Liquidation judiciaire
Quelques points de la définition
Liquidation judiciaire prononcée dans le jugement d'ouverture
Liquidation judiciaire prononcée en cours de période d'observation d'une procédure collective
Les critères de prononcé de la liquidation judiciaire
Liquidation judiciaire prononcée en conséquence du rejet d'un plan
Liquidation judiciaire en suite de la résolution d'un plan
Possibilité de poursuite d'activité
Le dessaisissement du débiteur
Les aspects principaux de la liquidation
Les sanctions (et nouvelle activité post clôture)
Une nouvelle activité pendant la liquidation
Clôture de la liquidation judiciaire
Une liquidation ça dure combien de temps ?
Généralités
Procédure collective applicable à une entreprise en état de cessation des paiements et qui ne poursuit pas son activité. La procédure consiste essentiellement à ce que le liquidateur désigné licencie les salariés s'il y en a, réalise (vende) les actifs de l'entreprise et en répartisse le produit aux créanciers.
Procédure organisant l’arrêt de l’activité de l’entreprise et la vente de ses actifs dans le but d’en répartir le produit aux créanciers.
L'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire:
Comme le redressement judiciaire, la liquidation judiciaire concerne une entreprise en état de cessation des paiements c'est-à-dire qui n’est pas en mesure de payer ses dettes à bonne date.
Mais la différence du redressement judiciaire, la liquidation judiciaire concerne une entreprise qui ne poursuivra pas son activité et va devoir immédiatement arrêter son activité, ou l’avait déjà arrêtée.
La liquidation judiciaire peut être prononcée :
- directement
- en cas d’échec de la procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, lorsque la poursuite de l’activité s’avère impossible durant la période d’observation (en cas de "conversion" (c'est le terme employé) du redressement judiciaire en liquidation judiciaire il n'y a pas lieu à nouveau constat de l'état de cessation des paiements, déjà effectué pour l'ouverture du redressement judiciaire Cass com 28 février 2018 n°16-19422
- si dans la cadre du redressement judiciaire il a été procédé à la cession de l’entreprise, de telle manière que l’activité a pris fin.
- en cas d’impossibilité de respecter un plan de sauvegarde ou un plan de redressement précédemment obtenu.
Comme pour la procédure de sauvegarde, le tribunal peut être saisi que par le chef d’entreprise, qui demande l’ouverture de la procédure, et comme pour la procédure de redressement judiciaire le tribunal peut également être saisi par un créancier qui n’a pas été payé et qui a délivré à l’entreprise une assignation en redressement judiciaire.
Dans tous les cas le chef d’entreprise sera entendu par le Tribunal et pourra présenter son entreprise et ses difficultés.
Liquidation judiciaire prononcée dans le jugement d'ouverture de la procédure collective
L'article L640-1 du code de commerce envisage la liquidation judiciaire prononcée à propos d'une entreprise en état de cessation des paiements dont le redressement est manifestement impossible (avec une variante la liquidation judiciaire simplifiée)
Par exemple "Mais attendu qu'ayant constaté que la société ... justifiait d'une créance exigible d'un montant de 368 075,15 euros, de l'absence de dépôt des comptes annuels de la société ... pour les exercices clôturés depuis le 31 décembre 2013, de la suppression de l'établissement principal de cette dernière à compter du 2 décembre 2015, de la vente de son fonds à une société tierce, de sa mise en sommeil à compter du 2 décembre 2015, et du non-respect des accords discutés précédemment entre les parties, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain que la cour d'appel a retenu l'absence d'actif disponible de la société Socobois pour faire face à son passif et le caractère manifestement impossible de son redressement" Cass com 25 septembre 2019 n°18-18657
"Loin de se borner à relever la seule mésentente entre les associés, l'arrêt, par motifs propres et adoptés, relève d'abord que le passif déclaré s'élève à 391 668,92 euros, mais que la société débitrice ne propose un plan que sur la base d'un passif réduit à 55 036,42 euros, et en déduit que, même si le passif déclaré doit être vérifié, on ne peut construire un plan sur le seul passif admis par la société débitrice. Il retient ensuite que l'activité sociale est extrêmement réduite puisqu'elle consiste en la seule location d'un des bâtiments à M. W..., co-gérant, pour un loyer annuel de 12 000 euros qui constitue son seul chiffre d'affaires, et enfin que le rachat par M. W... des parts détenues par Mme R... , qui conditionne, selon M. W... lui-même, la possibilité d'un plan, ne peut être envisagé, Mme R... refusant cette proposition et ne pouvant être contrainte à une cession forcée. Ayant ainsi caractérisé, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, l'impossibilité manifeste du redressement de l'entreprise, la cour d'appel a légalement justifié sa décision". Cass com 7 octobre 2020 n°19-10874
Liquidation judiciaire prononcée en cours de période d'observation:
A demande des parties
L'article L631-15 du code de commerce envisage la possibilité de prononcer la liquidation judiciaire en cours de période d'observation.
