Liquidation "amiable" (au sens du droit des sociétés)

Voir également les mots "société" "dissolution" et "liquidateur" et radiation

Généralités

La liquidation dite amiable, qui est la liquidation au sens du droit des sociétés, est à différencier de la liquidation judiciaire.

Il s'agit ici de mettre un terme à la société, en réalisant les actifs puis en payant le cas échéant les créanciers.

A l'issue de la liquidation et après sa clôture et la reddition des comptes du liquidateur dont la mission prend fin, il est procédé au partage d'un éventuel excédent (qu'on appelle boni de liquidation) entre les associés.

Les opérations de liquidation sont menées par un liquidateur "au sens du droit des sociétés", dont la désignation peut être prévue dans les statuts, qui peut à défaut être désigné par les associés, ou encore judiciairement (par exemple par le juge qui prononce la dissolution pour mésentente entre associés).

Ce liquidateur, qui n'a rien de commun avec le liquidateur au sens de la liquidation judiciaire, peut parfaitement être un associé. (pour plus de précisions voir le mot "liquidateur")

Le déroulement de la liquidation

La personnalité morale de la société survit pour les besoins de la liquidation et strictement pour cela : le liquidateur ne peut entreprendre de nouvelles opérations dès lors que la société ne poursuit pas son activité. Il ne peut non plus prendre des initiative qui aggraveraient la situation de la société (rémunération allouée a postériori au dirigeant, opérations de placement spéculatifs ...). Le compte bancaire de la société est clôturé sauf prorogation.

Les associés ne peuvent plus exercer leur droit de retrait visé à l'article 1869 du code civil

Le fonctionnement de la personne morale subsiste, avec notamment la tenue des assemblées prévues par les textes. La société ne peut faire l'objet de transformation.

Le liquidateur est tenu d'établir un inventaire, et les comptes annuels qui sauf dispense accordée par le président du tribunal doivent être approuvés annuellement par une assemblée.

Les contrats en cours sont poursuivis (article L237-5) sauf résiliation par le liquidateur, et notamment le bail se poursuit jusqu'à la clôture de la liquidation, date à laquelle il est réputé résilié de plein droit.

Pour les sociétés commerciales la liquidation dure 3 ans, sauf renouvellement accordé dans les mêmes formes que la désignation du liquidateur, dans le premier délai.

Aspect procéduraux

A priori la liquidation de la société n'a pas d'effet interruptif sur une instance en cours au sens des articles 369 et suivants du CPC Cass civ 3ème 13 mai 1986 n°85-10691

Durant la liquidation c'est le liquidateur qui a qualité pour représenter la société. Les associés n'ont aucune qualité pour agir pour la société et sont donc irrecevables Cass com 1er février 2000 n°97-17952 y compris en cas d'inaction de la société Cass com 15 décembre 1977 n°76-11865

La publication de la clôture de la liquidation entraîne théoriquement la perte de la personne morale de la société (article 1844-8 du code civil applicable à toutes sociétés) mais l'article L237-2 du code de commerce applicable aux sociétés commerciales précise d'une part que c'est la clôture qui fait perdre la personnalité morale à la société, l'alinéa suivant précisant que cette clôture n'est opposable aux tiers qu'une fois publiée au registre du commerce.

Ce n'est que si la société n'existe plus et est radiée et n'a plus de droit et obligations que l'assignation qui lui est délivrée est nulle, cette nullité de fond ne pouvant être régularisée au visa de l'article 121 du CPC  Cass Civ 2ème 23 septembre 2002 n°09-70355 pour une société qui avait été absorbée et dont les obligations étaient donc transmises à l'absorbante et Cass civ 2ème 21 décembre 2000 n°98-21943 pour l'intervention avant que le juge statue d'un mandataire ad-hoc.

Pour plus de détail voir le mot radiation du registre du commerce (à la rubrique radiation et survie de la personnalité morale)

Clôture de la liquidation et responsabilité du liquidateur

Une clôture trop rapide de la liquidation peut être organisée pour mettre la société à l'abri de poursuites. Pour cette raison la Cour de Cassation a eu l'occasion à plusieurs reprises de juger que la clôture de la liquidation n'était pas un obstacle à la poursuite de la personnalité morale de la société si elle était intervenue alors que cette dernière avait encore des droit et obligations.

Enfin le liquidateur est évidemment personnellement responsable de ses fautes étant précisé que le régime de la faute du dirigeant, qui impose une faute détachable des fonctions de dirigeant pour rechercher sa responsabilité personnelle n'est pas transposable au liquidateur, qui peut être recherché d'office. Cass com 11 juin 2013 n°12-18853

Ainsi le liquidateur qui ne résilie pas un contrat dont il connait l'existence, par exemple de location de matériel et ne restitue pas le matériel loué engage sa responsabilité.  

