Saisie immobilière

Quelques points de la définition

En droit commun

En procédure collective

Généralités et procédure de saisie

Sort des saisies en cours au jour du jugement d'ouverture

Reprise d'une saisie en cours par le liquidateur (subrogation)

Nouvelle saisie initiée en principe par le liquidateur

L'emprise de la saisie et ses limites

La limite de l'intérêt des créanciers

Le délaissement du bien par le liquidateur

L'insaisissabilité

Les biens reçus par succession

Calendrier de la saisie initiée par le liquidateur

Ordonnance du juge commissaire et voies de recours

Formalités préparatrices de la vente

L'adjudication et ses suites

Le cas particulier du recours contre l'ordonnance du juge commissaire et les conséquences sur le calendrier

Enoncé du problème de calendrier

Solutions proposées pour le respect du calendrier

Différences avec la procédure de droit commun

L'ordonnance du juge commissaire se substitue au commandement de saisie

Le juge de l'exécution ne peut faire droit à une demande de vente amiable

Il n'y a pas d'audience d'orientation

Effet du dessaisissement du débiteur en liquidation

Voir notre étude détaillée

En droit commun:

C'est la procédure de vente aux enchères "à la barre" du tribunal, d'un actif immobilier sur poursuite d'un créancier (en un ou plusieurs lots, éventuellement avec clause d'allotissement)

Plus précisément en droit commun, c'est à dire hors procédure collective, la saisie immobilière relève de la compétence du juge de l'exécution (JEX).

La procédure commence par un commandement délivré par le créancier poursuivant. Ce commandement est l'amorce d'un enchainement de formalités : dépot du cahier des conditions de la vente qui comporte le descriptif précis de l'immeuble, audience dite d'orientation à laquelle le juge de l'exécution va statuer sur toutes les contestations, et peu le cas échéant autoriser une vente amiable proposée par le débiteur.

Les ventes sont annoncées dans des journaux d'annonces légales, par des affiches (dénommées placards apposés au tribunal) et divers sites internet. En principe des visites sont organisées avant la vente, ce qui permet aux candidats de se faire une idée plus précise du bien.

L'audience d'adjudication proprement dite est une procédure d'enchères à l'issue de laquelle le meilleur enchérisseur est retenu.

Les enchères ne peuvent être faites que par l'intermédiaire d'un avocat inscrit au barreau près le Tribunal judiciaire ex TGI devant lequel la vente est poursuivie.

Avant toute enchère, l'avocat se fait remettre par son mandant (ou dit un pouvoir) pour une somme déterminée, et contre récépissé une caution bancaire irrévocable (ou un chèque de banque dans les conditions du cahier des conditions de la vente) d'un montant représentant 10 % du montant de la mise à prix, et au minimum 3 000 €. C'est une condition pour participer aux enchères, ce qui permet d'éviter des enchères fantaisistes.

L'avocat doit également disposer de l'état civil et de la situation matrimoniale correspondante au mandat, ou s'il s'agit d'une personne morale d'un justificatif de constitution et des pouvoirs de son représentant légal pour l'adjudication.

L'avocat ne peut être porteur que d'un mandat pour éviter des conflits d'intérêt entre deux enchérisseurs.

Enfin, dans le cadre des dispositions de l'article 1594 du code civil,  l'article R322-39 du code des procédures civiles d'exécution dispose " Ne peuvent se porter enchérisseurs, ni par eux-mêmes, ni par personnes interposées :
1° Le débiteur saisi ;
2° Les auxiliaires de justice qui sont intervenus à un titre quelconque dans la procédure ;
3° Les magistrats de la juridiction devant laquelle la vente est poursuivie." 

Par exemple annulation d’une adjudication au profit de la gérante de la SCI saisie, car cette dernière « ne démontrait pas, comme elle le soutenait, qu'elle entendait faire acquisition du lot n° 1 pour son compte personnel et le financer de ses deniers propres », et, partant il est considéré que la SCI a porté les enchères par personne interposée (Cass Civ 2ème 10 novembre 2016 n°15-25460).  Etant précisé que « l'incapacité résultant de l'article R 322-39 du Code des procédures civiles d'exécution n'est pas un obstacle à la concrétisation de la vente amiable. » CA VERSAILLES 19 mai 2022 n°21-07390.

En pratique et sous cette réserve, le bien est adjugé au meilleur enchérisseur et après expiration d'un délai de 90 secondes après l'enchère sans nouvelle enchère (un chronomètre décompte cette durée et est affiché dans la salle d'audience)

Une fois les enchères terminées, et le montant de la meilleure enchère connue, les créanciers inscrits sur l'immeuble (hypothécaires) peuvent, suivant une procédure spécifique (par avocat et dans un délai de 10 jours de l'adjudication), et s'ils estiment que le prix est insuffisant, faire "surenchère" c'est à dire demander une nouvelle vente avec une mise à prix majorée (de 10%), étant précisé qu'à défaut d'enchères supérieures, ils sont réputés adjudicataires.

Si l'adjudicataire ne peut payer le prix, l'immeuble est remis en vente suivant une procédure dite de réitération d'enchère (dénommée anciennement "folle enchère").

A l'issue de l'adjudication le prix doit être libéré dans les 2 mois, est consigné et réparti suivant une procédure particulière qui prend en considération les "déclarations de créance" que les créanciers ont versé à la procédure (le terme de déclaration de créance ne décrit pas la même procédure qu'en procédure collective).

Le jugement d'adjudication confère à l'adjudicataire un titre d'expulsion du saisi. L322-13 du code des procédures civiles d'exécution

En procédure collective:

Généralités et procédure de saisie

En procédure collective, la saisie ne se déroule qu'en liquidation judiciaire qui est la seule des procédures collectives organisant la vente forcée des actifs du débiteur. En effet en sauvegarde la vente forcée des actifs n'existe pas et en redressement judiciaire c'est le cas échéant la vente de l'entreprise qui sera ordonnée mais a priori pas la vente d'un actif isolé.