Ce même texte règle le mode de saisine du tribunal : par le débiteur, l'administrateur judiciaire, le mandataire judiciaire, un contrôleur, le ministère public ou même d'office, précisé par l'article R631-24 : par voie de requête ou d'assignation suivant les cas (et d'ailleurs la Cour de Cassation considère que si une assignation est délivrée alors que le texte prévoir une requête, le Tribunal est valablement saisi Cass com 17 novembre 2015 n°14-19505
Sur saisine d'office
Voir le mot saisine d'office y compris en cas d'imprécision du rapport de l'administrateur qui ne sollicite pas expressément la liquidation judiciaire
Les critères
L'article L631-15 du code de commerce instaure un critère négatif et dispose "II.-A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible".
Ce même texte évoque un critère positif : "I.-Au plus tard au terme d'un délai de deux mois à compter du jugement d'ouverture, le tribunal ordonne la poursuite de la période d'observation s'il lui apparaît que le débiteur dispose à cette fin de capacités de financement suffisantes"
Autrement dit la liquidation judiciaire est susceptible d'être prononcée soit si la présentation d'un plan est illusoire - ce qui doit être démontré -, soit si les capacités de l'entreprise ne permettent pas la poursuite de la période d'observation.
C'est le cas d'un débiteur qui n'honore pas ses dettes courantes, et n'a, a fortiori, aucune perspective permettant de faire face à son passif Cass com 22 juin 2010 n°09-13711, ou d'un débiteur dont le chiffre d'affaires baisse alors que les charges restent constantes, entraînant l'augmentation du passif "que chaque mois d'exploitation creuse ainsi le déficit sans qu'aucun plan d'apurement du passif ou projet de restructuration ne soit proposé" Cass com 5 avril 2011 n°10-13933
La création d'un passif en cours de période d'observation est généralement un indice (même si cela ne suffit pas à démontrer l'impossibilité de présenter à terme un plan) correspondant au I de l'article L631-15
Ceci étant, la décision doit être motivée et par exemple "Attendu qu'en statuant ainsi, par un motif d'ordre général, sans répondre aux conclusions de Mme X... qui, d'un côté, faisait valoir, par la production d'un bilan prévisionnel revêtu du cachet d'un centre de gestion agréé, que son entreprise était viable et bénéficiaire et, de l'autre, que plusieurs créances figurant au passif ,notamment celle de la société Fuchs-Lubrifiants, faisaient l'objet de contestations, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé" Cass com 24 mars 2009 n°08-12733
En cas de recours, la Cour d'appel statue au vu de la situation au jour où elle statue, ce qui l'amène à prendre en considération une évolution favorable intervenue depuis le jugement déféré ( par exemple diminution des charges, nouveau marché, documents comptables remaniés ...)
Liquidation judiciaire prononcée en conséquence du rejet d'un plan de redressement ou d'une cession d'entreprise
La question est de savoir si dans un même jugement le tribunal peut rejeter un plan et une cession d'entreprise et en conséquence prononcer la liquidation judiciaire.
