Caution et coobligés
Quelques points de la définition
En droit commun
En procédure collective
Avertissement de la caution
La caution, le cours des intérêts et les conséquences de l'absence de déclaration de créance du créancier
Le recours du créancier contre la caution et le coobligé in bonis suivant les étapes de la procédure collective du débiteur principal
Liquidation judiciaire (et déchéance du terme)
Synthèse des cas de recours contre les cautions et coobligés
La nature procédurale de la suspension de l'action en sauvegarde ou en redressement judiciaire
Moyens de défense de la caution
La faute du créancier dans le recouvrement de sa créance
L'admission de la créances est opposable à la caution
Caution et arrêt du cours des intérêts
Créance non déclarée inopposable pendant l'exécution du plan de sauvegarde
Caution et absence de déclaration de créance du créancier
Caution et fraude de la banque ou fautes dans l'octroi de crédit
Caution et exceptions personnelles
Caution et prescription (interversion de la prescription)
Créance de la caution au passif du débiteur principal
Créance subrogatoire de la caution
Créance avant paiement de la caution
Recours de la caution
Action de la caution contre le débiteur après clôture de la liquidation judiciaire du débiteur
Recours de la caution contre les autres cautions
Interférences entre procédure collective du débiteur et du garant aux différentes étapes de chaque procédure collective
Cas particulier de la caution d'un prêt transféré dans le cadre d'une cession d'entreprise
Caution et rétablissement professionnel
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En droit commun
La caution est l'engagement donné au créancier, par une personne physique ou morale, de se substituer au débiteur dans l’hypothèse où il ne pourrait pas payer la dette (voir aussi le mot co-emprunteur, qui décrit une situation différente) et étant d'ailleurs précisé que la personne qui s'engagerait alors qu'il est d'ores et déjà certain que la dette principale ne sera pas payée décrit une situation qui n'est pas celle de la caution, une convention de caution dans pareille circonstance étant dénuée de cause (Cass com 17 mai 2017 n°15-15746 pour une caution qui s'est engagée alors que le débiteur principal était déjà en liquidation judiciaire)
La qualification de la caution dépend non pas de l'intitulé de l'acte, mais de son contenu, et un acte qualifié de garantie à première demande peut en réalité être une caution (Cass com 20 avril 2017 n°15-182003)
Pour la subrogation et l'action avant paiement voir les mots (et également le mot subrogation du lexique)
En procédure collective
L'avertissement de la caution
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, un nouvel article R. 622-5-1 du code de commerce (Décret d'application de l'ordonnance du 15 septembre 2021 article 13), prévoit que le débiteur porte désormais à la connaissance du mandataire judiciaire l’identité de ses garants personnes physiques.
Et, le mandataire judiciaire doit à son tour informer ces garants de la possibilité de solliciter le bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers (ce qui n'est d'ailleurs pas appropriée si la caution est commerçante ou relève des procédures collectives, et est prématuré si l'état de la procédure collective ne permet pas de poursuivre les cautions - cf ci dessous -).
Les cautions, le cours des intérêts et les conséquences de l'absence de déclaration de créance du créancier
Pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021
Les cautions personnes physiques bénéficient de l'arrêt du cours des intérêts en sauvegarde (L622-28), ce qui n'est le cas ni en redressement ni en liquidation judiciaires (L631-14 et L641-3) et par renvoi aux articles L622-26 et L622-28,
C'est par contre le cas en sauvegarde) Cass com 17 avril 2019 n°17-19555
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021
L'article L631-14 est modifié et désormais les cautions peuvent se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts en redressement judiciaire comme en sauvegarde en application de l'article L622-28 modifié
Le recours du créancier contre la caution ou le coobligé in bonis suivant la nature et l'étape procédurale de la procédure collective du débiteur principal
Les principes
En matière de procédure collective du débiteur principal ,
- la caution personne morale ne bénéficie d'aucun aménagement particulier de son traitement et est donc exposée à des poursuites (et peut demander des délais de grâce dans les conditions de droit commun),
- alors que la caution ou coobligé personne physique bénéficie d'un traitement qui dépend de la nature de la procédure collective du débiteur principal dont elle s'est portée caution (la caution personne morale n'est protégée que par la possibilité de demander des délais et par l'invalidation des clauses prévoyant une déchéance du terme vis à vis de la caution si vis à vis du débiteur principal le terme subsiste Cass com 19 décembre 2000 n°98-10091 en redressement judiciaire transposable à la sauvegarde).
De même évidemment la caution personne morale ne peut être recherchée que pour la partie échue de la créance déduction faite le cas échéant de la somme payée dans le cadre du plan Cass com 30 janvier 2019 n°16-18468
Etant précisé que la caution peut se prévaloir de l'absence de déchéance du terme des jugements de sauvegarde ou de redressement judiciaire, de telle sorte qu'au cas où la banque est déchue de son droit à intérêt à l'encontre de la caution, les éventuelles sommes payées par le débiteur principal s'imputent nécessairement sur le capital du par la caution Cass com 19 janvier 2022 n°20-17553
Définitions
Les textes tendent à protéger les "personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie" L622-28
Il sera en premier lieu indiqué que les développements qui suivent évoquent parfois la caution, parfois sans préciser expressément que les coobligés lui sont assimilés.
Pour le surplus, force est de constater qu'il n'existe pas définition du "coobligé" alors que les conséquences des textes sont déterminantes pour le "coobligé" personne physique, ce qui implique d'en connaître le contours.
Evidemment la catégorie la plus évidente de coobligé est issue du droit cambiaire (L511-38 du code de commerce).
Mais en réalité d'autres situations peuvent se rencontrer, dans lesquelles un débiteur, solidaire ou pas, peut se trouver engagé aux côtés d'un autre, ce qui amène à se demander s'il est ou pas coobligé au sens des textes qui régissent les procédures collectives.
Pour tenter de définir le coobligé, il s'agit avant tout d'un débiteur tenu exactement de la même manière que l'autre débiteur, et qui peut être actionné en même rang, c'est à dire qui peut être actionné même si l'autre débiteur ne l'a pas été préalablement.
Cette précision permet d'exclure le débiteur subsidiaire, par exemple l'associé tenu indéfiniment et solidairement du passif social pour lequel des formalités préalables à l'encontre de la société s'imposent, ou le dirigeant solidairement responsable des dettes fiscales de la société qui ne sera condamné que si le recouvrement contre la société est impossible.
L'appréciation est incontestablement différente vis à vis de l'un des codébiteurs, qui n'est pas un débiteur accessoire ni subsidiaire, mais est bien tenu de la dette au même titre que l'autre codébiteur. A priori il n'y a pas de raison d'écarter le codébiteur personne physique du bénéfice des dispositions légales, puisqu'il est bien coobligé.
Son engagement peut être contractuel, mais peut être également être légal.
C'est sans doute le cas des co-emprunteurs dans le cadre d'un prêt commercial, pour lesquels la solidarité est présumée, de la personne pacsée avec le débiteur, qui est co-débiteur solidaire pour les dettes familiales (515-4 du code civil) ou du conjoint, codébiteur solidaire des dettes fiscales ou des dettes familiales (article 220 du code civil).
C'est d'ailleurs manifestement le cas du coemprunteur Voir par exemple Sénat Question 17910 du 31.03.2011 et Cass civ 1ère 29 juin 2016 n°15-19803 qui indique expressément que le co emprunteur est coobligé. Voir également Question Assemblée Nationale 104335 du 5 avril 2011 posée à l'époque où les coobligés ne pouvaient pas se prévaloir du plan de redressement, qui confirme que le co emprunteur est coobligé.
La question se pose de savoir si l'engagement du coobligé peut être judiciaire.
Plus précisément un personne physique condamnée "in solidum" avec le débiteur en procédure collective est-elle coobligée au sens des procédures collectives ?
Même si ce n'est certainement pas l'intention du législateur, qui a simplement souhaité, en étendant aux coobligés la protection dont bénéficiaient les cautions, éviter les stratégies de contournement mises en oeuvre par les établissements de crédit, il n'y a pas de raison que le coobligé ne puisse pas être judiciaire, faute de distinction légale. Le texte évoque d'ailleurs "les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle" et pas les coobligés s'étant engagés contractuellement.
