Sanctions (et interdictions réelles ou imaginaires): banqueroute, interdiction de gérer, faillite personnelle, comblement de passif

Nous tenons à vous présenter les sanctions réellement prévues par les textes, et démentir l'existence de celles qui font partie des idées reçues inexactes qui sont véhiculées par diverses personnes généralement ignorantes de la loi.

Quelques points de la définition

Présentation schématique

Quelle procédure collective ?

Démentis sur de fausses rumeurs de sanctions

Démentis sur de fausses conséquences d'une liquidation clôturée

Démentis sur une pseudo interdiction de travailler du débiteur ou du dirigeant pendant ou après la clôture de la liquidation judiciaire

Présentation détaillée

Le moment de l'action : redressement et/ou liquidation judiciaires suivant les cas

La notion de dirigeant au regard des sanctions

Sanctions patrimoniales comblement de passif

La fin de l'action en contribution aux dettes

Sanctions civiles faillite personnelle et interdiction de gérer et notamment points communs, procédure ...

Principe des sanctions jusqu'à 15 ans dans le respect de la proportionnalité

Exceptions pour les professionnels indépendants soumis à un ordre professionnel

La procédure

Tribunal de la procédure collective et/ ou tribunal correctionnel et interférences entre les deux saisis

L'initiative de l'action 

Le liquidateur

Les contrôleurs

le Ministère public

les débats: audience publique par principe

le jugement et l'absence d'exécution provisoire de droit

Pas de transaction possible

Le temps de l'action : initiée durant la procédure collective mais éventuellement prononcée après

Faillite personnelle et interdiction de gérer: la prescription

Voies de recours

Effet de la faillite personnelle

Effet de l'interdiction de gérer

Faillite personnelle ou interdiction de gérer : différence de conséquence

Faillite personnelle ou interdiction de gérer dans quels cas

La date des faits

Quelques cas de faillite personnelle

Cas dans lesquels le tribunal peut choisir entre faillite personnelle et interdiction de gérer

Cas spécifiques d'interdiction de gérer et la date de cessation des paiements retenue

Tableau comparatif

Fichier National des interdits de gérer

La suite des sanctions : violation, fin et fichier des interdits de gérer

Non respect

Fin des mesures de faillite personnelle ou interdiction de gérer

Effet commun banqueroute et faillite personnelle

Sanctions pénales: banqueroute

Généralités et auteurs

Banqueroute la procédure

Date des faits

Banqueroute la prescription de l'action

Banqueroute délit intentionnel / pas de tentative punissable

Banqueroute quelques cas

Banqueroute incidence de la date de cessation des paiements et quelle date ? Frontière abus de biens sociaux / banqueroute? 

Banqueroute répartition du produit de l'action

Les autres délits

Effet commun banqueroute et faillite personnelle

Sanctions à l'initiative des contrôleurs: c'est possible

La notion de comptabilité dans les sanctions

Les textes

la jurisprudence appréciant la comptabilité au regard des sanctions

Nous avons volontairement laissé sous dans ce texte une étude détaillée de la faillite personnelle et l'interdiction de gérer d'une part et de la banqueroute d'autre part dans la mesure où la juridiction pénale qui prononce la banqueroute a pu, un temps (mais ce n'est plus d'actualité) prononcer la faillite personnelle en accessoire de la banqueroute.

Nous avons par contre présenté sommairement l'action en comblement de passif, détaillée sous un mot spécifique du lexique.

Voir également action en responsabilité pour faute ayant contribué à la cessation des paiements

Présentation schématique

Les sanctions prévues par les textes

La loi organise trois types de sanctions qui ne sont pas exclusives l’une de l’autre et peuvent donc se cumuler pour sanctionner le débiteur, les dirigeants de personnes morales, et dans certaines circonstances leurs complices :
- Des sanctions patrimoniales
- Des sanctions civiles
- Des sanctions pénales.

Aucune de ces sanctions ne découle ipso facto de la liquidation judiciaire ou de l'ouverture de la procédure collective.

La sanction, quelle qu'elle soit, est prononcée spécifiquement par un tribunal, tribunal de la procédure collective dans certains cas, tribunal correctionnel dans d'autres, mais toujours à la suite d'une instance à laquelle le débiteur ou le dirigeant est appelé et amené à faire valoir sa défense. Il n'existe aucune sanction "automatique" qui serait la seule conséquence de la liquidation judiciaire (ou a fortiori du redressement judiciaire)

Quelle procédure collective ?

Il est enfin rappelé que les sanctions de faillite personnelle, banqueroute ne sont pas applicables à la procédure de sauvegarde (L653-1 pour la faillite personnelle, qui ne vise que le redressement ou la liquidation, et L654-1 pour la banqueroute complété par L654-2 qui ne vise que le redressement ou la liquidation).

Le comblement de passif est réservé à la liquidation judiciaire.

- Les sanctions patrimoniales

Ces sanctions permettent au Tribunal de mettre à la charge d’un ou plusieurs dirigeants qui ont commis des fautes de gestion tout ou partie de l'« insuffisance d’actif » de l’entreprise, c'est-à-dire des sommes qui seront nécessaire au paiement des créanciers. Voir le mot "comblement de passif".

Concrètement, le dirigeant dont le liquidateur entend démontrer qu'il a commis des fautes de gestion qui sont l'une des causes des difficultés, et plus précisément de l'insuffisance d'actif, est assigné devant le Tribunal de la procédure collective.

Si les fautes sont établies, le dirigeant sera condamné à payer au liquidateur une somme correspondant à "l'augmentation de l'insuffisance d'actif", c'est à dire en réalité à la dégradation de la situation entre le moment où l'entreprise aurait du déclarer sa cessation des paiements et celui où la cessation des paiements a été constatée : le délai entre les deux correspond au maintien fautif de l'activité dont le dirigeant est jugé responsable.

- Les sanctions civiles:

Il s'agit essentiellement de la faillite personnelle et de l’interdiction de gérer par lesquelles le Tribunal pourra interdire aux dirigeants et chefs d’entreprises fautifs de gérer une entreprise pendant une durée qui pourra aller jusqu’à 15 années, en ce compris interdiction de voter dans les assemblées

Cette sanction peut être prononcée par le tribunal de la procédure collective ou par le tribunal correctionnel dans le cadre de sanctions pénales (voir si après).

Concrètement, le dirigeant ou débiteur qui a commis un certain nombre de fautes énumérées par la loi, sera convoqué devant le tribunal saisi, et si ces fautes sont établies, sera condamné.

- Les sanctions pénales

Elles reposent essentiellement sur le délit de banqueroute (voir ce mot)
Il s’agit d’un délit passible de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende, outre privation des droits civiques et de famille, interdiction fonctions élective, interdiction d’exercice de la profession à l’occasion de laquelle infraction commise, exclusion marchés publics, interdictions d’émettre des chèques.
Peuvent être sanctionnés les chefs d’entreprise et dirigeants qui auront notamment détourné des actifs de l’entreprise, tenu une comptabilité fictive, fait disparaître la comptabilité.

Les mandataires de justice peuvent, à l'occasion de poursuites pour banqueroute, se constituer partie civile pour le compte des créanciers et demander des dommages intêrets.

Démentis sur les sanctions véhiculées par diverses rumeurs

Vous entendrez souvent deux types de rumeurs véhiculées par des personnes qui ne connaissent pas le droit des procédures collectives ou qui confondent une "simple liquidation judiciaire" avec des situations où un dirigeant a été spécialement poursuivi et condamné à des sanctions (voir ci dessus).

Contrairement à ce qui est souvent prétendu, la liquidation judiciaire n'a pas pour but ni pour effet de sanctionner ipso facto un dirigeant ou un chef d'entreprise.

- la liquidation judiciaire aurait des conséquences financières tant que le débiteur vivra, y compris après la clôture de la procédure : autrement dit, toute sa vie le débiteur doit rembourser le passif, même si c'est impossible en raison des sommes en jeu et de ses ressources : c'est faux

- par l'effet de la liquidation judiciaire, le débiteur ou le dirigeant serait interdit, pendant plusieurs années, d'exercer une activité: c'est également faux

Ces deux "sanctions" n'existent pas telles qu'elles sont présentées, et sont la conséquence d'amalgames et de méconnaissance des textes.

Démentis sur les conséquences patrimoniales d'une liquidation judiciaire clôturée

La liquidation judiciaire d'une personne physique (commerçant, artisan, "profession libérale") a pour conséquence que la totalité de son patrimoine est sous l'emprise de la procédure: le liquidateur a qualité pour vendre la totalité de l'actif, à l'exception bien entendu des biens insaisissables (biens nécessaires à la vie courante notamment).

Pour autant une fois le patrimoine du débiteur réalisé, le Tribunal va procéder à la clôture de la procédure, pour "insuffisance d'actif" s'il ne peut pas payer tous les créanciers (voir le mot clôture).

A partir du jugement de clôture, et sauf exceptions, la partie impayée du passif ne permet pas aux créanciers de retrouver leur droit de poursuite contre le débiteur. Autrement dit, les créanciers impayés ne peuvent plus poursuivre le débiteur.

Deux situations "singulières" peuvent se rencontrer :

- le débiteur a dissimulé un bien: dans ce cas la procédure peut être "reprise" et le bien sera vendu par le liquidateur dans les formes de la liquidation.

- le débiteur devient propriétaire de nouveaux biens. Cette situation peut-être la conséquence d'une nouvelle activité du débiteur, d'un héritage ... Ces biens "nouveaux" ne justifient pas la reprise de la liquidation judiciaire et ne peuvent être saisis par les créanciers. De manière très imagée, la loi "fait cadeau" au débiteur du solde de son passif impayé, sauf dans des cas très particuliers de mauvaise foi caractérisée ou de sanctions prononcées.

Pour ce qui concerne le dirigeant d'une personne morale en liquidation, il n'a, ipso facto, aucune sanction financière. La "sanction" ou plus exactement la conséquence financière la plus fréquente est la mise en jeu de ses cautions (voir ce mot). Pour le surplus, il pourra évidemment être condamné financièrement, mais la liquidation en elle même n'entraîne pas de sanction "automatique".

Démentis sur la pseudo interdiction de "travailler" qui frapperait le débiteur ou le dirigeant pendant et après la clôture de la liquidation judiciaire

Débiteur personne physique ( artisan, commerçant, profession libérale)

Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi 2022-172 du 14 février 2022 la loi conciliait deux considérations :

- le même débiteur ne pouvait se trouver simultanément deux fois en liquidation judiciaire : une personne physique en liquidation ne pouvait donc, tant que sa liquidation n'est pas clôturée, exercer une activité qui risquerait de l'exposer à une seconde liquidation. Le débiteur personne physique ne pouvait donc, pendant sa liquidation, être à nouveau commerçant, artisan ou profession libérale. Il pouvait cependant exercer une activité salariée (voir également le mot "dessaisissement")

Sauf cas particuliers, rien n'empéchait par contre le débiteur, postérieurement à la clôture de la liquidation, d'exercer quelque activité que ce soit, sous quelque forme que ce soit ( y compris à titre individuel - commerçant, artisan, profession libérale, ou sous forme sociétaire - par exemple en étant gérant d'une SARL).

Sur ce dernier point les idées reçues sont donc fausses, et les cas d'impossibilité ne se rencontrent que dans des situations où des sanctions ont été prononcées (par exemple faillite personnelle)

- le débiteur ou le dirigeant est en principe formé et compétent pour une activité précise, et lui interdire "à vie" ou pour longtemps, l'exercice de cette activité reviendrait à le priver de toute possibilité de vivre décemment.

Ainsi, comme indiqué ci dessus, dès la clôture de la liquidation d'une personne physique, elle peut, sauf exceptions, exercer la même activité. Elle peut évidemment également être dirigeant de toute personne morale, associée, salariée ...

La loi 2022-172 du 14 février 2022 relative à l'entrepreneur individuel est venue modifier le dispositif, et désormais l'article L681-2 VII du code de commerce dispose :

"- Lorsqu'une procédure de liquidation judiciaire est ouverte, l'entrepreneur individuel peut exercer une nouvelle activité professionnelle. Un nouveau patrimoine professionnel est alors constitué. Ce patrimoine professionnel n'est pas concerné par la procédure ouverte.

Le débiteur ne peut constituer plus de deux patrimoines distincts de son patrimoine personnel.

