Nantissement de parts sociales

Généralités

Le principe du nantissement des parts sociales est posé par l'article 1866 du code civil "Les parts sociales peuvent faire l'objet d'un nantissement constaté, soit par acte authentique, soit par acte sous signatures privées signifié à la société ou accepté par elle dans un acte authentique, et donnant lieu à une publicité dont la date détermine le rang des créanciers nantis. Ceux dont les titres sont publiés le même jour viennent en concurrence."

Le privilège du créancier gagiste subsiste sur les droits sociaux nantis, par le seul fait de la publication du nantissement."

Des dispositifs pratiquement identiques sont organisés par le code civil si le nantissement est de nature civile et le code de commerce s'il est de nature commerciale

Etant précisé que le nantissement des parts de SCP est interdit.

Le nantissement civil ou commercial

Pour garantir ses propres dettes (ou les dettes d'un tiers cf article 2334 du code civil) un associé peut, conventionnellement, donner en nantissement les parts qu'il détient au capital d'une personne morale (mais uniquement les parts représentatives d'un apport en numéraire ou en nature, les parts d'industrie ne pouvant être nanties).

Le nantissement de parts sociales, qui sont des biens incorporels, est assimilé à un gage sur meubles corporels, dont le régime lui est applicable et notamment l'article 2355 du code civil.

Conformément aux dispositions de l'article 2336 du code civil, le nantissement résulte d'un contrat écrit précisant la désignation de la dette garantie et le détail des parts données en gage. 

Etant précisé que si le nantissement est commercial, c'est à dire si le constituant est commerçant ou s'il est constitué en garantie des engagements pris entre commerçants , l'écrit n'est pas nécessaire et le nantissement peut être prouvé par tout moyen (article L521-1 du code de commerce qui procède par renvoi à l'article L110.3)

Le nantissement peut également être judiciaire (articles l511-1 et L531-1 du code des procédures civiles d'exécution, et R532-3 et R532-4) et doit, dans ce cas, à peine de caducité, être signifié dans les 8 jours au débiteur (R532-5)

L'autorisation des associés de la société dont les titres sont nantis

Le droit des sociétés reste applicable pour partie et notamment l'article L223-15 du code de commerce organise une possibilité pour la société de donner son consentement au nantissement, ce qui vaudra agrément du créancier comme associé en cas d'attribution judiciaire des parts. Cela évitera un refus d'agrément en cas d'attribution judiciaire des parts.

Cet agrément est donné dans les formes de l'article L223-14 du code de commerce (cessions de parts) et est précédé d'une notification dans les formes de l'article R223-11 qui provoque une assemblée des associés (R223-12)

A défaut de cette procédure préalable, le créancier nanti devra être agréé dans les formes sociales s'il sollicite l'attribution judiciaire des parts.

La publicité du nantissement

Au visa de l'article 2337 du code civil, pour être opposable aux tiers, comme tous les gages sans dépossession (article 2338 du code civil), le nantissement doit être publié.

Le régime de la publicité est différent suivant que la société dont les parts sont nanties est civile ou commerciale.

Concernant les nantissements de parts sociales de sociétés civiles, c'est l'article 57 du décret 78-704 du 3 juillet 1978 qui organise un fichier des nantissements, tenu dans chaque greffe du tribunal de commerce.

L'état des nantissement est accessible sur les sites Infogreffe par l'entrée dans la société dont les titres sont nantis, à la rubrique "Etat d'endettement" (ce qui est une aberration puisque il ne s'agit pas d'une dette de la société) avec la sous rubrique "Catégorie 6 nantissement de parts sociales" 

Concernant les nantissements de parts sociales de sociétés commerciales, c'est le régime de l'inscription des gages sans dépossession qui est applicable et c'est le décret 2006-1804 du 23 décembre 2006 qui règlemente désormais l'inscription, qui préserve le gage pendant 5 ans (entrée en vigueur le 1er mars 2007)

L'état des nantissement est accessible sur les sites Infogreffe :

- par l'entrée dans la société dont les titres sont nantis, à la rubrique "Etat d'endettement" (ce qui est une aberration puisque il ne s'agit pas d'une dette de la société) mais la sous rubrique "Gages sans dépossession" n'existe pas et il faut donc commander (et payer ) l'état d'endettement complet pour y accéder (!!)

