Clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d’actif

Quelque points de la définition

Les textes

Circonstances de prononcé de la clôture pour insuffisance d'actif et procédure

Nouvelles dispositions applicables pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014: possibilité de clôture si des actifs subsistent et désignation d'un mandataire ad-hoc

Effet de la clôture sur les droits à retraite

Effet de la clôture sur les biens communs pour les créanciers du conjoint

Effet de la clôture pour les créanciers : absence de reprise des poursuites : par principe les créanciers ne recouvrent pas leurs droits : les créanciers concernés

Les droits de poursuites maintenus (contre les cautions ...)

Les droits de poursuite maintenus : les créances postérieures (certaines)

Les exceptions à l'absence de reprise des poursuites

Généralités et créances non déclarées

Exceptions qui touchent à la personne du créancier

Infraction pénale

droits attachés à la personne du créancier

Manoeuvres au préjudice d'organismes de sécurité sociale

Caution ou coobligé qui a payé

Exceptions générales dans certains cas

Biens reçus par succession

sanctions et précédentes liquidations

fraude à l'égard des créanciers

Procédure de reprise des poursuites

Possibilité de reprise de la liquidation

Effet de la clôture pour le débiteur

La radiation du registre du commerce

Les Textes

Ce sont les articles L643-9 et suivants qui régissent la clôture.

Circonstances de prononcé de la clôture pour insuffisance d'actif et procédure

clôture moment et procédure

Définition de l'insuffisance d'actif

L'article R643-16 pose la définition de l'insuffisance d'actif : "L'insuffisance d'actif est caractérisée lorsque le produit de la réalisation des actifs du débiteur et des actions et procédures engagées dans l'intérêt de l'entreprise ou des créanciers ne permet plus de désintéresser, même partiellement, les créanciers."

Pour plus de précisions sur la durée de la liquidation et les circonstances de la clôture au regard des actifs résiduels et salaires ou retraite du débiteur voir liquidation durée

Nouvelles dispositions applicables pour les procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014: clôture possible si des actifs ou des actions subsistent et possibilité de désignation d'un mandataire ad-hoc

L'ordonnance du 12 mars 2014 prévoit deux nouvelles dispositions:

- la clôture peut être prononcée si des biens dont la valeur ne justifie par les frais de réalisation (L643-9)

- le tribunal peut prononcer la clôture même si des actions sont en cours: dans ce cas il désigne un mandataire ad-hoc qui devra les achever et en répartir le produit aux créanciers

Pour le détail de ces modifications et notamment la mission du mandataire ad-hoc, (voir également en page d'accueil le PDF de commentaire de l'ordonnance du 12 mars 2014.)

Effets de la clôture: la fin du dessaisissement

Le débiteur retrouve évidemment pleine capacité Cass com 7 novembre 2018 n°15-28802 et peut par exemple agir en répétition de l'indu Cass Civ 2ème 30 janvier 2020 n°18-18922 pour récupérer des soldes bancaires qui avaient fait l'objet d'une saisie attribution nonobstant la liquidation judiciaire

Effet de la clôture sur les droits à retraite

Sauf à payer spontanément les cotisations restées impayées en raison de la procédure collective, le débiteur bénéficiera de prestations réduites Cass civ 2ème 17 janvier 2007 n°04-30797

Effet de la clôture sur les biens communs pour les créanciers du conjoint

Voir le mot communauté pour les éventuelles poursuites des créanciers du conjoint sur les biens communs après clôture de la liquidation judiciaire

Effets de la clôture pour insuffisance d'actif: par principe les créanciers ne recouvrent pas leurs droits de poursuite : les créanciers concernés

Après le jugement de clôture pour insuffisance d'actif, les créanciers ne recouvrent pas, en principe, de droit de poursuites contre le débiteur, sauf cas exceptionnels L643-11 du code de commerce

La règle concerne les créances antérieures au jugement et pas les créances postérieures (voir plus de précision)

Ce n'est pas la dette qui est éteinte, c'est la faculté d'agir en paiement qui est mise à néant par le texte, ce qui a priori doit être traduit procéduralement par une fin de non recevoir de l'article 122 du CPC pour défaut de droit d'agir (par exemple Cass Com 8 juillet 2008 n°05-20497 ). Il en résulte que le débiteur n'a pas d'interdiction de payer, et s'il paye un créancier post clôture il ne pourra agir en répétition de l'indu.