Le sort des saisies en cours au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective:

Que ce soit en sauvegarde, en redressement judiciaire ou en liquidation judiciaire, les saisies en cours à l'initiative des créanciers sont interrompues par le seul effet du jugement d'ouverture de la procédure, en application de la règle de suspension des poursuites qui prive les créanciers de leurs droits d'action. Concrètement la vente ne peut avoir lieu.

La notion de saisie "en cours" est applicable tant que l'adjudication définitive de l'immeuble n'est pas survenue (Cass com 4 mars 2014 n°13.17216 et n°13-10534): le clivage se produira en fonction d'une question: la propriété de l'immeuble est-elle définitivement transférée ou pas au jour du jugement d'ouverture de a procédure collective: dans la négative, la saisie immobilière est interrompue.

Cette solution s'applique y compris dans des cas où l'adjudication a bien eu lieu, mais où une déclaration de surenchère produit un effet résolutoire sur le transfert de propriété au premier adjudicataire

Ainsi du premier acte, c’est-à-dire la délivrance du commandement, jusqu’au dernier, c’est-à-dire l’adjudication « définitive », c’est-à-dire le cas échéant après surenchère (Cass com 4 mars 2014 n°13-10534), la saisie en cours est interrompue par le jugement d’ouverture de la procédure collective.

Par contre s'il est jugé qu'une adjudication définitive mais non encore publiée au jour du jugement est "inopposable" au liquidateur, reste que seule la distribution du prix échappera au droit commun pour être dévolue au liquidateur (Cass com 11 février 2014 n°12-19722) puisque le bien est sorti du patrimoine du saisi (Cass com 22 janvier 2002 n°97-17430). Cependant l'article L622-30 du code de commerce, qui organise l'arrêt des inscriptions après l'ouverture de la procédure collective ménage une exception pour les actes translatifs et décisions judiciaires translatives ayant date certaine, ce qui est évidemment le cas du jugement d'adjudication, et offre donc une porte de sortie pour régulariser la situation puisque le jugement d'adjudication pourra être publié après le jugement d'ouverture (alinéa 1)

En tout état relativement à la distribution du prix l’article L. 622-21 dispose que « le jugement d’ouverture de la procédure collective arrête et interdit toute procédure de distribution n’ayant pas produit un effet attributif ».

Par la suite, dès lors que la saisie en cours ne peut être poursuivie, a priori que ce soit en sauvegarde ou en redressement judiciaire, l'immeuble ne sera pas vendu (tout au moins dans les formes de la saisie, il pourra cependant être vendu avec "l'entreprise" ou en cession d'actif en période d'observation) si l'entreprise peut proposer un plan et n'est pas par la suite l'objet d'une liquidation judiciaire

Par contre en liquidation judiciaire il est assez rare que la vente de l'immeuble pour lequel la saisie immobilière a été arrêtée, puisse être évitée, sauf évidement si le liquidateur dispose par ailleurs des sommes nécessaires au règlement du passif, c'est à dire de tous les créanciers.

Parfois les débiteurs se hâtent de demander le prononcé d'une liquidation judiciaire en pensant faire échec à une saisie immobilière : si la liquidation judiciaire est justifiée et est prononcée, ils parviennent effectivement à ce résultat. Pour autant le même bien est généralement vendu quelques mois plus tard par le liquidateur.

S'il advient que le liquidateur doive vendre l'immeuble, il aura plusieurs possibilités: la reprise de la saisie qui a été interrompue par le jugement de liquidation, ou initier lui même depuis le début un nouveau processus de vente, par une nouvelle saisie ou de gré à gré (c'est à dire une vente à un candidat qui présente une offre et pour lequel le juge commissaire a rendu une ordonnance autorisant la vente)

La reprise d'une saisie en cours (improprement subrogation)

La Cour de Cassation juge que la saisie en cours au jour du jugement d'ouverture est "suspendue", de sorte que les actes effectués antérieurement restent valable Cass com 8 mars 2023 n°21-18722 

Il en découle que la saisie pourra éventuellement par la suite être reprise a minima (en liquidation seulement, voir ci dessus) par le liquidateur (le texte emploie improprement le terme de subrogation). 

Dans ce cas, le liquidateur sera autorisé par le juge commissaire à reprendre la saisie là où elle s'était arrêtée. Ce processus, organisé par les articles L642-18 alinéa 2 et R 642-24 permet au liquidateur de bénéficier des actes déjà effectués (mais curieusement l'article R642-24 précise que le juge commissaire fixe la mise à prix et les modalités de publicité et de visite, ce qui est parfois incompatible avec l'avancement de la saisie .. mais la Cour de Cassation confirme cette exigence, et précise même que si le juge commissaire a omis ces précisions et n'a fait qu'autoriser le liquidateur à reprendre la saisie en cours, la Cour, saisie d'un appel, doit, par l'effet dévolutif, statuer sur ces mentions Cass com 11 avril 2018 n°16-23607

Concrètement le liquidateur, autorisé par le juge-commissaire (il faut toujours une ordonnance) après convocation du liquidateur, du débiteur (et de son conjoint en cas de bien commun) et avis des contrôleurs, , va reprendre la saisie là où elle était interrompue, et la mener à bien selon les règles applicables à la saisie en liquidation judiciaire.

  • L’article R. 642-24-alinéa 1er prévoit que les frais engagés sont privilégiés.
  • Le commandement peut être prorogé par décision du Juge de l'exécution le temps que le juge- commissaire donne son autorisation de « subrogation ».

En réalité l’intérêt de cette « subrogation » va dépendre de l’état d’avancement de la saisie interrompue et des conditions de la saisie.

Le liquidateur a une option qu’il exerce discrétionnairement :

  • il peut préférer ne pas poursuivre la saisie et en recommencer une nouvelle dont il maîtrisera la mise à prix (ou tout au moins dont il proposera la mise à prix qu’il estime adaptée au juge commissaire) et les conditions de la vente, particulièrement si la saisie est à peine commencée ;
  • il trouvera en revanche avantage à poursuivre la saisie si on est à la veille de l’audience d’adjudication et si les conditions lui semblent correctes (dans ce cas les  frais du poursuivant seront privilégiés).

