A la différence :
la bonne foi est indifférente à l’ouverture de la procédure collective (sauf en Alsace Lorraine Cass civ 2ème 21 novembre 2024 n°22-18118)
Preuve en est, précisément, que la procédure de rétablissement professionnel est convertie en liquidation judiciaire si la mauvaise foi du débiteur est révélée.
L’absence de cette condition, au rang des circonstances d’ouverture de la procédure collective, peut être perçue comme parfaitement regrettable tenant les conséquences de la procédure collective pour les créanciers et la quasi organisation frauduleuse d’insolvabilité que le jugement peut constituer.
A minima la procédure de sauvegarde pourrait-elle être réservée au débiteur de bonne foi.
On peut imaginer que le débiteur peut chercher à bénéficier de la procédure de sauvegarde pour éviter l’éviction des dirigeants, ou pour se trouver à l’abri des poursuites des créanciers de manière injustifiée.
La Cour de Cassation a eu l’occasion de se prononcer sur ces risques d’instrumentalisation de la procédure de sauvegarde:
“si la société débitrice justifie de difficultés qu’elle n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à la conduire à la cessation des paiements, l’ouverture d’une procédure de sauvegarde ne peut lui être refusée au motif que ses associés ne seraient pas fondés à éviter, par ce moyen, d’en perdre le contrôle”
“hors le cas de fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu’il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il justifie, par ailleurs, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter”
Autrement dit, il convient que les conditions visées au texte soient réunies, et sauf cas de fraude il n’est pas possible de refuser l’ouverture de la procédure, au motif que le débiteur en tirerait le bénéfice prévu par la loi Cass com 8 mars 2011 n°10-13989
Doit-on en tirer que si les conditions d’ouverture sont réunies mais qu’il y a également fraude, l’ouverture doit être refusée ?
L’arrêt est équivoque sur la question, puisqu’il indique en réalité :
“Vu l’article L. 620-1, alinéa 1er, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 18 décembre 2008 ;
Attendu que, hors le cas de fraude, l’ouverture de la procédure de sauvegarde ne peut être refusée au débiteur, au motif qu’il chercherait ainsi à échapper à ses obligations contractuelles, dès lors qu’il justifie, par ailleurs, de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter et qui sont de nature à le conduire à la cessation des paiements ;
Attendu que, pour rétracter les jugements ayant ouvert les procédures de sauvegarde des sociétés HOLD et Dame Luxembourg, l’arrêt
retient encore que la première a cherché à porter atteinte à la force obligatoire de la clause des contrats de prêt lui imposant une obligation de couverture répondant à certains critères de notation et la seconde à échapper à l’exécution du pacte commissoire ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, a violé le texte susvisé “;
De sorte que si on ignore si la condition ajoutée est celle de la fraude ou la recherche à porter atteinte à la force obligatoire, et même s’il est probable que ce soit plutôt la seconde proposition, il est quand même affirmé que l’ouverture de la sauvegarde doit être refusée en cas de fraude … ce qui ajoute manifestement au texte.
Concernant les procédures de redressement judiciaire et de liquidation judiciaire, l’état de cessation des paiements avéré doit nécessairement en déclencher l’ouverture, tenant le fait que cette dernière a certes vocation à apporter des solutions au sort du débiteur, mais surtout le fait qu’elle est organisée dans la perspective d’un traitement égalitaire et équitable des créanciers.
Si les conditions sont réunies l’éventuelle fraude ne peut exclure l’ouverture de la procédure Cass com 15 novembre 2017 n°16-19690
Reste que la fraude n’est pas oubliée, et reste présente non pas à l’ouverture de la procédure mais dans son déroulement.
Sans évoquer les sanctions, on peut à ce stade relever que :
Ce qui ne fait que confirmer que le jugement de liquidation judiciaire, pour sa part, est maintenu malgré la fraude avérée, laquelle n’est donc pas de nature à entraîner rétractation de ce jugement d’ouverture.
Certes il faudrait s’entendre sur la notion de fraude, mais le fait est donc que les conditions d’ouverture de la procédure collective sont fixées par la loi, et que si elles sont réunies, l’intérêt des créanciers commande que la procédure suive son cours, puisque précisément cette procédure est censée être conçue dans leur meilleur intérêt.
Voir par exemple Cass com 3 juillet 2012 n°11-18026
“Vu les articles L. 631-1, alinéa 1er, L. 640-1 et L. 640-4 du code de commerce ;
Attendu que, lorsque l’état de cessation des paiements est avéré, le juge saisi d’une demande d’ouverture d’une procédure collective ne peut la rejeter en raison des mobiles du débiteur, qui est légalement tenu de déclarer cet état ;
Attendu que, pour rejeter la demande de liquidation judiciaire formée par la société Sodimédical, l’arrêt retient encore que cette demande a eu pour seul but, après l’échec de plusieurs plans de sauvegarde de l’emploi, de permettre des licenciements dont la cause économique ne pourrait plus être contestée et de faire prendre en charge leur coût par la collectivité ;
Attendu qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés ;“
On aurait pu, pour contrer ce constat, évoquer :
Ajoutons qu’en tout état la bonne foi est toujours présumée (article 2274 du code civil) et qu’elle ne peut être relevée d’office Cass civ 2ème 2 juillet 2009 n°08-17355 de sorte que dans un cas de déclaration de cessation des paiements la juridiction saisie ne pourrait la soulever si c’était une condition d’ouverture de la procédure (ce qui n’est pas le cas).