La faculté d'exercer une nouvelle activité professionnelle dans les conditions prévues au premier alinéa du présent VII ne s'applique pas au débiteur qui, au titre de l'un quelconque de ses patrimoines, a fait l'objet, depuis moins de cinq ans, d'une procédure de liquidation judiciaire clôturée pour insuffisance d'actif ou d'une décision de clôture d'une procédure de rétablissement professionnel"

Dirigeant d'une personne morale en liquidation judiciaire

Le dirigeant d'une personne morale (par exemple le gérant d'une SARL) en liquidation est encore moins touché que le débiteur personne physique puisqu'il peut, là encore sauf sanction de faillite personnelle ou d'interdiction de gérer prononcée spécialement, exercer toute activité, y compris pendant la liquidation judiciaire.

Il peut donc, même pendant la liquidation, être dirigeant d'une autre personne morale, commerçant, artisan ...

Il se peut d'ailleurs que plusieurs sociétés aient le même dirigeant, et que l'une d'elles seulement soit en liquidation. Les autres ne sont pas touchées par la liquidation, et leur dirigeant peut continuer ses fonctions.

Conclusion

La loi ne fait que mettre des limites, qui relèvent de considérations évidentes: le débiteur ou le dirigeant, même exerçant par la suite la même activité que celle ayant donné lieu à la liquidation, ne peut bénéficier d'actifs (clients, matériel, savoir faire, brevets, logiciels ..) détournés (c'est à dire "volés") de la précédente liquidation.

Voir également dans le lexique les mots suivants qui donnent tous des précisions sur le sort réservé au dirigeant et au chef d'entreprise: "banqueroute", "faillite personnelle", "interdiction", "extension", "comblement de passif", "responsabilité du dirigeant" et "dessaisissement".

Présentation détaillée

Le moment de l'action : Redressement ou liquidation judiciaires suivant les cas

L'action en comblement de passif n'existe qu'en liquidation judiciaire (article L651-2 du code de commerce)

Les actions en faillite personnelle ou interdiction de gérer sont applicables au redressement ou à la liquidation judiciaire (article L653-1 du code de commerce)

Les sanctions pénales (banqueroute) sont applicables en redressement ou liquidation judiciaires (article L654-2 du code de commerce)

Sur la notion de dirigeant voir le mot dirigeant

Les sanctions patrimoniales: le "comblement de passif"' c'est à dire l'action "en responsabilité pour insuffisance d'actif"

Comblement de passif

Cette sanction permet au Tribunal de mettre tout ou partie de l'« insuffisance d’actif » de l’entreprise, c'est-à-dire des sommes qui seront nécessaire au paiement des créanciers, à la charge d’un ou plusieurs dirigeants qui ont commis des fautes de gestion ayant contribué à l'insuffisance d'actif.

Peuvent être visés les dirigeants de droit (c'est à dire les dirigeants statutaires) et les dirigeants de fait, c'est à dire les personnes dont il est démontré à l'occasion de l'action que, bien que n'étant pas dirigeant de droit, elles ont pris des initiatives de direction qui dépassent leur rôle normal dans l'entreprise (par exemple il relève bien d'un directeur des ressources humaines d'une grande entreprise de signer les contrats de travail, mais il ne relève certainement pas d'un parent du gérant d'une petite entreprise de se comporter comme s'il en était le dirigeant, parfois en induisant les tiers en erreur, et de recruter ou licencier les salariés, de signer les contrats, les opérations bancaires ... ) 

On emploie souvent le terme de "comblement de passif" puisque par la contribution à laquelle il est condamné le dirigeant contribue à "combler" le passif, ou plus exactement à résorber totalement ou partiellement ce qu'on appelle l'insuffisance d'actif, c'est à dire la différence qui existe entre le passif et les sommes disponibles pour payer les créanciers. Cependant la terminologie légale (articles L651-1 et suivants du code de commerce) évoque l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif

Voir le mot comblement de passif

La fin de l'action en obligation aux dettes sociales

La loi de 2005 avait instauré, en quasi concurrence avec l'action en comblement de passif, une action dite en obligation aux dettes sociales (article L652-1 du code de commerce).

Cette action, qui avait un régime différent de l'action en comblement (notamment le produit de l'action était réparti en respectant l'ordre des privilèges) mais recoupait en réalité des situations similaires, a été supprimée par ordonnance du 18 décembre 2008 qui a abrogé les textes correspondants.

Les sanctions civiles: faillite personnelle et interdiction de gérer. Les différences entre faillite personnelle et interdiction de gérer.

Généralités

Le principe: des sanctions qui peuvent aller jusqu'à 15 ans et qui tendent à écarter de la vie des affaires, dans le respect de la proportionnalité

Il s'agit de la faillite personnelle et de l’interdiction de gérer par lesquelles le Tribunal pourra interdire aux dirigeants et chefs d’entreprises fautifs de gérer une entreprise pendant une durée qui pourra aller jusqu’à 15 années, en ce compris interdiction de voter dans les assemblées.

Le juge doit évidemment motiver sa décision tant sur le principe que sur le quantum Cass com 5 juillet 2018 n°18-11743 Cass com 17 avril 2019 n°18-11685 Cass com 20 octobre 2021 n°20-10557 et le texte n'est pas anti constitutionnel Cass com 17 avril 2019 n°18-11743

Le juge doit donc veiller à la proportionnalité de la sanction ( Cass com 9 Octobre 2019 n°18-10797 pour un dirigeant inexpérimenté qui n'avait été dirigeant que très peu de temps) et doit motiver sa décision sur le quantum de la sanction au regard de la gravité de la faute et de la situation personnelle du dirigeant Cass com 25 mars 2020 n°18-11684  Cass com 29 septembre 2021 n°20-12166 Cass com 20 octobre 2021 n°20-10557

Au regard de l'article 8 de la convention européenne, le juge doit tenir compte de la gravité des faits, de la situation matérielle familiale et sociale du dirigeant et de sa personnalité, ce qui peut par exemple donner lieu à une condamnation pour 12 ans d'un débiteur récidiviste Cass com 1er juillet 2020 n°18-17789

Evidemment la décision doit répondre aux conclusions du dirigeant, à défaut de quoi elle n'est pas motivée Cass com 17 juin 2020 n°18-18321 Cass com 5 juillet 2023 n°22-13289 pour un dirigeant par ailleurs condamné à un comblement de passif et qui faisait valoir qu'il avait constitué une autre société dont il tirait ses revenus.

Le tribunal n'a pas d'obligation de tenir compte de la situation personnelle du débiteur pour moduler la condamnation (en réalité il le fait, mais n'a pas d'obligation en ce sens) Cass com 19 mai 2021 n°19-23753

L'exception: pour les professionnels indépendants dont l'organisation de la profession est régie par un ordre professionnel, le texte n'est pas applicable

Par exception la loi dispose que les personnes exerçant une profession indépendante (souvent qualifiée de profession libérale) ne sont pas soumises à la sanction de la faillite personnelle, dès lors qu'elles dépendent de règles disciplinaires ( voir article L653-1 3° du code de commerce).

Concrètement pour ces professionnels, c'est l'ordre dont ils dépendant qui est susceptible le cas échéant de prononcer des sanctions (radiation, suspension .. ) ayant même objet que la faillite personnelle.

A titre d'exemple, la Cour de Cassation a considéré comme justifiées les sanctions disciplinaires (interdiction d'exercice pendant 3 ans) prononcées par l'instance disciplinaire des avocats, contre un avocat ayant fait l'objet d'une procédure collective, et qui, de manière répétée, n'avait pas respecté ses obligations fiscales et sociales (Cass civ 1ère 10 décembre 2014 n°13-25808)

La procédure (faillite personnelle ou interdiction de gérer)

Sanctions prononcées par le tribunal de la procédure collective (et/ ou anciennement par le tribunal correctionnel, cette dernière solution n'étant plus possible) dans la limite de 15 ans

La procédure est identique pour les deux sanctions: elles peuvent être prononcées (l'une ou l'autre et pas les deux à la fois, mais nous verrons que la faillite personnel produit les effets de l'interdiction de gérer et d'autres effets complémentaires).

La durée de la mesure est limitée à 15 ans (L653-11)

Ces sanctions pouvaient initialement prononcées :

- par le tribunal de la procédure collective à titre principal, c'est à dire dans le cadre d'une demande en ce sens,

- ou par le tribunal correctionnel dans le cadre de sanctions pénales en accessoire d'une condamnation pénale pour banqueroute (voir ci après).

Le dispositif a été déclaré conforme à la constitution (décision du conseil constitutionnel 2016-570 du 29 septembre 2016)

Les textes permettaient initialement également une autre application: le cumul de la même sanction, prononcée à la fois par le Tribunal de la procédure collective et par le Tribunal correctionnel. 

Les textes permettaient en effet que le tribunal de la procédure prononce la faillite personnelle alors que par ailleurs le tribunal correctionnel l'avait également prononcée (et dans ce cas ce qui compte est que le cumul des deux faillites prononcées ne dépassent pas les 15 ans prévus par les textes Cass com 24 mai 2018 n°17-11743) ,

Mais à l'inverse l'article L654-6 du code de commerce dans sa rédaction initiale prévoyait que le tribunal correctionnel ne pouvait prononcer la faillite personnelle en peine accessoire de la banqueroute que si le tribunal de la procédure ne l'avait pas déjà prononcé.

Cette absence de réciprocité exposait les débiteurs à une double sanction, suivant dans quel ordre les juridictions statuaient et sur ce point également le conseil constitutionnel a été saisi.

Ainsi la question de savoir si d'une part le tribunal de la procédure collective peut prononcer une interdiction de gérer ou une faillite personnelle, alors que par ailleurs le tribunal correctionnel a déjà prononcé une peine de banqueroute assortie elle aussi d'une interdiction de gérer ou d'une faillite personnelle pour les mêmes faits est controversée (surtout si c'est l'occasion pour le tribunal de la procédure collective de prononcer une sanction plus longue) en raison de la règle "non bis in idem" (pas deux fois pour la même chose).

La Cour de Cassation a considéré la question prioritaire de constitutionnalité sérieuse, et la décision du conseil Constitutionnel a été de considérer que l'article L654-6 du code de commerce dans sa rédaction qui lui était soumise, était contraire à la constitution et abrogé immédiatement (Cass com QPC du 28 juin 2016, n°16-40208 et décision du Conseil Constitutionnel 2016-573 du 29 septembre 2016). 

On aurait pu normalement comprendre que l'article L654-6 du code de commerce était purement et simplement abrogé, et que, jusqu'à ce qu'un nouveau texte soit promulgué, le juge correctionnel ne pouvait plus prononcer la faillite personnelle (c'est d'ailleurs la conclusion du commentaire de la décision du conseil Constitutionnel) et celui de la Cour de Cassation Cass crim 22 novembre 2017 n°16-83549

Cependant dans un premier temps, l'article L654-6 du code de commerce telle que présenté sur le site Légifrance a simplement été modifié et la modification a conduit à la suppression de l'expression "pour les mêmes faits":

Ancienne formulation avant la décision du conseil Constitutionnel: "La juridiction répressive qui reconnaît l'une des personnes mentionnées à l'article L. 654-1 coupable de banqueroute peut, en outre, dans les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 653-11, prononcer soit la faillite personnelle de celle-ci, soit l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à moins qu'une juridiction civile ou commerciale ait déjà prononcé une telle mesure par une décision définitive prise à l'occasion des mêmes faits."

Nouvelle formulation présentée sur le site Légifrance au lendemain de la décision: "La juridiction répressive qui reconnaît l'une des personnes mentionnées à l'article L. 654-1 coupable de banqueroute peut, en outre, prononcer soit la faillite personnelle de celle-ci, soit l'interdiction prévue à l'article L. 653-8, à moins qu'une juridiction civile ou commerciale ait déjà prononcé une telle mesure par une décision définitive."

Il s'agit donc de la formulation issue de la loi de 2005, considérée dans un premier temps comme applicable.

Ainsi, faute de pouvoir établir une réciprocité, c'est à dire de préciser que les mêmes faits ne pouvaient donner lieu à faillite personnelle prononcée par le tribunal de la procédure ou le tribunal correctionnel, peu important l'ordre dans lequel les décisions interviennent, la conséquence de la décision du Conseil Constitutionnel est le retour au texte antérieur, de sorte que désormais le tribunal correctionnel ne peut plus prononcer de faillite personnelle si une telle mesure a déjà été prononcée par le tribunal de la procédure collective, qu'il s'agisse des mêmes faits ou pas.

Ce "nouveau" dispositif ne semble a priori pas plus cohérent que le précédent, car rien n'empêche à l'inverse le tribunal de la procédure collective de prononcer la faillite personnelle, y compris si le tribunal correctionnel l'a déjà prononcé, et on n'est pas certain que ce soit ce que le Conseil Constitutionnel ait entendu juger.