Une nouvelle saisie initiée (en principe) par le liquidateur

La "subrogation" n'est qu'une faculté, et le liquidateur peut préférer initier une nouvelle saisie dont le juge commissaire fixera toutes les conditions.

Les textes de référence sont les articles L642-18 et suivants et R642-22 et suivants.

En liquidation judiciaire, si la vente de l'immeuble est nécessaire au paiement des créanciers, à défaut de proposition d'acquisition "de gré à gré" à un prix et dans des conditions acceptées par le juge commissaire, la loi dispose que par principe les biens immobiliers du débiteur sont vendus dans les formes de la saisie immobilière (ou sur adjudication amiable, c'est à dire enchères par devant notaire, ce qui est peu pratiqué).

Evidemment l'interférence entre la procédure de saisie immobilière de droit commun et le droit des procédures collectives va entraîner quelques particularités, et notamment:

- la suspension des poursuites qui affecte les droits des créanciers et le fait qu'ils sont représentés par le liquidateur donne à ce dernier qualité pour agir. C'est donc en principe le liquidateur qui va engager la procédure, et en principe les créanciers ne le peuvent pas (on ne parle pas ici de l'insaisissabilité qui complique considérablement les choses)

Les créanciers ne peuvent plus poursuivre des voies d'exécution, ni en engager de nouvelles (dans certaines conditions extrêmes cependant les créanciers inscrits sur l'immeuble (ou titulaires d'un privilège spécial, ce qui, selon certains peut inclure le syndicat de copropriété) pourront engager la saisie mais au bénéfice de la liquidation et pas à leur seul bénéfice, les autres créanciers ne pouvant saisir l'immeuble L643-2 du code de commerce)

- le liquidateur devra obtenir une ordonnance du juge commissaire, après audience à laquelle sera appelé le débiteur - et le cas échéant son conjoint commun en biens - (pour plus de précisions voir la cession des biens).

L'ordonnance du juge commissaire décidera des conditions de la vente, de la mise à prix, des publicités à effectuer. L'article R642-22 dispose en effet :

Le juge-commissaire qui ordonne, en application de l'article L. 642-18, la vente des immeubles par voie d'adjudication judiciaire ou amiable détermine :

1° La mise à prix de chacun des biens à vendre et les conditions essentielles de la vente ;

2° Les modalités de la publicité compte tenu de la valeur, de la nature et de la situation des biens ;

3° Les modalités de visite des biens.

Lorsque la vente est poursuivie par un créancier, en application de l'article L. 643-2, la mise à prix est déterminée en accord avec le créancier poursuivant.

Le juge-commissaire peut préciser qu'à défaut d'enchères atteignant cette mise à prix la vente pourra se faire sur une mise à prix inférieure qu'il fixe.

L'ordonnance du juge commissaire se substitue ainsi au commandement du droit commun, doit contenir les mêmes mentions et être transcrite à la conservation des hypothèques de la même manière.

- Durant la procédure de saisie, la demande de vente amiable n'est pas possible par différence au droit commun : la loi évite ainsi que le juge de l'exécution puisse modifier en quoi que ce soit l'ordonnance du juge commissaire devenue définitive.

Le liquidateur fait donc rédiger le cahier des conditions de la vente conforme à l'ordonnance du juge commissaire, le dépose et avise les créanciers inscrits et le cas échéant le conjoint commun en biens de ce dépôt et de la date de l'audience d'adjudication (c'est à dire de vente aux enchères).

- ce qu'on appelle en droit commun l'audience d'orientation, n'existe donc pas en liquidation judiciaire

- Le prix devra être payé au liquidateur qui assurera sa répartition conformément à l'état des créances et l'état de collocation qu'il dressera.

A priori tous les biens ont vocation à être vendus, dans la limite de ce qui sera nécessaire pour régler l'intégralité du passif, à l'exception des biens faisant l'objet d'une clause d'insaisissabilité pour lesquels un débat existe en droit, mais qui, par principe ne peuvent être vendus par le liquidateur (voir le mot clause d'insaisissabilité)

L'emprise de la saisie

La limite de l'intérêt des créanciers

Le liquidateur trouve son intérêt à agir dans l’incarnation de l’intérêt des créanciers.

Le principe est posé par l’article L. 622-20 du Code de commerce « le mandataire judiciaire a seul qualité pour agir au nom et dans l’intérêt collectif des créanciers » auquel renvoie, pour la liquidation judiciaire, l’article L. 641-4 du Code de commerce.

Le liquidateur serait mal fondé à mener une action sans intérêt pour les créanciers, et ne peut donc, en droit, réaliser plus d’actif que nécessaire pour solder le passif.

Concrètement le liquidateur n’a pas intérêt, au sens de l’article 31 du Code de procédure civile, c’est-à-dire intérêt légitime et juridiquement protégé, à rechercher la vente d’un actif du débiteur si par ailleurs il a pu payer intégralement les créanciers ou s’il dispose des fonds nécessaires. Informé de cette circonstance, le juge-commissaire ne doit pas autoriser le liquidateur à rechercher une vente inutile.

D’ailleurs l’article L. 643-9 alinéa 2 du Code de commerce dispose que la procédure doit être clôturée lorsque le liquidateur détient de sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers.

Pour autant, encore faut-il que le juge-commissaire soit valablement saisi de ce moyen de droit au moment où il est amené à statuer sur une demande de vente d’immeuble.

En effet, si le juge-commissaire ordonne la vente d’un actif sans objection du débiteur, et si son ordonnance devient définitive, le liquidateur devra — et non pas pourra — l’exécuter, même si la vente est inutile au paiement des créanciers.

Il existe ici sans doute une infime place pour envisager la recherche de la responsabilité du liquidateur qui aurait présenté requête pour être autorisé à procéder à une réalisation superflue, mais la recherche de la responsabilité de celui qui exécute  une décision de justice est pour le moins malaisée, outre le fait que le débiteur lui- même, sans doute demandeur à l’action en responsabilité, serait l’auteur de son propre préjudice en ne s’étant pas opposé à la demande en temps utile. En bref, on voit mal que l’action aboutisse.

