Tierce opposition

Généralités

La tierce opposition est le recours des tiers contre une décision de justice. En principe ce recours est porté devant la juridiction qui a rendu la décision critiquée.

Au visa de l'article 582 du CPC il s'agit pour la juridiction de réexaminer la décision rendue au regard des faits qui lui avaient été soumis.

Autrement dit la juridiction ne prend pas en considération des faits intervenus postérieurement à la décision et ne prend en considération que les faits qui aurait pu être portés à la connaissance de la juridiction au jour où elle a statué, si le tiers y avait été partie Cass civ 2ème 7 janvier 1999 n°95-21197 "si, sur tierce opposition, le juge doit statuer à nouveau en fait et en droit, l'effet dévolutif de cette voie de rétractation est limité à la remise en question relativement à son auteur des points jugés qu'elle critique et ne l'autorise à invoquer que les moyens qu'il aurait pu présenter s'il était intervenu à l'instance avant que la décision ne fût rendue"

Une partie (autre que le tiers opposant) n'est d'ailleurs pas recevable à soulever dans le cadre d'une tierce opposition des arguments qu'elle avait omis de soulever lorsque l'affaire avait été évoquée Cass civ 2ème 9 octobre 2008 n°07-12409 et n'étant pas l'auteur de la tierce opposition ne peut y formuler que des moyens de défense pour en soulever le cas échéant l'irrecevabilité ou l'absence de fondement.

La tierce opposition ne produit pas d'effet suspensif de plein droit, mais au visa de l'article 590 du CPC le juge peut suspendre l'exécution du jugement attaqué

Dans le cas où la matière n'est pas indivisible la tierce opposition ne tend qu'à rétracter ou réformer que les chefs du jugement préjudiciables au tiers opposant (pour un exemple Cass soc 27 novembre 2019 n°18-10929) alors que si la matière est indivisible, elle tendra à rétracter ou réformer l'entier jugement (par exemple une entreprise est ou n'est pas en procédure collective, et la tierce opposition ne peut que tendre à réformer l'entier jugement, qui ne peut être rétracté que vis à vis du tiers opposant)

Le tiers opposant doit justifier d'un intérêt, comme pour toute partie agissant en justice, c'est à dire concrètement d'un préjudice qui lui est causé par la décision critiquée. L'appréciation de l'intéret relève de l'appréciation du juge du fond et pas de la Cour de Cassation Cass Civ 2ème 2 juillet 2020 n°19-13616

Toutefois, au visa de l'article 583 du CPC, le tiers opposant ne doit pas avoir été représenté au jugement critiqué. Traditionnellement on considère (et c'est différent en procédure collective) que les créanciers sont représentés par leur débiteur dans toute action le concernant, et c'est la raison pour laquelle l'article 583 précise que les créanciers ne sont recevables à former tierce opposition que si le jugement est rendu en fraude de leurs droits ou s'ils ont des moyens propres.

Ces moyens propres peuvent consister en un préjudice spécifique, différent de celui de la collectivité des créanciers.(par exemple Cass com 9 juillet 1996 n°94-14319 )

La tierce opposition a un effet dévolutif (582 du CPC) et permet donc au tiers opposant , une fois franchi l'obstacle de la recevabilité, de présenter ses arguments pour inciter la juridiction à revenir sur sa décision. Contrairement à ce qui est souvent retenu, on ne voit pas pour quelle raison le tiers opposant devrait présenter des moyens nécessairement différents de ceux déjà soutenus sur le fond (mis à part ses moyens propres qui sont nécessaires).

Tierce opposition principale ou incidente (en droit commun)

La tierce opposition est soit principale (contestation d'une décision par un tiers) soit incidente (contestation d'une décision opposée dans le cadre d'un litige).

En application de l'article 586 CPC 

La tierce opposition est ouverte à titre principal pendant trente ans à compter du jugement à moins que la loi n'en dispose autrement.

Elle peut être formée sans limitation de temps contre un jugement produit au cours d'une autre instance par celui auquel on l'oppose.

En matière contentieuse, elle n'est cependant recevable, de la part du tiers auquel le jugement a été notifié, que dans les deux mois de cette notification, sous réserve que celle-ci indique de manière très apparente le délai dont il dispose ainsi que les modalités selon lesquelles le recours peut être exercé. Il en est de même en matière gracieuse lorsqu'une décision en dernier ressort a été notifiée.

Tierce opposition et procédures collectives

En matière de procédure collective, les recours des tiers sont enfermés dans des règles de forme et délais particuliers. En principe le délai est de 10 jours, et la tierce opposition est formée par déclaration au greffe.

Voir les voies de recours pour plus de détail (la tierce opposition incidente semble enfermée dans le délai de 10 jours)

La recevabilité de la tierce opposition est diversement appréciée par la jurisprudence : le conjoint du débiteur, en cours de divorce, a été jugé recevable, ainsi que la veuve du débiteur ou l'ancien dirigeant (Cass com 12 mai 2015 n°14-12483). Après des décisions contraires, la tierce opposition de l'associé est admise (Cass com 13 juin 2006 n°05-12748) a minima pour une société civile dans laquelle la responsabilité de l'associé n'est pas limitée voir également Cass com 19 décembre 2006 n°05-14816) ainsi que celle d'un contractant Cass com 7 février 2012 n°10-26626)

La recevabilité des créanciers à former tierce opposition au jugement d'ouverture est largement admise, quand bien même il est traditionnellement soutenu que le débiteur représente ses créanciers. Encore faut-il cependant que le créancier invoque des moyens qui lui sont propres, ce qui est assez complexe pour un créancier chirographaire, qui n'a pas de prétention particulière par rapport à la collectivité des créanciers. Des cas peuvent cependant exister (existence de caution protégées par l'ouverture de la procédure, déchéance du terme …).

Pour un exemple de tierce opposition à jugement d'ouverture par des associés Cass com 4 octobre 2023 n°22-14354