A priori la condamnation in solidum produit les mêmes effets que le coobligé, (par exemple Cass civ 3ème 21 décembre 2017 n°16-22222 ou Cass civ 1ère 2 février 2022 n°18-22011 qui assimile le condamné in solidum au coobligé) de sorte que cette condamnation devrait permettre à la personne physique condamnée de se prétendre coobligée.
Cependant la Cour de Cassation a adopté une solution inverse, en matière de condamnation solidaire, mais en se contentant d'affirmer
Vu les articles L. 622-26, alinéa 2, et L. 626-11, alinéa 2, du code de commerce, le premier dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-326 du 12 mars 2014 et le second dans celle issue de l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008, applicables en la cause :
17. Selon le premier de ces textes, les créances non régulièrement déclarées sont, pendant l'exécution du plan de sauvegarde, inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie.
18. En application du second, à l'exception des personnes morales, les coobligés et les personnes ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du plan de sauvegarde.
19. Seules les personnes physiques dont l'engagement est de nature conventionnelle ont la qualité de coobligés au sens de ces deux textes.
De sorte qu'il est encore difficile de donner à cet arrêt une portée de principe Cass com 14 juin 2023 n°21-21330 rendu contra legem, la loi ne distinguant absolument pas.
(voir aussi le mot co-emprunteur, )
Pour en revenir à la caution ou au coobligé personne physique :
- si le débiteur principal est en sauvegarde, la caution et les coobligés personne physique (et précisions sur la caution personne morale)
* ne peut faire l'objet de mesures d'exécution durant la période d'observation (article L622-28 du code de commerce ). Le texte dispose en effet
"Le jugement d'ouverture suspend jusqu'au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.
Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires."
Le créancier peut cependant pratiquer des mesures conservatoires, et mener la procédure prévue à peine de caducité pour l'obtention d'un titre exécutoire Cass com 13 décembre 2023 n°22-18460.
Notamment le créancier peut solliciter un titre exécutoire contre la caution Cass com 8 septembre 2021 n°19-25686, Cass com 14 juin 2023 n°21-24018 qu'il ne pourra exécuter qu'en cas de non respect du plan Cass com 21 octobre 2020 n°19-16185
C'est seulement l'exécution du titre exécutoire est suspendue pour la durée du plan Cass com 27.05.2014 p 13-18018, Cass com 2 juin 2015 n°14-10673, Cass com 1er Mars 2016 n°14-20553)
* peut "se prévaloir" du plan (article L626-11 du code de commerce), c'est à dire que tant que le débiteur principal règle le plan, la caution ne pourra être actionnée en paiement (Cass com 1er mars 2016 n°14-16402) (étant cependant précisé que le créancier est fondé, afin d'éviter la caducité d'une mesure conservatoire, à obtenir un jugement de condamnation de la caution avant l'exigibilité de sa créance à son égard, sans préjuger du montant qu'elle pourrait lui réclamer en cas de défaillance, non encore constatée, de la société débitrice dans le paiement des dividendes du plan Cass com 8 avril 2021 n°19-25332). Ces dispositions ne constituent pas une atteinte disproportionnée aux droits du créancier Cass com 14 juin 2023 n°21-24018
Dès qu'une échéance du plan est impayée, et au fur et à mesure des impayés, le créancier peut poursuivre la caution, sans avoir à solliciter ou à attendre la résolution du plan ( Cass com 2 juin 2015 n°14-10673). Le processus est applicable y compris si l'engagement de caution est antérieur à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 2005 Cass com 10 mars 2021 n°19-16816 19-17154
* peut objecter, pendant la durée du plan, l'absence de déclaration de la créance (L622-26)
* peut se prévaloir du fait que "Le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d'un paiement différé d'un an ou plus" (article L622-28)
A l'inverse, évidemment, la caution personne morale est tenue de la dette échue au jour de l'ouverture de la sauvegarde, la déchéance du terme ne pouvant être invoquée contre la caution alors qu'elle ne l'est pas contre le débiteur principal Cass com 30 janvier 2019 n°16-18468
- si le débiteur principal est en redressement judiciaire, la caution et les coobligés personne physique
Pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021 les cautions et coobligés personnes physiques
* ne peut faire l'objet de mesures d'exécution durant la période d'observation, (renvoi à l'article L622-28 par l'article L631-14 du code de commerce) mais peut faire l'objet de mesures conservatoires ou de voies d'exécution limitées à éviter la caducité des mesures conservatoires (Cass com 3 novembre 2015 n°14-19191 Cass com 8 décembre 2021 n°20-18455 Cass com 13 décembre 2023 n°22-18460). Les actions sont suspendues et l'action est irrecevable. Mais l'irrecevabilité cesse si entre l'assignation et la décision le débiteur a bénéficié d'un plan Cass com 22 novembre 2023 n°22-18766
* ne peut se prévaloir du plan de redressement (article L631-20 du code de commerce). Concrètement dès que le débiteur principal n'est plus en période d'observation (Cass com 10 janvier 2018 n°15-15897) , le créancier peut exiger que la caution le paye, et la caution, qui deviendra créancier à sa place (on appelle ce mécanisme la subrogation) sera remboursée selon les délais et modalités du plan (y compris si dans le cadre du plan la banque a été contrainte de donner main levée de son nantissement Cass com 13 octobre 2015 n°14-16264). La caution ne peut invoquer contre le créancier les délais qu'il a acceptés contre le débiteur principal: si la dette est échue, la caution doit l'assumer quel que soit l'échéancier du plan accepté ou imposé au créancier. Evidemment si la dette est à échoir au jour du jugement, il n'y a pas de déchéance du terme par l'effet du redressement judiciaire, et la caution n'est tenue que de la partie échue de la dette et sous déduction le cas échéant des dividendes payées dans le cadre du plan Cass com 9 juin 2022 n°21-11449
* ne peut se prévaloir de l'absence de déclaration de créance pendant le plan ni de l'arrêt du cours des intérêts qui est prévu en sauvegarde.(L631-14 dernier alinéa qui procède par renvoi à l'article L622-26 ^pour l'inopposabilité de la créance non déclarée et à l'article L622-28 pour l'arrêt du cours des intérêts)
On remarque que l'article L622-28 indique que l'action contre les cautions est suspendue par l'effet du jugement d'ouverture de redressement judiciaire ou de sauvegarde: l'action peut être reprise sans nouvelle assignation dès que la situation procédurale le permet , Cass com 27 février 2007 n°05-20522,
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021
Le texte de l'article L631-20 dans sa version ancienne est supprimé. De sorte que la caution peut se prévaloir du plan de redressement comme du plan de sauvegarde
De la même manière l'article L631-14 est modifié et désormais la caution peut se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts en redressement judiciaire et peut se prévaloir de l'absence de déclaration de créance, pendant et après l'exécution du plan, comme en sauvegarde (L622-26)
- si le débiteur principal est en liquidation judiciaire (et notamment déchéance du terme).
La caution et les coobligés ne sont pas protégée par la loi mais la déchéance du terme "légale" ne lui est pas opposable. En liquidation judiciaire la caution peut être actionnée en paiement des sommes dues par le débiteur principal, puisque c'est l'objet du cautionnement. Par exemple dès le jugement de liquidation judiciaire la caution peut être actionnée pour le découvert du compte courant (Cass com 13 décembre 2016 n°14-16037) et il n'est pas nécessaire d'attendre que la créance soit admise (Cass com 18 janvier 2000 n°96-16833 , Cass com 17 septembre 2002 n°00-14190: la décision d'admission de la créance s'impose (c'est à dire que la caution ne peut plus se prévaloir d'exception inhérente à la dette sauf à exercer des recours contre l'état des créances), mais il ne fait pas oublier qu'il se peut que les créances ne soient même pas vérifiées dans le cadre de la procédure collective
Cependant l'article L643-1 du code de commerce organise la déchéance du terme par l'effet de la liquidation judiciaire (ou de la cession d'entreprise en liquidation ou encore de la fin de la poursuite d'activité autorisée en liquidation). Autrement dit, l'échéancier de la dette est mis à néant par l'effet de la liquidation.
