patrimoines, sans respecter la proportionnalité entre les patrimoines ... ce qui est la négation de la séparation des patrimoines mise en place par le législateur et illustre les lacunes du texte.

Mais l'interprétation des textes peut ménager des surprises. 

Le texte envisage encore moins le cas du patrimoine personnel en capacité de présenter un plan et le patrimoine professionnel voué à la liquidation, et, comme indiqué ci dessous, l'esprit du plan est de reposer sur l'activité et de l'exclure sur le patrimoine professionnel ne peut le présenter. Par voie de conséquence, si notre analyse est exacte, le patrimoine personnel est privé de la possibilité qui lui aurait été offerte en surendettement, de présenter un plan. 

En tout état il convient de rappeler qu'un plan de redressement ne peut cohabiter avec une liquidation judiciaire, la solution étant unique. 

Cession d'entreprise et / ou cessions en liquidation. Le cas particulier de l'insaisissabilité

Cession d'entreprise

Que la procédure porte sur les deux patrimoines ou sur le seul patrimoine professionnel, la cession d'entreprise ne sera, par hypothèse, possible que pour le patrimoine professionnel. L'esprit de la cession d'entreprise ne peut en effet se rencontrer dans la cession du patrimoine personnel.

De sorte que la liquidation judiciaire subséquente qui suivra englobera

- le passif professionnel, qui s'exercera en priorité sur le prix de cession (mais avec les porosités entre les patrimoines déjà signalées)

- et la liquidation du patrimoine personnel s'il est également concerné par la procédure (et le cas échéant des actifs professionnels résiduels). Les actifs du patrimoine personnel seront donc considérés comme des actifs résiduels hors cession

Transmission universelle ?

On ignore sur la possibilité de transmission universelle de patrimoine prévue à l'article L526-27 sera possible, que ce soit dans le cadre d'une cession d'entreprise ou dans le cadre liquidatif.

Cessions en liquidation

L'article L681-2 précise "Les droits de chaque créancier sur le patrimoine professionnel, le patrimoine personnel ou tout ou partie de ces patrimoines sont déterminés conformément à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V et du présent livre." autrement dit de l'article L526-33 qui dispose 

- d'une part Les biens, droits, obligations et sûretés dont il est titulaire et qui sont utiles à son activité ou à ses activités professionnelles indépendantes constituent le patrimoine professionnel de l'entrepreneur individuel. Sous réserve du livre VI du présent code, ce patrimoine ne peut être scindé. Les éléments du patrimoine de l'entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel constituent son patrimoine personnel.

- d'autre part Seul le patrimoine personnel de l'entrepreneur individuel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l'occasion de son exercice professionnel. Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s'exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos. En outre, les sûretés réelles consenties par l'entrepreneur individuel avant le commencement de son activité ou de ses activités professionnelles indépendantes conservent leur effet, quelle que soit leur assiette.

Ainsi si on comprend bien, il existe deux masses actives / passives c'est à dire que le liquidateur effectuera deux "sous-liquidations" distinctes et répartira le produit de la réalisation d'un actif en respectant les droits de chaque catégorie de créanciers (professionnel / non professionnel) voire même trois sous-liquidations si le débiteur a renoncé au bénéfice du dispositif au profit de certains créanciers. Plus exactement d'ailleurs il peut y avoir d'autres sous-liquidation (créances qui portent sur les deux patrimoines).

Affectations d'un patrimoine sur l'autre

Une autre question n'est pas non plus traitée : l'affectation au passif personnel d'une partie du patrimoine professionnel dans le cas où "Toutefois, si le patrimoine personnel est insuffisant, le droit de gage général des créanciers peut s'exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos". 

Le liquidateur devra-t-il attendre de connaître l'éventuelle insuffisance du patrimoine personnel pour répartir le produit de la liquidation du patrimoine professionnel et savoir s'il doit "basculer" une partie du produit de la liquidation du patrimoine professionnel sur le patrimoine personnel ? Que doit on comprendre du mot "peut" ? Est-ce une simple faculté ou une obligation ?

L'insaisissabilité de la résidence principale

Au delà de la complexité de ces opérations et de ces interrogations, il convient de relever que les réticences de la Cour de Cassation qui limitent la qualité pour agir du liquidateur sur la résidence principale au cas d'école où il ne représenterait que des créanciers non professionnels seront (peut-être) désormais sans objet : la résidence principale devrait a minima réalisée par le liquidateur au profit des créanciers du patrimoine personnel (mais sans qu'on sache si les créanciers professionnels auxquels l'insaisissabilité est inopposable pourront en bénéficier !)