Ainsi et contrairement à une idée reçue fréquente, la clôture a pour effet que le débiteur ne pourra pas, par la suite, être poursuivi pour le paiement des dettes qui faisaient partie de la procédure Cass com 17 janvier 2024 n°22-20185, et n'a pas évidemment à les payer spontanément.

Le domaine de l'absence de reprise des poursuites s'étend à toutes les dettes qui faisaient l'objet de la suspension des poursuites durant la procédure collective: ainsi sont concernées à la fois les dettes antérieures à l'ouverture de la procédure qui avaient été déclarées au passif et subissaient à ce titre le monopole d'action du mandataire judiciaire (ou du liquidateur) et celles qui n'ont pas été déclarées ni relevées de forclusion: aucune de ces dettes ne pourra donner lieu à des poursuites contre le débiteur après la clôture de sa liquidation judiciaire.

De la même manière aucune action en résiliation contractuelle fondée sur le défaut de paiement d'une dette soumise à la procédure collective ne peut être intentée post clôture Cass com 2 mai 2024 n°22-22217

Si par la suite le débiteur reçoit des fonds, les créanciers ne peuvent être payés et le professionnel qui, même désigné judiciairement, procéderait à un tel paiement, engage sa responsabilité, sauf si la liquidation judiciaire est reprise    Cass com 4 juillet 2018 n°16-25542

La loi a été conçue avec l'idée que le débiteur dont le patrimoine a été affecté au paiement des créanciers ne peut conserver toute sa vie durant le poids du passé, et donc des dettes antérieures à l'ouverture de la procédure collective

Les droits de poursuite maintenus : contre les cautions, le conjoint co-emprunteur ( et les tiers ?)

Evidemment les créanciers peuvent poursuivre les cautions ou les co-débiteurs (Cass com 2 février 2022 n°20-18-791) , s'ils ne l'ont pas encore fait. Ils peuvent également librement poursuivre les tiers qu'ils jugeraient responsables directement de leur préjudice (mais si un mandataire ad-hoc est désigné pour mener à bien les actions du liquidateur, dans le cadre des dispositions applicables au 1er juillet 2014, ils devront attendre la fin de sa mission).

Cependant une singulière décision de la Cour de Cassation semble priver les créanciers d'agir après la clôture de la liquidation contre le responsable d'un préjudice collectif des créanciers (en l'espèce le liquidateur lui même qui aurait commis une faute Cass com 28 juin 2016 n°14-20118) et on croit alors comprendre qu'il aurait fallu que la liquidation soit reprise pour que l'action soit engagée ... par le liquidateur contre le liquidateur !

Le conjoint commun en biens, codébiteur solidaire d'un emprunt, ne peut invoquer l'absence de reprise des poursuites Cass com 2 février 2022 n°20-18791

L'action des créanciers contre des tiers ne devrait pas poser de problème et on ne voit pas que les textes y fassent obstacle, puisque seule l'action contre le débiteur est supprimée.  

Il convient cependant de signaler une troublante décision qui a considéré qu'une fois que la procédure est clôturée, l'action du débiteur (il ne s'agit donc pas de l'action des créanciers) rencontrait des obstacles : la Cour de Cassation considère que si l'action en responsabilité contre le liquidateur (qui a terminé sa mission) tend à obtenir une indemnisation dont le produit aurait vocation à être affecté aux créanciers, elle pré-suppose la reprise de la liquidation judiciaire et donc la désignation d'un liquidateur qui agira ... contre lui même ou son prédécesseur Cass com 29 mars 2023 n°21-20683. Cette décision est a priori singulière, car il semble admissible que le débiteur sollicite l'indemnisation de la perte d'une chance de voir son passif être apuré (en l'espèce il était reproché au liquidateur de ne pas avoir préservé les actifs). 