Or la caution s'est engagée en fonction d'un échéancier et de conditions contractuelles de déchéance du terme: la jurisprudence considère donc que la déchéance du terme "légale" qui découle de l'article L643-1 du code de commerce n'est pas opposable à la caution, qui reste donc tenue dans les conditions de son engagement Cass com 8 mars 1994 n°92-11854 Cass com 17 décembre 1996 n°94-10741 Cass civ 1ère 13 octobre 1999 n°97-17434. Cass com 26 octobre 1999 n°96-14123 Cass com 7 décembre 1999 n°97-13365 Cass com 13 mai 2003 n°00-15540 Cass com 8 juillet 2003 n°99-21646 Cass com 15 mars 2005 n°03-11689
Cette protection est assez théorique car évidemment la déchéance du terme contractuelle pourrait être mise en oeuvre, mais quand même à supposer que le créancier puisse la provoquer alors même que la déchéance du terme légale est également encourue ... (ce qui serait assez singulier). Mais surtout contractuellement il est possible de prévoir que la déchéance du terme visant le débiteur principal, découlant des règles de la liquidation judiciaire, s'impose à la caution Cass com 15 mars 2005 n°03-11689 Cass com 11 juillet 1988 n°86-11689 . Une clause par laquelle la caution renonce au bénéfice du terme qui lui serait propre est assez classique Cass com 13 mai 2003 n°00-15642 Cass civ 1ère 19 décembre 2006 n°04-14487 . Voir cu après la déchéance du terme dans les trois précisions.
Synthèse
Les cautions et coobligés personnes physiques sont "protégées" de toute voie d'exécution durant la période d'observation de la sauvegarde et du redressement judiciaire et durant l'exécution du plan de sauvegarde (et a contrario pas durant l'exécution du plan de redressement judiciaire)
Les coobligés personnes physiques sont "protégés" de toute voie d'exécution durant la période d'observation et la phase d'exécution du plan de sauvegarde et ne le sont pas en redressement judiciaire
Les textes ne règlent absolument pas le sort de la caution qui vend spontanément un bien hypothéqué avant que son engagement vis à vis du créancier qu'il cautionne soit exigible.
A priori le droit de suite préserve le créancier (et l'acheteur du bien) et il serait logique que le créancier ne soit pas payé tant que sa créance n'est pas exigible, ce qui pourrait provoquer la séquestre de la part de prix correspondant - ou le paiement anticipé - et n'est donc pas satisfaisant pour la caution, mais est manifestement la seule solution.
La nature procédurale de la "suspension" de l'action en sauvegarde ou en redressement judiciaire
Les dispositions de l'article L622-28 (suspension de l'action contre les cautions ou coobligées) durant la période d'observation en redressement judiciaire et jusqu'à l'issue du plan en sauvegarde, est considérée par la jurisprudence comme une fin de non recevoir: l'action est irrecevable Cass Ch Mixte 16 novembre 2007 n°03-14409
Ainsi si l'action engagée avant le jugement d'ouverture de la procédure collective est simplement suspendue, et pourra être reprise après la fin de la suspension (liquidation judiciaire ou plan de redressement).
Faute de distinction il s'agit tant des actions en paiement que des voies d'exécution.
Même si la reprise de l'instance ne sera fondée que s'il est justifié que la cause de la suspension a cessé, cette reprise n'a pas à être précédée d'une signification du jugement mettant fin à la suspension (jugement adoptant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire Cass com 27 février 2007 n°05-20522)
Et aucune action ne pourra être engagée postérieurement au jugement d'ouverture de la procédure, sous la sanction de l'irrecevabilité que seul le bénéficiaire de la suspension peut invoquer (et qui ne peut donc être soulevée d'office).
Cependant classiquement, s'agissant d'une irrecevabilité, l'article 126 du CPC trouve application : si la cause de l'irrecevabilité a disparu au moment où le juge statue, l'irrecevabilité sera écartée.
Autrement une assignation en paiement délivrée à la caution dès le redressement judiciaire du débiteur principal est irrecevable, mais si la liquidation judiciaire est prononcée avant que le juge ait statué, l'action pourra être poursuivie, sans qu'il soit utile de délivrer une nouvelle assignation Cass com 10 mars 2004 n°01-13.508 pour une liquidation prononcée en cours de procédure et Cass com 24 mai 2005 n°03-21043 et Cass com 7 juin 2005 n°03-18421 pour un plan de redressement (ou de cession dans le texte applicable à l'époque) intervenu en cours de procédure. Mais l'irrecevabilité cesse si entre l'assignation et la décision le débiteur a bénéficié d'un plan Cass com 22 novembre 2023 n°22-18766
Le traitement des créances du bénéficiaire de cautions et engagements solidaires en cas de procédure collective de l'une ou plusieurs des cautions ou obligés
Trois articles du code de commerce règlent le traitement des créanciers bénéficiaires d’engagements solidaires pris par plusieurs débiteurs, d’une part pour leur permettre, car c’est le but de leur garantie, de poursuivre tous leurs débiteurs jusqu’à complet paiement :
Déclaration de créance au passif de chaque débiteur en procédure collective
Article L622-31 du code de commerce « Le créancier, porteur d'engagements souscrits, endossés ou garantis solidairement par deux ou plusieurs coobligés soumis à une procédure de sauvegarde, peut déclarer sa créance pour la valeur nominale de son titre, dans chaque procédure. » (texte de la sauvegarde rendu applicable au redressement judiciaire par l'article L631-14 et à la liquidation judiciaire par l'article L641-3 du code de commerce
Mais la déclaration de créance ne porte que sur la somme restant due au jour du jugement
Article L622-33 « Si le créancier porteur d'engagements solidairement souscrits par le débiteur soumis à une procédure de sauvegarde et d'autres coobligés a reçu un acompte sur sa créance avant le jugement d'ouverture, il ne peut déclarer sa créance que sous déduction de cet acompte et conserve, sur ce qui lui reste dû, ses droits contre le coobligé ou la caution.
Le coobligé ou la caution qui a fait le paiement partiel peut déclarer sa créance pour tout ce qu’il a payé à la décharge du débiteur. »
Mais si plusieurs débiteurs sont en procédure collective, les dividendes perçus de chaque procédure collective par le créancier ne permettent aucun recours entre elles tant que le créancier n’est pas soldé (ceci pour éviter que le créancier soit en concours avec les codébiteurs dans le calcul des répartitions).
Article L622-32 « Aucun recours pour les paiements effectués n'est ouvert aux coobligés soumis à une procédure de sauvegarde les uns contre les autres à moins que la réunion des sommes versées en vertu de chaque procédure n'excède le montant total de la créance, en principal et accessoire ; en ce cas, cet excédent est dévolu, suivant l'ordre des engagements, à ceux des coobligés qui auraient les autres pour garants. »
Evidemment le cumul des sommes payées par les différentes procédures collectives ne peut excéder le total des sommes dues : le créancier a vocation à être payé en totalité, mais pas plus.
Tant que le créancier n'est pas payé en totalité, il participe aux répartitions du chef d'un co-débiteur en procédure collective, non pas sur le montant qui peut lui rester du après déduction des sommes versées par d'autres codébiteurs postérieurement à l'ouverture de la procédure collective, mais sur le montant de sa créance au jour du jugement, ce qui augmente (ou plus exactement maintien) ses chances : en effet le paiement n'est pas effectué par celui des co-débiteurs dont la procédure collective effectue la répartition.
Le traitement de la créance à l’intérieur de chaque procédure collective n’appelle pas d’observation particulière, sauf évidemment le fait que par exemple un plan de redressement peut prévoir, avec l’accord du créancier (et uniquement dans ce cas) que la créance ne sera payée que si un autre débiteur coobligé ne la paye pas dans son propre plan, ceci pour éviter qu’en cumulant le bénéfice de plusieurs plans de redressement de plusieurs débiteurs coobligés, le créancier soit finalement payé plus vite que les autres. Pour plus de précision
voir également le mot intérêt pour le sort des intérêts dont le cours est arrêté.
