Mandataires de justice changement de qualité pour agir

Instances en cours au jour du prononcé du jugement d'ouverture de la procédure

L’ouverture d’une procédure collective emporte interruption des instances en cours contre le débiteur (article 369 du CPC) qui ne sont reprises qu’une fois que les mandataires de justice y sont appelés

L’article L622-22 du code de commerce impose au débiteur d’informer son adversaire de l’ouverture de la procédure, sous la sanction, si c'est sciemment, de l’interdiction de gérer (article L653-8)

Comme indiqué sous le mot instance en cours, la reprise d'instance après déclaration de créance suppose que les mandataires de justice deviennent partie à l'instance en fonction de leur rôle respectif. Le texte précise que l'initiative appartient au créancier (R622-20), ce qui ne règle pas totalement le sort d'une procédure en cours dans laquelle c'est le débiteur qui est appelant ... mais le texte ne semble pas distinguer

Procéduralement il y a donc lieu à assignation en intervention forcée des mandataires de justice, le texte de l'article L622-22 (texte de la sauvegarde applicable au redressement judiciaire et dont le principe est applicable à la liquidation cf L641-3) prévoyant que les instances sont "reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés"

Plus concrètement il y a lieu d'assigner en intervention le mandataire judiciaire en redressement ou sauvegarde (Cass com 26 mai 1999 n°96-12619), le commissaire à l'exécution du plan si le plan a été adopté entretemps, ou le liquidateur si la liquidation a été prononcée ( et dans ce cas si le même professionnel était partie en qualité de mandataire judiciaire il convient à nouveau de régulariser la procédure Cass com 16 septembre 2008 n°07-15985

Concernant l'administrateur judiciaire, le terme "le cas échéant" employé par l'article L622-22 pourrait avoir deux significations: soit l'administrateur est appelé à la procédure s'il en est désigné un, soit il est appelé à la procédure en fonction de l'étendue du dessaisissement du débiteur et de la mission de l'administrateur. 

Les textes réglementaires viennent répondre à cette interrogation:

- pour la sauvegarde l'article R622-20 précise "L'instance interrompue en application de l'article L. 622-22 est reprise à l'initiative du créancier demandeur, dès que celui-ci a produit à la juridiction saisie de l'instance une copie de la déclaration de sa créance ou tout autre élément justifiant de la mention de sa créance sur la liste prévue par l'article L. 624-1 et mis en cause le mandataire judiciaire ainsi que, le cas échéant, l'administrateur lorsqu'il a pour mission d'assister le débiteur ou le commissaire à l'exécution du plan. ": la nécessité d'attraire l'administrateur dépend de sa mission.

- pour le redressement judiciaire l'article R631-22 précise que l'administrateur est mis en cause quelle que soit sa mission

Les textes ne précisent pas si les mandataires de justice peuvent intervenir volontairement à la procédure et si cette intervention satisfait au texte qui prévoit qu'ils sont "appelés". On voit mal le mandataire de justice contester la validité de sa présence à l'instance, mais le débiteur insatisfait de la décision rendue le pourrait peut-être.

 Voir le mot instance en cours.

Instances en cours au jour du prononcé d'un jugement rendu en cours de procédure collective qui emporte changement de l'état procédural d'une procédure collective: plan / liquidation: interruption de l'instance et des délais, régularisation par intervention.

L’évolution de la procédure collective peut amener des changements de qualité des mandataires de justice qui interviennent.

Cela découle du déroulement de la procédure collective, mais est reproduit ici pour récapituler les différents stades de la procédure, la sauvegarde et le redressement judiciaire voient cohabiter les pouvoirs du débiteur, de l’administrateur et du mandataire judiciaire, chacun ayant des prérogatives spécifiques (voir le dessaisissement)

- L’administrateur qui a une mission d’assistance doit, en principe, être demandeur aux côtés du débiteur ou intervenir à la procédure dans le délai d’exercice de l’action (article 126 du CPC), sous la sanction de la fin de non recevoir pour défaut de qualité pour agir ... mais c'est parfois la nullité pour défaut de capacité et/ou de pouvoir de représentation qui est retenue (pour plus de précisions voir le dessaisissement dans la sous partie les actes de procédure)
Le mandataire judiciaire a monopole d’action dans l’intérêt des créanciers (voir le monopole) et est en charge de la vérification des créances (l'article L626-24 précise que le mandataire judiciaire reste en fonction le temps nécessaire à l'établissement définitif de l'état des créances) (pour un exemple d'intervention volontaire de l'administrateur Cass com3 décembre 2003 n°01-00485 

- Si c’est le débiteur qui est en défense, au visa de l’article L622-22 du code de commerce l’action est reprise après déclaration de créance et le mandataire judiciaire et le cas échéant l’administrateur (ou le commissaire à l’exécution du plan) appelés (c’est-à-dire assignés, sauf si leur intervention volontaire pour régulariser la procédure est admise)