La Cour de Cassation semble l'admettre, implicitement dans un premier arrêt (Cass com 14 mai 1996 n°94-21847), et plus franchement dans d'autres:
- Cass com 25 mars 1997 n°94-10289 relatif à un "jugement rejetant le plan de continuation et le plan de cession et prononçant la liquidation judiciaire"
- Cass com 6 juillet 1999 n°97-15017 où la Cour de Cassation valide un jugement qui rejette un plan de redressement et prononce la liquidation judiciaire
- Cass com 30 octobre 2000 n°97-18820 où la cour d'appel a écarté le plan de redressement et prononcé la liquidation judiciaire, également Cass com 12 juillet 2011 n°10-19485 Cass com 20 janvier 1998 n°95-13283 Cass com 11 juin 1996 n°93-17259 Cass com 20 avril 2017 n°15-14370 Cass com 20 mars 2019 n)17-27527
- Cass com 20 février 2001 n°98-12388 dans lequel la Cour de Cassation approuve un arrêt d'appel qui a infirmé l'adoption d'un plan de redressement et prononcé la liquidation judiciaire
Les textes qui régissent les voies de recours permettent d'envisager deux interprétations:
En effet l'article L661-6 du code de commerce organise spécifiquement les voies de recours contre le jugement qui arrête ou rejette la cession d'entreprise, ce qui peut laisser penser que le jugement qui rejete la cession d'entreprise n'est pas un jugement de liquidation, auquel cas c'est l'article L661-1 , spécifiquement applicable au recours contre la liquidation judiciaire, qui aurait été applicable.
De même pour le plan de sauvegarde, les articles R-626-21 et R626-22 du code de commerce (applicables au redressement) évoquent le jugement arrêtant ou rejetant le plan.
On peut donc
- soit en tirer que le rejet du plan et la liquidation judiciaire (ou la conversion de la sauvegarde en redressement judiciaire) sont nécessairement des jugements distincts, ce qui ne semble pas être prévu pas les textes,
- soit que pour autant le même jugement peur arrêter les deux solutions qui sont en tout état interdépendantes
Certains auteurs distinguent la voie de recours d'un jugement qui rejette le plan et prononce la liquidation judiciaire suivant que c'est la première ou la seconde "partie du jugement" qui est critiquée (Vinckel jurisclasseur procédure collective fasc 2600), mais admettent l'idée d'un jugement unique. C'est d'ailleurs ce que fait la Cour de Cassation dans l'arrêt Cass com 25 mars 1997 n°94-10289 dans lequel elle distingue la voie de recours contre la partie du jugement qui rejette le plan et celle qui prononce la liquidation.
La possibilité d'un jugement unique qui rejette une solution proposée et prononce la liquidation semble être celle qui est retenue en pratique, et a priori rien ne s'y oppose.
L'alternative d'un premier jugement rejetant le plan ou la cession d'entreprise, et d'un second jugement prononçant la liquidation au visa de l'article L631-15 II est lourde et implique un calendrier défavorable, y compris aux salariés (puisqu'elle suppose de nouvelles convocations et une nouvelle audience).
Ainsi le jugement unique est parfaitement admissible.
L'interrogation est alors procédurale:
- soit la liquidation découle nécessairement du rejet des solutions de plan ou de cession, et le débiteur ne peut ignorer, même si ce n'est pas expressément précisé, qu'il encourt la liquidation judiciaire en cas de rejet des autres solutions,
- soit le débiteur doit être convoqué à l'audience devant statuer sur ces solutions avec une mention spécifique de la possibilité de liquidation si la solution n'est pas retenue
Les textes n'en disent rien, et il aurait été opportun qu'il soit prévu que le tribunal qui rejette le plan ou la cession peut prononcer la liquidation judiciaire.
Certains considèrent prudent que l'administrateur judiciaire qui présente la solution de plan de redressement ou de cession d'entreprise présente une requête subsidiaire en liquidation judiciaire (par exemple Cass com 15 juillet 1992 n°91-14260 où en l'espèce il s'agissait de conclusions) pour qu'il soit satisfait aux nécessités de l'article R631-24 qui fixe la procédure de saisine du tribunal pour la liquidation judiciaire.
On pourrait alors pousser le raisonnement à l'extrême et soutenir qu'il convient alors que le greffe établisse les convocations correspondantes: dans ce cas a priori les demandes principales et subsidiaires devraient pouvoir être examinées à la même audience et le tribunal pourra sans critique rejeter le plan ou la cession et prononcer la liquidation dans un même jugement. Sans cette précaution, la pratique conduit à prononcer également la liquidation, mais la procédure est peut-être moins académique (mais cela ne semble pas avoir été jugé). Il nous semble absolument incontournable que le débiteur soit convoqué expressément pour l'examen d'une demande de liquidation.