En tout état, la Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que le juge- commissaire ne commet pas d’excès de pouvoir en ordonnant une vente « inutile », dès lors que la procédure collective n’est pas clôturée Cass com 3 novembre 2009 n°07-14993

Cette décision est parfaitement logique dès lors que le débat a été porté par les parties sur la question du « pouvoir » du juge-commissaire : tant qu’il est en fonction, il est de son pouvoir d’ordonner une vente.

Il est en revanche probable qu’en l’espèce le recours aurait pu prospérer si au lieu  de l’excès de pouvoir, c’est la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir du liquidateur, manifeste en l’espèce, qui avait été invoqué (article 122 du CPC). Et sans doute la vente aurait été évitée.

Et en tout état, correctement invoqué, ce défaut d’intérêt doit paralyser une saisie inutile aux créanciers, et le liquidateur ne peut vendre un bien s’il dispose déjà des fonds nécessaires au règlement des créanciers.

Le "délaissement" du bien par le liquidateur

Le liquidateur a vocation à réaliser l’entier patrimoine du débiteur jusqu’à complet désintéressement des créanciers. Cependant les textes ne lui impartissent pas de délai.

Pour autant la liquidation judiciaire doit prendre fin quand elle ne se justifie plus et le liquidateur ne peut valablement maintenir les opérations par exemple dans la perspective de recueillir des biens à venir. Voir le mot liquidation judiciaire durée sur cette question.

Pour autant et tant que la liquidation judiciaire n'est pas clôturée le liquidateur est en fonction et fondé à agir.  

Cependant la Cour de cassation vient d’ouvrir une brèche, certes à propos d’une liquidation des biens régie par la loi du 13 juillet 1967, mais la solution semble parfaitement transposable au texte actuel.

En l’espèce le débiteur fait l’objet d’une liquidation en 1985, il vend seul un immeuble en 1995 et est assigné en inopposabilité de la vente en 2008 par le syndic. Le débiteur soutient devant la cour d’appel que l’absence de diligence du syndic pendant 23 ans est révélatrice d’une « tacite renonciation » à poursuivre la vente de l’immeuble. La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel qui n’a pas répondu à ce moyen, sans doute sur fond de raccourcissement des délais de prescription, la loi du 18 juin 2008 entrant « complètement » en puissance quelques jours plus tard. Cass com 4 juin 2013 n°11-23647

Tout en étant attentif à l’arrêt de renvoi à intervenir (cour d’appel de Nîmes) on ne peut qu’être très circonspect sur la question : en première analyse envisager que le délaissement par le liquidateur donne droit au débiteur de réaliser le bien ne semble  pas acceptable, et en pareille situation on pourrait, sous l’empire des textes actuels, renvoyer le débiteur à solliciter la clôture de la procédure, laquelle sera prononcé si le Tribunal estime que les conditions sont réunies.

Mais, le fait est que l’existence d’un bien, même s’il est de très faible valeur (Cass com 5 mars 2002 n°98-22646) (tout  au moins jusqu’à l’entrée en vigueur de l’ordonnance 2014-326 du 12 mars 2014 qui a modifié, par un texte d’application immédiate, l’article L. 643-9), est un obstacle à la clôture, et en outre, comme indiqué ci-dessus, le débiteur a précisément agi en croyant que la clôture était rendue.

L’arrêt du 4 juin 2013 ouvre peut-être la porte à la validité de l’acte, et reportera  sans doute alors la question sur le sort du prix et la responsabilité du notaire.

En présence de créancier inscrit sur l’immeuble venant en premier rang sur le prix, on peut penser que, mis à part les frais de justice (honoraires du liquidateur notamment), le liquidateur et le notaire auraient effectué la même répartition : le préjudice est inexistant pour la liquidation judiciaire puisque le même créancier aurait été payé de la même manière.

À l’inverse, la situation serait différente dans deux situations :

  • en l’absence de créancier inscrit sur l’immeuble : le notaire aura remis le prix au débiteur, en méconnaissance des droits des autres créanciers ;
  • en présence de créancier inscrit sur l’immeuble, primé par le superprivilège des salaires et le privilège des salaires : le notaire aura payé le créancier inscrit alors que le liquidateur aurait payé l’AGS subrogée dans les droits des salariés. Le superprivilège et le privilège des salaires présentent en effet la particularité « piégeuse » d’être parmi les rares privilèges généraux, portant à ce titre sur les immeubles. Plus « dangereux » encore : ces privilèges sont « occultes » puisque non publiés.
 

Dans ces deux cas, à l’évidence, l’entorse faite au droit de la liquidation est préjudiciable aux créanciers et les responsabilités des intervenants seront à examiner.

Ainsi suivant comment la Cour de renvoi et la jurisprudence en général aborderont la question, le délaissement prolongé du bien par les organes de la liquidation pourrait justifier la « sortie » du bien de l’emprise de la procédure collective.

 
   

 

 
   

Une telle solution, a priori éloignée de la règle de droit, serait hélas parfaitement compréhensibles en équité, dans une situation il est vrai extrême.

   

L'insaisissabilité

Voir le mot insaisissabilité

Les biens reçus en succession

Voir le mot succession

Le calendrier de la saisie en liquidation

Comme en droit commun, la publication de l’ordonnance du juge-commissaire déclenche l’enchaînement des formalités :

- deux mois pour le dépôt du cahier des conditions de la vente ;

- 5 jours ouvrables après ce dépôt pour l’avis de la date de l’audience d’adjudication donné aux créanciers inscrits et au conjoint du débiteur.

Ce délai de 5 jours doit être respecté sous peine de voir le juge de l’exécution déclarer non avenue l’ordonnance du juge-commissaire, sauf motif légitime (R642-29-1)

On ne sait pas trop quel motif peut être légitime à ce stade, mais on ne sait pas trop non plus ce qui s’opposerait au respect de ce délai.

- L’audience d’adjudication est fixée entre 2 et 4 mois de l’avis aux créanciers  inscrits et au conjoint du débiteur.