Par un arrêt du 22 novembre 2017 (Cass crim 22 novembre 2017 n°16-83549) la Cour de Cassation confirme les conséquences de l'inconstitutionnalité de l'article L654-6 du code de commerce dans sa version visée par la décision, et en tire, plus simplement que le débiteur ne pourra donc pas faire l'objet d'une faillite personnelle prononcée par la juridiction correctionnelle dans le cadre des procédures régies par l'article L654-6 dans sa version antérieure à la décision du Conseil Constitutionnel

Par la suite le site Légifrance a purement et simplement été modifié : la version anticonstitutionnelle de l'article L654-6 est réputée abrogée, et la version antérieure est réputée n'être applicable que jusqu'au 15 février 2009, date d'entrée en vigueur de l'ordonnance du 18 décembre 2008 qui avait instauré la nouvelle version. Cette nouvelle position semble plus cohérente et on en tire donc qu'à ce jour les juridictions correctionnelles ne puissent plus prononcer la faillite personnelle (par exemple Cass crim 16 octobre 2019 n°17-87196 ou Cass crim 29 mai 2019 n°18-81455

C'est cette interprétation qui est maintenant retenue Cass crim 21 mars 2018 n°17-81160 pour toutes les affaires qui n'étaient pas définitivement jugées au jour de la déclaration d'inconstitutionnalité Cass crim 22 novembre 2017 n°16-83549 Cass crim 24 octobre 2018 n°17-86749

Concrètement, encourt la faillite personnelle et l'interdiction de gérer le dirigeant ou débiteur qui a commis un certain nombre de fautes énumérées par la loi, sera convoqué devant le tribunal saisi, et si ces fautes sont établies, peut être condamné.

(mais n'oublions pas, qu'au terme de l'article L654-5 du code de commerce le Tribunal correctionnel peut, en complément d'une condamnation pour banqueroute, prononcer 

1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, suivant les modalités de l'article 131-26 du code pénal ;

2° L'interdiction, suivant les modalités prévues par l'article 131-27 du code pénal, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement ;

3° L'exclusion des marchés publics pour une durée de cinq ans au plus ;

4° L'interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d'émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ou ceux qui sont certifiés ;

5° L'affichage ou la diffusion de la décision prononcée dans les conditions prévues par l'article 131-35 du code pénal., 

ce qui peut avoir des conséquences très voisines si les faits sont postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 4 aout 2018 qui a modifié ce texte, voir notamment Cass crim 25 novembre 2020 n°19-85740)

L'initiative de l'action

C'est l'article L653-7 qui organise l'initiative de l'action : "le tribunal est saisi par le mandataire judiciaire, le liquidateur ou le ministère public. Dans l'intérêt collectif des créanciers, le tribunal peut également être saisi à toute époque de la procédure par la majorité des créanciers nommés contrôleurs lorsque le mandataire de justice ayant qualité pour agir n'a pas engagé les actions prévues aux mêmes articles, après une mise en demeure restée sans suite dans un délai et des conditions fixés par décret en Conseil d'Etat."

Le liquidateur ou le mandataire judiciaire

L'action peut être initiée par le liquidateur (en liquidation) ou le mandataire judiciaire (en redressement judiciaire) , qui délivre une assignation au dirigeant, 

Les contrôleurs

L'action peut également être initiée par la majorité des créanciers désignés contrôleurs (ce qui suppose qu'il y en ait plusieurs) après une mise en demeure d'agir délivrée par eux au liquidateur et restée infructueuse (L653-7 du code de commerce).

Ministère public

L'action peut également être initiée par une requête du Procureur de la République (qui est donc dispensé d'assignation) qui le fait citer par un acte du greffe (l'article R631-4  auquel renvoi l'article R653-2 prévoit un courrier recommandé (mais la procédure n'est pas nulle si le débiteur est convoqué par un acte d'huissier Cass com 20 octobre 2021 n°20-13268), et il semble que si ce courrier n'est pas réceptionné par le débiteur, il n'appartient pas au greffe de convoquer par acte d'huissier mais au Parquet de procédure par voie de signification: cela résulterait d'un avis de la Cour de Cassation et Cass com 5 mai 2021 n°20-11112

Sur les mentions obligatoires de la convocation émise par le greffe voir comblement de passif la procédure

Le Procureur de la République doit être présent à l'audience s'il est demandeur à la sanction, pour soutenir sa requête (Cass com 13 septembre 2016 n°14-10927 Cass com 16 juin 2021 n°20-14771, y compris en cause d'appel, et s'il prend des conclusions écrites elles doivent être communiquées au dirigeant (même arrêt).

Le débiteur est nécessaire informé de l'action

Dans les deux cas de sanction, le dirigeant est informé de la date de l'audience et des faits reprochés, et peut évidemment constituer un dossier pour alimenter sa défense, soit en le présentant personnellement soit en choisissant d'être assisté par un avocat de son choix.

Débats: par principe audience publique

Les débats sont par principe publics (article L662-3 du code de commerce) sauf s'il en est décidé autrement par le Président du Tribunal à la demande d'une partie mise en cause: il s'agit ici d'une évolution par rapport aux textes antérieurs qui prévoyaient une audition du dirigeant en chambre du conseil. Dans un esprit de moralisation, le législateur a estimé pertinent que l'audience soit publique pour que l'exemple soit donné des sanctions retenues en cas de faute des dirigeants.

Contrairement à la procédure pénale, le dirigeant n'a pas à être entendu après le ministère public Cass com 29 septembre 2021 n°19-25112

Singulièrement les textes ne prévoient pas la présence du liquidateur s'il n'est pas à l'origine des poursuites, de sorte que sa présence à l'audience s'interprète a priori comme une intervention volontaire. 

Le jugement et l'exécution provisoire

A la différence de la quasi totalité des décisions rendues en matière de procédure collective, le jugement qui prononce la faillite personnelle ou l'interdiction de gérer n'est pas exécutoire de plus droit (article R661-1 alinéa 2 du code de commerce) sauf si le tribunal en décide (article L653-11 du code de commerce) : ainsi s'agissant d'une exécution provisoire facultative, le Premier Président de la Cour d'appel peut, en cas d'appel, en ordonner suspension dans les conditions de droit commun, étant précisé en outre que l'appel du Parquet est suspensif (article L661-11 du code de commerce).

Pour les procédures ouvertes à compter du 1er octobre 2021, l'article R653-3 du code de commerce prévoit que la notification du jugement précise la procédure pour obtenir le relèvement de la sanction.

( sur le déréférencement par GOOGLE d'une article faisant allusion à la condamnation voir CE 10-9ème chambres réunies 20 avril 2023 n°463487 

Pas de transaction sur l'action

Selon l’article 2045, alinéa 1er, du code civil, pour transiger, il faut avoir la capacité de disposer des objets compris dans la transaction. C’est, dès lors, à bon droit que l’arrêt, après avoir énoncé que les articles L. 653-1 et suivants du code de commerce concernant la faillite personnelle et les autres mesures d’interdiction ne tendent pas à la protection de l’intérêt collectif des créanciers mais à celle de l’intérêt général, et qu’il s’agit de mesures à la fois de nature préventive et punitive, retient que si la transaction pouvait mettre fin à l’instance en paiement de l’insuffisance d’actif, elle ne pouvait avoir pour objet de faire échec, moyennant le paiement d’une certaine somme ou l’abandon d’une créance, aux actions tendant au prononcé d’une sanction professionnelle. Cass com 9 décembre 2020 n°19-17258

Concrètement il n'est donc pas pertinent d'assigner à la fois en comblement de passif et en faillite personnelle car cela rendra toute transaction impossible, et il est préférable de mener en premier l'action en comblement et de ne rechercher la faillite personnelle qu'en cas de condamnation (et d'absence de transaction sur l'exécution).

Voies de recours

L'appel est ouvert au ministère public et est suspensif (article L661-11) dans le délai de 10 jours de l'avis qui lui est adressé (R661-3)

L'appel est également ouvert au mandataire de justice demandeur en cas de rejet de sa demande (même délai)

Enfin l'appel est ouvert au dirigeant condamné dans les 10 jours de la signification (et pas de la notification par le greffe) de la décision.

Un arrêt Cass com 2 mai 2001 n°98-12037 précise que le délai court y compris si la signification a été faite par procès verbal de recherches infructueuses, ce qui est logique. La décision précise : "que la signification d'un jugement réputé contradictoire par voie de procès-verbal de recherches infructueuses fait courir le délai d'appel sans être contraire à l'exigence d'un procès équitable, dès lors que la régularité de cette signification, soumise par la loi à des conditions et modalités précises et à des investigations complètes de l'huissier de justice, peut être contestée, et que son destinataire dispose d'une procédure de relevé de la forclusion encourue"

Le temps de l'action : initiée durant la procédure collective mais éventuellement prononcée après

On peut tirer de l'évolution des textes que l'action doit être initiée avant la clôture de la procédure (et d'ailleurs le rapport du juge commissaire, par hypothèse en fonction, est nécessaire) mais peut être prononcée après.

C'est a minima possible pour les sanctions prononcées par le Tribunal correctionnel. Concernant le Tribunal de la procédure, on pourrait soutenir qu'il est dessaisi par la clôture et ne peut donc statuer.

Cependant la loi lui attribue une compétence "autonome" et le fait est que l'indication que la sanction peut être prononcée "à tout moment de la procédure" a été supprimée du texte (mention présente dans l'article 187 de la loi du 25 janvier 1985, dont la suppression démontre que la procédure n'a plus à être en cours au moment du prononcé)

Les auteurs d'accordent donc sur le fait que la sanction peut être prononcée postérieurement à la clôture, pourvu qu'elle soit initiée avant, et évidemment qu'elle ne soit pas initiée par un mandataire de justice dont par ailleurs les fonctions ont pris fin: la demande du Parquet, pour sa part, subsiste valablement. Voir en ce sens rapport fait au nom de la commission des lois n°2095 II D 3 par monsieur XAVIER DE ROUX sur le projet de loi de sauvegarde des entreprises

Ce que confirme la Cour de Cassation Cass com 8 février 2023 n°21-22796

Délai d'exercice de l'action: prescription

L'action se prescrit par 3 ans à compter du jugement d'ouverture de la procédure (article L653-1 du code de commerce).

Malgré l'ambiguïté du texte, la Cour de Cassation considère qu'en cas de redressement judiciaire par la suite converti en liquidation judiciaire, c'est le premier de ces jugements, qui est bien celui qui "ouvre" la procédure, qui fait courir les délais de prescription (Cass com 4.11.2014 n°13-24028). Dans le cas d'une résolution de plan suivi d'une liquidation judiciaire, c'est le jugement de liquidation qui fait courir le délai, dès lors qu'il s'agit d'une nouvelle procédure, et si ce jugement est annulé, et suivi d'une nouvelle liquidation prononcée par la Cour dans le cadre de l'effet dévolutif, c'est l'arrêt de la Cour qui fait courir le délai Cass com 23 novembre 2022 n°21-19431

Dans le cas où l'action est initiée par le Procureur de la République, c'est la date du dépôt de la requête qui interrompt la prescription, peu important que le débiteur n'en ait connaissance que postérieurement (Cass com 13 septembre 2016 n°14-10927)

Le texte ne précise pas que le Tribunal doit être saisi à l'intérieur du délai, et on peut donc penser que la délivrance de l'assignation (dans les cas où elle est nécessaire) suffit.

Une prescription spéciale court par la faillite personnelle consécutive au non paiement par le dirigeant des sommes auxquelles il a été condamné dans le cadre d'une action en comblement de passif (article L653-6 pour la faillite personnelle dans ce cas, et article L653-1 pour la prescription), délai qui court à compter du jour où la décision de condamnation devient exécutoire Cass com 7 novembre 2018 n°17-18661

Concrètement quel est l'effet de la faillite personnelle ?

Généralités

La faillite personnelle a pour objectif d'écarter de la vie des affaires une personne qui, par ses actes ne respecte pas un certain nombres de règles. Elle est prononcée par une durée fixée par le tribunal, dans la limite maximale de 15 ans.

Les effets de la faillite personnelle :

La faillite personnelle emporte cinq conséquences principales, certaines obligatoires et automatiques et d'autres sur lesquelles le tribunal a le pouvoir d'appréciation:

1- Interdiction de gérer toute entreprise (mais pas une activité libérale): un effet obligatoire:

"La faillite personnelle emporte interdiction de diriger, gérer, administrer ou contrôler, directement ou indirectement, toute entreprise commerciale ou artisanale, toute exploitation agricole ou toute entreprise ayant toute autre activité indépendante et toute personne morale". (article L653-2 du code de commerce).