En tout état à notre avis les créanciers peuvent agir librement contre un tiers;

Les droits de poursuite maintenus: les créanciers postérieurs éligibles au statut protecteur des créances postérieures

L'absence de reprise des poursuites ne concerne que les créances antérieures au jugement d'ouverture et pas les créances postérieures, en tout cas pas celles qui sont éligibles au statut protecteur de ce type de créance, soit :

- "si elles sont nées pour les besoins du déroulement de la procédure ou du maintien provisoire de l'activité autorisé en application de l'article L. 641-10 ;

-si elles sont nées en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant le maintien de l'activité ou en exécution d'un contrat en cours régulièrement décidée après le jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, s'il y a lieu, et après le jugement d'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire ;

-ou si elles sont nées des besoins de la vie courante du débiteur, personne physiqueau sens que donne le texte à compter de la loi de sauvegarde (voir le mot) c'est à dire de l'article L641-13 du code de commerce

- et sans distinction pour les textes antérieurs (par exemple Cass com 30 octobre 2000 n°97-17800)

Les dettes postérieures "bénéficiant du statut des créances postérieures" ne sont donc pas concernées par l'absence de reprise des poursuites (Cass com 20 avril 2017 n°15-21729 à propos de la clôture d'un plan, mais transposable) et permettent donc les poursuites Cass com 2 mai 2024 n°22-21148

En effet l'article L643-11 du code de commerce dispose que ."Le jugement de clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif ne fait pas recouvrer aux créanciers l'exercice individuel de leurs actions contre le débiteur" : autrement dit le pendant peut être fait avec la règle de suspension des poursuites durant la procédure : ceux des créanciers qui n'étaient pas atteints pas la suspension des poursuites, qui pouvaient donc agir pendant la procédure collective, ne voient pas leur sort modifié et peuvent continuer à agir (ou agir) et a contrario le terme "recouvrer" s'applique à ceux qui avaient perdu le droit d'agir qui ne le recouvrent pas (et donc les créanciers antérieurs et les créanciers postérieurs non éligibles).

D'ailleurs le VII de l'article L643-11 du code de commerce prévoit que le tribunal peut, pour les procédures menées contre un débiteur personne physique, imposer dans le jugement de clôture des délais uniformes au paiement des créances visées par l'article L641-13, dans la limite de deux ans et à l'exception des administrations financières et institutions sociales : il n'y a donc aucun débat sur le fait que ces créances ne sont pas atteintes par l'absence de reprise des poursuites.

Les exceptions à l'absence de reprise des poursuites contre le débiteur

En outre, si la loi prévoit que par principe les créanciers ne recouvrent pas leurs droits de poursuite du débiteur, même si par la suite il a à nouveau des biens qui pourraient servir à les payer, il existe des exceptions.

La loi prévoit 7 exceptions  L643-11

Les quatre premières exceptions touchent à la personne du créancier et ne bénéficient qu'au créancier concerné

- Infraction pénale

La créance trouve son origine dans une infraction pénale pour laquelle le débiteur a été condamné: il peut donc s'agir d'une condamnation par la juridiction pénale dans le cadre d'une constitution de partie civile, d'amende pénale, mais également de condamnation sur les intérêts civils prononcée par une juridiction civile.

- droits attachés à la personne du créancier

La créance résultant de droits attachés à la personne du créancier n'est pas affectée par le principe d'absence de reprise des poursuites. La notion de "droit attaché à la personne du créancier" n'est pas véritablement définie.

Ce qui est certain évidemment est que le but du dispositif n'est pas d'englober toutes les créances, ni même celles nécessitées par la personne du débiteur comme par exemple les créances de couverture sociale (Cass com 31 mars 1992 n°89-18114 ). Ce n'est évidemment pas le cas d'un prêt   Cass com 29 mai 2001 n°98-18918   Cass com 29 mai 2001 n°98-18918, Cass com 16 nov 2010 n°09-71160

Il a été jugé que le texte peut viser une créance salariale Cass soc 29 septembre 2010 n°09-42679 , ce qui est une solution parfaitement discutable à notre avis puisque la créance n'échappe à aucune des règles de la procédure collective, à la différence d'une créance alimentaire) Il a également été jugé qu'une créance salariale résultant d'un accident causé par une faute inexcusable de l'employeur était une créance constitutive de droit attaché à la personne du créancier, ce qui semble, là encore, aller au delà du texte puisque ce type de créance n'échappe à aucune des règles de la procédure collective Cass soc 23 mai 1996 n°93-11621