Les moyens de défense de la caution
Il est précisé que les développements qui suivent sont en grande partie antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 septembre 2021 portant réformé du droit des suretés au terme de laquelle désormais les nouveaux textes sont désireux de permettre à la caution d'invoquer une série d'exceptions auxquelles la jurisprudence ne leur donnait pas accès (notamment exceptions inhérentes au débiteur (dol, responsabilité de la banque pour rupture abusive ou octroi de crédit, défaut de déclaration de créance, octroi de délai au débiteur, absence de cause, prescription du code de la consommation).
Désormais la caution pourra, au terme de l'article 2298 du code civil applicable à compter du 1er janvier 2022, invoquer toutes les exceptions, inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur principal. Le texte ajoute que la caution ne peut se prévaloir des mesures dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire .... qui en réalité se trouvent dans le code de commerce dans le cadre du droit des entreprises en difficulté.
* La faute du créancier
La banque qui ne forme pas opposition à un traité de fusion, qui a pour effet de faire disparaitre les parts sociales sur lesquelles elle bénéficiait d'un nantissement, et qui, ce faisant, devient créancier chirographaire de la société absorbante, par la suite en procédure collective, est fautive et la caution peut le lui opposer Cass com 23 septembre 2020 n°19-13378
* L'admission de la créance est opposable à la caution
Pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021
Classiquement l'admission de la créance est opposable à la caution, qui ne peut donc faire valoir d'exception inhérente à la dette Cass com 24 janvier 2024 n°22-18477 mais qui peut pour autant faire valoir des exceptions personnelles Cass com 25 février 2004 n°01-13588 Cass com 3 février 2009 n°07-19423 et au codébiteur Cass com 30 octobre 2007 n°04-16655
La caution peut donc se prévaloir des conditions de l'admission de la créance Cass com 9 septembre 2020 n°18-23811 et à l'inverse elle peut lui être opposée, ce qui suppose qu'elle découle d'une admission dans le cadre de la vérification des créances Cass com 17 février 2021 n°19-19598
A l'inverse le rejet de la créance produit les effets de la forclusion.
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021
En application de l'ordonnance 2021-1193 du 15 septembre 2021, applicable pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, un alinéa 2 a été introduit à l'article L624-3-1 du code de commerce qui dispose « Les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie, lorsqu'elles sont poursuivies, ne peuvent se voir opposer l'état des créances lorsque la décision d'admission prévue à l'article L. 624-2 ne leur a pas été notifiée"
Il en découle que désormais pour actionner la caution, il conviendra de lui dénoncer l'état des créances, ce qui lui ouvrira un recours contre l'état des créances dans le délai d'un mois de la signification (R628-8 modifié par le décret 2021-1218 du 23 septembre 2021). Le texte ne précise pas l'auteur de la signification mais a priori c'est évidemment le créancier qui y a intérêt. Le texte ne précise pas plus devant quelle juridiction le créancier devra contester l'admission.
A priori si le juge commissaire est en fonction c'est par le biais du recours que la caution contestera l'admission (ce qui aura l'avantage que la décision sera opposable à tous)
Si le juge commissaire n'est plus en fonction ou si la caution oppose sa contestation par voie d'exception il n'est pas exclu que le juge saisi de la demande du créancier puisse statuer.
* la caution personne physique peut parfois se prévaloir des remises acceptées dans le cadre d'un plan
C'est le cas en procédure de sauvegarde uniquement (L626-11) et pour les procédures ouvertes après le 1er octobre 2021 également en redressement judiciaire.
* La caution ne peut se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts que dans des cas restrictivement énumérés
Les cautions personnes physiques bénéficient de l'arrêt du cours des intérêts en sauvegarde (L622-28), ce qui n'est le cas ni en redressement ni en liquidation judiciaires (L631-14 et L641-3) Cass com 17 avril 2019 n°17-19555 pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021 la caution peut se prévaloir de l'arrêt du cours des intérêts en redressement judiciaire.
* durant l'exécution du plan de sauvegarde la créance non déclarée est inopposable à la caution personne physique
L'article L622-26 tel qu'il découle de l'ordonnance du 18 décembre 2008 dispose : "Les créances non déclarées régulièrement dans ces délais sont inopposables au débiteur pendant l'exécution du plan et après cette exécution lorsque les engagements énoncés dans le plan ou décidés par le tribunal ont été tenus. Pendant l'exécution du plan, elles sont également inopposables aux personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie". Cette inopposabilité ne se prolonge pas après l'exécution du plan et n'est pas transposable au plan de redressement pour les procédures ouvertes avant le 1er octobre 2021. Postérieurement le régime de la sauvegarde est applicable au redressement.
* la caution peut parfois reprocher au créancier de ne pas avoir déclaré créance:
Il est précisé que les développements qui suivent sont en grande partie antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 septembre 2021 portant réformé du droit des suretés au terme de laquelle désormais les nouveaux textes sont désireux de permettre à la caution d'invoquer une série d'exceptions auxquelles la jurisprudence ne leur donnait pas accès (notamment exceptions inhérentes au débiteur (dol, responsabilité de la banque pour rupture abusive ou octroi de crédit, défaut de déclaration de créance, octroi de délai au débiteur, absence de cause, prescription du code de la consommation).
Désormais la caution pourra, au terme de l'article 2298 du code civil applicable à compter du 1er janvier 2022, invoquer toutes les exceptions, inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur principal. Le texte ajoute que la caution ne peut se prévaloir des mesures dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire .... qui en réalité se trouvent dans le code de commerce dans le cadre du droit des entreprises en difficulté
On sait que dans le texte en vigueur (et à la différence des textes antérieurs à 2005) l'absence de déclaration de créance n'entraîne pas extinction de la créance mais uniquement son inopposabilité à la procédure collective: autrement dit le créancier qui ne déclare pas sa créance au passif du débiteur principal perd "simplement" le droit de s'en prévaloir vis à vis de la procédure collective (et vis à vis des cautions et coobligés personnes physiques pendant la période d'observation et pendant l'exécution du plan de sauvegarde L622-26). Il ne perd donc pas, ipso facto, ses droits contre la caution au seul motif qu'il n'a pas déclaré créance, l'absence de déclaration de créance n'étant pas une exception inhérente à la dette dont peut se prévaloir la caution (par exemple Cass com 12 juillet 2011 n°09-71113 qui admet cependant que si, par la subrogation la caution aurait été payée elle peut alors opposer à la caution la perte d'une chance)
L'article L631-14 précise d'ailleurs que la caution ne peut se prévaloir de l'inopposabilité de la créance non déclarée au passif du débiteur principal (sauf pendant l'exécution du plan et après son exécution cf article L622-26)
Après des hésitations, la jurisprudence admet cependant que la caution puisse reprocher au créancier de ne pas avoir déclaré créance, dans les cas où il est établi que si le créancier avait déclaré créance, la caution qui a payé aurait trouvé avantage à la subrogation (Cass com 12 juillet 2011 n°09-71113 précité). C'est l'application classique de l'article 2314 du code civil. (qui ne s'applique pas à la "caution réelle" c'est à dire par exemple à l'hypothèque donnée en garantie par le dirigeant d'une société Cass civ 3ème 12 avril 2018 n°17-17542) . La seule absence et le seul rejet de la créance au passif du débiteur principal ne dégage pas la caution Cass com 22 janvier 2020 n°18-19526
Concrètement si le créancier ne déclare pas créance au passif du débiteur principal et actionne la caution en paiement, la caution sera déchargée (si elle le demande au juge) si elle démontre qu'elle est privée, par l'absence de déclaration de créance, d'un règlement total ou partiel ( évidemment elle ne sera pas déchargée si la déclaration de créance aurait été sans effet).
C'est en tout cas la position qui semble se dégager en jurisprudence (voir arrêt de la Cour de Cassation du 19 FEVRIER 2013 n° 11-28423 et Cass Civ 1, 3 juillet 2013 n°12-21126), qui peut évidemment évoluer et ne peut être considérée comme acquise définitivement. Dans ce cas il appartient au créancier de démontrer que la caution ne subit aucun préjudice (Cass com 8 avril 2015 n°13-22969) en raison de l'absence de déclaration de créance qui le prive de la subrogation. L'argument peut être invoqué devant le juge de l'exécution Cass civ 2ème 8 décembre 2022 n°20-20233
Enfin, la caution ne peut trouver avantage de l'absence d'admission de la créance (ou de l'absence de rejet de la déclaration de créance) par le juge commissaire, et si le juge du cautionnement se prononce, même à tort, sur la validité de la déclaration de créance, cela ne suffit pas à justifier le rejet de l'action contre la caution Cass com 5 mai 2021 n°19-17736
* La caution peut invoquer contre le créancier tous agissements qui pénalisent la subrogation
Par exemple l'article 2314 du code civil prévoit que "La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilèges du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s'opérer en faveur de la caution. Toute clause contraire est réputée non écrite".
