Cloture du redressement judiciaire (paiement du passif en période d'observation)
Quelques points de la définition
Le processus de sortie du redressement judiciaire par extinction du passif
Comment et par qui sont payés les créanciers
Généralités
Le redressement judiciaire peut conduire à l'adoption d'un plan de redressement, à une cession d'entreprise, ou en cas d'absence de solution à une liquidation judiciaire
Il se peut aussi qu'en cours de période d'observation, et en partie par les effets du redressement judiciaire (et notamment la suspension des poursuites) l'entreprise dispose des sommes suffisantes pour payer l'intégralité du passif et des frais. Il se peut aussi que l'arrivée d'un nouvel actionnaire procure des fonds à l'entreprise dans des conditions lui permettant de faire face à ses dettes exigibles.
Dans ce cas le tribunal, saisi par le débiteur, met fin à la procédure en cours de période d'observation (le texte n'emploie pas expressément le terme "clôture"). Plus précisément le Tribunal dispose d'un pouvoir d'appréciation, notamment pour estimer le montant des frais à payer, mais également pour appréhender l'actif disponible Cass com 22 novembre 2023 n°22-17894
Ce mode d'achèvement de la procédure de redressement judiciaire est souvent une alternative à un plan de redressement très court (par exemple en une échéance). Il présente le mérite de la rapidité, mais certainement un inconvénient : il semble acquis en effet que les créances forcloses (qui n'ont pas été déclarées dans les délais légaux ni relevées de forclusion), qui sont "inopposables" à l'entreprise pendant le plan et au delà du plan s'il est exécuté, peuvent être invoquées contre l'entreprise en cas de "sortie" du redressement judiciaire sans le recours à un plan. En effet le texte spécifique qui s'applique au plan n'est pas transposé à ce type de solution.
Pour les différences de situation et de conséquences entre les différents modes de paiements intégral du passif voir clôture pour extinction du passif
Le processus de sortie de la procédure de redressement judiciaire par extinction du passif
L'entreprise, qui a bénéficié pendant la période d'observation de la suspension des poursuites des créanciers, et a donc pu reconstituer sa trésorerie, peut se trouver en position de régler l'intégralité de son passif.
Après que la jurisprudence ait progressivement admis que le débiteur en redressement judiciaire puisse sortir de la procédure collective, sans même qu’il soit nécessaire de passer par l’étape d’un plan de redressement, dès lors qu’il disposait des sommes nécessaires au paiement du passif, la loi est venue consacrer cette solution.
Ainsi l’Article L631-16 du code de commerce, applicable au redressement judiciaire, dispose :
« S'il apparaît, au cours de la période d'observation, que le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure, le tribunal peut mettre fin à celle-ci.
Il statue à la demande du débiteur, dans les conditions prévues au deuxième alinéa du II de l'article L. 631-15. », c’est-à-dire « après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, et avoir recueilli l'avis du ministère public. »
Ainsi, pour autant que le débiteur dispose des sommes nécessaires au paiement des créances antérieures échues et des créances postérieures, il pourra s’exonérer d’un plan de redressement (encore qu’il se prive alors des délais qu’il aurait obtenus dans le cadre de ce plan).
Dans ce cas le Tribunal met fin à la procédure après avoir constaté que le débiteur dispose des sommes nécessaires au règlement de l'entier passif (L631-16 du code de commerce)
Le redressement judiciaire n’emportant pas déchéance du terme, les créances à échoir n’ont pas à être prises en considération. Le Tribunal est par contre fondé à prendre en considération les frais de justice ( et notamment les honoraires des mandataires de justice) même si ceux-ci ne sont qu'estimés et pas encore arrêtés Cass com 22 novembre 2023 n°22-17894
La mention « le tribunal peut y mettre fin » de l’article L631-16 indique qu’il ne s’agit que d’une faculté pour le tribunal, comme ça l’est d’ailleurs pour le débiteur lui-même : l’un ou l’autre peuvent juger préférable qu’un plan de redressement qui procurera des délais supplémentaires et permettra dans certaines circonstances de rééchelonner les créances à échoir, soit proposé, pour préserver l’entreprise (mais évidemment dans ce cas, à l’inverse, les créanciers pourraient être tentés de refuser un plan trop long alors que les disponibilités de l’entreprise permettent de les payer au comptant.