Le texte vise probablement les créances alimentaires découlant d'un  divorce, et les créances indemnitaires consécutives, mais il est fort regrettable qu'il ne le précise pas expressément et que cette incertitude amène le conjoint à ne pas être certain de ses droits. Certaines Cour d'appel ont en tout état retenu la possibilité de reprise des poursuites pour des pensions alimentaires, des dettes de contribution à l'entretien et l'éducation des enfants et des créances indemnitaires fixées dans le cadre d'agissements fautifs d'un conjoint sur ses enfants ( CA Caen 3ème chambre civile 11 décembre 2014 n°13/00998)

- manœuvres frauduleuses au préjudice d'organismes de sécurité sociale

"Lorsque la créance a pour origine des manœuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale mentionnés à l'article L. 114-12 du code de la sécurité sociale. L'origine frauduleuse de la créance est établie soit par une décision de justice, soit par une sanction prononcée par un organisme de sécurité sociale dans les conditions prévues aux articles L. 114-17 et L. 114-17-1 du même code"

- Caution ou coobligé qui a payé aux lieu et place du débiteur

La caution ou le coobligé (Cass com 19 avril 2023 n°21-19563) qui a payé, pendant ou après la liquidation judiciaire, une dette à la place du débiteur, peut rechercher le paiement au delà de la clôture (même si elle avait payé avant l'ouverture de la procédure collective Cass com 28 juin 2016 n°14-21810). Pour plus de précisons voir le mot caution

Cependant la caution retrouve son droit de poursuite contre le débiteur, mais pas contre une autre caution qui a elle même fait l'objet d'une liquidation clôturée Cass com 5 mai 2021 n°20-14672 (sauf cas de confusion des patrimoines.

Les trois dernières exceptions sont générales et bénéficient à tous les créanciers

1- actions sur des biens acquis au titre d'une succession ouverte pendant la procédure de liquidation judiciaire

Le pendant du fait que la liquidation ne porte pas, par principe, sur les biens reçus par succession par le débiteur pendant la liquidation est que les créanciers peuvent exercer des actions sur ces biens après la clôture

2- Sanctions et précédentes liquidations

Si le débiteur a:

- fait l'objet de faillite personnelle (voir ce mot) ou a été condamné pour banqueroute (voir ce mot)

- fait l'objet d'une précédente liquidation clôturée pour insuffisance d'actif dans les 5 ans qui précèdent l'ouverture de la procédure collective ou d'un rétablissement professionnel, ou encore été dirigeant d'une personne morale qui a fait l'objet d'une précédente procédure collective clôturée pour insuffisance d'actif.dans les 5 ans qui précèdent l'ouverture de la procédure collective dont la clôture est ensuite demandée . A priori le délai de 5 ans est entre la clôture de la précédente procédure et l'ouverture de la "suivante" (et non pas entre les deux jugements d'ouverture), ce qui est assez pénalisant puisque le débiteur n'est pas maître de la durée du processus de clôture, et n'est pas extrêmement logique puisque le texte a la volonté de sanctionner le débiteur récidiviste d'une manière ou d'une autre, ce qui est plutôt marqué par l'ouverture de plusieurs procédures collectives. Il aurait peut être été plus logique et égalitaire de sanctionner le débiteur ayant connu deux procédures collectives ouvertes à moins de 5 ans l'une de l'autre, toutes deux clôturées pour insuffisance d'actif (mais le texte est très imprécis et c'est peut-être cette interprétation qui prévaudrait si elle était soumise à la jurisprudence)

(On remarque à ce sujet que si la même personne est en liquidation judiciaire à titre personnel et est dirigeant d'une société en liquidation, il subira la reprise des poursuites des créanciers si sa procédure personnelle est clôturée après celle de la personne morale, et pas si c'est la liquidation de la personne morale qui est clôturée en second, c'est tout au moins l'interprétation littérale du texte)

les créanciers pourront alors poursuivre le débiteur au delà de la clôture, notamment s'il devient par la suite propriétaire de biens nouveaux ou a des revenus saisissables.