Voir la saisine d'office
Liquidation judiciaire en suite de la résolution du plan
La procédure
Le texte de référence est l'article L631-15 II
"II.-A tout moment de la période d'observation, le tribunal, à la demande du débiteur, de l'administrateur, du mandataire judiciaire, d'un contrôleur, du ministère public ou d'office, peut ordonner la cessation partielle de l'activité ou prononce la liquidation judiciaire si le redressement est manifestement impossible.
Il statue après avoir entendu ou dûment appelé le débiteur, l'administrateur, le mandataire judiciaire, les contrôleurs et la ou les personnes désignées par le comité social et économique, et avoir recueilli l'avis du ministère public."
On en tire que dans tous les cas le débiteur doit avoir été entendu ou appelé, ainsi que les mandataires de justice , les contrôleurs, les représentants du comité d'entreprise ou les délégués du personnel que le ministère public est amené à donner un avis (et si cet avis est écrit il est prudent qu'il soit communiqué aux parties Cass com 22 septembre 2015 n°14-15452). L'avis du ministère public est obligatoire Cass com 6 juillet 2019 n°17-27999 et doit être donné précisément à l'audience statuant sur la liquidation et pas à une précédente audience Cass com 19 avril 2023 n°21-22192
Il convient à ce stade de distinguer :
- la saisine d'office, régie par l'article R631-3 : "Lorsque le tribunal exerce son pouvoir d'office et à moins que les parties intéressées n'aient été invitées préalablement à présenter leurs observations, le tribunal fait convoquer le débiteur à la diligence du greffier, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à comparaître dans le délai qu'il fixe. A la convocation est jointe une note dans laquelle sont exposés les faits de nature à motiver l'exercice par le tribunal de son pouvoir d'office."
Etant précisé que sauf pour le tribunal à être saisi par voie de requête (ou assignation) , le tribunal est réputé se saisir d'office, auquel cas le débiteur doit être convoqué.
Sur le contenu de la convocation voir le mot) Sur les modalités exactes de convocation, voir saisine d'office : notamment il y est indiqué que le débiteur doit être expressément convoqué, y compris si la date de l'audience était prévue dans le jugement de redressement judiciaire
- la saisine du Tribunal par voie de requête, régie par l'article R631-24 "Aux fins de prononcé de la liquidation judiciaire, le tribunal est saisi par voie de requête ou, le cas échéant, dans les formes et selon la procédure prévues aux articles R. 631-3 ou R. 631-4."
A ce stade il convient d'opérer une nouvelle distinction :
* La requête du Parquet donne lieu à convocation du débiteur par courrier recommandé auquel est joint la copie de la requête du Parquet (article R631-4 auquel renvoie l'article R631-24).
* La requête d'un mandataire de justice peut s'exonérer de la convocation du débiteur si ce dernier est destinataire de la requête par son auteur, informé de la date de l'audience ( ce qui pose problème en cas de renvoi) et y est présent Cass com 18 janvier 2023 n°21-16806
Ceci étant ce n'est qu'à l'audience que la présence du débiteur sera avérée et il est bien plus pertinent de prévoir sa convocation dans tous les cas pour éviter des difficultés qui pourraient découler de l'absence de connaissance de la requête et/ou de la date de l'audience et/ou du fait que l'audience statuera sur la demande de liquidation.