Cependant n'oublions pas que la Cour de Cassation refuse qualité pour engager la réalisation au liquidateur qui ne représente pas que des créanciers auxquels l'insaisissabilité est inopposable ... alors qu'en l'espèce le liquidateur continuera à représenter des créanciers professionnels auxquels elle est opposable, sauf à admettre que la qualité du liquidateur est scindée par patrimoine ... ce qui serait une innovation procédurale de plus.

Rappelons que le liquidateur a monopole d'action au nom et dans l'intérêt de la collectivité des créanciers, et que les textes ne prévoient pas qu'il peut agir pour l'un ou l'autre des composantes de cette collectivité, sans égard pour l'autre composante. C'est cependant manifestement l'esprit du texte et la plupart des commentateurs considèrent que le liquidateur devrait pouvoir réaliser la résidence principale au bénéfice des créanciers personnels (a minima si des créanciers auxquels l'insaisissabilité est opposable ne s'immiscent pas dans le passif personnel, comme part exemple des cautions de dettes professionnelles et des créances fiscales "mixtes")

Une fois encore le législateur n'a pas envisagé ces questions, ce qui est déplorable.

Ajoutons que si la réalisation de la résidence principale par le liquidateur était admise dans ce cas, le débiteur serait finalement moins bien protégé par le texte que le débiteur qui a cessé son activité - cas dans lequel l'insaisissabilité est effective et prive le liquidateur de la possibilité de réaliser l'immeuble - ou celui qui n'a pas mis en oeuvre la séparation des patrimoines, ce qui est certainement l'inverse de l'objectif recherché par le législateur, avec une maladresse particulière.

La confusion des patrimoines et la réunion des patrimoines

L 621-2 "A la demande de l'administrateur, du mandataire judiciaire, du débiteur ou du ministère public, la procédure ouverte peut être étendue à une ou plusieurs autres personnes en cas de confusion de leur patrimoine avec celui du débiteur ou de fictivité de la personne morale.

Dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur peuvent être réunis au patrimoine visé par la procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis un manquement grave aux obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure."

La possibilité de confusion des patrimoines est donc expressément évoquée par l'article L621-2 du code de commerce , alors que, par ailleurs et dès lors que la juridiction aura ouvert une procédure qui concerne les deux patrimoines, c'est par hypothèse qu'une certaine porosité existe déjà entre les patrimoines, dès lors qu'à défaut les difficultés du patrimoine personnel relèvent de la commission de surendettement.

Sans doute se présenteront en outre des cas d'imbrication totale entre les patrimoines. Par exemple l'entrepreneur individuel qui exerce une activité indépendante à son domicile, avec son unique véhicule, sur l'ordinateur familial, et ne dispose pas de compte bancaire séparé s'exposera à une action en confusion.

Ceci étant la confusion aura d'autres effets, puisque la séparation des patrimoines cessera.

La possibilité de fraude a déjà évoquée ci dessus dans le régime de l'entrepreneur individuel pour mettre un terme, dans certaines conditions (mais hors procédure collective au profit de certains créanciers) à la séparation des patrimoines.

La réalisation de biens dépendant du patrimoine non soumis à la procédure (patrimoine personnel)

L'article L642-22 dispose 

II. - Sur la demande du débiteur et avec l'autorisation du juge-commissaire ou du tribunal, le liquidateur peut réaliser des biens ou droits composant un autre patrimoine de l'entrepreneur ou insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de l'activité professionnelle de celui-ci, lorsque cette cession facilite la réalisation des actifs du patrimoine saisi par l'effet de l'ouverture de la liquidation judiciaire.

III. - La contrepartie de la valeur de ces biens ou droits s'y substitue dans le patrimoine dont ils sont issus.

Les répartitions

Le liquidateur procèdera le cas échéant à deux répartitions, dès lors que chaque patrimoine comprend actif et passif. Il n'est pas précisé de notion de subsidiarité si un créancier dispose de droits s'exercent sur les deux patrimoines 

Les subsides et rémunération de l'exploitant

L'article L631-11 est adapté et dispose :

"La rémunération afférente aux fonctions exercées par le débiteur, s'il est une personne physique, ou les dirigeants de la personne morale est maintenue en l'état, au jour de l'ouverture de la procédure, sauf décision contraire du juge-commissaire saisi sur demande de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire ou du ministère public.