Pour autant encore faut-il que la créance soit exigible (CE 13 février 2019 n°401752)

En conséquence de l'entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022 (15 mai 2022) relative à l'entrepreneur individuel, les textes ont été aménagés.

Le texte qui régit les clôtures est adapté L643-11

III.-Les créanciers recouvrent leur droit de poursuite individuelle dans les cas suivants :

1° La faillite personnelle du débiteur a été prononcée ;

2° Le débiteur a été reconnu coupable de banqueroute ;

3° Le débiteur, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, ou une personne morale dont il a été le dirigeant a été soumis à une procédure de liquidation judiciaire antérieure clôturée pour insuffisance d'actif moins de cinq ans avant l'ouverture de celle à laquelle il est soumis ainsi que le débiteur qui, au cours des cinq années précédant cette date, a bénéficié des dispositions de l'article L. 645-11 ;

et

VI.-Lorsque la clôture de liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif est prononcée à l'issue d'une procédure ouverte à l'égard d'un débiteur relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V ou à raison de l'activité d'un débiteur entrepreneur individuel à responsabilité limitée à laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal, en cas de fraude à l'égard d'un ou de plusieurs créanciers, autorise les actions individuelles de tout créancier sur les biens compris dans le patrimoine personnel ou le patrimoine non affecté de cet entrepreneur. Il statue dans les conditions prévues au IV. Les créanciers exercent les droits qui leur sont conférés par les présentes dispositions dans les conditions prévues au V.

3- il en est de même en cas de fraude à l'égard d'un ou plusieurs créanciers.

La fraude susceptible de permettre la reprise des poursuites après la clôture pour insuffisance d’actif de la liquidation judiciaire. Précisions :

- Par principe la clôture de la liquidation judiciaire ne fait pas recouvrer aux créanciers leurs droits de poursuite : on considère souvent, par raccourci, que le passif est « éteint », ce qui n’est pas juridiquement exact, mais les conséquences pour le débiteur sont les mêmes.

- Ce principe connait des exceptions, dont l’une est la fraude : ce n’est que l’application d’un principe général de droit « la fraude corrompt tout » lui-même issu d’un principe de droit romain « fraus omnia corrumpit »

Plus précisément l’article L643-11 du code de commerce prévoit qu’en cas de fraude à l’égard d’un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier à l’encontre du débiteur.

On comprend donc que la fraude peut ne concerner qu’un créancier, mais que, si elle est constatée, tous bénéficieront du droit de reprise des poursuites.

Le texte précise que c’est le tribunal de la procédure collective qui autorise la reprise des poursuites, soit à l’occasion de la clôture, soit ultérieurement (voir par exemple Cass com 5 février 2020 n°18-22569 )

Pour autant le texte ne précise pas quelle juridiction constate la fraude, ni même en quoi elle peut consister.

On peut au premier abord penser à un bien dissimulé au liquidateur, mais dans ce cas l’article L643-13 du code de commerce prévoit que la liquidation peut-être reprise : or si la liquidation est reprise il n’y a pas, par hypothèse, lieu à reprise des poursuites individuelles puisque les droits des créanciers sont exercés par le liquidateur.

Pour autant :

- la reprise de la liquidation dans ce cas n’est qu’une faculté pour le tribunal, et s’il ne l’ordonne pas, la dissimulation du bien est certainement un cas de fraude aux droits des créanciers

- même si la liquidation est reprise, cela n’empêche pas qu’il y a eu fraude aux droits des créanciers : la reprise des poursuites n’est pas nécessairement destinée à réparer cette fraude, mais à la sanctionner. La sanction sera la reprise des poursuites ordonnée à l’occasion de la clôture de la liquidation qui avait été reprise, voire ultérieurement.

On peut également penser à la fraude fiscale, qui semble effectivement constituer un cas de fraude au sens de l’article L643-13 du code de commerce.