-  par une recherche (gratuite) sur le fichier national des gages dans dépossession, à partir du nom et du numéro de RCS du constituant (mais pour faciliter les choses le nom de la société dont les titres sont nantis n'apparait pas) (adresse https://www.infogreffe.fr/recherche-gage-sans-depossession)

L'alinéa 1 du décret di 23 décembre 2006 précise : 

"L'inscription du gage prévue à l'article 2338 du code civil est faite à la requête du créancier sur un registre spécial tenu par le greffier du tribunal de commerce dans le ressort duquel le constituant est immatriculé ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation d'immatriculation, dans le ressort duquel est situé, selon le cas, son siège ou son domicile.

L'inscription du nantissement de parts sociales, prise en application du dernier alinéa de l'article 2355 du code civil, est faite auprès du greffier du tribunal de commerce du lieu d'immatriculation de la société dont les parts sont nanties.

Le greffier attribue à l'acte de gage ou de nantissement un numéro d'ordre.

Le registre prévu au premier alinéa peut être tenu sous forme électronique. Dans ce cas, il est fait usage d'une signature électronique sécurisée dans les conditions prévues par l'article 1367 du code civil et le décret du 30 mars 2001 pris pour son application."

(le constituant est le porteur de parts qui consent le nantissement)

Et l'article 2

Le créancier remet ou adresse au greffier du tribunal de commerce l'un des originaux de l'acte constitutif de la sûreté ou une expédition si l'acte est établi sous forme authentique.

Un bordereau en deux exemplaires est joint à l'acte.

Il comporte :

1° La désignation du constituant et du créancier :

a) S'il s'agit d'une personne physique : ses nom, prénoms, date et lieu de naissance, domicile ainsi que, le cas échéant, son numéro unique d'identification complété, s'il y a lieu, par la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée ;

b) S'il s'agit d'une personne morale : sa forme, sa dénomination sociale, l'adresse de son siège social ainsi que, le cas échéant, son numéro unique d'identification complété, s'il y a lieu, par la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée ;

2° La date de l'acte constitutif de la sûreté ;

3° Le montant de la créance garantie en principal, la date de son exigibilité, l'indication du taux des intérêts ainsi que, le cas échéant, la mention de l'existence d'un pacte commissoire. Pour les créances futures, le bordereau mentionne les éléments permettant de les déterminer ;

4° La désignation du bien gagé avec l'indication des éléments permettant de l'identifier, notamment sa nature, son lieu de situation et, le cas échéant, sa marque ou son numéro de série, ou, lorsqu'il s'agit d'un ensemble de biens présents ou futurs, leur nature, qualité, et quantité ;

5° Pour les sociétés dont les parts sont nanties, leur forme, leur dénomination sociale, l'adresse de leur siège social, leur numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, le nombre de parts sociales nanties et leur valeur nominale ;

6° La catégorie à laquelle le bien affecté en garantie appartient par référence à une nomenclature fixée par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice ;

7° Le cas échéant, la faculté pour le constituant d'aliéner les choses fongibles gagées dans les conditions prévues par l'article 2342 du code civil.