Il convient de préciser que cette interdiction n'affecte pas les mandats de membre du conseil de surveillance dont l'interdit peut être titulaire Cass com 8 janvier 2020 n°18-23991

En outre le texte ne vise pas les entreprises dites libérales Cass com 19 mai 2021 n°20-12049

(Cette mesure d'interdiction de gérer est assez trompeuse, puisque l'interdiction de gérer est par ailleurs une sanction distincte et moindre que la faillite personnelle, mais en fait la faillite personnelle emporte tous les effets de la "sanction" de l'interdiction de gérer et des effets supplémentaires). L'interdiction d'une activité indépendante a été ajoutée par la loi de sauvegarde de 2005, ne s'applique donc pas aux procédures ouvertes antérieurement, et s'agissant d'une loi - même non pénale - plus sévère, ne s'applique pas de plein droit aux situations antérieures (Cass com 17 février 2016 n°14-83663)

Le non respect de cette interdiction est sanctionné par l'article L654-15 du code de commerce et est susceptible d'être puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 375.000 € (par exemple Cass crim 29 novembre 2016 n°15-86116 qui a condamné le dirigeant à un an de prison ferme)

La Cour de cassation a tiré une conséquence inattendue de l'interdiction de gérer:" Le dirigeant ne saurait valablement invoquer le fait que la société n'a aucune activité pour s'exonérer de ses obligations comptables, ni le fait qu'il est interdit de gérer et ne pouvait donc accomplir sa mission de direction, alors que l'interdiction de gérer emporte interdiction d'accomplir des actes de gestion au nom de la société mais ne décharge par le dirigeant de ses obligations, notamment de coopération avec le liquidateur judiciaire" Cass com 11 avril 2018 n°16-24312

Cet arrêt peut paraître singulier dans la mesure où on croit y comprendre que le dirigeant interdit pourrait rester dirigeant et accomplir certains actes.

En réalité, outre le fait qu'il existe une sanction à la violation d'une interdiction de gérer, l'interdiction de gérer emporte interdiction d'exercer les fonctions de dirigeant et non pas seulement certains de leurs aspects. Pour autant évidemment le dirigeant qui reste en fonction malgré une interdiction doit assumer totalement ses fonctions et ne peut se réfugier derrière le fait qu'il était interdit ! La mesure d'interdiction de gérer n'emporte pas de démission ou de révocation d'office du dirigeant et il convient donc que le processus de droit des sociétés soit mis en place. Il semble cependant envisageable que le gérant interdit de gérer ne puisse plus engager la société, ce qui pourrait rendre ses initiatives irrecevables, encore que cette décision soit assez singulière au regard d'un dirigeant en fonction Cass com 27 janvier 1998 n°95-20585

Pour se protéger des effets de la sanction de non respect de l'interdiction, le dirigeant a tout intérêt à démissionner dès que la décision emportant interdiction de gérer est exécutoire (et évidemment sauf suspension de l'exécution).  

2 - Reprise des poursuites des créanciers après la clôture pour insuffisance d'actif: un effet obligatoire et très important pour l'avenir du débiteur

Un autre effet très important de la faillite personnelle est que, par exception au droit commun, en cas de clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, les créanciers retrouvent leurs droits de poursuites du débiteur.

Evidemment un tel effet ne concerne en pratique que les débiteurs personnes physiques, puisqu'une personne morale en liquidation judiciaire et dont la clôture pour insuffisance d'actif est prononcée sera nécessairement également liquidée au sens du droit des sociétés ce qui rend la reprise des poursuites totalement sans intêret (évidemment encore la reprise des poursuites ne concerne que le débiteur en liquidation judiciaire et pas ses dirigeants).

Ainsi, par différence avec une clôture pour insuffisance d'actif sans qu'il y ait eu de faillite personnelle prononcée, cas dans lequel le débiteur personne physique ne pourra pas, par la suite, être poursuivi par les créanciers qui n'ont pas été payés, même s'il revient à meilleure fortune, en cas de faillite personnelle prononcée, le débiteur n'est pas à l'abri de la reprise des poursuites sur les biens et salaires qu'il recevra postérieurement à la clôture, et ce dans la limite de la prescription de la créance (qui a été interrompue par la déclaration de créance, étant précisé que la prescription est suspendue pendant toute la durée de la procédure et recommence donc à courir avec le jugement de clôture)

3 - Mise sous contrôle des droits de vote du "failli" dans les personnes morales: un effet obligatoire

"Le droit de vote des dirigeants frappés de la faillite personnelle ... est exercé dans les assemblées des personnes morales soumises à une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire par un mandataire désigné par le tribunal à cet effet, à la requête de l'administrateur, du liquidateur ou du commissaire à l'exécution du plan. " (article L653-9).

Cette mesure est un peu singulière car elle ne concerne pas tous les droits de vote dont la personne condamnée est titulaire, mais uniquement ceux correspondant à une entreprise en procédure collective, qui n'est pas, a priori, celle dans laquelle les enjeux financiers sont les plus importants.

4 - Cession forcée des droits sociaux du "failli" au profit des créanciers: une mesure que le tribunal peut imposer

"Le tribunal peut enjoindre à ces dirigeants ou à certains d'entre eux, de céder leurs actions ou parts sociales dans la personne morale ou ordonner leur cession forcée par les soins d'un mandataire de justice, au besoin après expertise. Le produit de la vente est affecté au paiement de la part des dettes sociales dans le cas où ces dettes ont été mises à la charge des dirigeants." (article L653-9)

Là encore cette mesure est en pratique de mise en oeuvre difficile, tant il est vrai que la cession des droits sociaux d'une entreprise en difficulté est en principe peu attractive pour les candidats, sans évidemment cas particuliers ou recherche d'une incidence fiscale

5 - Incapacité élective: une mesure que le tribunal peut prononcer

"Le tribunal qui prononce la faillite personnelle peut prononcer l'incapacité d'exercer une fonction publique élective. L'incapacité est prononcée pour une durée égale à celle de la faillite personnelle, dans la limite de cinq ans. Lorsque la décision est devenue définitive, le ministère public notifie à l'intéressé l'incapacité, qui produit effet à compter de la date de cette notification." (article L653-10)

Cette mesure permet d'écarter notamment de la vie politique des dirigeants fautifs

Cette mesure est facultative, et la décision doit être motivée Cass com 1er juillet 2020 n°18-17786

L'interdiction de gérer

Généralités

L'interdiction de gérer est une sanction présentée par les textes comme de moindre conséquence que la faillite personnelle, et elle est souvent prononcée dans les cas les moins graves.

Les effets de l'interdiction de gérer

Les effets sont moins importants que ceux de la faillite personnelle (ils sont présentés avec la même numérotation que ceux de la faillite personnelle pour faciliter la comparaison)

1 - l'interdiction de gérer peut être limitée à une ou plusieurs entreprises.

C'est une différence avec la faillite personnelle, puisque l'interdiction de gérer attachée à la faillite personnelle concerne toutes les entreprises. Cependant, si le jugement ne précise pas quelles sont les activités ou entreprises dont la gestion est interdites, l'interdiction s'applique à toutes (Cass com 11 février 2014 n°12-21069). L'interdiction peut viser les activités de nature professionnelle ou sociales Cass crim 24 mai 2018 n°18-81240. Cependant le texte ne vise pas les entreprises dites libérales Cass com 19 mai 2021 n°20-12049

2 - absence de reprise de poursuites après clôture de la liquidation

La condamnation à une interdiction de gérer ne permet pas aux créanciers, après la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire, de reprendre les poursuites contre le débiteur personne physique. C'est une différence majeure avec la faillite personnelle, destinée à permettre au débiteur de se "reconstruire" sans être exposé pour l'avenir, à de nouvelles poursuites de ses créanciers sur ses biens nouveaux.

3 et 4 - Les effets sur les droits de vote et la possibilité de cession forcée des titres sont les mêmes qu'en cas de faillite personnelle

5 - Inéligibilité: il n'y a pas de possibilité d'inéligibilité

Faillite personnelle ou interdiction de gérer : différence de conséquence

Les différences majeures:

- en cas d'interdiction de gérer l'interdiction peut être limitée alors qu'en faillite personnelle elle porte sur toutes les entreprises.

- en cas d'interdiction de gérer les créanciers ne recouvrent pas leurs droit de poursuite après clôture

- en cas d'interdiction de gérer il n'y a pas d'inéligibilité

Faillite personnelle ou interdiction de gérer ? Dans quel cas ?

Avant tout, le Tribunal peut - et même doit -moduler la peine en tenant compte "de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle" Cass crim 1er février 2017 n°15-85199. Les faits reprochés doivent être intervenus dans la gestion de l'entreprise débitrice et le Tribunal ne peut invoquer d'office des agissements du dirigeant dans une autre société Cass com 8 avril 2021 n°19-25802

Date des faits

Les faits considérés sont nécessairement antérieurs à l'ouverture de la procédure collective Cass com 6 mars 2019 n°17-26495 et des faits postérieurs ne peuvent fonder les poursuites Cass com 20 octobre 2021 n°20-10557 Cass com 17 novembre 2021 n°20-19060 Cass com 29 mars 2023 n°21-25161 (et c'est le cas des faits commis le jour du jugement, qui sont nécessairement postérieurs puisque le jugement prend effet le jour de son prononcé à zéro heure Cass com 23 octobre 2019 n°18-12181

Quelques cas de faillite personnelle 

Les cas de faillite personnelle sont nombreux dans la loi, et correspondent à des actes anormaux de gestion qui mettent en péril les intérêts des créanciers. Ils sont prévus à L653-3  du code de commerce suivants 

Le débiteur ne peut être condamné pour un cas qui n'est pas prévu Cass com 18 janvier 2023 n°21-13647 pour le défaut de suivi.

- poursuite abusive d'une exploitation déficitaire, emploi de moyens ruineux de se procurer des fonds, paiements d'un créancier au préjudice des autres.

(par exemple Cass com 23 Mai 2000 n°98-13729) y compris quand la poursuite d'activité intervient alors que l'entreprise est déjà en état de cessation des paiements Cass com 13 avril 2022 n°21-12994

- détournement ou dissimulation d'actif du débiteur

En conséquence de la loi du 22 mai 2019, suppression, pour les EIRL, du cas suivant  "Avoir disposé des biens du patrimoine visé par la procédure comme s'ils étaient compris dans un autre de ses patrimoines"

"L'avance en compte courant consentie par un associé à une société est, sauf stipulation contraire, remboursable à tout moment. Son remboursement constitue dès lors le paiement d'une dette de la société, sans pouvoir être qualifié de détournement d'actif pour l'application du premier de ces textes". Cass com 20 octobre 2021 n°20-15736

- actes dans l'intérêt du dirigeant 

"1° Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres ;

2° Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ;

4° Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale"

Il s'agit par exemple de l'utilisation des biens de l'entreprise dans son intérêt personnel ou la réalisation d'opérations dans un autre intérêt que celui de l'entreprise, et notamment pour favoriser une autre entreprise dans laquelle l'auteur est intéressé directement ou indirectement (la sanction n'est pas applicable si le dirigeant n'est pas intéressé dans le bénéficiaire des actes Cass com 21 octobre 2020 n°19-14138

L'usage contraire à l'intérêt de l'entreprise peut être réuni, sans qu'il soit nécessaire d'établir que cet usage a provoqué la liquidation judiciaire Cass com 18 mai 2022 n°20-22245

- destruction ou dissimulation de la comptabilité, abstention de tenue d'une comptabilité dans les règles légales

Voir comptabilité

Evidemment le grief ne peut être retenu que si l'entreprise était sujette à obligation de tenue de comptabilité Cass com 29 septembre 2021 n°19-25112 (cas pour une société civile)

On peut préciser que le défaut de remise de la comptabilité ne suffit pas à justifier le prononcé de la faillite personnelle (Cass com 27 février 2007 n°05-21795) ce qui est un faux problème puisque le débiteur qui n'aura pas remis, poursuivi pour défaut de tenu de comptabilité, devra rapporter la preuve de son existence. En outre les mêmes faits (défaut de remise de la comptabilité) tombent sous le cour de l'absence de collaboration, également sanctionnée par la faillite personnelle.