Un cas plus classique de fraude consiste pour le débiteur à ne pas signaler l’existence d’un créancier (Cass com 16 novembre 1993 n°91-18576, Cass com 26 octobre 1999 n°97-12092, Cass com 5 décembre 2006 n°05-17598) ou d’un contentieux en cours (Cass com 5 décembre 2006 précité), de telle manière qu’il ne soit pas en mesure de faire valoir ses droits durant la liquidation.

Plus généralement la jurisprudence semble constater la fraude chaque fois que le débiteur a fait des actes susceptibles de léser les créanciers, et même si ces actes sont par ailleurs eux-mêmes atteints par d’autres sanctions.

Il en découle que:

  • un acte annulé dans le cadre de la période d’observation peut être révélateur de fraude et permettre au tribunal d’ordonner la reprise des poursuites.

  • Contracter avec un partenaire alors que le débiteur est en état de cessation et ne peut ignorer qu’il n’honorera pas ses engagements, par ailleurs sanctionné par exemple par le défaut de déclaration de cessation des paiements, peut être considéré comme constituant une fraude.

Ainsi le texte évoque la fraude à l’égard d’un créancier, mais il semble s’agit d’un « créancier objectif » c’est-à-dire le cas échéant qui aurait dû pouvoir faire valoir une créance, peu important qu’en réalité, en raison de la fraude, il n’ait pas été en mesure de le faire et n’ait pas déclaré ladite créance (Cass com 12 juillet 2011 n°10-21726).

Enfin peut se poser la question de savoir si un débiteur qui ne relève pas du droit des procédures collectives et qui crée artificiellement une activité plus ou moins fictive pour « bénéficier » d’une liquidation judiciaire et de l’absence de reprise des poursuites, est coupable de fraude justifiant la reprise des dites poursuites.

La première approche consiste à considérer que par principe une décision de justice – en l’espèce le jugement de liquidation judiciaire – ne peut être constitutive d’infraction sauf concert frauduleux.

Ainsi la liquidation judiciaire ne peut participer du délit d’organisation frauduleuse d’insolvabilité par exemple.

Mais la fraude ne se superpose pas nécessairement avec une infraction pénale, et seconde approche amène à considérer que la liquidation judiciaire ne nécessite pas que le débiteur soit de bonne foi, il faut et il suffit qu’il soit en état de cessation des paiements.

Ainsi une liquidation judiciaire peut, et même doit, être ouverte même si l’activité qui la provoque est « artificielle ».

Y a-t-il fraude pour autant ?

Selon une approche pragmatique, il faudrait pour cela établir que le sort du débiteur, dans la procédure de rétablissement personnel à laquelle il aurait été admis s’il n’avait pas été éligible à la liquidation judiciaire, aurait été différent, et le traitement des créanciers plus favorable.

Ce n’est donc absolument pas certain. 

C’est cependant sans procéder à cette recherche que la Cour de Cassation a retenu que la dissimulation d’une activité à l’étranger pour bénéficier des dispositions de la loi Française sur la liquidation judiciaire, alors en l’espèce que le débiteur avait en réalité son activité principale en Allemagne, était constitutive de la fraude justifiant la reprise des poursuites ( et alors même que le fisc Allemand, dont la créance avait été dissimulée pour que la procédure soit ouverte en France avait été à même de déclarer créance et n’avait donc pas, selon le droit Français, de préjudice) (Cass com 27 mai 2014 n°13-14425).

Enfin selon une approche plus « basique », la notion de fraude doit s’apprécier sans rechercher le bénéfice effectif qu’en a tiré le débiteur ni si le créancier en a subi un préjudice : ce qui justifierait le recours à la notion de fraude serait la manœuvre du débiteur.

A priori cette approche déconnectée de la recherche du résultat, n’est pas satisfaisante, et d’ailleurs la Cour de Cassation semble s’attacher pour considérer la fraude à l’existence d’un préjudice pour le créancier (par exemple Cass com 11 juin 2003 n°00-18089) : ainsi le débiteur qui a une attitude qui repose sur une manœuvre ne serait pas nécessairement coupable de fraude au sens de l’article L643-11 du code de commerce.