Par exemple pour un créancier nanti qui a déclaré créance à titre chirographaire Cass com 21 juin 2023 n°21-23397
De la même manière la caution est déchargée si la dette principale est éteinte.
Ce qui est notamment le cas si le juge commissaire juge la demande irrecevable (dans la première version de l'article L622-4 du code de commerce, et certainement pas dans la version actuelle Cass com 22 janvier 2020 n°18-19526
Il est précisé que les développements qui suivent sont en grande partie antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 septembre 2021 portant réformé du droit des suretés au terme de laquelle désormais les nouveaux textes sont désireux de permettre à la caution d'invoquer une série d'exceptions auxquelles la jurisprudence ne leur donnait pas accès (notamment exceptions inhérentes au débiteur (dol, responsabilité de la banque pour rupture abusive ou octroi de crédit, défaut de déclaration de créance, octroi de délai au débiteur, absence de cause, prescription du code de la consommation).
Désormais la caution pourra, au terme de l'article 2298 du code civil applicable à compter du 1er janvier 2022, invoquer toutes les exceptions, inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur principal. Le texte ajoute que la caution ne peut se prévaloir des mesures dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire .... qui en réalité se trouvent dans le code de commerce dans le cadre du droit des entreprises en difficulté.
Le créancier nanti qui ne s'est pas soucié que le liquidateur réalise le bien nanti peut se voir objecter par la caution que la vente de ce bien par le liquidateur aurait permis de le désintéresser pour partie (Cass com 8 Mars 2017 n°14-29819 dans une espèce où la valeur du bien, a priori faible, avait manifestement dissuadé le liquidateur de vendre les biens ... cette décision faisant, au fait, abstraction du mauvais rang du créancier nanti dans les répartitions)
De même la caution peut reprocher au créancier gagiste de ne pas avoir sollicité l'attribution judiciaire (après des divergences jurisprudentielles terminées Cass civ ère 22 mai 2008 n°07-14808 et Cass com 13 mai 2003 n°00-15404 qui jugent que la banque pour éviter la décharge de la caution doit démontrer que l'attribution judiciaire aurait été sans effet, Cass com 28 mai 1996 n°94-16269 qui valide un accord de subsidiarité de la caution , Cass com 30 juin 2009 n°08-17789
Enfin la caution peut reprocher au créancier gagiste d'avoir accepté la reprise du stock gagé pour un prix dérisoire, ce qui pénalise les droits de subrogation de la caution et peut être de nature à engager la responsabilité de la banque Cass com 5 février 2020 n°18-22533 ou d'avoir, dans le cadre d'un plan de redressement, renoncé au nantissement dont elle bénéficiait Cass com 20 octobre 2021 n°20-16980
Dans le même esprit "la caution n'est déchargée qu'à concurrence de la valeur des droits pouvant lui être transmis par subrogation et dont elle a été privée par le fait du créancier ; que la valeur de ces droits s'apprécie à la date d'exigibilité de l'obligation de la caution, c'est-à-dire à la date de la défaillance du débiteur principal, sauf si, à cette date, le créancier était empêché de mettre en oeuvre la sûreté", c'est à dire que si le créancier tarde à solliciter l'attribution, ce qui entraîne la dépréciation du bien, la caution peut le lui reprocher Cass com 17 février 2009 n°07-20458 mais à concurrence de la dépréciation qu'elle démontre Cass com 9 juillet 2013 n°12-19949
Enfin la caution peut objecter au créancier qu'il a renoncé au bénéfice d'un nantissement dans le cadre d'un accord conclu dans la perspective d'une cession d'entreprise Cass com 9 novembre 2022 n°20-18264 Cass com 20 octobre 2021 n°20-16980. Il faut imaginer dans ce cas que dans le cadre du transfert de la charge d'un financement destiné à l'acquisition d'un bien grevé de sureté spéciale, le créancier négocie avec le cessionnaire un aménagement des sommes (pour les échéances à échoir) et croit opportun de donner main-levée de la sureté. Ce faisant il pénalise la caution qui ne pourra, actionnée pour le paiement des échéances antérieures à la cession, bénéficier de l'affectation d'une partie du prix de cession.
Pour décrire le processus, en cession d'entreprise, le cessionnaire subit le transfert de la charge des suretés, ce qui libère le débiteur, mais a priori pas la caution (2298 alinéa 2 du code civil). Dans ce cas la caution est tenue de ces échéances, a minima si elles ne sont pas payées.
La caution est par ailleurs tenue des échéances antérieures à la cession (avant même le jugement d'ouverture et le cas échéant de la période d'observation). Pour cette dernière catégorie de créance, la subrogation s'exerce sur la quote-part du prix fixée dans le jugement de cession.
Et s'il advient que le créancier et le cessionnaire négocient un accord dérogatoire sur le montant du transfert de la charge, le débiteur n'est à mon sens pas libéré de la différence entre les échéances qui auraient du être transmises au cessionnaire s'il n'y avait pas eu accord, et le montant de l'accord. A fortiori la caution ne l'est pas, et ce alors même qu'elle est étrangère à l'accord.
De sorte que la caution va être appelée pour cette différence, et, là encore, la subrogation va (à mon sens) s'exercer sur la quote-part de prix affectée au bien par le jugement de cession.
Autrement dit, pour ses deux chefs de subrogation, la caution va s'exercer sur la quote-part du prix fixée par le tribunal, en rang correspondant à la sureté spéciale.
Si le créancier croit utile, dans le cadre de l'accord dérogatoire, de donner main-levée de sa garantie, alors qu'il n'y est pas obligé, il fait perdre à la caution le bénéfice de cette sureté.
Enfin la caution peut invoquer la faute du crédit bailleur qui s'abstient de solliciter la restitution du bien objet du contrat cautionné Cass com 8 novembre 2023 n°22-13823
* la caution pourrait invoquer la fraude de la banque
Il est précisé que les développements qui suivent sont en grande partie antérieurs à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 15 septembre 2021 portant réformé du droit des suretés au terme de laquelle désormais les nouveaux textes sont désireux de permettre à la caution d'invoquer une série d'exceptions auxquelles la jurisprudence ne leur donnait pas accès (notamment exceptions inhérentes au débiteur (dol, responsabilité de la banque pour rupture abusive ou octroi de crédit, défaut de déclaration de créance, octroi de délai au débiteur, absence de cause, prescription du code de la consommation).
Désormais la caution pourra, au terme de l'article 2298 du code civil applicable à compter du 1er janvier 2022, invoquer toutes les exceptions, inhérentes à la dette ou personnelles au débiteur principal. Le texte ajoute que la caution ne peut se prévaloir des mesures dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire .... qui en réalité se trouvent dans le code de commerce dans le cadre du droit des entreprises en difficulté.
On sait que dans le cadre d'une procédure collective la banque ne peut être responsable que dans le cadre strict de l'article L650-1 du code de commerce, et donc notamment en cas de fraude. Il semble que la caution puisse invoquer ce moyen, devant la juridiction saisie de l'action contre elle, mais dans le strict cadre de ce texte Cass com 21 novembre 2018 n°16-25128
* La caution peut invoquer des exceptions qui lui sont personnelles
Cass com 22 février 2017 n°14-11471 mais ne peut élever de contestation sur le principe et le montant de la créance admise au passif du débiteur principal Cass com 22 février 2017 n°15-17128
La caution pourrait d'ailleurs former réclamation contre l'admission du créancier au passif, à condition de le faire dans le délai légal.