"L'arrêt retient, tant par motifs propres qu'adoptés, que le registre des ventes de véhicules n'était pas tenu correctement, que des opérations de vente et achat étaient comptabilisées sans aucune cohérence avec ce registre, s'agissant aussi bien des prix indiqués que des fournisseurs ou acheteurs mentionnés, et que manquaient de nombreuses pièces justificatives, dont au moins dix-huit factures d'achat de véhicules à l'étranger pourtant enregistrées en comptabilité. Ayant ainsi fait ressortir, sans se déterminer par les seuls motifs reproduits par le moyen, le caractère fictif, manifestement incomplet ou irrégulier de la comptabilité, la cour d'appel a légalement justifié sa décision de prononcer la faillite personnelle." Cass com 23 septembre 2020 n°18-21351

- paiement d'un créancier au détriment des autres, postérieurement à la date de cessation des paiements

Exemple de refus Cass com 20 octobre 2021 n°20-15736

- l'absence de collaboration avec les "organes de la procédure" (voir ce mot)

C'est également un cas de faillite personnelle : c'est notamment le cas du débiteur qui ne remet pas aux mandataires de justice les documents nécessaires, ou qui, bien que convoqué, ne se présente pas. La jugement doit caractériser en quoi le débiteur s'est volontairement abstenu de coopérer, et le débiteur qui adresse un mail précis au mandataire de justice ne peut sans autre considération être considéré comme refusant de coopérer Cass com 17 octobre 2017 n°17-14127

De même le débiteur qui ne communique pas la liste de ses créanciers ou s'abstient de contester de créances n'est pas pour autant coupable d'abstention volontaire visée à l'article L653-3 Cass com 5 février 2020 n°18-18461

Les difficultés personnelles du dirigeant, et notamment son état de santé, ou le fait que, sans domicile fixe, il ne recevait pas les convocations du liquidateur, ne peuvent caractériser l'abstention volontaire de collaboration Cass com 1er juillet 2020 n°18-25931

"D'une part, l'arrêt relève que M. A... n'a pas communiqué, lors des réunions des 18 et 21 novembre 2016, auxquelles il s'était présenté, puis à la suite d'un courriel confirmant une nouvelle réunion fixée au 1er décembre 2016, de nombreux documents essentiels au bon déroulement de la procédure collective qui lui avaient été réclamés, soit « les statuts de la société et la répartition du capital social, les bilans et compte de résultat détaillés établis depuis la création de la société, les attestations d'assurances, une situation active et passive ainsi qu'un compte de résultat établi depuis la clôture du bilan et arrêté au jour du jugement d'ouverture, la situation de trésorerie actuelle, le compte d'exploitation prévisionnel établi mois par mois sur six mois et validé par l'expert-comptable de la société, les prévisions de trésorerie établies mois par mois sur six mois et validées par l'expert-comptable de la société, le carnet de commandes signées, le registre du personnel, les PV d'AG, le questionnaire dûment complété ». Il souligne que M. A..., qui a fait état d'incarcération et perquisition postérieures à ces demandes, n'a pas justifié d'une impossibilité de remettre lesdits documents. Il ajoute que M. A... n'a pas régularisé l'ouverture d'un compte bancaire spécifique lié à la procédure de redressement, ce qui ne pouvait que rendre très difficile le déroulement de la procédure. En faisant ainsi ressortir que l'abstention volontaire de M. A... de coopérer avec les organes de la procédure avait fait obstacle à son bon déroulement, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

5. D'autre part, l'arrêt relève, par motifs propres, que le défaut de coopération de M. A..., qui s'est manifesté dès la procédure de redressement, s'est produit à plusieurs reprises et étalé dans le temps en portant sur un nombre particulièrement important de documents utiles, et que le caractère incomplet et irrégulier de la comptabilité a privé le dirigeant de toute possibilité d'évaluation de la situation de l'entreprise, contribué à sa mauvaise appréciation et conduit à un retard dans la déclaration de cessation des paiements. Il met de plus en exergue l'importance de l'insuffisance d'actif en résultant. Il indique en outre que M. A..., âgé de 48 ans, et diplômé de l'ENSEM et de HEC, avait occupé, avant la création de la société Integrated Home technologies, des postes salariés notamment de directeur puis directeur général depuis 1998, faisant ressortir la conscience qu'il avait des faits qui lui étaient reprochés. Il souligne enfin expressément, par motifs adoptés, la gravité des griefs retenus. C'est ainsi par une décision motivée que la cour d'appel a fixé le quantum de l'interdiction de gérer de M. A...
." Cass com 23 septembre 2020 n°19-12545

- Signalement par le débiteur d'une créance fictive

L'ordonnance du 12 mars 2014, applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014 a ajouté un nouveau cas de faillite personnelle à l'article L653-5 du code de commerce: "7° Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée". C'est la prise en considération du nouvel effet de la liste des créanciers remise par le débiteur à l'ouverture de la procédure, qui vaut "pré-déclaration" de créance pour le compte du créancier (voir en page d'accueil le PDF sur le processus de déclaration de créance): il s'agit d'éviter que le débiteur signale des créances inexistantes au bénéfice de créanciers fictifs dont il imagine qu'il pourra ainsi être payé aux détriments des autres.

Attention : L'absence de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours n'étant sanctionné que par l'interdiction de gérer et pas par la faillite personnelle, la juridiction ne peut donc prononcer la faillite personnelle en considération de plusieurs fautes, certaines effectivement sanctionnées par la faillite personnelle, et également en considération du défaut de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours : le principe de proportionnalité de la sanction n'est pas respecté et la décision doit être réformée (Cass com 28 février 2018 n016-27591). La pratique qui consiste parfois à énumérer dans la demande de condamnation un ensemble de fautes, est donc à bannir et il faut cibler chaque faute en fonction de sa sanction.

- Non paiement de la condamnation au titre d'une action en comblement de passif

Au visa de l'article L653-6 du code de commerce la tribunal peut prononcer la faillite personnelle d'un dirigeant qui n'a pas payé le montant de la condamnation

- Adaptation du texte en conséquence à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 14 février 2022 (15 mai 2022) relative à l'entrepreneur individuel

Un nouveau cas de faillite personnelle est instauré L653-3 

II.- Peuvent en outre, sous la même réserve, être retenus à l'encontre d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée ou d'un entrepreneur individuel relevant du statut défini à la section 3 du chapitre VI du titre II du livre V les faits ci-après :

1° (Abrogé)

2° Sous le couvert de l'activité ou du patrimoine visés par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité ou de ce patrimoine ;

3° Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise ou du patrimoine visés par la procédure un usage contraire à l'intérêt de cette entreprise ou de ce patrimoine à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou une entreprise dans laquelle il était intéressé, directement ou indirectement, ou un patrimoine distinct lui appartenant.

Dans les cas de faillite personnelle: le tribunal peut choisir entre les deux sanctions et ne prononcer que l'interdiction de gérer.

Dans tous les cas de faillite personnelle, le tribunal peut choisir de ne prononcer que l'interdiction de gérer, sanction moins sévère (L653-8)

Cas spécifiques d'interdiction de gérer et la date de cessation des paiements retenue

Il existe également plusieurs circonstances dans laquelle le tribunal ne peut prononcer que l'interdiction de gérer, et notamment les trois cas suivants (L653-8)

l'absence de dépôt d'une déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours. Il s'agit de sanctionner le débiteur qui n'a pas signalé suffisamment tôt son état de cessation des paiements, ce qui cause évidemment un préjudice avec les créanciers qui ont continué à s'engager avec lui et qui ne l'auraient pas fait s'il avait été diligent.

La date de cessation des paiements retenue pour le prononcé de l'interdiction de gérer est celle fixée par le jugement d'ouverture de la procédure ou dans un jugement de report de date de cessation des paiements ( article R653-1 du code de commerce et antérieurement Cass com 5 octobre 2010 n°09-69010) étant précisé que "S'il résulte de l'arrêt que M. [X] n'avait pas conscience de la cessation des paiements au 6 octobre 2014, date à laquelle avait été reportée la date de la cessation des paiements de la société Cerebio, la cour d'appel retient aussi, par motifs propres et adoptés, que, dès le premier semestre 2015, il était impossible de payer la part patronale des cotisations sociales, qu'à partir du dernier trimestre de la même année la TVA n'était pas non plus réglée et que depuis quatre mois avant l'ouverture de la procédure collective, le paiement des salaires n'était plus assuré, ce dont elle a pu déduire qu'en attendant le 23 mars 2016, date mentionnée par le jugement confirmé, pour demander l'ouverture d'une procédure collective, M. [X] avait omis sciemment de déclarer la cessation des paiements dans le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article L. 653-8, alinéa 3, du code de commerce." Cass com 12 janvier 2022 n°20-21427

Attention la Cour de cassation considère à juste titre que bien qu'assigné en redressement ou liquidation judiciaire par un créancier; le débiteur n'est pas dispensé de déposer une déclaration de cessation des paiements ( Cass com 14 janvier 2014, n°12-29807): il s'agit d'éviter que le débiteur fasse durer la procédure sur poursuite du créancier tout en l'exonérant de ses responsabilités.

L'article 239 de la loi n°2015-990 du 6 Aout 2015 dite loi Macron modifiant l’article L653-8 du code de commerce a ajouté le mot "sciemment" au texte: ainsi à compter du 8 aout 2015 (date d'entrée en vigueur de la loi) pour sanctionner le débiteur il conviendra d'établir que c'est en connaissance de cause qu'il n'a pas déclaré l'état de cessation des paiements.

On pouvait penser que faute de précision ce texte s'applique aux procédures en cours, et ce d'autant qu'il est favorable au débiteur et que c'est donc généralement la règle en matière pénale, généralement élargie en matière de sanction. Cette position semblait être confortée par la jurisprudence (CA Paris 24 novembre 2015 pole 5 ch 8 14-23088)

Finalement la Cour de Cassation a expressément écarté l'application du nouveau texte aux procédures en cours (Cass com 14 juin 2017 n°15-27851) ce qui a donné lieu à rejet d'une question prioritaire de constitutionnalité (Cass com 14 décembre 2017 n°17-18918) au motif que l'arrêt ne s'est pas prononcé sur la rétroactivité de dispositions à caractère de "punition", mais dans un arrêt plus récent la Cour de cassation admet l'application du texte nouveau à une situation antérieure à son entrée en vigueur au motif qu'il est "moins sévère" Cass com 24 Mai 2018 n°17-18918

Nous aurions été plutôt favorable à une application "rétroactive" même s'il est exact que la faillite personnelle n'est pas une mesure pénale, ce qui a déjà été jugé Cass com 19 décembre 2006 n°05-19088 

Il semble cependant que le mot « sciemment » pour sanctionner l’absence de déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours, puisse correspondre à la situation d'un dirigeant qui savait parfaitement qu'il ne pouvait assurer le règlement des charges courantes, que les salaires étaient impayés, et que l'entreprise subissait de nombreuses poursuites.

L'absence de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours n'étant sanctionné que par l'interdiction de gérer  (Cass com 7 novembre 2018 n°17-21284 et textes applicables) et pas par la faillite personnelle (Cass com 12 janvier 2022 n°19-25230), la juridiction ne peut prononcer la faillite personnelle en considération de plusieurs fautes, certaines effectivement sanctionnées par la faillite personnelle, et également en considération du défaut de dépôt de la déclaration de cessation des paiements dans les 45 jours : le principe de proportionnalité de la sanction n'est pas respecté et la décision doit être réformée (Cass com 28 février 2018 n°16-27591 et Cass com 16 janvier 2019 n°17-25778)

- l'absence, de mauvaise foi, de remise au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur, des documents nécessaires au déroulement de la procédure, et notamment les documents permettant la finalisation de l'inventaire, la liste des créanciers et des instances en cours (L622-6)

- le fait de n'avoir pas, sciemment, informé les créanciers pour lesquels une instance était en cours, de l'ouverture de la procédure.

Il s'agit d'un nouveau cas d'interdiction de gérer, introduit par l'ordonnance du 12 mars 2014 applicable aux procédures ouvertes à compter du 1er juillet 2014, en conséquence du nouvel article L622-22 du code de commerce qui crée une nouvelle obligation à la charge du débiteur: informer les parties aux instances en cours. Le texte dispose en effet :

"Sous réserve des dispositions de l'article L. 625-3, les instances en cours sont interrompues jusqu'à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, le mandataire judiciaire et, le cas échéant, l'administrateur ou le commissaire à l'exécution du plan nommé en application de l'article L. 626-25 dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.

 Le débiteur, partie à l'instance, informe le créancier poursuivant de l'ouverture de la procédure dans les dix jours de celle-ci."

Tableau des cas de faillite personnelle et/ou d'interdiction de gérer

(les couleurs signalent des faits identiques, mentionnés à des textes différents pour des auteurs différents)

SANCTIONS APPLICABLES : Tableau synthétique des faits reprochés au regard des textes (principaux cas)

 

Sanction

Auteur

Article

Faits

 

Faillite personnelle ou à défaut interdiction de gérer (L653-8 alinéa 1)

 

- Personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, agriculteurs et toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (sauf  celles qui sont soumises à des règles disciplinaires dépendant d’un ordre professionnel ou assimilé.)