Tout cela semble bien s’enchaîner. Pourtant un souci peut provenir de la double nécessité

- de publier l’ordonnance du juge-commissaire dans les mêmes délais que le commandement, soit dans les deux mois de sa date ;

- et de fixer l’audience d’adjudication entre 2 et 4 mois de l’avis aux créanciers inscrits c’est-à-dire concrètement 2 mois et 5 jours après la publication de  l’ordonnance du juge-commissaire.

L’audience d’adjudication doit donc intervenir au maximum 6 mois et 5 jours après la publication de l’ordonnance du juge-commissaire.

Ces deux délais doivent eux aussi être respectés sous peine de voir l’ordonnance du juge-commissaire non avenue, et là encore sauf motif légitime (R642-29-1).

Ordonnance du juge commissaire et voies de recours

Le premier acte qui conduira à la saisie de l'immeuble est l'ordonnance du juge commissaire.

La loi (article R642-36-1 du code de commerce) dispose que le juge commissaire statue après avoir entendu ou appelé (le juge statue même s'ils ne se déplacent pas) le débiteur, son conjoint commun en bien (c'est à dire marié sous un régime communautaire) si l'immeuble est commun, et le liquidateur.

Le juge commissaire peut le cas échéant écarter une proposition de vente dite de gré à gré, c'est à dire à un candidat qui aurait adressé une offre.

L'ordonnance du juge commissaire fixe les conditions dans lesquelles se déroulera la saisie, c'est à dire la vente aux enchères de l'immeuble: mise à prix et éventuelle faculté de baisse de mise à prix, conditions de publicité de la vente, conditions de visite ...

L'ordonnance du juge commissaire est notifiée par le greffe, par courrier recommandé avec accusé de réception, au débiteur et aux créanciers inscrits sur l'immeuble (créancier hypothécaires).

L'ordonnance peut faire l'objet d'un appel (article R642-37-1 du code de commerce) dans les 10 jours de cette notification. Pour plus de précisions voir voies de recours

Le terme "'appel" permet de penser que seules les parties - ici le débiteur - peut exercer un recours (et le débiteur qui n'aura pas exercé ce recours ne pourra soulever un incident de saisie immobilière comme il l'aurait fait en droit commun Cass com 11 octobre 2016 n°14-22796) , mais la Cour de Cassation entend manifestement plus largement la possibilité de recours, et admet "l'appel" des tiers intéressés (voir le mot voies de recours qui détaille les arguments contre cette solution et les arrêts rendus qui la retiennent)

L'ordonnance devenue définitive se substitue au commandement de droit commun (l'article R321-20 du code des procédures civiles d'exécution dispose que le commandement cesse de produire ses effets si dans les deux ans de sa publication il n'est pas mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la saisie - c'est à dire un jugement d'adjudication - et la Cour de Cassation est d'avis que la péremption s'applique de la même manière à l'ordonnance du juge commissaire qui n'aurait pas donné lieu, dans les deux ans, à la même mention en marge, ce délai pouvant être prorogé par le juge de l'exécution Cass avis 15009 du 18 avril 2018 sur Q 18-70005

Formalités préparatrices de la vente:

L'ordonnance du juge commissaire doit être publiée à la conservation des hypothèques dans les 2 mois de sa date.

A partir de cette formalités, la saisie quitte la compétence du juge commissaire pour entrer dans celle du juge naturel de la saisie immobilière: le juge de l'exécution (JEX)

Le liquidateur rédige le "cahier des conditions de la vente" qui comporte toutes les indications qui seront nécessaires pour renseigner les enchérisseurs éventuels sur l'immeuble acquis et les particularités de la procédure.

Ce document doit être déposé au greffe du juge de l'exécution dans les 2 mois de la publication de l'ordonnance du juge commissaire.

Dans les 5 jours ouvrables qui suivent ce dépôt, le liquidateur fait aviser par huissier le conjoint commun en biens du débiteur (en cas d'immeuble commun) et les créanciers inscrits. L'avis contient d'une part l'information du dépôt au greffe du cahier des conditions de la vente et d'autre part la date de l'audience d'adjudication ( à laquelle l'immeuble sera vendu).

Les éventuelles contestations des créanciers inscrits ou du conjoint, qui ne peuvent concerner que des actes postérieurs à l'ordonnance du juge commissaire, sont formées par avocat, et déposées au greffe du juge de l'exécution dans les 15 jours de l'avis d'huissier.

Le juge de l'exécution tiendra alors une audience pour statuer sur ces contestations, sa décision pouvant faire l'objet d'un appel, sans que cela soit suspensif (la saisie peut être poursuivie)

L'audience d'adjudication doit se tenir entre 2 et 4 mois de l'avis, c'est à dire si on met bout à bout les formalités, au maximum 6 mois et 5 jours après la publication de l'ordonnance du juge commissaire (la Cour de Cassation a eu l'occasion de préciser en outre que l'ordonnance du juge commissaire était caduque si un jugement constatant la vente n'était pas transcrit en marge de la publication de l'ordonnance dans les deux ans (délai de l'article R321-20 du code des procédures civiles d'exécution), l'ordonnance suivant exactement le sort du commandement de saisie Cass avis 18 avril 2018 n°18-70005

L'adjudication et ses suites:

La phase d’adjudication est plus classique, mis à part le fait que le liquidateur, poursuivant, ne peut être déclaré adjudicataire ni personnellement (la loi le lui interdit) ni ès qualité, y compris en cas de carence (évidemment).

Les éventuelles facultés de baisse de mise à prix par le juge commissaire seront prises en considération avec

- les avantages d’éviter d’avoir à revenir au point de départ, c’est-à-dire à une nouvelle requête au juge commissaire, en cas de carence d’offre,

- les inconvénients d’amener les candidats à attendre que la baisse soit effective pour se porter enchérisseurs, et donc, de fait, à organiser la vente sur une mise à prix nécessairement baissée par rapport à celle décidée par le juge commissaire.

Le jugement d'adjudication est rendu au profit du meilleur enchérisseur.

Il n'est dérogé au droit commun ni en matière de surenchère, ni de préemption, ni en matière de réitération des enchères.