En l'absence de rémunération, les personnes mentionnées à l'alinéa précédent peuvent obtenir sur l'actif, pour eux et leur famille, des subsides fixés par le juge-commissaire. Le juge-commissaire tient compte des revenus éventuellement perçus au titre du ou des patrimoines non visés par la procédure".

Le courrier de l'exploitant en liquidation judiciaire

L'article L641-15 est adapté pour préciser 

Pendant la procédure de liquidation judiciaire, le juge-commissaire peut ordonner que le liquidateur ou l'administrateur, lorsqu'il en a été désigné, soit le destinataire du courrier adressé au débiteur.

Le débiteur, préalablement informé, peut assister à l'ouverture du courrier. Toutefois, une convocation devant une juridiction, une notification de décisions ou tout autre courrier ayant un caractère personnel doit être immédiatement remis ou restitué au débiteur. Il y a également lieu à remise ou à restitution immédiate du courrier intéressant un patrimoine du débiteur autre que celui visé par la procédure.

Les nullités de la période suspecte

A ce jour la renonciation à la séparation des patrimoines au profit d'un créancier - et donc au détriment des autres créanciers du patrimoine concédé au créancier - ne semble donc pas tomber sous le coup des textes actuels.

Par contre l'article L632-1 a été adapté pour permettre la nullité de "12° Toute affectation ou modification dans l'affectation d'un bien, sous réserve du versement des revenus que l'entrepreneur a déterminés, dont il est résulté un appauvrissement du patrimoine visé par la procédure au bénéfice d'un autre patrimoine de cet entrepreneur "

Les sanctions

Comblement de passif

Les textes sont adaptés et un nouveau cas de responsabilité pour insuffisance d'actif est instauré pour l'entrepreneur individuel auquel une procédure n'est ouverte que pour le patrimoine professionnel : L651-2 "Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou prononcée à l'égard d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V du présent code, le tribunal peut également, dans les mêmes conditions, condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge s'impute sur son patrimoine personnel".

Faillite personnelle

Un nouveau cas de faillite personnelle est également instauré L653-3 

II.-Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l'encontre d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V les faits ci-après :

1° (Abrogé)

2° Sous le couvert de l'activité ou du patrimoine visés par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ou de ce patrimoine ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant.

Les diverses adaptations des textes

L'exigibilité des créances du fait de la liquidation est limitée aux créances du patrimoine qui fait l'objet de la liquidation L643-1

La clôture de la liquidation 

A priori la clôture sera pour insuffisance d'actif, même si les créances de l'un ou l'autre des patrimoines sont intégralement payées, dès lors que celles de l'autre ne le sont pas.

Le texte qui régit les clôtures est adapté L643-11

III.-Les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle dans les cas suivants :

1° La faillite personnelle du débiteur a été prononcée ;

2° Le débiteur a été reconnu coupable de banqueroute ;

3° Le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ou une personne morale dont il a été le dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif moins de cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle il est soumis ainsi que le débiteur qui, au cours des cinq années précédant cette date, a bénéficié des dispositions de l'article L. 645-11 ;

et

VI.-Lorsque la clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif est prononcée à l'issue d'une procédure ouverte à l'égard d'un débiteur relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V ou à raison de l'activité d'un débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, autorise les actions individuelles de tout créancier sur les biens compris dans le patrimoine personnel ou le patrimoine non affecté de cet entrepreneur. Il statue dans les conditions prévues au IV. Les créanciers exercent les droits qui leur sont conférés par les présentes dispositions dans les conditions prévues au V.

(concernant le rétablissement professionnel, s'il ne concerne que le patrimoine professionnel, l'article L645-11 précise que les dettes du patrimoine personnel ne sont pas effacées).

Le cas de la liquidation judiciaire qui concernerait les deux patrimoines n'est pas réglé de manière très précise et on peut par exemple se demander comment il conviendra de clôturer la liquidation si les dettes de l'un des patrimoines sont totalement payées et celles de l'autre pas : c'est certainement une cloture pour insuffisance d'actif qui sera recherchée, ce qui revient à un traitement unitaire des deux patrimoines. 