- L’adoption d’un plan a pour conséquence la nomination d’un commissaire à l’exécution du plan, qui a vocation à prendre le relai des actions menées par l’administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire : l’article L626-25 prévoit que les actions auxquelles ils sont parties sont poursuivies par le commissaire à l’exécution du plan (et s’il n’est plus en fonction par un mandataire de justice spéciale désigné). Ce même texte prévoit que c’est le commissaire à l’exécution du plan qui a qualité pour engager de nouvelles actions dans l’intérêt des créanciers (le débiteur retrouvant ses prérogatives pour les autres actions). Pour autant (et c'est une différence avec la liquidation) la désignation du commissaire à l'exécution du plan ne met pas un terme à la mission du mandataire judiciaire relativement à la vérification des créances (L626-24) et ce mandataire reste donc la partie concernée par les actions qui y ont trait.

- La liquidation judiciaire entraîne à la fois un dessaisissement total du débiteur (qui n’était que partiel en redressement judiciaire et n’existait pas en sauvegarde) au visa de l’article L641-9, et un changement de qualité : l’administrateur judiciaire n’est plus en fonction, ni le mandataire judiciaire lequel devient liquidateur (et qui au visa de l'article L641-4 achève la vérification des créances, le mandataire judiciaire n'étant, dans ce cas, plus en fonction)

C’est donc le liquidateur qui focalise les qualités pour agir qui existaient antérieurement.

L’article L641-4 du code de commerce prévoit que le liquidateur a qualité pour engager les actions qui relevaient de la compétence du mandataire judiciaire (monopole de représentation des créanciers) et qu’il poursuit les actions engagées antérieurement par le mandataire judiciaire ou l’administrateur (article L641-5) .

Et il ne faut pas oublier le dessaisissement par lequel le liquidateur capte la plupart des prérogatives du débiteur (voir le mot dessaisissement sous menu le dessaisissement en liquidation, les actes de procédure)

Le liquidateur a donc, du point du vue procédural, une double "casquette": dans certains cas il va agir au nom du débiteur en raison du dessaisissement, mais dans d'autres il va agir pour le compte des créanciers et est un tiers par rapport au débiteur (par exemple dans le cadre d'une action en responsabilité contre un ancien contractant du débiteur, il va agir en responsabilité délictuelle et pas contractuelle, puisqu'il agit pour les créanciers, et ne se verra donc pas opposer les exceptions qui auraient été opposées au débiteur ou la limitation du dommage au risque prévisible à la signature du contrat, ou dans un action en partage d'indivision il exerce l'action qu'aurait exercé un créancier et pas celle de l'indivisaire en liquidation). Dans tous les cas il n'est pas le représentant légal du débiteur (voir le mot mandataire de justice sur les conséquences de cette situation sur les mentions dans les actes de procédure)

Or il est acquis que le changement de qualité entraîne changement de partie, obligeant à régulariser la procédure, et en outre l'article 369 du CPC organise l'interruption de l'instance en cas de jugement de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire (il n'est donc pas mis fin à l'instance qui n'est interrompue que provisoirement).

Le juge peut toujours inviter les parties à "mettre en cause" les "intéressés" dont la présence lui parait nécessaire (article 332 du CPC) mais sans pouvoir d'injonction.

Par exemple le mandataire judiciaire perd sa qualité au profit du liquidateur "Attendu qu'un jugement du 4 février 2005, rendu par le tribunal de commerce de Toulouse, a prononcé la liquidation judiciaire de la société Biotex ;qu'il en résulte que cette société et les mandataires de justice susdésignés n'ont plus qualité pour poursuivre l'instance qui se trouve interrompue par l'effet de ce jugement et qu'il y a lieu d'inviter les parties à effectuer les diligences nécessaires pour la reprendre" Cass civ 3ème 15 juin 2005 n°04-13029 et le "représentant des créanciers" (mandataire judiciaire) n'a aucune qualité pour exercer des recours qui lui incombent en qualité de liquidateur Cass com 4 avril 2006 n°04-18889. Ses éventuelles demandes sont irrecevables Cass com 25 mars 2023 n°21-17418

Ainsi en cours de procédure, si le "débiteur" est en demande et qu'il est souhaitable que la procédure soit poursuivie, le nouveau titulaire de la qualité précédemment portée par un autre mandataire de justice (ou le même mais avec une autre mission) doit intervenir volontairement (Cass com 14 décembre 2020 n°10-10792 pour régulariser la procédure (au visa de l'article 554 du CPC).