(pour un exemple de refus du tribunal de mettre fin à la procédure, alors même que le débiteur disposait des sommes nécessaires, mais que la pérennité de l’entreprise n’était pas assurée voir Cass com 16 décembre 2008 n°07-22033 « qu'ainsi, la cour d'appel en relevant, pour refuser de mettre fin au redressement judiciaire, qu'il importait peu que la société soit en mesure de régler le passif échu dès lors qu'il n'était pas démontré que la pérennité de l'entreprise était préservée, a ajouté à la loi une condition qu'elle ne pose pas et violé le texte précité ;
Mais attendu qu'après avoir retenu, par une décision motivée, non qu'il importait peu que la société soit en mesure de régler le passif échu, mais seulement que cette possibilité n'avait été concrétisée qu'en cause d'appel, après plusieurs promesses en ce sens et au prix d'un nouvel emprunt auprès d'une banque et de nouvelles dettes à l'égard des associés, de sorte que la possibilité d'assurer la pérennité de l'entreprise n'était pas démontrée, la cour d'appel n'a fait qu'user du pouvoir souverain qu'elle tient de l'article L. 631-16 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, en ne faisant pas usage de la faculté offerte par ce texte de mettre fin au redressement judiciaire ». Ce type de décision est d’ailleurs critiqué en doctrine car rien n’interdit au débiteur qui sollicite la fin du redressement judiciaire de cesser toute activité, ce qui rend illusoire la notion de pérennité de l’entreprise, mais en tout état le texte offre une faculté au tribunal, ce qui implique qu’il peut refuser de faire droit à la demande.
Comment et par qui les créanciers sont payés en cas de sortie de la procédure en cours de période d'observation ?
Le texte (L631-16) ne précise pas comment est effectué le règlement des créanciers, et indique simplement que le tribunal peut mettre fin à la procédure s'il advient que le débiteur dispose des sommes nécessaires au règlement les créanciers et payer les frais et les créances postérieures échues.
L'article R631-25 précise pour sa part que la mission des mandataires de justice ( administrateur et mandataire judiciaire) prend fin ipso facto puisqu'ils doivent rendre leur comptes dans délai.
Il semble donc qu'il ne leur appartienne pas d'effectuer le règlement des créanciers, et il est vrai qu'à la lettre du texte c'est le débiteur qui détient les fonds et pas eux.
Ce vide juridique peut être gênant, et le tribunal ne semble donc pas avoir de contrôle sur le paiement effectif des créanciers.
Pour autant l'article R663-26 du code de commerce prévoit la rémunération du mandataire judiciaire (honoraires identiques à l'honoraire de répartition du liquidateur), dans le cas où il est désigné pour effectuer les paiements: on en tire donc que le tribunal peut préciser que le mandataire judiciaire est en charge des règlements, ce qui supposera que les sommes nécessaires lui soient versées, et que sa reddition de comptes soit alors différée.
Ce texte est le seul qui évoque une telle mission et les dispositions de la partie législative du code de commerce n'en disent rien. Pour autant il semble donc possible, et prudent, que la répartition soit encadrée et qu'il en soit rendu compte au tribunal.
L'alternative entre la clôture pour extinction du passif en cours de période d'observation et un plan de redressement en une échéance.
A priori le débiteur qui peut payer tout son passif en période d'observation a le choix entre deux alternatives équivalentes: proposer un plan de redressement en une échéance rapprochée (par exemple paiement à 100% en un versement unique sous trois mois) ou demander qu'il soit mis fin à la procédure après paiement de tout le passif (L631-16 du code de commerce)
Ces deux modes de "sortie" du redressement ne sont pas strictement équivalentes.
L'équivalence est en effet parfaite pour les créances en cours de contestation et les créances postérieures, mais la différence peut être significative pour les créances forcloses, c'est à dire déclarées hors délai.
Voir le mot inopposabilité des créances non déclarées