 

- Personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;

 

- Personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales

Absence volontaire de coopération avec le liquidateur

L653-5 5°

Avoir, en s'abstenant volontairement de coopérer avec les organes de la procédure, fait obstacle à son bon déroulement

 

Absence de comptabilité ou irrégularité comptable

L653-5 6°

Avoir fait disparaître des documents comptables, ne pas avoir tenu de comptabilité lorsque les textes applicables en font obligation, ou avoir tenu une comptabilité fictive, manifestement incomplète ou irrégulière au regard des dispositions applicables

 

Anomalies dans la poursuite d’activité

L653-3 I 1°

Avoir poursuivi abusivement une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements

 

L653-5 2°

Avoir, dans l'intention d'éviter ou de retarder l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, fait des achats en vue d'une revente au-dessous du cours ou employé des moyens ruineux pour se procurer des fonds

 

L653-5 1°

Avoir exercé une activité commerciale, artisanale ou agricole ou une fonction de direction ou d'administration d'une personne morale contrairement à une interdiction prévue par la loi

 

Actes anormaux dans l’intérêt de tiers

L653-5 3°

Avoir souscrit, pour le compte d'autrui, sans contrepartie, des engagements jugés trop importants au moment de leur conclusion, eu égard à la situation de l'entreprise ou de la personne morale

 

L653-5 4°

Avoir payé ou fait payer, après cessation des paiements et en connaissance de cause de celle-ci, un créancier au préjudice des autres créanciers

 

L653-5 7°

Avoir déclaré sciemment, au nom d'un créancier, une créance supposée

 

Détournement ou dissimulation d’actif

L653-3 I 3°

Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de son actif ou frauduleusement augmenté son passif.

 

Entrepreneur individuel à responsabilité limitée

L653-3 II 1°

Abrogé

Avoir disposé des biens du patrimoine visé par la procédure comme s'ils étaient compris dans un autre de ses patrimoines

 

L653-3 II 2°

Sous le couvert de l'activité visée par la procédure masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité

 

L653-3 II 3°

Avoir fait des biens ou du crédit de l'entreprise visée par la procédure un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement.

 

Tout dirigeant, de droit ou de fait, d'une personne morale

L653-4 1°

Avoir disposé des biens de la personne morale comme des siens propres

 

L653-4 2°

Sous le couvert de la personne morale masquant ses agissements, avoir fait des actes de commerce dans un intérêt personnel

 

L653-4 3°

Avoir fait des biens ou du crédit de la personne morale un usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une autre personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement

 

L653-4 4°

Avoir poursuivi abusivement, dans un intérêt personnel, une exploitation déficitaire qui ne pouvait conduire qu'à la cessation des paiements de la personne morale

 

L653-4 5°

Avoir détourné ou dissimulé tout ou partie de l'actif ou frauduleusement augmenté le passif de la personne morale

 

Dirigeant de la personne morale ou entrepreneur individuel à responsabilité limitée

L653-6

Ne pas avoir acquitté les dettes mises à leur charge en application de l'article L. 651-2.

 

 

Interdiction de gérer

 

- Personnes physiques exerçant une activité commerciale ou artisanale, agriculteurs et toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé (sauf  pour celles qui sont soumises à des règles disciplinaires dépendant d’un ordre professionnel ou assimilé.)

 

- Personnes physiques, dirigeants de droit ou de fait de personnes morales ;

 

- Personnes physiques, représentants permanents de personnes morales, dirigeants des personnes morales

 

Absence de remise au liquidateur des documents utiles au déroulement de la procédure

 

 

L653-8

 

Ne pas avoir remis au mandataire judiciaire, à l'administrateur ou au liquidateur les renseignements qu'il est tenu de lui communiquer en application de l'article L. 622-6 dans le mois suivant le jugement d'ouverture

 

 

 

L653-8

 

Avoir sciemment, manqué à l'obligation d'information prévue par le second alinéa de l'article L. 622-22

 

 

Non déclaration de la cessation des paiements

 

 

 

L653-8

 

Avoir omis sciemment de demander l'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la cessation des paiements, sans avoir, par ailleurs, demandé l'ouverture d'une procédure de conciliation.

 

 

 

Faillite personnelle et interdiction de gérer: quelle sanction en cas de non respect ?

Le non respect de la faillite personnelle ou de l'interdiction de gérer est sanctionné pénalement.

L'article L654-15 du code de commerce dispose: "Le fait, pour toute personne, d'exercer une activité professionnelle ou des fonctions en violation des interdictions, déchéances ou incapacité prévues par les articles L. 653-2 et L. 653-8, est puni d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 375 000 euros"

La sanction est applicable que les fonctions ou l'activité professionnelle soit exercée directement ou indirectement par l'intermédiaire d'un prête nom du le débiteur est en réalité le dirigeant de fait. Pour un exemple Cass crim 7 novembre 2017 n°17-85773 ou Cass crim 26 janvier 2022 n°21-81822

Faillite personnelle et interdiction de gérer: comment ces mesures prennent fin ?

- La fin automatique des sanctions

Les mesures prennent automatiquement fin à l'expiration de la durée fixée par le tribunal (15 ans maximum). L'interdiction de fonction élective prend automatiquement fin au bout de 5 ans

Les mesures prennent également fin par l'effet d'une clôture de la liquidation judiciaire pour extinction du passif (L653-11), ce qui est logique puisque tous les créanciers ont été payés.

- La fin des sanctions sur décision du tribunal

Enfin:

- la faillite personnelle peut prendre fin, à l'appréciation du tribunal, si le "failli" a "apporté une contribution suffisante" au paiement des créanciers

- l'interdiction de gérer peut prendre fin, à l'appréciation du tribunal, si le débiteur présente des "garanties démontrant" sa capacité à gérer et administrer une entreprise

Le fichier national des interdits de gérer

Voir la définition

Les sanctions pénales: le délit de banqueroute

Généralités et auteurs possibles

Elles reposent essentiellement sur le délit de banqueroute

L'infraction est définie à l'article L654-2 du code de commerce
Il s’agit d’un délit passible de 5 ans d’emprisonnement et de 75.000 € d’amende, outre privation des droits civiques et de famille, interdiction fonctions élective, interdiction d’exercice de la profession à l’occasion de laquelle infraction commise, exclusion marchés publics, interdictions d’émettre des chèques (Cass crim 18 Mars 2020 n°18-84214)
Peuvent être sanctionnés les chefs d’entreprise et dirigeants qui auront notamment détourné des actifs de l’entreprise, tenu une comptabilité fictive, fait disparaître la comptabilité.

L'article L654-1 délimite les auteurs de banqueroute et précise que le délit est applicable "1° A toute personne exerçant une activité commerciale ou artisanale, à tout agriculteur et à toute personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé ;

2° A toute personne qui a, directement ou indirectement, en droit ou en fait, dirigé ou liquidé une personne morale de droit privé ;

3° Aux personnes physiques représentants permanents de personnes morales dirigeants des personnes morales définies au 2° ci-dessus."

Le dirigeant de fait peut être condamné Cass crim 20 mars 2019 n°18-80034, mais par exemple une personne physique à laquelle la procédure a été étendue par confusion ne pourra être poursuivie comme auteur de banqueroute si elle n'exerce pas une activité économique (on rappellera que dans les législations antérieures à la loi de sauvegarde applicable à compter de 2006, les procédures collectives étaient applicables aux commerçants, et, par voie de conséquence il en était de même du délit de banqueroute).

Encore faut-il démontrer que le prévenu était dirigeant de droit ou de fait Cass Crim 25 octobre 2023 n°22-84650

Bien évidemment en tout état une personne qui ne peut être reconnue auteur en raison de son activité peut, sans considération de celle-ci, être complice du délit de banqueroute.

Il convient de préciser que les poursuites pour banqueroute n'interdisent pas des poursuites distinctes pour faux et usage de faux Cass crim 12 janvier 2022 n°20-86312 mais l'auteur ne peut être condamné pour recel Cass crim 13 avril 2022 n°19-84831

Date des faits

On tire de la jurisprudence sur la prescription que les faits peuvent être postérieurs au jugement d'ouverture de la procédure, au contraire de ce qui est jugé pour la faillite personnelle.

La procédure

S'agissant d'une sanction pénale, elle relève exclusivement de la compétence du tribunal correctionnel et c'est en principe le Procureur de la République qui est à l'origine de l'action. Le liquidateur peut se constituer partie civile pour demander des dommages et intérêts pour le compte des créanciers qu'il représente.

L'action peut également être provoquée par une majorité de créanciers contrôleurs, en cas de carence du liquidateur (et dans ce cas le désistement de l'un deux après le réquisitoire introductif est sans incidence sur la recevabilité de la plainte, présentée initialement par deux contrôleurs Cass crim 8 juillet 2020 n°18-83536 )

Accessoirement à la banqueroute, le Tribunal correctionnel peut prononcer la faillite personnelle ou une interdiction de gérer (mais voir cependant si dessus la décision d'inconstitutionnalité de l'article L654-6 du code de commerce: cela suppose qu'une telle sanction n'ait pas déjà été prononcée par le tribunal de la procédure collective)

Le tribunal peut également accorder des dommages intérêts aux mandataires de justice ( liquidateur, mandataire judiciaire) qui se constitue partie civile pour le compte des créanciers victimes de l'infraction. Classiquement la constitution de partie civile peut être régularisée à l'audience Cass crim 10 octobre 2023 n°22-85694 

Dans ce cas les sommes recouvrées sont réparties aux créanciers en respectant l'ordre des privilèges (article L643-8 du code de commerce et Cass com 11.06.2014 n°13-12.658)

Banqueroute la prescription

Au visa de l'article L654-16 du code de commerce le délai de prescription de l'action court à compter du jugement d'ouverture de la procédure si les faits sont antérieurs (Cass crim 25 novembre 2020 n°19-85091 Cass crim 15 septembre 2021 n°20-86484 et le jugement de conversion du redressement en liquidation judiciaire ne repousse pas le point de départ du délai (même arrêt).

Si les faits sont postérieurs, la prescription court à compter de leur révélation, c'est à dire à la date à laquelle ils étaient connus ( et non de l'enquête pénale Cass crim 1er juillet 2009 n°08-87080), ce qui est généralement la date de commission des faits (Cass crim 25 novembre 2020 n°19-85091)

S'agissant d'un délit la prescription de l'action est de 6 ans (article 8 du Code de procédure pénale) . Antérieurement au 1er Mars 2017, la prescription de l'action était de 3 ans. L'augmentation du délai de prescription a un effet inattendu ; l'action en faillite personnelle se prescrit toujours par 3 ans, mais comme la faillite personnelle peut également être prononcée en peine accessoire de la banqueroute, on peut se demander si le prononcé de cette peine est enfermé dans le délai de l'action pénale (6 ans) ou de l'action en faillite personnelle (3 ans). A priori cela devrait être 6 ans puisque c'est dans ce cas une peine complémentaire, mais cela ne semble pas avoir été jugé à ce jour.

Banqueroute délit intentionnel / tentative non punissable

Il convient en premier lieu de rappeler que l'infraction est intentionnelle.

Elle suppose l'intention délictuelle (par exemple nécessite la connaissance de l'état de cessation des paiements "Attendu que, pour déclarer Didier X... et Francis Y... coupables, respectivement, de banqueroute par détournement d'actif et de recel des fonds procurés par ce délit, l'arrêt énonce, notamment, que les sommes versées pour frais et honoraires n'ont pas été affectées au paiement de dettes sociales mais ont rétribué des diligences accomplies dans l'intérêt du dirigeant ; que les juges relèvent que les frais facturés ne sont assortis d'aucun justificatif ; qu'ils ajoutent que le paiement d'une somme importante en période suspecte, dans des conditions inhabituelles, constitue un détournement punissable, l'élément intentionnel résultant de la connaissance qu'avaient les prévenus, à la date du virement des fonds, de l'état de cessation des paiements de la société, déclaré quatre jours plus tard ;Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la cour d'appel, qui a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie, a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables" Cass crim 5 avril 2006 n°04-87765) et ne peut être constituée par des faits d'imprudence.

Voir également Cass crim 12 septembre 2018 n°17-83155

Plus précisément  la constitution de l’infraction suppose la démonstration de la volonté de l’auteur de porter atteinte aux droits des créanciers (Cass crim 12 septembre 2018 n°17-83155, Cass crim 13 juin 1996 n°95-83280).

« le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose l'existence d'un acte de disposition volontaire accompli par un élément du patrimoine du débiteur après la date de cessation des paiements » (Cass crim 21 septembre 1994 n°93-85544) ou encore « le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose, pour être constitué, l'existence d'une dissipation volontaire d'un élément du patrimoine d'un débiteur en état de cessation des payements par l'une des personnes désignées à l'article 196 de la loi du 25 janvier 1985 » (Cass crim 22 janvier 1998 n°96-86426).