Le liquidateur amiable qui clôture trop rapidement la société engage sa responsabilité Cass civ 3ème 4 octobre 2018 n°17-17855 (en l'espèce clôture de la liquidation alors que le litige était en cours) ou Cass com 2 mai 1985 n°83-17409 Cass com 20 novembre 2007 n°06-19286

Certaines décisions évoquent en pareille circonstance la possibilité de reprise de la liquidation, ce qui n'est pas prévu par les textes, et c'est plutôt par la désignation d'un mandataire ad-hoc que les droits de la société liquidée prématurément sont éventuellement exercés, ce qui suppose évidemment que la personnalité morale ait subsisté (voir le mot radiation). Au delà on peut penser à une indivision entre les associés, au visa de l'article 1844-9 du code civil

En tout état le liquidateur amiable qui ne peut payer tous les créanciers sociaux doit solliciter l'ouverture d'une procédure collective Cass Com 10 décembre 2009 n°08-22137.

Le processus de paiement des créanciers n'est pas celui d'une procédure collective, et le liquidateur doit payer les créanciers au fur et à mesure qu'ils se présentent, sauf le cas où ils sont connus du liquidateur qui doit alors tous les payer et effectuer une déclaration de cessation des paiements si c'est impossible, sans avoir favorisé l'un d'eux. Voir par exemple Cass Com 2 février 1988 n°86-17209 dans une espèce où le liquidateur amiable est personnellement condamné au paiement d'une dette de la société, qu'il n'a pas payée dans le cadre des opérations de liquidation et alors qu'on comprend qu'il aurait payé d'autres créanciers (mais l'arrêt est assez imprécis sur les faits).

A compter de l'entrée en vigueur du décret 2024-751 du 7 juillet 2024 (1er octobre 2024), la clôture de la liquidation doit être accompagnée d'une attestation de régularité fiscale et sociale, pour éviter des clôtures rapides destinées à tenter de mettre un terme à la société sans que cette dernière assume ses dettes fiscales et sociales. L'article 10 du décret 78-704 du 3 juillet 1978 est modifié en conséquence.

Dans le cadre des opérations de liquidation, un litige en cours doit donner lieu à une provision Cass com 9 mai 2001 n°98-17187  Cass com 18 juin 1996 n°94-18530  Cass com 23 mars 1993 n°91-13430, et évidemment la liquidation ne peut pas être clôturée avant son issue sauf si l'état de cessation des paiements est évident auquel cas une déclaration de cessation des paiements s'impose Cass com 11 octobre 2005 n°03-19161

Dans les cas où elle peut être recherchée la responsabilité du liquidateur doit être exercée dans les trois ans du fait dommageable (10 ans pour un crime) ou de sa révélation s'il a été dissimulé Cass com 11 octobre 2005 n°03-19161 et sa responsabilité pour avoir clôturé la liquidation sans prendre en considération une créance est à la mesure de la perte d'une chance d'être payé Cass com 26 juin 2007 n°05-20569. ou le montant de la créance si l'actif était suffisant Cass com 9 juillet 2002 n°99-12219 Cass com 21 octobre 2014 n°10-18039 Cass com 7 décembre 1993 n°91-15605.

C'est au liquidateur qui prétend que la créance n'aurait pas été payée qu'il appartient de démontrer l'insuffisance d'actif Cass com 21 octobre 2014 n°10-18039 Cass com 20 octobre 2015 n°13-17049 étant observé que si la clôture est effectuée c'est par principe que tous les créanciers ont été payé ou auraient du l'être (Cass com 7 décembre 1993 n°91-18145) puisqu'à défaut la déclaration de cessation des paiements s'impose Cass com 5 octobre 2004 n°01-00676. La seule alternative est de payer tous les créanciers ou de demander l'ouverture d'une procédure collective Cass com 29 janvier 2008 n°06-21161. Mais évidemment le liquidateur fautif de ne pas avoir déclaré l'état de cessation des paiements peut toujours démontrer que le créancier n'aurait pas été payé en cas de liquidation judiciaire.