Par contre le débiteur qui manœuvre pour ne pas révéler l'existence d'une créance au liquidateur et l'existence de la procédure collective au créancier qui est donc privé de la possibilité de déclarer créance peut être coupable de fraude susceptible d'ouvrir droit à reprise des poursuites après clôture Cass com 26 juin 2019 n°17-31236 dans un cas où le débiteur a correspondu plusieurs fois avec le créancier en lui promettant un paiement et sans évoquer la procédure collective, étant donc précisé que le créancier n'avait pas déclaré sa créance et que cette circonstance est indifférente à ses droits de reprise des poursuites.

De même à notre avis le débiteur qui crée artificiellement une activité qui relève des procédures collectives, pour bénéficier d'une de ces procédures, alors qu'il aurait été considéré comme de mauvaise foi, et donc inéligible au surendettement, est susceptible de frauder aux droits de ses créanciers.

Enfin le débiteur qui dissimule l'existence d'une créance à recouvrer pendant sa liquidation judiciaire est coupable de fraude Cass com 11 septembre 2024 n°23-11333

Exceptions et créances non déclarées

La question peut se poser de savoir si ces exceptions, quelles qu'elles soient, peuvent bénéficier à une créancier qui n'a pas déclaré créance.

A priori une créance régulièrement déclarée ne permet pas au créancier de retrouver son droit de poursuite post clôture, et une créance non déclarée est inopposable à la procédure collective.

Post clôture, deux théories sont envisageables :

- le créancier qui n'a pas déclaré créance a moins de droit que celui qui a déclaré, et sa créance non déclarée reste inopposable au débiteur, ce qui a pour conséquence qu'il ne bénéficie pas des exceptions à l'absence de reprise des poursuites,

- le créancier qui n'a pas déclaré créance bénéficie des mêmes droits que la créance régulièrement déclarée, et donc, des exceptions à la reprise des poursuites, dès lors que la sanction de l'absence de déclaration de créance est une simple inopposabilité pendant la procédure collective.

(on écarte évidemment l'idée que le créancier qui n'a pas déclaré créance aurait plus de droit que celui qui a déclaré.

Intuitivement, il semble logique que le créancier qui n'a pas déclaré créance ne retrouve pas ses droits de poursuite, dans le cas où, par exception, il les retrouverait s'il avait déclaré créance.

Ce n'est pas ce qui est jugé en cas de fraude Cass com 26 juin 2019 n°17-31236. Et exclusivement en cas de fraude. "aux termes de l'article L. 643-11, IV, du code de commerce, en cas de fraude à l'égard d'un ou plusieurs créanciers, le tribunal autorise la reprise des actions individuelles de tout créancier contre le débiteur ; que, selon l'article L. 643-11, V, alinéa 2, du même code, les créanciers qui recouvrent l'exercice individuel de leurs actions et dont les créances n'ont pas été vérifiées peuvent le mettre en oeuvre dans les conditions du droit commun ; qu'il résulte de la combinaison de ces textes, qui ne comportent aucune restriction, que même un créancier n'ayant pas déclaré sa créance est autorisé, en cas de fraude, à reprendre ses actions individuelles"

Ce qui est parfaitement légitime, puisqu'en l'espèce, en raison de la fraude, le créancier n'avait pas été en mesure de déclarer créance.

La transposition du raisonnement par exemple à la caution qui a payé, soit qui n'a pas déclaré créance, soit qui a payé un créancier qui n'avait pas déclaré créance, est totalement hasardeuse.

Il est vrai que les exceptions à l'absence de reprise des poursuites bénéficient aux "créanciers" et qu'un créancier qui n'a pas déclaré créance reste "créancier", mais il serait choquant qu'un créancier qui a négligé, de son fait, de faire valoir ses droits pendant la procédure collective puisse ressurgir après (sans évoquer les questions de prescriptions, puisque la déclaration de créance interrompt la prescription et a contrario la prescription continue à courir en l'absence de déclaration de créance, de sorte qu'il y a de fortes chances qu'à la clôture de la liquidation la créance soit prescrite)

La Cour de Cassation a ainsi écarté l'action de la caution qui a payé, dès lors soit qu'elle n'a pas déclaré créance si elle exerce son recours avant paiement, soit que le créancier a lui même n'avait pas déclaré créance déclaré si elle exerce son recours subrogatoire Cass com 12 mai 2009 n°08-13430 (mais il est vrai que cet arrêt est rendu sous l'empire du texte ancien qui prévoyait que les créances non déclarées sont éteintes)