Par exemple dans un cas de requête de l'administrateur judiciaire Cass com 26 juin 2019 n°17-27498 "que, par requête du 13 septembre 2016, l'administrateur judiciaire a demandé la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ; qu'à la suite de l'audience du 15 septembre 2016, le tribunal a procédé à cette conversion ;
Attendu que pour prononcer la liquidation judiciaire de la société, l'arrêt retient que la saisine du tribunal était régulière, la société ayant été convoquée à l'audience du 15 septembre 2016 par le renvoi opéré par le dispositif du jugement du 2 juin 2016 et informée de son objet par la mention de l'article L. 631-15 du code de commerce qui s'y trouvait, de sorte qu'en dépit de l'annulation du jugement faute d'avis du juge-commissaire, la cour d'appel doit statuer au fond ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la mention, dans le jugement de renvoi du 2 juin 2016, du rappel de l'affaire à une audience ultérieure et l'indication, dans ce jugement, que le tribunal pourrait, au cours de cette nouvelle audience, statuer sur la conversion du redressement judiciaire en liquidation judiciaire ne constituaient pas une convocation régulière de la société débitrice, laquelle avait conclu, à titre principal, à l'annulation du jugement de conversion pour ce motif, la cour d'appel a violé les textes susvisés "
On peut à ce sujet préciser qu'à notre avis si l'administrateur a présenté une requête qui n'est pas mise au rôle de l'audience, en complément de l'examen éventuel d'un plan ou d'une cession, le tribunal ne pourra, avec ou sans convocation, statuer sur cette requête. S'il prononce la liquidation dans de telles conditions, ce ne sera pas sur requête mais d'office (ce qui suppose d'autres formalités).
La convocation doit être expresse et viser la demande de liquidation. A défaut le texte serait certainement contraire à la constitution (similitude avec Conseil constitutionnel décision 2014-399 du 6 juin 2014 )
Lorsque la demande émane d'une partie, et même si le texte évoque une requête, l'assignation serait possible Cass com 17 novembre 2015 n°14-19505
Reste donc que, d'une manière générale, le débiteur doit être convoqué sur la requête en liquidation présentée par le mandataire judiciaire ou l'administrateur, et qu'à défaut de convocation régulière, le jugement sera annulé sans que l'effet dévolutif joue, ce qui prive la Cour d'appel de la possibilité de prononcer elle même la liquidation Cass com 8 février 2023 n°21-18575
"5. Pour prononcer la liquidation judiciaire de la société, l'arrêt, après avoir relevé que si celle-ci n'avait reçu pour l'audience du 11 septembre 2020 qu'une convocation relative « à l'examen de la situation de l'entreprise » visant l'article R. 622-9 du code de commerce, elle ne contestait pas, pour autant, avoir reçu, en vue de cette même audience la requête de l'administrateur judiciaire aux fins de conversion du redressement en liquidation judiciaire, retient que, l'audience ayant été reportée, d'abord au 5 octobre 2020, puis au 16 octobre 2020, date à laquelle l'administrateur judiciaire a déposé une note complémentaire, et enfin au 6 novembre 2020, date à laquelle la requête de l'administrateur a été examinée, la société, qui ne prétend pas n'avoir pas été avisée de ces reports d'audience, étant même représentée par un conseil, a eu connaissance de la requête de l'administrateur judiciaire et de sa note complémentaire, ne pouvant donc ignorer que le tribunal était appelé à statuer sur cette requête.
6. En statuant ainsi, alors que la société L'Essentiel n'avait pas été régulièrement convoquée pour qu'il soit statué sur la requête de l'administrateur judiciaire et qu'il ne résulte pas de la procédure que la débitrice ou son conseil aurait été présent ou présenté des observations sur la requête en conversion à l'audience du tribunal, l'annulation du jugement était encourue et, la société L'Essentiel concluant exclusivement à l'annulation du jugement, la cour d'appel, qui ne pouvait statuer par l'effet dévolutif, a violé les textes susvisés."
Ajoutons que si le débiteur, régulièrement convoqué, de présente à une première audience qui fait l'objet d'un renvoi contradictoire à une seconde audience à laquelle il ne se présente pas, le jugement ne sera pas contradictoire mais réputé contradictoire au motif qu'il est appelable. De sorte qu'il devra être signifié dans les 6 mois de sa date Cass com 14 septembre 2023 n°21-23793
Les intervenants:
Le jugement de liquidation judiciaire désigne obligatoirement un juge commissaire (comme pour les autres procédures), et un liquidateur (dont le nom est indiqué dans le jugement).
Le jugement désigne également un expert, un huissier ou un commissaire priseur chargé de faire un inventaire des biens de l’entreprise et de les évaluer (on appelle cela une prisée). Il prendra rapidement contact avec le chef d’entreprise pour convenir des modalités de son intervention et le cas échéant préparer une future vente aux enchères s’il advient qu’elle doit être envisagée.