Le jugement d'adjudication doit être publié dans les 2 mois de sa date ou dans les deux mois de sa confirmation en cas d’appel (R643-3) 

Ceci dit la jurisprudence considère que le débiteur est irrecevable à former un recours, en raison de l’autorité de l’ordonnance du juge-commissaire qui décidément bloque toutes les initiatives du débiteur (Cass com 19 janvier 1999 n°95-20493)  (et en tout état dans les deux ans à défaut de quoi l'ordonnance du juge commissaire cesse de produire ses effets et est frappée de péremption Cass com avis du 18 avril 2018 n°15009

Le prix et les intérêts au taux légal à compter du jour où la vente est définitive doit être payé au liquidateur dans les 3 mois du jugement d'adjudication par dérogation au droit commun, le paiement du prix intervient entre les mains du liquidateur, puisque c’est lui qui règlera l’ordre entre les créanciers (R643-3) 

Ce paiement doit inclure les intérêts au taux légal à compter du jour où la vente est devenue définitive (ce qui déroge au droit commun qui ne prévoit pas le règlement d’intérêt si ce n’est pas mentionné au cahier des conditions de la vente).

Sauf surenchère ( un créancier inscrit peut considérer que le prix est insuffisant et exercer son droit de surenchère, le bien est alors remis en vente) ou réïtération de la vente (si l'adjudicataire ne peut pas payer le prix et les intérêts dans le délai, le bien est remis en vente, procédure anciennement dénommée folle enchère), on "rebascule" dans le droit de la liquidation judiciaire à partir du paiement du prix entre les mains du liquidateur.

Cependant l’article L. 642-18 du Code de commerce précise que l’adjudication emporte purge ce qui est heureux, mais ne dispensera évidemment pas le liquidateur, après paiement du prix, de rechercher les radiations amiables ou judiciaires des inscriptions (et ici devant le juge de l’exécution).

Quand la vérification des créances le permettra, c'est à dire quand les créances seront connues, le liquidateur établira un "état de collocation" (article R643-6 du code de commerce, c'est le document décrivant le projet de répartition du prix entre les créanciers) qui est déposé au greffe du tribunal de la liquidation judiciaire et publié au BODACC.

Cet état de collocation peut faire l'objet de recours dans les 30 jours de sa publication au BODACC, devant le juge de l'exécution.

En l'absence de recours, le liquidateur dépose un procès verbal de clôture de l'ordre (article R643-7 du code de commerce) et paye les créanciers.

Pour entrer plus dans le détail

Le liquidateur répartira le prix en fonction de l’ordre des créanciers sur l’état des créances établi dans le cadre de la procédure collective (L642-18) et des créanciers de la procédure collective elle-même (frais de justice et créances postérieures). Ainsi :

  • Contrairement au droit commun de la saisie les créanciers inscrits n’ont pas à déclarer leur créance au sens du droit de la saisie immobilière, dans les deux mois de la dénonciation du commandement, ni à compter de quelque autre acte, puisqu’ils auront déclaré créance au sens des règles de la procédure collective(le terme employé par les deux corps de texte est le même).
  • Il n’est pas ici question de paiement provisionnel du créancier de premier rang tel qu’il est organisé par le droit commun. La procédure collective organise ses propres possibilités de paiements provisionnels sous le contrôle du juge-commissaire (L643-3) qui peuvent satisfaire tous les besoins en l’espèce, et notamment ceux de mettre un terme au cours des intérêts en effectuant des paiements aux créanciers concernés.
  • L’ordre des créanciers tel qu’il s’appliquerait en droit commun est affecté par :
  • – L’existence du super privilège des salariés, qui comme déjà indiqué garantit les 60 derniers jours de salaires, les préavis et congés dus aux salariés. Comme son nom l’indique, ce privilège passe avant tous les autres en ce compris les privilèges spéciaux et notamment l’hypothèque, et c’est, avec le privilège des salariés, un des rares privilèges généraux existants, qui porte donc également sur les immeubles (et prime les privilèges spéciaux en application de l’article 2376 du Code civil)

Ces créances des salariés, dans les droits desquels l’AGS est subrogé, seront donc payées avant les créanciers hypothécaires.

  • – Les éventuels frais de justice inhérents à la procédure collective.

Matériellement le liquidateur établit un état de collocation (R643-6) qui est déposé au greffe du tribunal de la procédure collective et publié au BODACC.

Les  recours  éventuels  doivent  être  formés  dans  les  30 jours  de  l’insertion au BODACC et sont de la compétence du JEX (R643-11)

En l’absence de recours, le liquidateur dépose au greffe du tribunal de la procédure collective un procès-verbal de clôture de l’ordre et paye les créanciers R643-7

Le cas particulier du recours contre l'ordonnance du juge commissaire, et les conséquences sur le calendrier

Pour l’essentiel, le calendrier, calqué sur celui du droit commun, est organisé par l’article R. 642-29-1 du Code de commerce.

Comme pour le commandement, l’ordonnance doit être publiée, même si c’est moins utile qu’en droit commun où la publication rend l’immeuble indisponible.

En effet en liquidation judiciaire l’immeuble ne pourra de toute façon pas être valablement vendu sans le respect de la procédure ad hoc en raison du dessaisissement du débiteur et l'acte éventuellement passé est inopposable à la liquidation judiciaire (voir dessaisissement pour plus de précisions)

Sauf des cas particuliers très marginaux, la publicité du jugement d’ouverture de la procédure collective est suffisamment accessible pour éviter des ventes passées en violation des règles de la liquidation et protéger ainsi la responsabilité des notaires : le site BODACC.fr permet maintenant des recherches fiables, et seules les procédures relativement anciennes, concernant des personnes qui ne sont pas immatriculées au registre du commerce, présentent de réels risques dans ce domaine.

En tout état, comme pour le commandement, la publication de l’ordonnance cesse de produire ses effets faute d’adjudication dans les 3 ans ou de jugement prolongeant ce délai.

Comme en droit commun, la publication de l’ordonnance du juge-commissaire déclenche l’enchaînement des formalités :

  • deux mois pour le dépôt du cahier des conditions de la vente ;
  • 5 jours ouvrables après ce dépôt pour l’avis de la date de l’audience d’adjudication donné aux créanciers inscrits et au conjoint du débiteur.