La caution peut évidemment invoquer le défaut d'information annuelle, et ce nonobstant l'admission de la créance Cass com 10 mai 2024 n°22-19746
* La caution peut invoquer toute modification de la dette cautionnée
Voir le mot novation
* la prescription et la règle de l'interversion de la prescription
Voir prescription
(rappelons que la prescription de la dette vis à vis du débiteur principal constitue une exception qui lui est personnelle et ne peut être opposée par la caution si vis à vis d'elle la dette n'est pas prescrite. C'est le cas de la prescription spéciale du code de la consommation Cass civ 1ère 11 décembre 2019 n°18-16147)
* la déchéance du terme n'est pas toujours opposable à la caution:
Supposons que le débiteur principal soit en liquidation judiciaire, et qu'au jour du jugement de liquidation il était débiteur d'une banque pour le remboursement d'un prêt dont la durée n'était pas achevée. Il devait à la banque une somme échelonnée dans le temps. C'est la liquidation judiciaire qui va, par l'effet de la loi, provoquer ce qu'on appelle la déchéance du terme, c'est à dire le fait que l'échéancier est anéanti : la totalité de la somme devient exigible.
Dans ce cas, la Cour de Cassation considère que cette déchéance du terme n'est pas opposable à la caution, qui peut donc se prévaloir de l'échéancier initial, (Cass com 4 novembre 2014 n°12-35357) sauf si le contrat prévoit le contraire (Cass com 8 Mars 1994 n°92-11854, Cass com 26 octobre 1999 n°96-14123, Cass com 4 novembre 2014 n°12-35357) .. ou dans le cas où il n'existe pas de terme (par exemple pour la caution d'un compte courant Cass com 13 décembre 2016 n°14-16037
Ainsi la caution doit toujours vérifier si les documents qu'elle a signés prévoient ou pas que la déchéance du terme lui est opposable.
Dans le même esprit s'il n'y a pas déchéance du terme du chef du débiteur principal, une clause du contrat ne peut l'imposer à la caution en raison de la procédure collective Cass com 20 juin 1995 n°93-13523, Cass civ 1ère 24 janvier 1995 n°92-21436
La caution peut évidemment payer le créancier même si, vis à vis d'elle, la déchéance du terme n'est pas acquise, et qui ne la prive pas de son recours contre le débiteur principal Cass civ 1ère 26 septembre 2019 n°18-17398
La créance de la caution au passif:
La caution dispose de deux actions contre le débiteur principal :
- Une action subrogatoire et exception à l'absence de reprise des poursuites après clôture de la liquidation du débiteur principal
Pour les cautions régularisées avant le 1er janvier 2022 la subrogation est totale et suppose un paiement total : la caution qui a intégralement payé la dette (article 2306 du code civil) est dite "subrogée" dans les droits du créancier, c'est à dire qu'elle devient créancier à sa place, avec les mêmes garanties et privilèges.
Il est prudent que la caution, lorsqu'elle paye, demande ce qu'on appelle une "quittance subrogative" c'est à dire un document par lequel le créancier reconnait avoir été totalement payé et accepte que la caution "prenne sa place".
En matière de procédure collective, la quittance subrogative sera adressée au mandataire judiciaire (ou au liquidateur en cas de liquidation) qui l'annexera à l'état des créances. Ainsi en cas de répartition, c'est la caution qui sera payée à la place du créancier qui, par hypothèse, n'a plus de créance à faire valoir.
La prescription de l'action subrogatoire court à compter de la date à laquelle le créancier (payé par la caution) aurait pu agir et non pas à compter du paiement par la caution. Ce n'est pas en effet une action personnelle à la caution qui n'a pas plus de droits que le créanciers Cass com 5 mai 2021 n°19-14486
En procédure collective, la loi prévoit une exception à l'absence de reprise des poursuites après clôture: la caution pourra poursuivre le débiteur qui, après la clôture de la liquidation, devient solvable (par exemple Cass com 28 juin 2016 n°14-21810)
La caution qui a payé intégralement le créancier principal est subrogée dans ses droits au passif du débiteur : elle devient créancière à sa place, et participe à ce titre aux répartitions
Dans ce cas la caution n’a pas à déclarer créance puisqu’elle bénéficie de la déclaration de créance du créancier principal
La caution qui n'a payé que partiellement (voir article 1346-4 ) ne peut faire valoir la subrogation partielle vis à vis du débiteur principal car cela contribuerait à amenuiser les chances de paiement du créancier principal (cf article 1346-3 du code civil qui dispose "La subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu'il n'a été payé qu'en partie ; en ce cas, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n'a reçu qu'un paiement partiel."
Pour les cautions régularisées à compter du 1er janvier 2022, le nouvel article 2308 du code civil (décalage de numérotation) tel qu'il découle de l'ordonnance du 15 septembre 2021 qui réforme le droit des suretés, dispose "La caution qui a payé tout ou partie de la dette a un recours personnel contre le débiteur tant pour les sommes qu'elle a payées que pour les intérêts et les frais.
Les intérêts courent de plein droit du jour du paiement."
Il en découle que la caution peut désormais être partiellement subrogée. On voit mal l'utilité de ce processus, dès lors que par ailleurs l'article article 1346-4 du code civil n'est pas modifié et dispose toujours "La subrogation ne peut nuire au créancier lorsqu'il n'a été payé qu'en partie ; en ce cas, il peut exercer ses droits, pour ce qui lui reste dû, par préférence à celui dont il n'a reçu qu'un paiement partiel."
Autrement dit. nonobstant la subrogation partielle, le créancier devrait être préféré à la caution dans des conditions qui ne sont pas expliquées en raison de la mauvaise coordination des textes.
Rappelons que la subrogation ne permet pas à la caution de provoquer la déchéance du terme Cass civ 1ère 4 avril 2024 n°22-23040
- Une action dite « avant paiement »,
Pour les cautions régularisées avant le 1er janvier 2022, une action avant paiement est ouverte aux cautions par l’article 2309 du code civil en cas de procédure collective du débiteur principal (article 2309 2° du code civil).
Cette possibilité assez singulière préserve les droits de la caution dans des conditions plus optimales que le simple recours subrogatoire qui ne permet pas à la caution de faire valoir d’autres sommes que celles payées, et notamment pas ses propres frais.
Ceci étant, cette action est supprimée dans la version de l'article 2309 du code civil, applicable à compter du 1er janvier 2022, telle qu'elle découle de l'ordonnance du 15 septembre 2021 réformant le droit des suretés.
Pour autant, la faculté de la caution de déclarer sa créance avant paiement, anciennement fondée sur l'article 2309, est reportée dans le code de commerce (nouvel article L622-34) "Même avant paiement, les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent procéder à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel".
Concrètement la caution déclare une créance qu’elle n’a pas encore payée, nonobstant la déclaration de créance du créancier principal (Cass com 12 octobre 2004 n°03-13855 Cass com 30 janvier 2019 n°17-22743 Cass com 30 janvier 2019 n°17-22743 )
Pour autant, cette créance est une créance conditionnelle, et :
- Ne saurait être payée sur les fonds de la procédure collective en concurrence avec celle du créancier cautionné : un tel processus reviendrait à prendre en considération deux fois la même dette dans les répartitions, et donc à réduire de moitié les sommes versées au créancier principal par la procédure collective.
- Ne peut être payée que si la caution a intégralement assumé son engagement : le prorata entre la créance de la caution et celle du créancier principal est en effet impossible au regard des règles de répartitions, puisqu’elles reviendraient à verser à la caution des dividendes sur les fonds de la procédure collective, et à diminuer d’autant ceux du créanciers principal, alors même qu’il n’est pas totalement payé.
(sur la distinction en entre le recours subrogatoire et le recours personnel de la caution, et ses conséquences sur la sous caution voir Cass com 17 mai 2017 n°15-18460 : la caution qui a payé n'a pas de recours subrogatoire contre la sous caution puisque la sous caution n'est pas engagée à garantir le débiteur principal mais uniquement la caution)
- Ne saurait être payée si la caution n’a finalement pas joué : la créance de la caution est alors sans fondement.
Le traitement de la déclaration de créance avant paiement de la caution est ainsi traité : la déclaration du garant au titre de son recours avant paiement « préserve son recours contre le débiteur » mais « le danger d’une double déclaration est purement chimérique, car, quels qu’en soient les auteurs et si nombreux soient-ils, la créance déclarée est retenue uniquement pour son montant qui est étranger au nombre de personnes qui en réclament le paiement. » (DERRIDA, REDRESSEMENT ET LIQUIDATION JUDICIAIRES DES ENTREPRISES, ED DALLOZ, 3ème ED, N°542 ET NOTE 2500) : la même créance n’est prise en considération qu’une fois dans la procédure collective.