La procédure à suivre pour reprendre les poursuites:

La reprise des poursuites n'est évidemment possible que dans les limites de la prescription (voir le mot pour l'interruption de la prescription durant la procédure collective)

La procédure doit être respectée, et le fait que le liquidateur ait pu, alors même que sa fonction avait pris fin, verser un acompte ne vaut pas reconnaissance de l'exigibilité de la créance et renonciation à ce que la procédure devant le Président du Tribunal soit exécutée (CE 13 février 2019 n°401752)

Le texte (article L643-11 du code de commerce) distingue deux cas, étant précisé qu'en cas de fraude il convient préalablement que le Tribunal de la procédure collective autorise la reprise des poursuites.

- le créanciers dont la créance a été admise au passif :

Deux sous-cas sont encore à distinguer.

Si le créancier ne dispose pas d'un titre exécutoire, il doit obtenir du président du tribunal qui était en charge de la procédure de liquidation une ordonnance lui accordant ce titre. L'article R643-20 précise que la caution subrogée peut, elle aussi, obtenir un titre exécutoire dans les mêmes conditions. 

Si le créancier dispose déjà d'un titre exécutoire, il doit saisir le président aux fins qu'il rende une ordonnance jugeant que les conditions de la reprise des poursuites sont remplies (L643-11).

Il convient de préciser ici qu'il est admis communément que l'admission au passif ne constitue pas un titre exécutoire (voir vérification des créances), mais évidement le créancier peut être porteur d'un titre exécutoire (par exemple un jugement de condamnation et n'a donc pas dans ce cas à solliciter une nouvelle condamnation du débiteur Cass com 29 avril 2014 n°13-10766 )

L'ordonnance présidentielle "contient injonction de payer et est revêtue de la formule exécutoire (R643-20) et est rendue le débiteur entendu ou appelé (sauf cas de fraude).

L'ordonnance est susceptible d'appel dans les délais de droit commun à compter de sa notification (et ni dans les délais de la procédure collective ni dans les formes des recours contre les ordonnances sur requête) Cass com 16 juin 2004 n°01-12480 Cass com 13 février 2007 n°05-11222 Cass com 4 mars 2014 n°12-23632

- le créancier dont la créance n'a pas été vérifiée

Ce créancier peut mettre en oeuvre "les conditions de droit commun" et n'a donc pas à saisir le Président du Tribunal de la procédure, mais la juridiction déterminé suivant les règles de droit commun (R643-20). Concrètement le créancier assignera le débiteur en paiement suivant les règles de droit commun. 

Le jugement qui autorise la reprise des poursuites peut faire l'objet d'un appel du débiteur pendant le délai de 10 jours à compter de sa signification Cass com 9 décembre 2020 n°19-14441

La possible reprise de la liquidation judiciaire

La loi permet dans certains cas que la liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif soit "reprise" par un jugement du Tribunal qui l'a clôturée, s'il apparait que des biens n'ont pas été réalisés ou des actions n'ont pas été menées. (voir le mot "reprise de la liquidation judiciaire")

Les effets de la clôture pour le débiteur (communs aux deux cas de clôture, insuffisance d'actif et extinction de passif)

Le dessaisissement du débiteur prend fin.

Le liquidateur n'a plus le pouvoir de représenter le débiteur (Cass civ 2ème 17 octobre 2002 n°01-13553) et par voie de conséquence "la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif qui met fin au dessaisissement du débiteur, lui permet d'engager une action en paiement d'une créance née antérieurement à l'ouverture de la procédure collective et non recouvrée par le liquidateur"  Cass com 17 octobre 2000 n°98-10955    (mais la clôture pour extinction du passif produit les mêmes effets)

C'est la conséquence du défaut de qualité pour le liquidateur pour représenter le débiteur, pour l'avenir, et par réciprocité le débiteur retrouve qualité pour agir seul au sens des dispositions du code de procédure civile.

La radiation du registre du commerce

Voir le mot radiation du registre du commerce