Ce délai de 5 jours doit être respecté sous peine de voir le juge de l’exécution déclarer non avenue l’ordonnance du juge-commissaire, sauf motif légitime25.

On ne sait pas trop quel motif peut être légitime à ce stade, mais on ne sait pas trop non plus ce qui s’opposerait au respect de ce délai.

  • L’audience d’adjudication est fixée entre 2 et 4 mois de l’avis aux créanciers  inscrits et au conjoint du débiteur.

Tout cela semble bien s’enchaîner.

Pourtant un souci peut provenir de la double nécessité :

- de publier l’ordonnance du juge-commissaire dans les mêmes délais que le commandement, soit dans les deux mois de sa date ;

 - et de fixer l’audience d’adjudication entre 2 et 4 mois de l’avis aux créanciers inscrits c’est-à-dire concrètement 2 mois et 5 jours après la publication de  l’ordonnance du juge-commissaire.

L’audience d’adjudication doit donc intervenir au maximum 6 mois et 5 jours après la publication de l’ordonnance du juge-commissaire.

Ces deux délais doivent eux aussi être respectés sous peine de voir l’ordonnance du juge-commissaire non avenue, et là encore sauf motif légitime (R642-29-1)

- Exposé du problème : l’effet du recours contre l’ordonnance du juge-commissaire.

Que se passe-t-il en cas de recours contre l’ordonnance du juge-commissaire ? Le problème est plus préoccupant encore depuis le décret de février 2009.

En effet, antérieurement à ce texte, le recours contre l’ordonnance du juge- commissaire était porté devant le tribunal, donc évacué assez rapidement.

Depuis, l’article R. 642-37-1 du Code de commerce dispose que le recours est formé devant la cour d’appel, ce qui implique un calendrier plus long, même s’il est vrai que les juridictions font généralement beaucoup d’efforts pour statuer rapidement.

La lettre du texte est en tout état potentiellement problématique à respecter quand il y a un recours contre l’ordonnance du juge-commissaire.

- Solutions proposées :

Trois voies semblent possibles pour pallier cette difficulté de calendrier :

Solution 1 — La plus expéditive qui ne satisfait personne : les décisions rendues en matière de procédure collective sont exécutoires de plein droit (R661-1 du code de commerce) : on peut vendre malgré un recours. En outre faute de texte, l’exécution provisoire ne peut être arrêtée (Cass com 1er Octobre 2013 n°12-23999) ou plus exactement ne peut être arrêtée à notre avis que sur ordonnance du premier Président (voir le mot exécution provisoire sur ce débat)

L’argument est cependant envisageable, mais évidemment c’est  assez  théorique pour des questions de responsabilité des différents intervenants et notamment du liquidateur qui prendrait le risque de voir l’ordonnance du juge-commissaire invalidée après une vente devenue irréversible.

Deux autres solutions moins exposées :

Solution 2 — Soutenir devant le juge de l’exécution que le recours contre l’ordonnance constitue un motif légitime de dépassement du délai, puisque l’article R. 642-29-1 l’envisage. C’est tout à fait défendable.

Solution 3 — Soutenir qu’en cas de recours, ce n’est pas l’ordonnance du juge- commissaire qui doit être publiée, mais l’arrêt de la cour d’appel, ou plus exactement en pratique l’ordonnance du juge-commissaire confirmée par la cour d’appel puisqu’évidemment si l’immeuble est vendu c’est que la cour d’appel a confirmé l’ordonnance.

C’est sans doute l’esprit du texte, même si sa lettre évoque simplement la  publication de l’ordonnance.

Évidemment cette position peut paraître assez théorique quand on connaît le formalisme des démarches aux services de la publicité foncière, attentifs à publier, à la lettre du texte, une « ordonnance du juge-commissaire ».

C’est en tout cas la solution qu’envisagent les auteurs.

C’est également ce qu’avait jugé la Cour de cassation avant le décret de 2009. Deux arrêts :

Ceci dit, cette imperfection de coordination n’a pas encore été tranchée en jurisprudence depuis le décret de février 2009 et il n’y a donc pas de solution certaine à proposer.

Différences avec la procédure de droit commun

L'ordonnance du juge commissaire se substitue au commandement de saisie

L’ordonnance du juge-commissaire se substitue au commandement dont elle contient toutes les indications et est publiée dans les mêmes conditions (la seule particularité est que d’éventuels commandements antérieurs cessent de produire effet). R642-23

Le juge de l'exécution ne peut faire droit à une demande de vente amiable

Faute d’être recevable à demander au juge de l’exécution (par ailleurs incompétent) de modifier la décision du juge-commissaire, le débiteur ne pourra pas solliciter la vente amiable en cours de saisie

L’ordonnance du juge-commissaire une fois définitive bloque toutes les initiatives du débiteur (Cass com 19 janvier 1999 n°95-20493 Cass com 11 avril 1995 n°92-12254

Il n'y a pas d'audience d'orientation

L’audience d’orientation, jugée inutile, est en conséquence supprimée (R642-29-1) (jusqu’au  décret du 12 février 2009 cette audience était maintenue bien que vidée de sa  substance puisque le débiteur ne pouvait rien y demander).

Ainsi, le texte (R642-29-1) prévoit un cheminement procédural plus simple : le liquidateur dépose le cahier des conditions de la vente au greffe du juge de l’exécution, ce document n’ayant rien de particulier par rapport au droit commun si ce n’est évidemment qu’il vise l’ordonnance du juge-commissaire au lieu de commandement.

Le conjoint du débiteur (évidemment en cas de vente d’un bien commun) et les créanciers inscrits sont avisés par acte d’huissier, à la demande du liquidateur, de la  date de l’audience d’adjudication.

Cet avis contient ou vaut (le texte emploie successivement les deux termes) sommation  de  prendre  communication  du  cahier  des  conditions  de  la  vente,   et l’indication que les seules contestations recevables sont celles relatives à des actes postérieurs à l’ordonnance du juge-commissaire (à la vérité on voit mal de quoi il s’agit).