Le liquidateur :
Le liquidateur est un mandataire de justice professionnel, et ce sera l’interlocuteur principal du chef d’entreprise et des autres acteurs de l’entreprise (salariés ..).
Si la liquidation judiciaire fait suite à un redressement judiciaire ou à une sauvegarde, c’est le mandataire judiciaire qui devient le liquidateur. Dans ce cas et s’il en avait été désigné un, la mission de l’administrateur judiciaire prend fin.
En principe le liquidateur prendra contact avec le chef d'entreprise, qui peut évidemment le contacter sans attendre. Dans tous les cas il est urgent que le liquidateur dispose d’un maximum d’information.
Pour plus de précisions voir dans le lexique les mots "mandataires de justice" et "liquidateur". Le mot mandataire de justice explique notamment comment sont désignés les professionnels.
Finalité de la liquidation judiciaire:
La liquidation, consiste à mettre un terme dans les meilleures conditions possibles à l’activité de l’entreprise.
D’une manière générale, c’est le liquidateur qui prend seul les initiatives concernant l’entreprise. En raison de ce qu’on appelle le dessaisissement, le chef d’entreprise perd la majorité de ses droits, qui sont reportés sur le liquidateur : il s’agit de protéger les actifs qui sont le gage des créanciers.
La possibilité poursuite d'activité en liquidation judiciaire
Voir le mot poursuite d'activité
Mesures d’urgence dès le jugement de liquidation
Si vous venez de faire l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire:
- Vous devez arrêter immédiatement votre activité (sauf activité autorisée dans le jugement de liquidation judiciaire)
- Si vous détenez des chèques ou espèces conservez-les pour les remettre au liquidateur : ne plus faire de remise en banque.
- Ne restituez pas du stock ou du matériel impayé à vos fournisseurs, même contre un avoir : la loi l’interdit.
- Ne prenez pas d’initiative de résiliation du bail ou de vente de matériel : attendez le rendez-vous avec le liquidateur, pour lui remettre d’éventuelles propositions d’acquisition des actifs.
Le débiteur est dessaisi de l'essentiel de ses prérogatives
Voir le mot dessaisissement
Voir également les mots "sanctions" et "subsides" dans le lexique
Les aspects principaux de la mission du liquidateur se déroulent en quelques axes
• 1er aspect Social :
Le liquidateur va effectuer toutes les formalités vis-à-vis des salariés pour :
o Le licenciement pour motif économique des salariés, qui en principe doivent être licenciés dans les 15 jours du jugement de liquidation.
Il s’agit mettre un terme aux contrats de travail, dans les formes du code du travail, c'est-à-dire licenciements pour les contrats de travail à durée indéterminée, et rupture anticipée pour les contrats de travail à durée déterminée.
Concrètement les salariés seront rapidement convoqués à un entretien de licenciement, et leur licenciement pour motif économique interviendra dans les 15 jours du jugement de liquidation.
En fonction de la règlementation et de la situation des salariés, les mêmes dispositions qu’en droit commun leur seront proposées.
o remettre aux salariés tous les documents nécessaires à leur prise en charge chômage (certificat de travail, attestation employeur)
o calculer les droits de salariés (salaires, congés payés, préavis, indemnités de licenciement, solde de tout compte). Les sommes calculées sont portées sur un état des créances salariales soumis au juge commissaire.
o Demander au FNGS (Fonds National de garantie des salaires) dénommé également AGS, qui est un fonds alimenté par la cotisation patronale, les sommes nécessaires au règlement des salariés. Le FNGS adresse au liquidateur la totalité des sommes dues aux salariés
o payer aux salariés dans les délais les plus courts possibles l’ensemble des sommes qui leurs sont dues et les cotisations sociales correspondantes. Sauf dépassement de plafonds, c'est-à-dire salaires élevés, les salariés seront intégralement et rapidement payés de tout ce qui leur est du (salaires, congés payés, préavis, indemnité de licenciement, primes diverses ..)
• 2ème aspect de la liquidation judiciaire : la vérification des créances
Si la liquidation judiciaire fait suite à une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire, le mandataire judiciaire n’a peut-être pas achevé la vérification des créances. Elle sera alors terminée par le liquidateur (qui est d’ailleurs la même personne que le mandataire judiciaire auquel il succède).