C'est la conséquence du fait que le défaut de qualité pour agir est une fin de non recevoir (cf 122 du CPC) régularisable par l'intervention à l'instance de la personne ayant qualité, c'est à dire en l'espèce le liquidateur (cf 126 du CPC) : il y a donc bien lieu à intervention volontaire Cass Com 6 mars 2019 n°16-26989 ("mise en cause") Cass com 13 octobre 2015 n°14-14327   Cass com 8 septembre 2015 n°14-14192 (intervention forcée)  Cass com 14 décembre 2010 n°10-10792  Cass com 21 septembre 2010 n°09-16565  Cass civ 2ème 2 juillet 2009 n°08-19141 Cass Civ 2ème 3 novembre 2005 n°03-20797    Cass com 22 juin 1993 n°91-16380 

La question de savoir si l'intervention doit être régularisée à l’intérieur du délai imparti au "prédécesseur" du liquidateur est complexe : d'une part l'article 126 du CPC indique "avant toute forclusion" ce qui laisse supposer que l'intervention doit intervenir dans le délai initialement imparti au débiteur, et d'autre part l'article 369 du CPC prévoit l'interruption de l'instance, ce qui peut faire courir un nouveau délai (c'est par exemple ce qui est jugé en cas de décès - également visé à l'article 369 du CPC : "En procédure appel avec représentation obligatoire, les ayants droits de l’appelant décédé avant d’avoir conclu au soutien de son appel, cités en reprise d’instance, disposent à compter de la citation du délai de 3 mois prévu à l’article 908 du CPC pour conclure au soutien de l’appel, sauf à encourir la caducité de la déclaration d’appel (Cass. Civ 2ème 3 septembre 2015 n° 14-11907)  

Ce qui semble certain est que l'intervention volontaire par des conclusions prises dans le délai initial imparti au débiteur pour conclure en cause d'appel évitera la sanction de la caducité de l'appel (par exemple Cass civ 2ème 4 février 2021 n°19-16795)  l'intervenant régularisant la procédure et la reprenant pour le compte du liquidateur aux lieu et place de l'appelant.

Si le "débiteur" est en défense, comme indiqué au mot voies de recours , la désignation durant la procédure l'opposant au demandeur, d'un "nouveau" mandataire de justice (par exemple liquidateur ou commissaire à l'exécution du plan) doit conduire le demandeur à l'assigner en intervention forcée. Par contre si ce "nouveau" mandataire est déjà désigné au moment où le demandeur exerce des recours, il doit exercer son recours en intimant notamment le "nouveau" mandataire, c'est à dire relever appel contre lui, et à notre avis l'assignation en intervention forcée ultérieure, hors le délai pour relever appel, ne devrait pas permettre de rattraper cet oubli.

La Cour de Cassation a cependant admis que la déclaration d'appel dirigée contre le débiteur, mais en omettant de mentionner qu'il est représenté par le liquidateur, serait une simple vice de forme et non pas une irrégularité de fond visé à l'article 117 du CPC Cass com 10 février 2015 n°13-24686, ce qui, en pratique n'ouvre la voie de la nullité qu'en cas de grief démontré (article 114 du CPC)

Ce n'est que si c'est en cours de procédure que le "nouveau" mandataire est désigné que l'assignation en intervention forcée (ou l'intervention volontaire si ce mandataire le souhaite) nous semble possible.

Ainsi et sans évoquer les cas d'irrégularité d'un appel qui n'est pas dirigé contre le "bon" mandataire, la Cour de cassation juge que si l’instance est poursuivie sans tenir compte du changement de qualité qui découle d’un jugement de liquidation judiciaire (mais c’est transposable au jugement qui arrête le plan), la décision rendue est réputée « non avenue » (et l’affaire est renvoyée au juge qui a statué, dès lors que l’interruption de l’instance qui découle du jugement de liquidation ne dessaisit pas le juge) sauf si elle est « confirmée » par la partie au bénéfice de laquelle l’interruption est prévue (ici le liquidateur) Cass Civ 2ème 6 mars 1991 n°89-15540 , Cass com 11 mai 1993 n°91-12232

Il en est de même d’une décision rendue sans tenir compte du prononcé d’un redressement judiciaire, menée sans le contradictoire du mandataire judiciaire et de l’administrateur Cass com 29 octobre 1991 n°90-11297

Délais de recours en cours au moment du jugement d'ouverture de la procédure collective

Si la liquidation est prononcée alors qu'une décision est rendue et susceptible de recours, le liquidateur peut directement relever appel alors même qu'il n'était partie en première instance, et ce dès lors qu'il exerce les droits et actions du débiteur (et il n'a pas à consulter le débiteur) Cass com 24 avril 2007 n°06-11909 

Cependant, jusqu'à l'entrée en vigueur du décret du 6 mai 2016, si la décision avait été signifiée valablement au débiteur avant la liquidation judiciaire, le liquidateur était tenu de respecter le délai de recours en cours lors de sa désignation Cass com 18 mai 2016 n°14-25997 dès lors que le jugement de liquidation emporte changement de qualité pour agir mais n'influe pas sur la capacité pour agir au sens de l'article 531 du CPC

Ce texte a désormais été modifié, et si un délai de recours est en cours, il sera interrompu par l'effet du jugement d'ouverture de la procédure collective, et la décision devra être notifiée au liquidateur, ce qui fera courir un nouveau délai de recours (article 531 du CPC)

Voir également les décisions citées au mot instances en cours 

Voir le mot jugement non avenu pour plus de précision