Les éventuelles contestations relatives à un acte postérieur à l’ordonnance du juge- commissaire sont formulées par conclusions d’avocat déposées au greffe du Juge de l’exécution dans les 15 jours de l’avis et ce n’est qu’en cas de contestation que ce juge tiendra une audience. Le texte précise que ces contestations ne suspendent pas le cours de la procédure, pas plus d’ailleurs que l’appel du jugement rendu par le juge de l’exécution.

En pratique ce type d’audience est évidemment rarissime, le juge-commissaire, et le cas échéant la cour d’appel statuant sur recours contre son ordonnance, ayant vidé préalablement toutes les contestations.

L'effet du dessaisissement sur le déroulement de la saisie

Voir le mot dessaisissement

L'idée qui semble dominer est que le débiteur est entendu par le juge commissaire lorsqu'il statue sur la vente de l'immeuble et peut exercer des recours contre son ordonnance.

En suite de l'ordonnance du juge commissaire devenue définitive, l'idée qui semble dominer est que le débiteur perdrait tout ou l'essentiel de son droit propre d'agir Cass com 28 janvier 2004 n°01-13422  Cass com 5 octobre 2010 n°09-16602 Cass com 23 septembre 2014 n°13-20304 qui indique clairement "le débiteur en liquidation des biens que son conjoint, commun en biens, dessaisi par l'effet de l'ouverture ultérieure d'une procédure de liquidation judiciaire, exercent leurs droits propres en formant un recours contre l'ordonnance du juge-commissaire à la liquidation du premier ayant ordonné la vente d'un bien commun aux enchères publiques" ce qui semble limiter le droit propre du débiteur au seul recours contre l'ordonnance du juge commissaire.

Le débiteur ne peut donc, au nom de son droit propre, élever une contestation devant le juge de l'exécution : il est irrecevable Cass civ 2ème 17 novembre 2022 n°21-10819  sauf le cas où il invoquerait devant le juge de l'exécution le caractère abusif des clauses du contrat qui a fondé la créance du poursuivant (l'espèce est dans un cas de poursuite par un créancier bancaire auquel l'insaisissabilité est inopposable, dont les clauses du contrat étaient prétendues abusives) et que le juge commissaire n'aurait pas examiné lors de l'admission de la créance Cass com 8 février 2023 n°21-17763

Il est alors indifférent que le débiteur ait été sommé de prendre connaissance du cahier des conditions de la vente (Cass com 18 janvier 2011 n°09-72961) puisque ses contestations seront irrecevables, qu'il s'agisse d'incidents de la saisie Cass com 18 janvier 2011 n°09-72961 Cass com 11 octobre 2016 n°14-22796  Cass com 31 janvier 2017 n°15-14879 Cass com 21 février 2012 n°10-10457 pour la reprise de la saisie

L’article R. 642-29-1 du Code de commerce n’évoque d’ailleurs pas le débiteur saisi dans les destinataires de l’avis d’avoir à prendre connaissance du cahier des conditions de la vente et il n'est en tout état pas recevable à déposer un dire Cass com 28 janvier 2004 n°01-13422

Cependant sous l'empire de l'ancien texte il avait été jugé que le débiteur était recevable nonobstant le dessaisissement, à rechercher la nullité de la sommation d'en prendre connaissance, devenue maintenant inutile Cass com 17 novembre 2009 n°08-19151 alors qu'à l'inverse il avait été jugé que dès que l'ordonnance du juge commissaire était définitive, le débiteur était dessaisi au profit du liquidateur Cass com 19 janvier 1999 n°95-20493

Il semble a priori raisonnable que les actes qui concernent le débiteur saisi soit destinés au débiteur et non pas au liquidateur : c'est par exemple à notre avis le cas de la dénonciation de surenchère prévue à l'article R322-51 du Code des procédures civiles d'exécution dont l'article R322-52 Indique qu'elle doit être dénoncée au créancier poursuivant, à l'adjudicataire et au débiteur saisi. Il nous semble logique ici que le créancier poursuivant soit assimilé au liquidateur et le "débiteur saisi" au sens du texte soit le débiteur lui même. Cela amène par voie de conséquence (encore que ce ne soit pas forcément une conséquence nécessaire) à envisager que le débiteur ait qualité pour mener une contestation au sens de l'article R311-6 du CPCE, ce qui est une éventualité (mais pas évident), outre la question de l'intérêt à agir (notamment pour contester une surenchère) mais qui se pose dans les mêmes termes pour le liquidateur.

La Cour de Cassation ne s'est pas prononcée, mais a jugé que le débiteur ne pouvait, au nom de son droit propre, relever appel d'une décision statuant sur la péremption du commandement de saisie Cass com 8 mars 2017 n°15-19606 .. mais pour un commandement délivré avant le jugement.

Il nous semble a priori que le liquidateur, au gré de ses diligences, trouve sa qualité pour agir soit dans le monopole de représentation des créanciers, soit dans le dessaisissement du débiteur, et qu'il s'agit ici d'une alternative : le liquidateur n'agit pas au nom de ces deux qualités possibles, contradictoires. Dans la saisie immobilière il agit clairement aux lieu et place du créancier poursuivant, et pas au nom du dessaisissement, la saisie n'étant pas une vente volontaire. Pour cette raison le débiteur garde des prérogatives.

Pour résumer sur le point précis de la surenchère (mais ce n'est qu'un des points) il n'est pas certain que la dénonciation de surenchère doive être adressée au débiteur lui même, mais dans le doute et compte tenu des conséquences (irrecevabilité de la surenchère) les surenchérisseurs seront inspirés de ne pas courir de risque inutile. 

Voir notre étude détaillée

- notre article issu du colloque" la saisie immobilière approches transversales" organisée par le laboratoire de droit privé de la Faculté de Droit de MONTPELLIER (Octobre 2013) : Philippe PERNAUD, intervention sur le thème de la saisie immobilière en procédure collective et plus précisément en liquidation judiciaire. Publication des actes aux éditions Dalloz Octobre 2014.