Le boni éventuel d'un patrimoine ne sera a priori pas affecté à l'autre.

Voies de recours

Ce sont les voies de recours "standard" R681-5

Contestations de la délimitation des patrimoines / charge de la preuve / réunion des patrimoines

Procédure de soustraction d'un bien de l'emprise du patrimoine professionnel

L'article L624-19 du code de commerce prévoit une procédure similaire à la revendication, si un bien est présent dans le patrimoine professionnel sans en relever.

"Le débiteur établit, dans les conditions prévues par l'article L. 624-9, la consistance des biens détenus dans le cadre de l'activité à raison de laquelle la procédure a été ouverte qui sont compris dans un autre de ses patrimoines. L'administrateur, avec l'accord du mandataire judiciaire, peut acquiescer à la demande tendant à la reprise du bien. A défaut d'acquiescement ou en l'absence d'administrateur, la demande est portée devant le juge-commissaire."

Le délai de l'action en revendication doit donc être respecté.

Contestations

L681-2. Le tribunal connaît des contestations relatives à la séparation des patrimoines de l'entrepreneur individuel qui s'élèvent à l'occasion de la procédure ouverte.

Le décret 2022-890 du 14 juin 2022 prévoit :

« Art. R. 681-6. - Le créancier qui n'est pas partie à un jugement mentionné à l'article R. 681-5 peut contester la séparation des patrimoines de l'entrepreneur individuel par déclaration au greffe du tribunal dans un délai de dix jours à compter de la notification qui lui a été faite, ou à compter de la publication du jugement au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
« En cas de contestation, l'entrepreneur individuel, les créanciers connus, le mandataire judiciaire, le ministère public et l'administrateur judiciaire, lorsqu'il en a été désigné un, sont convoqués par tout moyen et sans délai par le greffe. Le tribunal recueille leurs observations et statue sur l'ensemble des contestations soulevées.
« La décision du tribunal est notifiée par le greffe. Elle est susceptible d'appel dans un délai de dix jours à compter de sa notification.

Charge de la preuve

La charge de la preuve de l'appartenance d'un bien à l'un ou l'autre des patrimoines incombe à l'entrepreneur, mais le créancier peut-être responsable en cas d'abus de saisie.

L526-22

La charge de la preuve incombe à l'entrepreneur individuel pour toute contestation de mesures d'exécution forcée ou de mesures conservatoires qu'il élève concernant l'inclusion ou non de certains éléments d'actif dans le périmètre du droit de gage général du créancier. Sans préjudice de l'article L. 121-2 du code des procédures civiles d'exécution, la responsabilité du créancier saisissant peut être recherchée pour abus de saisie lorsqu'il a procédé à une mesure d'exécution forcée ou à une mesure conservatoire sur un élément d'actif ne faisant manifestement pas partie de son gage général.

Réunion des patrimoines

Comme déjà indiqué, l'article L681-2 permet l'ouverture d'une procédure collective qui englobera les deux patrimoines (avec manifestement deux "sous liquidations", et l'article R621-8 permet d'envisager une action en extension au patrimoine personnel)

Nouvelle activité professionnelle sans attendre la clôture de la liquidation judiciaire.

L681-2 VII. - Lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, l'entrepreneur individuel peut exercer une nouvelle activité professionnelle. Un nouveau patrimoine professionnel est alors constitué. Ce patrimoine professionnel n'est pas concerné par la procédure ouverte.

Le débiteur ne peut constituer plus de deux patrimoines distincts de son patrimoine personnel.

La faculté d'exercer une nouvelle activité professionnelle dans les conditions prévues au premier alinéa du présent VII ne s'applique pas au débiteur qui, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, a fait l'objet, depuis moins de cinq ans, d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ou d'une décision de clôture d'une procédure de rétablissement professionnel.

Il ne semble pas y avoir de limitation en matière de domaine de la nouvelle activité, de sorte que l'entrepreneur individuel en liquidation peut reprendre la même activité.

Ce qui est logique dans une perspective de rebond, et sera ponctuellement mal perçu par les créanciers impayés de la même activité soumis à la liquidation judiciaire.

Ajoutons que le financement de la création de la nouvelle activité est assez mystérieux dès lors qu'a priori les fonds versés au débiteur sont sous l'emprise de sa liquidation - qu'il s'agisse de prêts ( que le dessaisissement exclue d'ailleurs) ou de dons. Mais la pratique trouvera sans doute des possibilités.