Ainsi par exemple en matière de détournement d'actif, une vente dont le prix a été versé à la procédure collective, n’est pas constitutive de banqueroute (Cass crim 13 juin 1996 n°95-83280), pas plus qu’une vente à un prix correct qui a régulièrement été payé (Cass crim 10 mars 2020 n°09-83016).

En matière de défaut de tenue de comptabilité " Il résulte de ces textes que la caractérisation de l’élément intentionnel des délits de banqueroute par absence de comptabilité ou tenue d’une comptabilité manifestement irrégulière suppose la seule conscience de son auteur de se soustraire à ses obligations comptables légales.

14. Elle n’exige pas la preuve que le prévenu a eu la volonté soit d’éviter ou de retarder la constatation de l’état de cessation des paiements, soit d’affecter la consistance de l’actif disponible dans des conditions de nature à placer l’intéressé dans l’impossibilité de faire face au passif exigible." Cass crim 25 novembre 2020 n°19-85205

En outre la tentative n'est pas punissable.

Le juge doit motiver sa décision Cass crim 13 avril 2022 n°21-85179

Quelques cas de banqueroute

Peuvent être sanctionnés les chefs d’entreprise et dirigeants qui notamment (article L654-2 du code de commerce)

- ont détourné ou dissimulé des actifs du débiteur (par exemple Cass crim 17 janvier 2018 n°16-87135 et Cass crim 12 septembre 2018 n°17-83155 pour des prélèvements effectués postérieurement à la date de cessation des paiements ou Cass crim 18 mars 2020 n°18-86492 pour le maintien par le dirigeant d'une rémunération excessive, Cass Crim 21 octobre 2020 n°19-86050 pour une résiliation de bail organisée dans la perspective de création d'une autre entreprise, ou Cass crim 8 mars 2017 n°15-87457 pour des détournements stricto sensu et Cass crim 16 janvier 2019 n°17-84969. Voir également Cass crim 25 octobre 2023 n°22-854650 pour la mise en fiducie d'un actif immobilier.

La Cour de Cassation a eu en l'espèce l'occasion d'appliquer le principe selon lequel une décision de justice ne peut être constitutive d'infraction (par exemple « qu’en vertu du principe constitutionnel qui garantit l’indépendance des magistrats du siège, leurs décisions juridictionnelles ne peuvent être critiquées, dans les motifs et dans le dispositif qu’elles comportent, que par le seul exercice des voies de recours prévues par la loi ; que ce principe, ainsi d’ailleurs que le secret du délibéré, met obstacle à ce qu’une décision de justice puisse être considérée comme constitutive par elle-même d’un crime ou d’un délit .. » Cass crim 19 novembre 1981 n°81-94556, le tout évidemment sauf concert frauduleux (Cass crim 26 juin 1997 n°96-81283, qui évoque des « manœuvres (du juge) propres à faire obtenir à un tiers une décision de justice qui lui soit favorable » ou absence d'information de la juridiction (ou encore décision obtenue par fraude, par exemple dans le cas où le dirigeant a dissimulé sa participation par l'intermédiaire d'un "homme de paille" dans la société repreneuse et a manifesté, quelques jours après la vente autorisée son intention de revendre beaucoup plus cher, ce qui démontrait qu'il avait manoeuvré pour dissimuler le prix réel Cass crim 7 décembre 1992 n°91-83937

Ainsi en matière de banqueroute, la réalisation d'actif par le liquidateur, autorisé par le juge commissaire, n'est pas constitutif de banqueroute Cass crim 22 février 1996 n°95-82506 (cet arrêt est en outre relatif à un cas outrancier dans lequel le dirigeant de fait de la société débitrice a acquis le fonds de commerce pour un prix déterminé, par l'intermédiaire d'une société constituée pour la circonstance, laquelle l'a revendu ensuite bien plus cher, dans des conditions en réalité convenues avant la liquidation avec le même acheteur. Le dirigeant s'est vanté d'avoir "fait une bonne farce" au liquidateur, mais, malgré ces circonstances, il a été jugé que la cession  avait été opérée par le liquidateur autorisé par le juge commissaire, et que le dirigeant n'avait lui même effectué aucun acte de disposition, alors même que "le détournement d'actif suppose un acte de disposition volontaire accompli sur un élément du patrimoine du débiteur après la date de cessation des paiements "

La constitution de l’infraction suppose la démonstration de la volonté de l’auteur de porter atteinte aux droits des créanciers Cass crim 12 septembre 2018 n°17-83155, Cass crim 13 juin 1996 n°95-83280 

« le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose l'existence d'un acte de disposition volontaire accompli par un élément du patrimoine du débiteur après la date de cessation des paiements » Cass crim 21 septembre 1994 n°93-85544

Ou encore « le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose, pour être constitué, l'existence d'une dissipation volontaire d'un élément du patrimoine d'un débiteur en état de cessation des payements par l'une des personnes désignées à l'article 196 de la loi du 25 janvier » 1985 Cass crim 22 janvier 1998 n°96-86426.

Les détournements doivent donc être postérieurs à l'état de cessation des paiements et l'avoir provoquée Cass crim 9 février 2022 n°20-81038 

C’est donc l’appauvrissement de la liquidation qui sera l’élément déterminant de l’infraction.

L’infraction repose nécessairement sur un acte de disposition au détriment du débiteur en liquidation judiciaire (Cass crim 24 avril 1984 n°83-92675)

« Le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose, pour être constitué à l'égard d'un dirigeant social, l'existence d'une dissipation volontaire d'un élément du patrimoine d'une société en état de cessation des paiements » Cass crim 22 aout 1995 n°94-83750

« le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose, pour être constitué, l'existence d'une dissipation volontaire d'un élément de patrimoine d'un débiteur en état de cessation des paiements par l'une des personnes énumérées à l'article 196 de la loi du 25 janvier 1985, relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises » Cass crim 5 juin 1989 n°87-91278

Les faits d'appauvrissements du débiteur, accomplis par le dirigeant, sont passibles de banqueroute par détournement d'actif, comme par exemple la résiliation d'un bail au profit d'une SCI dont le dirigeant est associé Cass crim 26 octobre 1995 n°94-82737, un abandon de créance, de même que le détournement (ici la vente) de biens qui appartiennent à la société Cass crim 20 octobre 2004 n°03-85238

A l'inverse "le délit de banqueroute par détournement d'actif suppose, pour être constitué à l'égard d'un dirigeant social, l'existence d'une dissipation volontaire d'un élément du patrimoine d'une société en état de cessation des paiements" ce qui n'est pas le cas si le bien n'appartenait pas à la société (ici bien en location gérance) Cass crim 22 aout 1995 n°94-83750

L'idée sous jacente en matière de détournement d'actif est que, dans le cas où l'auteur n'a pas directement détourné un actif, mais a contribué à sa cession dans des conditions anormales, la procédure collective doit avoir été appauvrie.

Tel n'est pas le cas si par exemple un bien a été vendu sans l'autorisation légale nécessaire, mais son prix a été consigné Cass crim 13 juin 1996 n°95-83280 : il n'y a aucun élément intentionnel. De même l'infraction n'est pas constituée si le bien est vendu à un prix normal qui est régulièrement payé Cass crim 10 Mars 2020 n°09-83016 "Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Ercan X... est poursuivi du chef de banqueroute pour avoir détourné des véhicules de la société Aytac france, dont il était le gérant, et qui avait été placé en redressement judiciaire le 2 juillet 2003 ; Attendu que, pour déclarer le prévenu coupable de ces faits, l'arrêt énonce qu'il a vendu ces véhicules entre les 15 février et 1er mars 2003, pour la somme totale de 138 000 euros, correspondant à leur valeur ; que les juges ajoutent que ces actes de disposition sont intervenus postérieurement à la date de cessation des paiements fixée au 31 décembre 2002 et en fraude des droits des créanciers " dans la mesure où les éléments d'actif constitués par les véhicules vendus ont été détournés " ; Mais attendu qu'en prononçant ainsi, alors qu'il ne résulte pas de ses propres énonciations que le produit de la vente de ces véhicules, réalisée à leur juste prix, ait été détourné ou dissimulé, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision"

Tel est le cas en cas de vente d'un bien à un prix normal (avant l'ouverture de la procédure) mais avec dissimulation d'une partie du prix (Cass crim 29 mars 2000 n°99-85878 ) ou à un prix inférieur à la valeur tenant la participation du débiteur au capital de la société acquéreur Cass crim 7 décembre 1992 n°91-83937. De même tel est le cas de paiements effectués sans raison Cass crim 21 septembre 1994 n°93-85544, de prélèvements du dirigeant Cass crim 23 octobre 1997 n°96-84717, de cession d'actif en redressement judiciaire à un prix inférieur à la valeur, à une société dans laquelle le débiteur a des intérêts Cass com 7 décembre 1992 n°91-83937, l'appropriation des biens du débiteur Cass crim 22 janvier 1998 n°96-86426, de la vente à l'insu du liquidateur en conservant le prix Cass crim 20 septembre 2000 n°98-87918.

La mise d'un bien sous fiducie peut constituer un détournement d'actif Cass Crim 25 octobre 2023 n°22-84650

- ont tenu une comptabilité fictive, ont fait disparaître la comptabilité, ou n'ont tenu aucune comptabilité dans les cas où la loi impose d'en tenir une, ou encore ont tenu une comptabilité incomplète ou irrégulière (et le fait de ne pas présenter de comptabilité est assimilé par la Cour de Cassation à l'absence de comptabilité (Cass crim 10 sept 2014 n°13-85077 et Cass crim 3 dec 2014 n°13-86846, ce qui ne correspond peut-être pas à la notion d'interprétation stricte des textes pénaux mais correspond bien à la situation du débiteur qui délibérément ne remet pas de comptabilité) étant précisé qu'il appartient au dirigeant de tenir la comptabilité, et qu'il ne saurait s'en exonérer en prétendant que son expert comptable n'a pas accompli sa mission Cass crim 20 avril 2017 n°16-82850 (mais arrêt plutôt en sens inverse Cass crim 6 avril 2011 n°10-86008 qui exonère le dirigeant qui a missionné un cabinet comptable).

Pour un exemple de faux en comptabilité Cass crim 9 septembre 2020 n°18-86351

Le dirigeant qui ne présente pas la comptabilité est coupable de banqueroute Cass crim 11 janvier 2001 n°99-87455. Cass crim 14 mai 2014 n°13-80448 mais la dissimulation ne peut être assimilée à la non remise de la comptabilité Cass crim 18 janvier 2023 n°22-82465

- ont augmenté frauduleusement le passif, (il convient de démontrer le caractère frauduleux Cass crim 26 janvier 2022 n°21-81822) Cass crim 1er février 2023 n°22-82368 pour une volonté délibérée de ne pas payer les charges

- ont maintenu l'activité avec le recours à des moyens ruineux de se procurer des fonds

Banqueroute : incidence de la date de cessation des paiements et quelle date de cessation des paiements ? Frontière abus de biens sociaux / banqueroute ?

Il est traditionnellement jugé que la date de cessation des paiements est une frontière entre le délit d'abus de biens sociaux et celui de banqueroute pour le détournement d'actif et l'emploi ruineux de se procurer des fonds (Cass crim 5 juin 1989 n°87-91278  Cass crim 6 juin 2007 n°06-85644  Cass crim 18 juin 1998 n°97-83996) mais étant précisé qu'il est systématiquement jugé que si le prévenu est condamné pour banqueroute alors qu'il encourait l'abus de biens ou inversement, il n'y a pas lieu à cassation (Cass crim 11 décembre 2002 n°01-88798) ,

Ainsi, et sauf requalification en cause d'appel, auquel cas le prévenu doit pouvoir s'en expliquer Cass crim 30 avril 2014 n°13-82425, il semble peu important et sans conséquence que le prévenu soit poursuivi pour abus de biens ou banqueroute en fonction de la date des faits.