Le professeur DERRIDA, qui est l’auteur de référence en ce qui concerne la loi du 25 Janvier 1985, poursuit : « enfin et par-dessus tout, comment admettre ce recours conservatoire et anticipé de la caution alors que, normalement, le recours subrogatoire est lui-même subordonné au paiement du créancier ? Si la créance ainsi déclarée dans le délai est éteinte sous l’effet de la forclusion (comprendre du créancier principal) le recours disparait nécessairement et la déclaration de la caution est vaine »
La jurisprudence emploie d’ailleurs, elle aussi, le terme d’action « anticipatoire et purement formelle » (CA PARIS 12.06.1997, Jurisdata 1997.021386).
Ainsi si la créance cautionnée n’est pas admise au passif, ou si la caution n’est pas actionnée, la créance avant paiement de la caution est sans cause : l’admission de ladite créance au passif, souvent effectuée à titre "provisionnel", ou "conservatoire", ne peut évidemment pas permettre à la caution de prétendre à un paiement dans d’autres conditions.
Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, l'article L622-34 du code de commerce a été modifié pour permettre expressément aux cautions de déclarer leur créance avant paiement (ce qui en pratique était déjà admis) "Même avant paiement, les personnes coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent procéder à la déclaration de leur créance pour la sauvegarde de leur recours personnel."
Les recours de la caution qui a payé
L'action contre le débiteur principal de la caution qui a payé, après la clôture de la liquidation judiciaire du débiteur principal
Par exception à l'absence de reprise des poursuites, la caution qui a payé peut se retourner contre le débiteur, après la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire (par exemple Cass com 28 juin 2016 n°14-21810)
C'est un effet particulièrement pervers des cautions données notamment par les organismes du type OSEO pour l'obtention d'un prêt, car après clôture ils peuvent se retourner contre le débiteur, qui bien souvent pensait éviter de présenter la caution d'un proche pour tout ou partie, et qui se trouve poursuivi après la clôture de sa liquidation judiciaire
Le seul cas où la caution qui a payé perd son recours contre le débiteur principal est si elle paye spontanément, sans avoir été poursuivie et sans en avoir averti le débiteur principal, si, au moment du paiement ce débiteur aurait eu le moyen de faire valoir que la créance était éteinte (ce qui est évident, et relève de l'article 2308 du code civil)
L'action contre le débiteur, après clôture de la liquidation, de la caution qui a payé ne s'entend pas de l'action contre le cofidéjusseur Cass com 5 mai 2021 n°20-14672
Le recours de la caution qui a payé contre les autres cautions et le recours du co-débiteur qui a payé contre les autres co-débiteurs
L'article 2310 du code civil dispose que la caution qui a payé a recours contre les autres cautions, de telle manière que soit rétabli un paiement de chaque caution en proportion de son engagement ou par part: autrement dit, si deux cautions se sont engagées, mais que l'une seule a payé, elle peut se retourner contre l'autre pour la moitié (sauf partage différent convenu au moment de l'engagement). Le recours doit rétablir la proportion de l'engagement de chaque caution, appliquée à la somme qui a été payé par l'une d'elles au créancier.
Le principe est que le débiteur qui paye sa propre dette n'a pas de recours.
Cependant en matière de co-débiteurs, une interprétation extensive de l'article 1251 du code civil (abrogé en 2016 et repris dans l'article 1346 du code civil) conduit à admettre qu'un co-débiteur qui a payé la totalité de la dette puisse se retourner contre un autre co-débiteur sur lequel la charge finale de la dette devrait porter, le partage se faisant alors selon la règle de l'article 1214 du code civil dans sa rédaction antérieure à 2016 et devenu article 1317 "Le codébiteur d'une dette solidaire, qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les part et portion de chacun d'eux." (voir également Cass Civ 1ère 10 octobre 2019 n°18-20429)
Si l'un d'eux se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité se répartit, par contribution, entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le paiement.
Les interférences entre procédure collective du débiteur principal et procédure collective du garant
Le débiteur principal et le garant peuvent se trouver tous deux en procédure collective.
En application de l'article L622-31 du code de commerce (applicable au redressement et à la liquidation judiciaire voir ci dessus), le créancier déclarera sa créance aux deux procédures collectives, et ce "doublon" n'est évidemment pas un motif de contestation de créance.
Plusieurs situations peuvent se présenter en fonction de l'avancement procédural des deux procédures collectives.
Le garant est en période d'observation
Quel que soit le stade procédural de la procédure collective du débiteur principal, le garant bénéficie de la suspension des poursuites et de l'interdiction des paiements des dettes antérieures (L622-7 pour la sauvegarde, L 631-14 pour le redressement judiciaire)
La garant bénéficie d'un plan alors que le débiteur principal est en période d'observation (ou en plan de sauvegarde)
Le garant:
- dans le cadre de son plan, doit payer la dette garantie, alors que par ailleurs le fait que le débiteur principal soit en période d'observation emporte interdiction du paiement des dettes antérieures (voir ci dessus) du seul chef du débiteur principal,
- mais, bénéficie de la suspension des actions contre les garants s'il est une personne physiques, au visa de l'article L622-28 pour la sauvegarde et L631-14 pour le redressement judiciaire, pendant la période d'observation de ces deux procédures, et pendant l'exécution du plan de sauvegarde au visa de l'article L626-11 le garant personne physique peut se prévaloir des délais du plan.
Autrement dit la règle de sa procédure collective l'incite à payer, et celle dont il bénéficie du chef du débiteur principal l'en dispense.
La solution la plus raisonnable est a priori de considérer que la dette figure au passif du garant, et donc dans son propre plan, mais que ces mentions, qui s'imposent, ne constituent pas une renonciation à la suspension des actions contre le garant, tant que le débiteur principal est en période d'observation. Autrement dit, le garant n'a pas à payer la dette dans le cadre de son propre plan, tant que la période d'observation du débiteur principal n'est pas achevée (en redressement judiciaire - et se posera alors la question de savoir comment il doit régulariser le retard une fois que ladite période d'observation est terminée.
La garant ne pourrait renoncer au bénéfice de la suspension des actions de la période d'observations qu'avec l'accord du juge commissaire (L622-7 du code de commerce) ou expressément dans le cadre de son plan soumis au tribunal, mais dès lors qu'il s'agit finalement de favoriser un créancier (au détriment des autres), on voit mal que cet type de renonciation soit accepté (et l'article L653-5 4° sanctionne par la faillite personnelle le fait de payer un créancier au détriment des autres). S'il est informé de la situation procédurale du débiteur principal, le commissaire à l'exécution du plan devrait ne pas payer la dette (et refuser si le garant le lui demande pour dégager d'autant le débiteur principal)
Evidemment la solution optimale est, pour éviter toute équivoque, qu'il soit précisé dans le plan du garant (personne physique)
- que la dette garantie ne sera pas payée tant que l'état procédural du débiteur principal lui permettra de bénéficier de la suspension des actions (période d'observation de sauvegarde ou de redressement judiciaire, plan de sauvegarde qui produit les mêmes effets.)
- selon quelles modalités la créance sera payée à partir du moment où la situation le permettra : soit régularisation du "retard" c'est à dire des échéances passées (comme c'est le cas pour les créances contestées admises en cours de plan) soit autre modalité).
Garant personne physique en liquidation judiciaire et débiteur principal en période d'observation ou plan de sauvegarde
A priori la liquidation judiciaire bénéficie de la suspension des actions contre le garant personne physique, comme ci dessus
Cependant un tel bénéfice peut donner lieu à des traitements différenciés en fonction du moment où le liquidateur procède à la répartition des fonds dont il dispose: s'il le fait rapidement, au bénéfice de la suspension des actions il ne devrait pas payer la créance, alors que s'il temporise jusqu'à la fin de la période d'observation ou la résolution d'un plan de sauvegarde, il aurait à la payer.