Si la liquidation judiciaire est prononcée directement, le liquidateur procèdera à la vérification des créances, exactement dans les mêmes conditions qu’en sauvegarde ou en redressement judiciaire.
• 3ème aspect la Poursuite ou engagement des actions menées dans l’intérêt des créanciers :
Le liquidateur pourra notamment procéder au recouvrement des sommes dues à l’entreprise, et à la poursuite des procès en cours qui permettraient de faire condamner des débiteurs de l’entreprise.
• 4ème aspect : réalisations d’actif :
Le rôle majeur du liquidateur est de valoriser l’actif dans les meilleures conditions possibles pour pouvoir payer les créanciers, qu'il s'agisse des immeubles, des meubles meublants, du stock ...
Le principe des cessions, les offres.
Voir le mot cession des biens du débiteur et cession d'entreprise pour plus de précisions.
Le principe est que tous les actifs de l’entreprise sont vendus et qu’ils le sont par le liquidateur.
D’une manière générale, les cessions (« ventes ») réalisées par le liquidateur seront autorisées par une ordonnance du juge commissaire, auquel le liquidateur aura présenté les solutions possibles.
Dans tous les cas la loi organise la publicité de la vente des actifs pour susciter des offres. C’est l’un des buts du présent site, ainsi d’ailleurs que celui du Conseil National des Administrateurs et mandataires judiciaires (voir liens utiles).
Si le bail n’est pas résilié, et que le fonds de commerce est cessible, le liquidateur peut également confirmer les mandats donnés par le chef d’entreprise avant le jugement, et s’il le souhaite mandater d’autres agences.
Il peut aussi contacter les personnes intéressées dont les coordonnées lui sont données par le chef d’entreprise, se rapprocher des organismes professionnels de l’entreprise pour effectuer des publicités …
Les deux processus de vente:
Deux modes de réalisation sont prévus par la loi : la vente « de gré à gré » c'est-à-dire à un candidat et la vente aux enchères publiques dans les autres cas, c'est à dire dans les formes de la saisie immobilière - voir ce mot dans le lexique- pour les actifs immobiliers et par un commissaire priseur pour les actifs mobiliers (recoupe le matériel et les stocks)
En cas de vente de gré à gré un ou plusieurs candidats se font connaître au liquidateur et lui remettent leur offre d’acquisition pour qu’il la soumette au juge commissaire.
Les interdictions d'acquérir:
Sauf cas particuliers aucun parent, allié jusqu’au deuxième degré du débiteur ou des dirigeants ne peut se porter acquéreur, ni acquérir les biens dans les 5 ans qui suivent la cession à un tiers qui les leur revendrait. Il s’agit d’éviter des situations choquantes où les créanciers ne seraient pas payés, mais les actifs se trouveraient toujours dans la famille du débiteur.
L'offre:
Une offre d’acquisition, c’est simple, il n’y a pas de forme particulière, quelques informations suffisent : il faut une offre ferme, c’est-à-dire sans la moindre condition, et notamment sans condition suspensive de financement. L’offre doit simplement comprendre :
- les noms et adresse du candidat « acheteur », et éventuellement son extrait K BIS
- la liste précise des biens dont l’acquisition est souhaitée,
- le prix net vendeur proposé, éventuellement la ventilation du prix actif par actif, et impérativement la ventilation du prix entre les éléments corporels et les éléments incorporels (s’il y en a),
- les modalités de paiement du prix, car évidemment il ne faut pas de condition d’obtention d’un prêt. En principe seul le règlement au comptant est accepté.
- l’affirmation de ne pas être parent ou allié du débiteur ou des dirigeants (un formulaire de déclaration d’indépendance peut être téléchargé sur ce site)
La décision de cession:
Le liquidateur pourra alors saisir rapidement le juge commissaire pour qu’il prenne position sur l’offre.
Dès que l’ordonnance du juge commissaire sera définitive, la vente pourra se faire, le cas échéant avec, s’il est nécessaire, signature d’un acte de cession préparé par le conseil du choix de l’acheteur. D’une manière générale les formalités de droit commun doivent alors être respectées (publicités légales...).