(le rédacteur de l'acte de nantissement est en charge de la publicité, sauf dispense Cass civ 1ère 16 octobre 2008 n°07-14695

L'inscription de nantissement prend effet à sa date et pendant 5 ans. Elle peut être renouvelée, à défaut de quoi elle cesse de produire effet et peut être radiée d'office par le greffe (articles 6 et 7 du décret 2006-1804 du 23 décembre 2006)

La radiation peut évidemment intervenir également sur justification d'un accord des parties ou d'un acte de main levée, ou encore d'une décision de justice passée en force de chose jugée (article 8 du décret 2006-1804)

Matériellement les greffiers des tribunaux de commerce tiennent un fichier électronique national des gages sans dépossession qui peut être consulté gratuitement (articles 9 à 12 du décret 2006-1804)

Les effets du nantissement

L'associé exerce alors ses prérogatives d'associé, et notamment ses droits de vote, nonobstant le nantissement sauf si le créancier demande que les parts soient séquestrées.

A l'échéance de la dette, le nantissement s'exerce sur le prix de vente des parts, notamment dans le cadre de la vente forcée qui peut être provoquée par le créancier (article 2346 du code civil ou L521-3 du code de commerce suivant que le nantissement est de nature civile ou commerciale)

Le créancier peut en effet :

- demander la vente aux enchères publique des actions gagées (dans les formes du code des procédures civiles d'exécution si le gage est civil article 2346 du code civil, et aux enchères 8 jours après une simple signification si le gage est commercial article L521-3 du code de commerce). Le créancier et le débiteur ne peuvent déroger aux modalités de vente (articles 2346 du code civil et L521-3 du code de commerce) mais cependant rien n'interdit à l'associé de mandater le créancier pour céder amiablement les parts. 

- demander l'attribution judiciaire des parts (2347 du code civil ou L521-3 du code de commerce suivant que le nantissement est de nature civile ou commerciale). Cette attribution est possible même en présence de créanciers de meilleur rang (Cass Com 3 juin 2008 n°07-12017) qui seraient venus avant le créancier nanti si les parts avaient été vendues. L'attributaire des parts doit cependant reverser la part du prix des actions qui excède sa créance (articles 2347 et 2348 du code civil et L621-3 suivant que le gage est civil ou commercial)

Le créancier attributaire des parts doit être agréé dans les conditions légales ou statutaires et c'est la raison des formalités préalables (voir ci dessus), étant précisé que même si l'agrément préalable avait été donné (voir ci dessus) la société pourrait préférer réduire son capital pour éviter l'entrée du créancier dans le capital (L223-15 du code de commerce).

- devenir automatiquement propriétaire des parts si un pacte commissoire le prévoit (dans l'acte de nantissement ou un acte postérieur) au visa de l'article 2247 du code civil (société civile) ou L521-3 alinéa 4 (société commerciale), sauf en garantie d'un crédit à la consommation.

(voir également L223-14 et R223-11)

A priori s'agissant d'un gage sans dépossession, le créancier nanti ne perçoit pas les revenus des parts, l'article 2345 du code civil s'appliquant au gage avec dépossession. En outre les conventions prévoient de manière quasi systématique que la titulaire des parts perçoit les revenus des parts.

Pour autant, le titulaire du nantissement n'est pas créancier du constituant au titre du nantissement de parts "une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel du constituant de cette sûreté à satisfaire à l'obligation d'autrui, le créancier bénéficiaire de la sûreté ne peut agir en paiement contre le constituant, qui n'est pas son débiteur". Cass com 17 juin 2020 n°19-13153

Dispositif antérieur au décret du 23 décembre 2016

Le régime actuel est venu remplacer le dispositif antérieur, prévu à l'ancien article 2072 du code civil et organisé aux articles 2073 et suivants  qui précisait que le gage confère le droit de se faire payer sur la chose gagée - comprendre sur son prix ou par son attribution- et conditionnait son opposabilité à l'existence d'un acte enregistré cf article 2074 .

La loi 66-537 organisait à cette époque un mécanisme d'autorisation de la société, comme c'est le cas actuellement (articles 275 et 277) et un registre spécial n'était prévu au greffe que pour les sociétés civiles (décret 78-704 articles 54 et 55).

Le gage de valeurs mobilières d'une société commerciale était alors régi par l'article 29 de la loi 83-1.