A ce stade il semble raisonnable de considérer que la déchéance du terme qui s'applique en liquidation judiciaire (article L643-1) prime les autres dispositions, quitte à solliciter le juge commissaire au visa de de l'article L642-24 , lequel dans ce cas précis devrait autoriser cette opération (dans le même esprit peut-être que le paiement provisionnel visé à l'article L643-3, qui est une autre voie procédurale pour lever les incertitudes, même si ici ce n'est pas stricto sensu un paiement provisionnel)
Co-existence d'un plan de redressement du débiteur principal et d'un plan de sauvegarde ou de redressement du garant
Le créancier est par hypothèse admis au passif des deux procédures collectives, et sa créance est incluse dans les deux plans.
Si rien n'est prévu, la superposition des deux plans aura pour effet que le créancier sera payé dans les deux, et par exemple pour deux plans à 100% en 10 ans avec des annuités de 10% , dès la cinquième année le créancier aura reçu 100% sans attendre les 10 ans qui s'imposent aux autres créanciers.
Cependant dans la mesure où rien n'interdit un traitement différencié des créanciers dans le cadre d'un plan, il semble possible d'aménager les deux plans pour que, pour cette catégorie de créanciers (à savoir les créances faisant l'objet de garantie dans une autre procédure collective) la combinaison des deux n'ait pas cet effet multiplicateur. Cet aménagement est nécessairement soumis à l'acceptation du créancier, qui en réalité n'y a aucun intérêt. Il ne peut être imposé au créancier et cela contribuerait à annihiler les effets de la caution. Ajoutons qu'il ne faut pas que le créancier qui aurait accepté ce procédé se trouve exclu du plan de la caution si celui du débiteur principal échoue : il faut a minima que dans ce cas il soit prévu que le plan de la caution prendra le relais.
En effet
- si le créancier refuse il faudra que le tribunal dans le cadre des délais imposés par lui effectue un calcul en préservant les planchers annuels de remboursement prévus par la loi, soit 5% à partir de la troisième année). A défaut le double paiement risque au contraire d'être accentué
- il faudra se garder de modalités trop faibles qui deviendraient discriminatoires, et à l'inverse de propositions trop favorables au créancier (par exemple pour dégager une autre caution in bonis) que le tribunal peut toujours réduire au visa de l'article L626-18 alinéa 1
- en tout état le projet de plan doit permettre le remboursement de l'entier passif, en ce compris les cautions
Le cas particulier de la caution en cas de cession d'entreprise avec transfert de la charge de la dette cautionnée et/ou transfert de contrat
La cession d'entreprise a un effet majeur sur les prêts en cours: l'article L642-12 dispose en effet que "la charge des sûretés immobilières et mobilières spéciales garantissant le remboursement d'un crédit consenti à l'entreprise pour lui permettre le financement d'un bien sur lequel portent ces sûretés est transmise au cessionnaire. Celui-ci est alors tenu d'acquitter entre les mains du créancier les échéances convenues avec lui et qui restent dues à compter du transfert de la propriété"
Ainsi le cessionnaire de l'entreprise est tenu de payer le créancier, à concurrence des échéances à venir. La question se pose de savoir si la caution du débiteur initial est déchargée: la Cour de Cassation considère que ce n'est pas le cas, sauf décharge expresse accordée par le créancier (Cass com 9 février 2016 n°14-23219).
Il convient de distinguer deux situations: le transfert de la charge d'un prêt et la cession de contrat.
1- En cas de cession d'entreprise la loi prévoit que la charge des prêts de financement des biens cédés et bénéficiant d'une sûreté spéciale est de plein droit transférée au cessionnaire.
Autrement dit, si le processus de cession d'entreprise est utilisé (à la différence de celui de la cession de biens du débiteur, la différence étant décelable à première analyse par le type de décision rendue: la cession d'entreprise relève d'un jugement du tribunal alors que la cession des biens relève d'une ordonnance du juge commissaire, alors même que toutes deux peuvent porter sur le fonds de commerce), la loi (article L642-12 du code de commerce) prévoit que de plein droit le cessionnaire devra assumer la charge (c'est à dire l'échéancier) du prêt qui a servi au financement du bien cédé (à la stricte condition que ce prêt soit assorti d'une garantie spéciale comme un nantissement ou une hypothèque).
Il s'agit de la "charge" à compter de l'entrée en jouissance du cessionnaire.
La question pourrait se poser de savoir si la caution du cédant reste engagée: il y a consensus sur le fait que la cession n'entraîne pas novation. Il n'y a donc pas décharge du débiteur initial et a fortiori pas décharge de la caution, la Cour de Cassation considérant que par l'effet de la loi (et du jugement de cession) le cessionnaire devient "codébiteur" du cédant Cass com 27 février 2007 n°03-12363. La caution reste donc engagée, sauf évidemment accord de la banque pour un changement de débiteur (Cass com 14 juin 1994 n°92-13101 Cass com 13 avril 1999 n°97-11383 Cass com 9 novembre 2004 n°02-17467 Cass com 9 février 2016 n°14-23229
La caution reste tenue non seulement des dettes échues au jour de la cession, mais également des échéances à venir postérieurement Cass com 3 avril 2002 n°99-10932 Cass com 9 février 2016 n°14-23219
Cependant ces échéances, en l'absence de déchéance du terme en situation de cession d'entreprise (y compris en liquidation s'il y a cession d'entreprise) ne deviennent exigibles qu'au fur et à mesure.
Il convient de préciser que la loi ne prévoit pas deux situations:
- le cessionnaire se trouve à son tour en redressement judiciaire: a priori la caution (personne physique) du cédant ne peut invoquer la suspension des poursuites inhérente à la période d'observation (en redressement judiciaire ou sauvegarde L622-28) ou en phase d'exécution du plan (en sauvegarde L626-11) au motif que le cessionnaire est en procédure collective: la protection n'est en effet conçue que pour la caution du débiteur en procédure collective, et pas pour la caution du débiteur dont le cessionnaire est lui même en procédure collective.
- le transfert de la charge de la dette prévue à l'article L642-12 s'applique pour le prêt d'acquisition consenti au débiteur. Si dans le cadre d'une cession d'entreprise, ce prêt est transféré au cessionnaire, qui se trouve ensuite lui même à son tour en procédure collective, ce prêt ne semble pas devoir être transféré au nouveau cessionnaire au visa de l'article L642-12 puisqu'il ne s'agit pas d'un prêt "consenti à l'entreprise" (c'est à dire en l'espèce au le premier cessionnaire) au sens de l'article L642-12
2- En cas de cession d'entreprise la loi organise également la cession forcée de certains contrats
L'article L642-7 du code de commerce prévoit la cession forcée de certains contrats nécessaires à l'activité : par exemple contrat de crédit bail, de location ...
S'agissant d'un changement de contractant, l'éventuelle caution du débiteur de procédure collective ne reste caution que des dettes contractées avant la cession, et n'est pas engagée pour les dettes contractées par le cessionnaire après la cession (Cass com 13 février 2007 n°05-19470)
Le sort de la caution en rétablissement professionnel du débiteur principal
L'ordonnance du 12 mars 2014 entrée en vigueur le 1er juillet 2014 a institué une nouvelle procédure dénommée "rétablissement professionnel" (voir ce mot).
Cette procédure, qui déroge aux règles de la liquidation judiciaire et n'est applicable que dans des cas très restrictifs ( personne physique ayant des actifs inférieurs à 5.000 € ...) et pour diverses raisons (voir le mot rétablissement professionnel) n'est pas une procédure collective.
La particularité de cette procédure est d'entraîner "effacement" des dettes signalées lors de la procédure (certaines d'entre elles tout au moins).
A priori, cet "effacement" constitue une exception inhérente à la dette, dont peut se prévaloir la caution. C'est en tout cas l'analyse la plus probable, sous réserve bien entendu que la jurisprudence la confirme.
En clair, et si la jurisprudence confirme cette analyse, à la différence de ce qui se passe en procédure collective, en rétablissement professionnel la caution ne pourra pas être valablement poursuivie (en tout cas au delà de la clôture de la procédure, qui ne dure que 4 mois)
Il s'agit ici (si la jurisprudence le confirme) d'un avantage décisif en faveur du rétablissement professionnel sur la liquidation judiciaire.