En cas de vente aux enchères, c’est-à-dire le plus souvent dans les cas où il n’y a pas d’offre ou dans les cas où les offres sont insuffisantes, les commissaires-priseurs vont organiser une vente aux enchères publiques.
Suivant les circonstances, la vente se fera à la salle des ventes après enlèvement du matériel par leur personnel, ou dans les locaux de l’entreprise.
La "force" de l'ordonnance du juge commissaire: pas d'excès de pouvoir si la vente aurait pû être évitée
Dans certaines circonstances les débiteurs contestent a postériori le fait que le juge commissaire ait autorisé le liquidateur à vendre un actif, alors que, selon le débiteur, les fonds de la liquidation judiciaire suffisaient à payer les créanciers. Selon eux, la vente aurait dû être évitée.
Ces cas sont rares, mais s'ils se rencontrent, c'est pas l'exercice des voies de recours contre l'ordonnance du juge commissaire qu'ils doivent être solutionnés: si le débiteur laisse l'ordonnance du juge commissaire devenir définitive, il ne pourra plus la contester, et le liquidateur n'aura d'autre choix que de l'exécuter: il ne sera pas possible d'invoquer l'excès de pouvoir du juge commissaire pour fonder un pourvoi en cassation (Cass com 3 novembre 2009 07-14993, Cass com 15 décembre 2015 n°14-17833) ni d'invoquer le fait que le liquidateur détient des fonds suffisants (Cass com 4 octobre 2005 n°04-15062)
• 5ème aspect : les répartitions
L’aboutissement de la procédure consiste à affecter les fonds détenus par le liquidateur aux créanciers de l’entreprise tels qu’ils sont mentionnés sur l’état des créances. Ces opérations sont dénommées répartition.
Sans entrer dans le détail de ces opérations, qui sont complexes, les sommes détenues par le liquidateur sont en premier lieu affectées au remboursement de l’AGS qui a prêtés les sommes nécessaires au règlement des salariés, et aux frais de justice (honoraires des mandataires de justice, greffe).
Les créanciers dits privilégiés sont ensuite payés en fonction d’un rang prévu par la loi, ce qui concerne en principe les créanciers postérieurs au jugement, les créances fiscales, celles des organismes sociaux, le bailleur et les banques éventuellement titulaires de nantissement.
Si les créanciers privilégiés ont pu être intégralement payés, les autres créanciers, dits « chirographaires » sont tous payés du même pourcentage de leur créance.
• 6ème aspect : la clôture de la procédure.
Quand les opérations sont terminées, le Tribunal clôture la procédure. C’est un jugement, rendu sur requête (demande) du liquidateur quand il estime que sa mission est terminée.
Dans les cas les plus simples, la clôture intervient quelques mois après l’ouverture de la procédure.
La mission du liquidateur s’achève.
Deux types de clôture de la liquidation judiciaire sont prévus par la loi:
• la clôture pour extinction du passif si tous les créanciers ont été payés. Dans ce cas évidemment les sommes qui pourraient rester au liquidateur sont restituées à l’entreprise.
• la clôture pour insuffisance d’actif dans l’hypothèse où les créanciers n’ont pas été intégralement payés.
Dans ce cas, par principe les créanciers qui ont généralement déjà procédé à la récupération de la TVA et bénéficié des dispositions fiscales sur les créances irrécouvrables, ne retrouvent pas de droit de poursuite de leur débiteur.
Concrètement après la clôture de la liquidation judiciaire, le créancier qui n’a pas été payé ne peut plus poursuivre son débiteur.
Il existe bien entendu des exceptions, notamment si le débiteur a été sanctionné en raison d’anomalies de gestion.
De même sauf exception s’il s’agissait d’une entreprise individuelle, le débiteur peut exercer une nouvelle activité indépendante, être dirigeant d’une entreprise... sans restrictions.
Les sanctions
Voir "les sanctions" et l'éventuelle reprise d'une activité post clôture
Une nouvelle activité pendant la liquidation
Voir dessaisissement
La durée de la liquidation judiciaire
Voir liquidation judiciaire: durée
Voir également voies de recours et effet dévolutif