Evidemment le liquidateur qui a volontairement ignoré une dette dans les opérations de liquidation engage sa responsabilité Cass civ 2ème 1er avril 1974 n°73-10143 Cass com 29 septembre 2009 n°08-18192 (notamment en sa qualité d'ancien dirigeant) de même que celui qui, ancien dirigeant, omet de considérer que la société n'avait pas effectué ses déclarations fiscales et sociales et n'y procède pas lui même durant la liquidation Cass com 29 septembre 2009 n°08-18804

De même le liquidateur qui vend le fonds de commerce de la société et ne paye que les créanciers ayant fait opposition, alors qu'il connait l'existence d'autres, engage sa responsabilité Cass com 9 novembre 1993 n°91-18143

La manifestation du dommage n'est pas assimilé à la publication de la dissolution de la société, mais le constat de l'impossibilité d'être payé Cass com 10 novembre 2009 n°08-22137

L'action en responsabilité est régie pour les sociétés commerciales par l'article L237-12 du code de commerce avec renvoi pour la durée de la prescription à l'article L225-254 et relève du tribunal de commerce comme pour l'action en responsabilité des dirigeants (la prescription contre les associés non liquidateur est par contre de 5 ans à compter de la publication de la dissolution 1859 du code civil

Le cas particulier de la responsabilité des associés

Contrairement à l'évidence, le fait que le créancier puisse agir contre la personne morale tant qu'elle subsiste, et également en responsabilité contre le liquidateur, ne met pas les associés à l'abri d'une action des créanciers.

Mais évidemment dans le cas où il s'agit de structure sociale dans laquelle les associés ne sont responsables qu'à hauteur de leurs apports, l'action en responsabilité contre eux suppose qu'ils aient reçu le remboursement de leurs apports et un éventuel boni de liquidation. Par exemple Cass com 17 décembre 1979 n°78-11997 Cass com 13 juin 1984 n°82-17080 Cass com 3 juillet 2001 n°98-20720

Voir la responsabilité des associés pour plus de détail

En cas de liquidation judiciaire

Jusqu'à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 12 mars 2014, c'est à dire pour les procédures ouvertes avant le 1er juillet 2014

La loi prévoit que le jugement de liquidation judiciaire d'une société entraîne sa dissolution.

Et la dissolution entraînant la liquidation au sens du droit des sociétés, vont donc se superposer la liquidation judiciaire et la liquidation au sens du droit des sociétés. C'est la conséquence de l'article 1844-7-7° du code civil dans sa rédaction alors applicable: ainsi dès le jugement de la liquidation judiciaire la société, également en liquidation au sens du droit des sociétés, n'est plus représentée par son dirigeant "habituel", qui n'a plus qualité, et un liquidateur au sens du droit des sociétés, doit être désigné (Cass com 3 juin 1997 n°93-18425, Cass com 17 juillet 2001 n°97-20018, Cass civ 2ème 4 juillet 2002 n°02-01276) ou éventuellement un mandataire ad-hoc Cass com 2 mars 2022 n°20-21911 Cass com 18 janvier 2023 n°21-18492

En réalité la primauté de la liquidation judiciaire a pour effet que c'est le liquidateur "de la liquidation judiciaire" qui va réaliser les actifs, payer les créanciers. Ce n'est donc que si le liquidateur "judiciaire" clôture la liquidation judiciaire pour extinction du passif, c'est à dire s'il reste des sommes après paiement de tous les créanciers, que la liquidation au sens du droit des sociétés a véritablement un enjeu. En effet dans ce cas le liquidateur judiciaire va remettre l'excédent au liquidateur au sens du droit des sociétés, à charge pour lui de le répartir aux associés.

Dans les autres cas, la liquidation au sens du droit des sociétés consiste, en parallèle avec la liquidation judiciaire, à gérer la vie sociale. En théorie, mais c'est rarement effectué, les assemblées annuelles doivent être tenues jusqu'à ce que la liquidation judiciaire soit clôturée, ce qui permettra de constater l'absence d'actif disponible et conduira à la radiation de la société du registre du commerce.

Pour simplifier ces opérations, la loi de 2005 (pour les procédures ouvertes à compter de son entrée en vigueur) a prévu deux aménagements à la liquidation au sens du droit des sociétés, en cas de liquidation judiciaire:

- pour éviter un coût inutile, la société n'est pas tenue de désigner un liquidateur, et le dirigeant peut rester en fonction (mais il ne peut être remplacé par un autre dirigeant, et s'il doit être remplacé un liquidateur devra être désigné CA CAEN 31 Mars 2016 n°15-03155)

- pour prendre en considération le fait que le siège social de la société est généralement abandonné (le bail est résilié et les locaux ont été libérés par le liquidateur judiciaire) et éviter que des courriers ou des actes d'huissier continuent à être adressés à un lieu sur lequel la société n'a plus de droits, la loi prêvoit qu'à compter du jugement de liquidation judiciaire le siège de la société est réputé être au domicile du dirigeant.

A compter de l'entrée en vigueur de l'ordonnance de 2014

La dissolution est reportée à la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif. Voir par exemple Cass com 12 juin 2019 n°18-14395