En outre il n'est manifestement pas prévu l'attribution d'un nouveau numéro SIREN, l'exercice d'une nouvelle activité n'étant pas un motif de délivrance d'un nouveau numéro ... de sorte que l'entrepreneur risque de rencontrer bien des obstacles pour faire admettre la distinction entre ses activités successives pendant la liquidation judiciaire de la première, et que les créanciers risquent font de ne pas s'y retrouver.

La limite fixée au texte ci dessus, relative à la clôture d'une précédente procédure s'interprétera strictement, de sorte que tant que la précédente liquidation n'est pas clôturée, l'entrepreneur peut constituer une nouvelle activité pendant que la première procédure perdure.

Le nouveau patrimoine professionnel n'est pas sous l'emprise de la liquidation judiciaire du précédent L681-2

Si on pousse le raisonnement, le même entrepreneur pourra être sous l'emprise de deux liquidations judiciaires concomitantes, relatives aux deux patrimoines professionnels créés successivement, le second pendant la première liquidation.

Evidemment post clôture, l'entrepreneur est libre de constituer une nouvelle activité (sauf faillite personnelle ou interdiction de gérer), et la dérogation prévue par les textes consiste simplement à permettre, une fois, à l'entrepreneur en procédure collective de créer une nouvelle activité sans attendre la clôture

Le traitement des difficultés de l'entrepreneur individuel qui a cessé son activité

Que ce soit en cas de décès ou de cessation d'activité, la séparation des patrimoines cesse.

L526-22 Dans le cas où un entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel sont réunis. Il en est de même en cas de décès de l'entrepreneur individuel, sous réserve des articles L. 631-3 et L. 640-3 du présent code 

Etant précisé que

L631-3 dispose 

La procédure de redressement judiciaire est également applicable aux personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 631-2 après la cessation de leur activité professionnelle si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière.

Lorsqu'une personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, un agriculteur ou toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, est décédé alors que le patrimoine engagé par l'activité ou les activités professionnelles était en situation de cessation des paiements, le tribunal peut être saisi, dans le délai d'un an à compter de la date du décès, sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, ou sur requête du ministère public. Le tribunal peut être saisi sans condition de délai par tout héritier du débiteur.

- L640-3 dispose

La procédure de liquidation judiciaire est également ouverte aux personnes mentionnées au premier alinéa de l'article L. 640-2 après la cessation de leur activité professionnelle, si tout ou partie de leur passif provient de cette dernière.

Lorsqu'une personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, un agriculteur ou toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, est décédé alors que le patrimoine engagé par l'activité ou les activités professionnelles était en situation de cessation des paiements, le tribunal peut être saisi, dans le délai d'un an à compter de la date du décès, sur l'assignation d'un créancier, quelle que soit la nature de sa créance, ou sur requête du ministère public. Il peut être saisi sans condition de délai par tout héritier du débiteur.

Autrement dit, le clivage antérieur subsiste :

- Le professionnel qui a cessé son activité, se trouve en état de cessation des paiements et dont une partie du passif est issu de son activité professionnelle relèvera de la procédure collective (L631-1 et L640-3) mais la séparation des patrimoines cesse. La procédure ne distinguera pas entre le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel.

- Le professionnel qui a cessé son activité et dont le passif est exclusivement personnel relève du surendettement.

- Le professionnel décédé alors que son patrimoine professionnel est en état de cessation des paiements fera l'objet d'une procédure collective qui fera abstraction de la séparation du patrimoine, qui cesse par le décès. 

- Le sort du débiteur décédé alors que ses dettes sont uniquement personnelles n'est pas réglé puisque le surendettement n'est pas possible pour une personne décédée.

- a priori le liquidateur ne pourra réaliser la résidence principale que s'il représente exclusivement des créanciers auxquels l'insaisissabilité est inopposable, et alors même qu'en situation de poursuite d'activité au moment de l'ouverture de la procédure collective (voir ci dessus) il est probable qu'il le puisse au profit des créanciers figurant dans le patrimoine personnel. Autrement dit, si cette solution se confirme, le débiteur a peut-être intérêt à cesser son activité avant l'ouverture de la procédure si ses deux patrimoines sont en difficulté et s'il est propriétaire de sa résidence principale.