Les décisions considèrent d'ailleurs diversement la date des faits par rapport à l'état de cessation des paiements, et ont été retenu comme constitutifs de banqueroute:

- des faits qui ont provoqué l'état de cessation des paiements cass crim 5 octobre 1992 n°91-86770 et sont donc par hypothèse antérieurs

- l'indifférence de la date des faits par rapport à la date de cessation des paiements : "Qu'en effet le délit de banqueroute est constitué, que les faits constatés soient antérieurs ou postérieurs à la date de la cessation des paiements, dès lors que, comme en l'espèce, procédant d'une même intention et tendant au même but, ils ont pour objet ou pour effet soit d'éviter ou de retarder la constatation de cet état, soit d'affecter la consistance de l'actif disponible dans des conditions de nature à placer l'intéressé dans l'impossibilité de faire face au passif exigible " Cass crim 21 septembre 1994 n°93-85544 ,et Cass crim 5 octobre 1992 n°91-86770  Cass crim 6 février 1995 n°94-82469 qui écartent la nécessité que les faits soient postérieurs la date de cessation des paiements ou encore Cass crim 19 février 2003 n°01-87432

- même si des décisions plus anciennes ne retenaient que des faits postérieurs à la date de cessation des paiements Cass crim 10 mai 1993 n°92-83001 Cass crim 16 juin 1999 n°98-86016

La réalité nous semble que les textes n'évoquent pas la cessation des paiements et son antériorité ou pas comme éléments constitutifs du délit, et que ces questions devraient donc être indifférentes (pour un exemple où est simplement évoquée la date de cessation des paiements fixée par le tribunal de commerce Cass crim 12 septembre 2018 n°17-83135

Cependant certains arrêts ont pu juger que la juridiction pénale devait se prononcer sur la date de cessation des paiements  Cass crim 29 mars 2000 n°99-85878 Cass crim 5 juin 1989 n°87-91278 Cass crim 6 juin 2007 n°06-85644 Cass crim 19 février 2003 n°01-87432) et considérer que l'état de cessation des paiements est un élément constitutif de l'infraction

En tout état, dans les cas où la juridiction pénale estime devoir se prononcer sur la date de cessation des paiements, la question est de savoir si cette juridiction pénale est liée par la date de cessation des paiements fixée par la juridiction de la procédure collective.

Les décisions rendues sous l'empire des textes anciens sont en faveur de l'autonomie du juge pénal, en raison de l'absence d'autorité de la décision civile sur les juridictions pénales ( Cass crim 18 novembre 1991 n°90-83775, Cass crim 21 juin 1993 n°92-84526 Cass crim 16 juin 1999 n°98-86016

Les auteurs sont maintenant partagés sur la question en l'état de la jurisprudence qui reconnait de plus en plus en matière de sanction l'autorité de la date de cessation des paiements fixée par la juridiction de la procédure collective et de l'article R653-1 du code de commerce

La solution n'est pas si évidente et on peut effectivement relever que l'article R653-1 du code de commerce, qui dispose "Pour l'application de l'article L. 653-8, la date retenue pour la cessation des paiements ne peut être différente de celle retenue en application de l'article L. 631-8" , c'est à dire retient la date de cessation des paiements fixée par le jugement d'ouverture ou un jugement de report de date de cessation des paiements, s'applique stricto sensu à la faillite personnelle, ce qui pourrait signifier qu'il ne s'applique pas en matière pénale à la banqueroute.

La question ne semble pas être tranchée, le juge pénal semble autonome sur la question, mais surtout, il ne nous semble absolument pas nécessaire qu'il se prononce sur la date de cessation des paiements (cet avis n'étant pas unanime loin s'en faut)

Répartition du produit de l'action en banqueroute

A la différence de l'action en comblement de passif pour laquelle, le produit de l'action en comblement est affecté à tous les créanciers égalitairement ( L651-2 du code de commerce qui évoque tous les créanciers et pas seulement les créanciers après paiement des créances privilégiées) sans égard pour les créances privilégiées et est la véritable répartition au marc le franc, le produit de l'action en banqueroute est réparti comme les autres sommes figurant à l'actif de la liquidation judiciaire, suivant la règle posée par l'article L643-8 du code de commerce : c'est donc une répartition au marc le franc après paiement des créances privilégiées.

En effet la répartition prévue pour l'action en comblement est expressément dérogatoire avec la répartition "de droit commun" prévue en liquidation, qui consiste à répartir au marc le franc aux créanciers chirographaires après paiement des frais de justice et des créanciers privilégiés : c'est la répartition "de droit commun, c'est à dire dans le respect des privilèges, qui s'applique aux dommages et intérêts versés par dans le cadre d'une action en responsabilité pour banqueroute Cass com 11 juin 2014 n°13-12658

C'est une autre différence avec l'action en comblement : la personne condamnée certes ne pourra pas compenser sa condamnation avec sa créance, mais participera aux répartitions effectuées avec les sommes qu'il a lui même versées, alors que le dirigeant condamné en comblement de passif, s'il est par ailleurs créancier, ne participe pas aux répartitions (L651-2).

Pour plus de précisions voir les actions en responsabilité

Les autres délits et les cumuls éventuels

Les sanctions d'abus de biens sociaux, les sanctions pénales et la faillite personnelle ne protègent pas les mêmes intérêts et sont susceptibles de se cumuler Cass Com 11 septembre 2019 n°19-90026

Voir les autres délits

Un effet commun de la faillite personnelle et de la banqueroute: la reprise des poursuites après la clôture

Par principe la clôture pour insuffisance d'actif de la liquidation judiciaire ne fait pas retrouver aux créanciers leurs droits de poursuite contre le débiteur: concrètement les créanciers ne sont pas payés, ou ne son pas intégralement payés, mais même si la par suite le débiteur retrouve une solvabilité, il ne pourra être poursuivi par ces créanciers.

Cependant si la faillite personnelle a été prononcée ou une banqueroute prononcée, le texte (article L643-11 III du code de commerce) prévoit que les créanciers retrouvent, après la clôture de la liquidation judiciaire pour insuffisance d'actif, leurs droit de poursuite.

Le texte organise cette reprise des poursuites: les créanciers admis au passif de la liquidation judiciaire auront besoin d'un titre exécutoire s'ils n'en disposent pas déjà, ce pour quoi le Président du Tribunal de la procédure collective statue par ordonnance. 

Sanctions à l'initiative des contrôleurs c'est possible

Les textes organisent la possibilité pour les contrôleurs d'être à l'initiative des sanctions (comblement de passif, faillite personnelle et interdiction de gérer, banqueroute) dans des conditions procédurales bien précises: voir les contrôleurs

Précisions sur la notion de comptabilité, au regard des sanctions

Les anomalies ou l'absence de comptabilité sont à la fois visées dans les cas de faillite personnelle et de banqueroute.

Les textes décrivant la comptabilité

L'article L123-12 du code de commerce donne des précisions sur la nature des documents attendus (même si ce texte est applicable aux commerçants: "Toute personne physique ou morale ayant la qualité de commerçant doit procéder à l'enregistrement comptable des mouvements affectant le patrimoine de son entreprise. Ces mouvements sont enregistrés chronologiquement. Elle doit contrôler par inventaire, au moins une fois tous les douze mois, l'existence et la valeur des éléments actifs et passifs du patrimoine de l'entreprise. Elle doit établir des comptes annuels à la clôture de l'exercice au vu des enregistrements comptables et de l'inventaire. Ces comptes annuels comprennent le bilan, le compte de résultat et une annexe, qui forment un tout indissociable. "

Ce texte est complété par l'article L123-13 "Le bilan décrit séparément les éléments actifs et passifs de l'entreprise, et fait apparaître, de façon distincte, les capitaux propres. Le compte de résultat récapitule les produits et les charges de l'exercice, sans qu'il soit tenu compte de leur date d'encaissement ou de paiement. Il fait apparaître par différence, après déduction des amortissements, des dépréciations et des provisions, le bénéfice ou la perte de l'exercice. Les produits et les charges, classés par catégorie, doivent être présentés soit sous forme de tableaux, soit sous forme de liste. Le montant des engagements de l'entreprise en matière de pension, de compléments de retraite, d'indemnités et d'allocations en raison du départ à la retraite ou avantages similaires des membres ou associés de son personnel et de ses mandataires sociaux est indiqué dans l'annexe. Par ailleurs, les entreprises peuvent décider d'inscrire au bilan, sous forme de provision, le montant correspondant à tout ou partie de ces engagements. L'annexe complète et commente l'information donnée par le bilan et le compte de résultat." et par l'article L123-14 Les comptes annuels doivent être réguliers, sincères et donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. Lorsque l'application d'une prescription comptable ne suffit pas pour donner l'image fidèle mentionnée au présent article, des informations complémentaires doivent être fournies dans l'annexe. Si, dans un cas exceptionnel, l'application d'une prescription comptable se révèle impropre à donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ou du résultat, il doit y être dérogé. Cette dérogation est mentionnée à l'annexe et dûment motivée, avec l'indication de son influence sur le patrimoine, la situation financière et le résultat de l'entreprise.

L'article L123-15 dispose Le bilan, le compte de résultat et l'annexe doivent comprendre autant de rubriques et de postes qu'il est nécessaire pour donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière et du résultat de l'entreprise. Chacun des postes du bilan et du compte de résultat comporte l'indication du chiffre relatif au poste correspondant de l'exercice précédent. Les éléments composant les capitaux propres sont fixés par décret. Le classement des éléments du bilan et du compte de résultat ainsi que les mentions à inclure dans l'annexe sont fixés par un règlement de l'Autorité des normes comptables.

L'article L123-18 A leur date d'entrée dans le patrimoine de l'entreprise, les biens acquis à titre onéreux sont enregistrés à leur coût d'acquisition, les biens acquis à titre gratuit à leur valeur vénale et les biens produits à leur coût de production. Pour les éléments d'actif immobilisés, les valeurs retenues dans l'inventaire doivent, s'il y a lieu, tenir compte des plans d'amortissement. Si la valeur d'un élément de l'actif devient inférieure à sa valeur nette comptable, cette dernière est ramenée à la valeur d'inventaire à la clôture de l'exercice, que la dépréciation soit définitive ou non. Les biens fongibles sont évalués soit à leur coût moyen pondéré d'acquisition ou de production, soit en considérant que le premier bien sorti est le premier bien entré. La plus-value constatée entre la valeur d'inventaire d'un bien et sa valeur d'entrée n'est pas comptabilisée. S'il est procédé à une réévaluation de l'ensemble des immobilisations corporelles et financières, l'écart de réévaluation entre la valeur actuelle et la valeur nette comptable ne peut être utilisé à compenser les pertes ; il est inscrit distinctement au passif du bilan.

L'article L123-19 Les éléments d'actif et de passif doivent être évalués séparément. Aucune compensation ne peut être opérée entre les postes d'actif et de passif du bilan ou entre les postes de charges et de produits du compte de résultat, sauf dans des cas exceptionnels prévus par un règlement de l'Autorité des normes comptables. Le bilan d'ouverture d'un exercice doit correspondre au bilan de clôture de l'exercice précédent.

L'article L123-20 Les comptes annuels doivent respecter le principe de prudence. Pour leur établissement, le commerçant, personne physique ou morale, est présumé poursuivre ses activités. Même en cas d'absence ou d'insuffisance du bénéfice, il doit être procédé aux amortissements, dépréciations et provisions nécessaires. Il doit être tenu compte des passifs qui ont pris naissance au cours de l'exercice ou d'un exercice antérieur, même s'ils sont connus entre la date de la clôture de l'exercice et celle de l'établissement des comptes.

L'article L123-22 Les documents comptables sont établis en euros et en langue française. Les documents comptables et les pièces justificatives sont conservés pendant dix ans. Les documents comptables relatifs à l'enregistrement des opérations et à l'inventaire sont établis et tenus sans blanc ni altération d'aucune sorte, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat

La jurisprudence relative à la comptabilité dans le domaine des sanctions

Cass crim 28 février 2018 n°17-81682 pour des commissions mal comptabilisées et des provisions pour perte pas passées,

- Cass crim 5 juin 2002 n°01-84366 pour une société qui avait subi un redressement fiscal mais n'avait comptabilisé aucune dette fiscale, Cass crim 3 novembre 2005 n°05-80979 pour l'absence de comptes

- Cass crim 12 janvier 2005 n°04-85653 et Cass crim 4 novembre 2009 n°08-88437 pour des documents établis en dépit des règles applicables ou sans justificatifs Cass crim 26 janvier 2005 n°04-81206 ou encore des comptes comportant des anomalies Cass com 29 juin 2022 n°21-12998

- Cass crim 31 octobre 2007 n°06-89045 Cass com 10 mars 2021 n°19-22811 pour l'absence de documents obligatoires

- Cass crim 12 septembre 2001 n°01-80064, Cass crim 5 janvier 1995 n°93-82157, Cass crim 2 septembre 2015 n°14-82980, Cass crim 20 avril 2017 n°16-82850 pour des documents destinés à dissimuler la réalité

- Cass com 13 juin 2006 n°05-14081 (dans le cadre d'une action en comblement) sur la notion de comptabilité régulière

- Cass crim 22 juin 2022 n°21-83036 qui définit la notion de comptabilité, et sanctionne l'irrégularité de comptabilisation d'un stock en immobilisation